En 2003, quand Marie-Claire Pierret devient responsable scientifique de l’Observatoire hydro-géologique du Strengbach (OHGE), le problème des pluies acides est en passe d’être réglé. Les dépôts annuels de souffre relevés sur le versant du Strengbach sont passés de plus de deux tonnes à moins de 200 kilogrammes en 30 ans. Pourtant à Aubure, la forêt ne se porte pas beaucoup mieux selon ses observations :
« Les sols étaient encore acides, lessivés par les pluies qui avaient emporté magnésium et calcium, déjà rares sur ces terrains majoritairement granitiques. Puis on s’est rendu compte que le peuplement d’épicéas acidifie les sols et exige beaucoup d’eau. Ensuite, les cervidés broutent tous les jeunes plants, sauf dans les enclos expérimentaux. Et les parasites, comme les scolytes, apprécient les forêts affaiblies et manquant de diversité… »
« La température a déjà augmenté de 0,7 à 1 degré »
Et puis il y a un facteur qui s’est fait de plus en plus présent : l’évolution du climat. Marie-Claire Pierret a entrepris d’analyser les données engrangées durant 33 ans – un corpus qui n’a que peu d’égal dans le monde (voir encadré). Une publication doit être bouclée prochainement mais déjà, des tendances se dégagent :
« Depuis le début des relevés, la température dans les Vosges a augmenté de 0,7 à 1 degré. Ce sont surtout le printemps et l’automne qui se réchauffent. L’été et l’hiver n’ont que peu varié, ce qui va à l’encontre des souvenirs selon lesquels les hivers étaient plus rigoureux « dans le temps ». En fait, ils sont toujours aussi froids, mais avec des périodes intenses plus courtes. Et avec moins de neige. »
Plus d’eau , mais moins disponible
Toujours selon les mesures de l’OHGS, les précipitations n’ont pas baissé :
« Au contraire, la quantité d’eau déversée sur le massif a même tendance à augmenter. Mais la répartition annuelle des pluies est modifiée avec des hivers plus secs, des printemps plus humides et des périodes de sécheresse plus longues. Il tombe moins de neige, dont la fonte recharge les réserves, et davantage de pluies fortes, qui s’évacuent vite dans les ruisseaux. »
Ces modifications sont inquiétantes pour la flore comme pour la faune. Et lourdes de menaces pour les villages de montagne. S’ils ne s’adaptent pas, ils pourraient avoir à faire face dans l’avenir à des pénuries d’eau récurrentes.
« Ils ne peuvent pas aller puiser dans des nappes profondes, trop loin dans le sous-sol, leur approvisionnement en eau repose donc uniquement sur les sources qui relâchent les eaux de pluie tombées sur les massifs. Cette ressource ne devrait pas manquer, mais pour mieux l’exploiter, il est fondamental d’en connaitre davantage sur le fonctionnement hydrologique des zones de montagne, et d’établir des modèles afin d’envisager les différents scénarios possibles. »
Marie-Claire Pierret
Il y a urgence à mieux gérer la ressource pluviale
Marie-Claire Pierret n’a pas encore terminé l’étude des données. Interrogée sur les solutions à mettre en oeuvre, elle rappelle que ce sera aux décideurs de se prononcer. Cependant, elle imagine quelques pistes qui pourraient être explorées :
« Du côté de la forêt, il faudra sans doute privilégier des essences forestières moins gourmandes en eau que l’épicéa, et tant qu’à faire, moins acidifiantes. À plus court terme, on peut imaginer qu’en captant plus de sources qu’aujourd’hui, on tirerait mieux parti de ces précipitations qui tombent en abondance mais de manière brutale. Pour passer les périodes sèches, des capacités de stockage plus importantes pourraient être indispensables. Et puis, bien sûr, il faudra revoir les réseaux pour limiter le gaspillage. »
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