À l’heure où plusieurs mouvements sociaux appellent à « la convergence des luttes », timide à ce jour, il y avait une convergence des listes à trois jours des élections municipales à Schiltigheim. Pour la voir, il fallait se trouver du côté de la maison alsacienne du Dinghof, rue d’Adelshoffen jeudi 5 avril.
Quatre listes sur six
Quatre équipes sur six avaient un ou une représentante sur place : Andrée Munchenbach (colistière de Christian Ball, divers droite), Danielle Dambach (tête de liste « Vivre Schilick », écologistes), Nathalie Jampoc-Bertrand (tête de liste « Un nouveau cap pour Schilick », divers gauche) et Jean-Claude Val (directeur de campagne de Marc Baader pour « Schilick l’insoumise »).
Seule Lutte ouvrière, dont les représentants portent surtout des revendications nationales, et la liste du maire sortant, Jean-Marie Kutner, manquaient à l’appel.
Veille et blocage
Sur la forme, les opposants, principalement des riverains retraités, sont organisés comme les opposants au Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg. Des veilles sont organisées et les « sentinelles » appellent des renforts, tout en s’interposant physiquement et pacifiquement aux travaux dans cette impasse, rue d’Adelshoffen. Ce matin-là, un véhicule de la société Fregonese devait poser des échafaudages.
Sur le fond, les opposants parlent d’une rénovation « hâtive » et aimeraient que la maison vieille de plusieurs siècles soit rénovée « sur place » et non « translatée » quelques mètres plus loin sur le terrain. Ils s’opposent aussi au projet de 16 logements (initialement 19, revu à la baisse), à côté du jardin de 25 ares. Ils avancent aussi « l’intérêt archéologique » du site. Au-delà du sort de ce terrain, le dossier est devenu un symbole de l’urbanisme où l’on utilise les plus d’espaces non-utilisés pour construire.
Toujours maire à trois jours des élections municipales anticipées et candidat à sa réélection, Jean-Marie Kutner (ex-UDI) minimise l’importance de ces travaux :
« Il ne s’agissait que de mettre des échafaudages pour étayer la maison. L’association de sauvegarde des maisons alsaciennes (Asma), la direction des affaires régionales (Drac) ou encore le député Bruno Studer (LREM) ont été consultés et tout le monde s’accorde pour dire qu’il faut déconstruire la maison et la remonter. En 10 jours, il n’y aura pas le temps de la déconstruire entièrement. Le prochain maire pourra décider de l’emplacement, soit à côté, ce que je ferai si je suis élu, soit sur place. »
« Pas surpris » par l’opposition sur place, il n’hésite pas à hausser le ton vis-à-vis de ses détracteurs :
« Cette entreprise reviendra tous les jours. J’attaquerai en responsabilité ces personnes qui interdisent l’accès à un terrain privé s’ils devaient empêcher de la sauver. »
Surveillance policière massive
La police nationale, venus avec trois fourgonnettes (!), des policiers municipaux et même les renseignements territoriaux, ont supervisé la scène, sans procéder à des verbalisations, mais en relevant des identités.
Les quatre listes sont plus ou moins d’accord et veulent que le maire revienne à sa promesse de campagne, à savoir un grand verger communal. Un début de convergence future ? Ce n’est pas le jour pour en parler. Politiquement, ils aimeraient que le maire se contente de gérer les affaires courantes pendant la campagne alors que Jean-Marie Kutner continue à prendre des décisions.
Andrée Munchenbach, présidente d’Unser Land et adjointe une année seulement dans la majorité de 2014, démarre :
« J’avais soufflé cette idée à Jean-Marie Kutner. La revente de l’immeuble voisin préempté avec le terrain par la mairie devait rapporter autant que son achat avec le terrain, 1,3 million d’euros à raison de 700€ à 2 000€ le m², prix de Schiltigheim dans l’ancien. Là, ce projet en plus est un cadeau aux promoteurs. »
Adjointe à l’urbanisme jusqu’en 2014, Danielle Dambach rappelle au passage qu’il s’agit d’un choix « du tandem Kutner-Ball », histoire de saper les deux candidats actuels :
« J’avais mis un arrêté en péril dans le plan d’occupation des sols, repris dans le Plan local d’urbanisme intercommunal qui indiquait que tout remontage devait se faire sur place, ce qui n’est pas le cas. »
Mais Jean-Marie Kutner assure que l’idée d’un grand verger unique et sans logement s’agit d’une « interprétation » de la part de ses opposants. Et défend sa vision :
« Il a toujours été question de faire un verger, mais il n’a jamais dit qu’il n’y aurait pas de projet immobilier à côté. Je rappelle qu’avant mon arrivée, c’était 60 logements sur place plus un terrain en autopromotion. Nous voulons même aller au-delà d’une restauration à l’état initial avec un portail d’époque. La mairie dépense 650 000 euros pour cette rénovation. Les personnes qui s’opposent à cela ne veulent pas de voisins et pourtant, eux aussi quand ils ont construit leur maison sont devenus les voisins de quelqu’un. »
Un conflit qui date
Le président de l’association des riverains du Dinghof, Michel Szlosser revendique une démarche « apolitique ». Il voudrait que les diverses compétences que son association a réussi à réunir puissent être transposées dans d’autres quartiers, notamment les plus populaires.
La question avait déjà suscité de très vifs échanges et mises en cause personnelles (sans parler de projet immobilier à l’époque) dans l’entre deux tours des élections municipales en 2014, avec beaucoup de candidats similaires. Nul doute que le sujet va encore faire débat jusqu’au deuxième tour des élections anticipées, dimanche 15 avril.
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