Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Samba Soussoko, passionné par l’évolution, joue avec les os en 3D et conquiert les musées

Illustrateur et animateur 3D, réalisateur, créateur d’applications et féru de sciences, Samba Soussoko aurait presque du mal à se définir lui-même. Mais le cœur de son métier, c’est la vulgarisation scientifique. Entre son atelier et les musées de Strasbourg, il offre au grand public, aux enseignants et aux chercheurs des outils ludiques pour comprendre l’évolution, sa grande passion.

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Ce qui intéresse le vulgarisateur scientifique, c'est aussi de toucher à la matière, au volume. Les coulisses du musée zoologique lui offrent un formidable terrain de jeux. (Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc)

Samba Soussoko est illustrateur 3D, réalisateur, sculpteur et vulgarisateur scientifique à ses heures perdues. Tout Strasbourgeois a vu ses créations au Vaisseau, mais aussi à la Cité des sciences de La Villette. Mais l’homme est plutôt discret, modeste. Alors nous sommes allés forcer sa nature pour rencontrer celui qui joue aux puzzles 3D avec les os du musée zoologique de Strasbourg.

Heureusement qu’en bon passionné, l’artiste est volubile sur son travail, dont il donne un aperçu en accueillant dans les locaux du musée zoologique de Strasbourg, l’un de ses partenaires récurrents. Là, derrière les galeries d’animaux empaillés, derrière un immense crabe accroché au mur, le vulgarisateur scientifique pousse une porte qui ouvre sur un atelier plein d’ossements et de vertèbres…

L’homme qui intéresse le grand public, les profs et les chercheurs

« Vertébrés« , c’est d’ailleurs le nom de son projet actuel et il est colossal : il s’agit de développer une application permettant de visualiser en 3D des spécimens réels qui ne sont pas montés. Autrement dit, c’est Samba qui modélise les os et les assemble numériquement. Le résultat est impressionnant (voir la vidéo ci-dessus, les autres vidéos sont sur Facebook). L’utilisateur de la future application pourra alors manipuler, déplacer, comparer les squelettes d’ours, de tigre, de chien, d’une multitude d’animaux, avec le squelette humain.

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Avec une fierté manifeste, il explique que « Vertébrés » est son premier projet véritablement destiné aux chercheurs, alors qu’il s’adressait plutôt au grand public et aux enseignants avec ses projets précédents. Celui-ci suscite beaucoup d’engouement chez les archéozoologues notamment…. Avant « Vertébrés », il y a eu « Le Buisson du vivant » et « La Frise du vivant », des applications sur la classification des espèces, ou encore « La Variation et ses conséquences » et « La Sélection sexuelle ».

Une passion cultivée dans les couloirs du musée zoologique

Pourtant, Samba Soussoko n’était pas prédestiné à devenir l’un des seuls vulgarisateurs scientifiques de France, capable de mettre en musique les os et l’animation 3D.

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Lui qui a grandi en partie au Mali et à Strasbourg, avec son père malien et sa mère alsacienne, essaye de comprendre d’où lui viennent ces deux passions :

« J’étais abonné à L’Argonaute (un magazine de vulgarisation scientifique français, ndlr), et je venais rêver au musée zoologique. J’étais un peu le mouton noir de la famille. Enfin ça ne les choquait pas que je me passionne pour tout cela, mais j’étais un peu à part avec mes histoires. »

Pendant longtemps, il ne sait trop ce qu’il fera de sa vie. Doué pour les sciences, il entame une prépa puis un master de physique, alors qu’il voulait déjà faire de la 3D. Sauf « qu’il y a 27 ans, faire de l’animation 3D, ce n’était pas si évident… »

Le voilà donc bouquiniste sur les marchés aux livres de Strasbourg pendant un temps. Il écume les salons et festivals et le déclic se fait quand il rencontre des étudiants des Arts-déco. Il « revient aux images », sa passion, avec « toujours en tête, les sciences ».

Samba Soussoko s'est formé tout seul à la modélisation 3D, mais aussi à l'anatomie (Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc)
Samba Soussoko s’est formé tout seul à la modélisation 3D, mais aussi à l’anatomie (Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc)

Il se forme alors complètement seul ; sur l’animation, les logiciels, l’illustration 3D, les volumes… Et surtout, sur l’anatomie, le vivant, l’évolution, la classification des espèces. Le jour de cet entretien, il se réjouit d’avoir « reçu un canard », en pièces détachées, bien sûr, et s’attache à reconstituer sa colonne. Plus loin, il joue au puzzle avec les vertèbres d’un bovidé, pour expliquer comment tout cela s’emboîte.

« J’ai fait quelques trucs que je me serais bien épargnés »

Certaines de ces applications sont des déclinaisons de films, qui ont permis à Samba d’exercer ses talents en animation 3D, domaine dans lequel il a commencé en répondant à des commandes, par exemple pour le campus de Strasbourg, l’Eurométropole de Strasbourg ou pour des groupes privés. Il explique qu’en débutant, il ne fallait pas faire la fine bouche :

« De la 3D, il y en a partout, donc j’ai pu faire des choses pour des projets d’architecture, d’archéologie et parfois de la publicité, de la communication. Au tout début, on n’a pas trop le choix des projets, j’ai fait quelques trucs que je me serais bien épargnés. »

Et puis, à l’occasion d’un appel d’offres, un ami lui dit de se lancer, et c’est le tournant : en 2009, le Vaisseau de Strasbourg lui demande de travailler sur une exposition. Il raconte :

« J’ai travaillé sur l’exposition « Destination Mars », avec Stéphane Coydon. J’ai pu faire toute la scénographie, toutes les illustrations de l’expo, mais aussi toute l’exposition virtuelle en 3D. Ça a été un boulot extraordinaire. J’ai ensuite à nouveau travaillé pour le Vaisseau, sur un projet où je n’ai pas seulement fait la réalisation, mais toute l’animation. C’est là que je me suis dit que c’est ce que j’avais envie de faire ».

Là, Samba se lance dans son premier projet de A à Z, un court-métrage d’animation appelé La Théorie de l’évolution. Il sera diffusé en 2014 à la Cité des Sciences et au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, au Vaisseau à Strasbourg et sur Arte. Une étape qui fera effet boule de neige et fera connaître Samba auprès de l’Éducation nationale et aussi d’autres musées.

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En 2013, il lance sa propre société de productions, Laetoli, du nom de ce site en Tanzanie où ont été découvertes les premières traces de pas de l’Humanité, des pieds d’australopithèques fossilisés dans la cendre il y a 3,7 millions d’années.

Après le lancement de son film Le grand arbre de la vie, le Musée des confluences de Lyon l’approche pour l’intégrer à son exposition permanente. Au cœur de tous ces projets : l’évolution. Un thème qui le passionne depuis toujours, lui qui est assez « monomaniaque », de ses propres mots.

Des loisirs ? « Rajoutez-moi des journées dans la semaine ! »

La passion de la matière est palpable et Samba l’explore aussi durant son temps libre, où il s’attelle à la sculpture, toujours sur une thématique très animale : dragons, pieuvres et autres créatures hybrides sont nés dans son atelier personnel. Il regrette de ne pas avoir plus de temps à y consacrer :

« Ces sculptures sont des projets prenants, que je n’ai pas continués depuis longtemps… C’est dommage, car j’aime beaucoup mettre les mains dans la terre. »

Ces projets personnels, Samba n’exclut pas de les exposer un jour. Toujours fourmillant d’idées, il a en tête des projets qui incluraient d’autres domaines qui l’intéressent :

« J’adore la science-fiction et le fantastique, je lis énormément de bouquins. La fiction m’intéresse beaucoup et j’aimerais travailler dans ce domaine. J’ai 2-3 scénarios en tête que j’aimerais bien mettre en images. »

Ce qui intéresse le vulgarisateur scientifique, c'est aussi de toucher à la matière, au volume. Les coulisses du musée zoologique lui offrent un formidable terrain de jeux. (Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc)
Ce qui intéresse le vulgarisateur scientifique, c’est aussi de toucher à la matière, au volume. Les coulisses du musée zoologique lui offrent un formidable terrain de jeux. (Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc)

Ce bourreau de travail n’a pas beaucoup le temps pour les loisirs (« ou alors, rajoutez-moi des journées dans la semaine », dit-il en riant), mais son statut d’indépendant lui laisse une liberté qu’il chérit :

« Je travaille la plupart du temps dans mon atelier, qui est collé à mon domicile, donc j’ai peut-être beaucoup de travail, mais en même temps, je suis beaucoup à la maison. J’aime beaucoup cuisiner et puis je vais pas mal au cinéma. »

D’ailleurs, cela fait « 31 ans que je vais au Star ! » S’il a un penchant pour le fantastique, il goûte à tous les styles de films :

« Ça peut aller d’un Marvel à un film intimiste français ou italien. J’aime bien regarder les films en version originale, donc parfois je vais à l’UGC pour voir les blockbusters. Avant, il y avait le « Club » qui faisait ça. Et puis il a fermé. »

« Strasbourg, mille fois oui »

Lancé sur sa ville, il ne tarit plus d’éloges. Aujourd’hui installé près de la Gare, il a fait tous les quartiers de Strasbourg, ou presque :

« Je suis un globe-trotter de la ville, j’ai fait Neudorf, Neuhof, quartier Polygone, Kibitzenau… Si je devais choisir un endroit préféré, ce serait peut-être celui de mon enfance. J’ai de très beaux souvenirs de la Robertsau, où on a habité et où étaient mes grands-parents. »

L'artiste-scientifique a nourri ses passions dans les couloirs du musée zoologique depuis tout petit (Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc)
L’artiste-scientifique a nourri ses passions dans les couloirs du musée zoologique depuis tout petit (Photo DL / Rue89 Strasbourg / cc)

Aujourd’hui, c’est avec ses 4 enfants, dont deux déjà grands, qu’il profite de Strasbourg, une ville qu’il ne quitterait pour rien au monde :

« Sans démagogie, vraiment, j’adore vivre dans cette ville à échelle humaine. Il s’y passe toujours beaucoup de choses, on peut tout faire en vélo ou en transports en commun. C’est chouette avec des enfants, il y a un super réseau de médiathèques, il y a les parcs… Au quartier Gare, on est bien, avec le parc du Heyritz pas très loin, mais aussi le quartier Montagne Verte à 5 minutes. Donc oui, Strasbourg, mille fois oui. Même si je pourrais aussi très bien vivre dans un climat bien plus chaud… »

Pour le travail, rien de tel que le réseau local

Ce sera tout pour sa vie personnelle. Fidèle à lui-même, il embraye en mettant en avant les autres, toutes ces collaborations qui l’ancrent dans la région, qui l’ont aidé à se développer et à se maintenir :

« J’ai plusieurs partenariats et collaborations ici : le Vaisseau, le musée zoologique, la Maison pour les Sciences en Alsace.. Je m’attache à travailler avec des sociétés du coin. Avec le numérique, on peut faire des choses à distance, mais c’est important de travailler localement. Pour les films, pour le son, je travaille avec la société NR Vision, pour le graphisme, avec Alexandre Metzger et pour le développement des applications, avec Method in the madness… »

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Aujourd’hui, « les liens sont posés », répond le scientifique au statut « d’artiste-auteur. » S’il n’a pas le parcours classique d’un chercheur, il n’a jamais eu aucun problème de légitimité dans ses collaborations :

« Le parcours, c’est secondaire. Les gens regardent plutôt ce que vous savez faire. Moi je vais voir les musées, ils prennent connaissance de mes productions… Aujourd’hui ça marche bien, je monte des projets dans les domaines qui m’intéressent, je cherche des financements et je les réalise. Cela reste une niche, il n’y a pas beaucoup d’argent dans ce domaine, mais il y a des sources comme l’Éducation nationale, la Région Grand Est… »

« Vertébrés » doit être disponible en octobre 2019.


Des Strasbourgeoises et des Strasbourgeois mieux connus par leurs exploits ou leurs réalisations en dehors de l’Alsace que par leurs voisins. Et cette série d’articles est là pour changer ça !

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