Parmi la série d’événements culturels qui émaillent les scènes strasbourgeoises en janvier, certaines abordent des sujets politiques majeurs comme les violences sexistes et les luttes sociales. D’autres proposent une immersion dans le regard singulier d’un ou d’une artiste. Sélection entre danse, théâtre et littérature.
Le Iench au TNS
Texte lauréat du prix Bernard-Marie Koltès de 2022, Le Iench d’Éva Doumbia est la première pièce programmée par la nouvelle directrice du Théâtre national de Strasbourg (TNS), Caroline Guiela Nguyen. À l’origine de cette œuvre se trouve la volonté de montrer au théâtre une famille afro-européenne, ses préoccupations et son quotidien, un peu différents de ceux des familles bourgeoises habituellement portées sur les planches.
Le spectateur est invité à faire la rencontre de Drissa Diarra, un jeune garçon aux origines maliennes vivant avec sa sœur jumelle et ses parents dans une cité pavillonnaire de province. Inspiré par les publicités télévisées, il rêve de son futur avec une voiture, un jardin et un chien. Mais Drissa grandit et se confronte jour après jour à la société, au regard qu’elle porte sur la couleur de sa peau, aux codes parentaux et aux assignations sociales.
« Je voulais une histoire sensible, intime, un peu drôle aussi, à laquelle on puisse toutes et tous s’identifier. Puis Adama Traoré a été tué [en 2016, après avoir été interpellé par la police, NDLR], j’ai pensé à mes proches. Je me souviens de nuits pleines d’angoisses. Ce décès a imprégné le texte en train de s’écrire. Mes personnages refusent de subir, ils veulent pouvoir choisir. Drissa veut sortir de tous les clichés, il ne veut être ni un délinquant noir, ni une exception – le fort en foot, le chanteur de soul, le scientifique doué qui a pris l’ascenseur social… »
Éva Doumbia – Dramaturge
Les Femmes de Barbe Bleue au Cube Noir
Du samedi 13 au dimanche 21 janvier, le Cube Noir accueille une pièce intrigante : Les Femmes de Barbe-Bleue de Juste avant la compagnie, reprise par les Comédiens du Rhin. S’il s’inspire du conte originel, ce spectacle fait un pas de côté pour s’intéresser aux victimes du monstre. Leur point commun : elles sont toutes des femmes. À travers cinq comédiennes, cette pièce interroge les drames sexistes, du harcèlement au féminicide.
Entre sérieux et humour, avec une pincée de merveilleux, les nouvelles héroïnes de cette histoire explorent le syndrome de Stockholm, le déni, les injonctions intériorisées et les jeux de séduction pour se réinventer.
Festival L’année commence avec elles à Pôle Sud
Troisième édition du festival L’année commence avec elles de Pôle Sud avec treize chorégraphes et artistes invitées à présenter leur regard sur le monde, du 11 au 26 janvier, autour de dix spectacles. À l’instar de l’année 2022, la programmation est prometteuse et variée, entre danse, installations poétiques, conférences et performances.
Pour cette édition, les équipes de Pôle Sud proposent aux spectateurs de découvrir « différentes manières d’appréhender le regard sur les femmes, sur les hommes vus par les femmes et comment chacune s’empare du sujet du féminin ».
À ne pas manquer, Maldone de Leïla Ka le 26 janvier. Elle met en scène cinq femmes qui, le temps d’une soirée pyjama, partagent un moment d’intimité et de révolte au rythme de musique classique aussi bien que d’électro et de variété.
Le festival est aussi l’occasion d’un partenariat avec l’Espace Django qui a concocté un concert au féminin. Deux chanteuses folk se retrouveront sur scène : la canadienne Safia Nolin et la française Claire Days. Le concert sera interprété en langue des signes.
Les nuits de la lecture
Organisées pour la troisième année consécutive par le Centre national du livre, les Nuits de la lecture se déroulent dans toute la France du 18 au 21 janvier. À une centaine de jours de la labellisation Unesco de Strasbourg Capitale du Livre, la ville accueille plus d’une trentaine d’événements autour du thème du corps, choisi à l’occasion des Jeux olympiques.
En plus des lectures dans les collèges et les lycées, plusieurs événements seront ouverts au grand public. Le 18 janvier, les deux lauréats régionaux du concours de nouvelles des Crous réaliseront des lectures immersives sur la thématique de la métamorphose, à 18h30 et 20h au Studium, sur le campus universitaire de l’Esplanade.
À la BNU, l’illustratrice lituanienne Ula Rugevičiūtė Rugytė présentera sa première BD, traitant du traumatisme collectif, de sa transmission entre générations et de l’occupation soviétique en Lituanie.
Le 20 janvier, des lectures d’histoires autour des cinq sens seront réalisées à la médiathèque de Cronenbourg.
Des châteaux qui brûlent au Conservatoire
Les élèves du conservatoire joueront les 25 et 26 janvier la pièce Les Châteaux qui brûlent. Écrite par Anne-Laure Liégeois d’après le roman d’Arno Bertina, cette œuvre plonge le public au cœur d’une lutte ouvrière. Un abattoir de poulet en grève, un secrétaire d’État à l’Industrie séquestré par des travailleurs, des journalistes et des policiers mobilisés à l’extérieur.
Voilà de quoi faire un joyeux et politique huis-clos. Et de quoi interroger l’organisation d’une lutte, l’individu derrière la force de travail ou encore les conditions du dialogue social. Cette histoire est portée par dix jeunes comédiens et mise en scène par Olivier Achard.
Un concert féministe de l’ensemble vocal Plurielles
« Nos voix vont interpréter la grande Histoire des femmes – celle des mères, des ouvrières, des militantes, des activistes, des opprimées, des inconnues… Elles diront les luttes, les inégalités, le sexisme, les violences, la sororité… », annonce l’ensemble vocal féminin Plurielles. Le 28 janvier à l’église Saint-Matthieu de Strasbourg, puis le 10 mars à l’église protestante Saint-Laurent de Dorlisheim, le chœur, constitué de 18 chanteuses, interprétera un spectacle intitulé À voix haute(s).
Ce concert sera rythmé par des reprises de chansons éclectiques représentatives des différentes luttes menées pour les droits des femmes – de l’hymne du MLF Debout les femmes à Balance ton quoi d’Angèle, en passant par I will survive de Gloria Gaynor. Des textes féministes et des témoignages seront également lus.
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