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Salle de shoot : 60 utilisateurs réguliers, 500 passages en deux mois

Les deux salles de shoot ouvertes en France, à Paris et Strasbourg, ont présenté jeudi un premier bilan après respectivement 4 et 2 mois d’activité. Résultat : beaucoup de passages, des utilisateurs réguliers qui utilisent en majorité la voie intraveineuse pour s’injecter les produits stupéfiants. À Paris, c’est de la morphine et du crack, à Strasbourg de la cocaïne.

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Salle de shoot : 60 utilisateurs réguliers, 500 passages en deux mois

Une soixantaine de personnes toxicomanes ont trouvé le chemin de la salle de shoot de Strasbourg depuis son ouverture en novembre. Installé dans l’enceinte de l’Hôpital civil, cet espace, aussi appelé plus pudiquement « salle de consommation à moindres risques », vise à accueillir les toxicomanes pour leur permettre de s’administrer leurs substances dans un cadre sécurisé et sain. Plus de 500 passages ont été enregistrés en deux mois par les employés d’Argos, le nom de la salle strasbourgeoise.

Jeudi, la présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), Danièle Jourdain-Menninger, était à Strasbourg pour évoquer avec les professionnels le bilan des deux salles de shoot françaises. La première salle a ouvert en octobre à Paris, près de la Gare du Nord dans le Xe arrondissement et s’appelle l’espace Gaïa.

La devanture d’Argos, l’ancien pavillon de l’Hôpital civil dédié à la chirurgie thoracique (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Deux salles « expérimentales » en France

Ces lieux existent depuis des dizaines d’années en Allemagne et en Suisse mais en France, elles sont « expérimentales ». Un bilan définitif sera fait dans six ans, afin de déterminer s’il faut les généraliser en France ou non. L’Inserm est chargé de conduire une évaluation scientifique de ces espaces. La loi prévoit l’ouverture d’une troisième salle expérimentale mais pour l’instant, a précisé Danièle Jourdain-Menninger, aucune ville ne semble prête à l’accueillir… Et pourtant, le premier bilan de ces salles est très positif selon Rémi Féraux, maire (PS) du Xe arrondissement de Paris :

« Une fois le lieu créé, les riverains qui avaient exprimé des craintes avant l’ouverture nous disent qu’ils sont rassurés et qu’ils aimeraient même qu’elle soit ouverte plus souvent ! Il n’y a aucun problème de tranquillité publique tandis que le lien social créé avec les usagers permet de construire un travail considérable avec les usagers. »

À Paris, 175 voire 200 passages par jour

À Paris, où l’espace Gaïa a été installé près d’une « scène ouverte », c’est à dire une zone d’échange et de deal dans l’espace public. Depuis octobre, la salle parisienne a accueilli plus de 500 personnes différentes pour environ 16 000 passages. L’espace Gaïa reçoit en moyenne 175 passages par jour, avec des pointes à 200. Son équipe peut recevoir jusqu’à 250 passages par jour. De son côté, Argos prévoit 80 à 100 passages par jour à terme.

Selon Thomas Dusouchet, directeur-adjoint de Gaïa, la salle de shoot a permis de mieux connaître les pratiques addictives et surtout d’orienter une population très éloignée des soins vers des soins :

« On n’a pas été surpris par la prédominance des opiacés, des dérivés morphiniques dans les produits apportés par les usagers. En revanche, on a constaté une forte prévalence de l’hépatite C parmi les usagers, bien souvent pas vaccinés ou alors avec des rappels qui ne sont plus à jour, ni prise en charge. Surtout, l’espace a permis de retirer de l’espace public toutes ces personnes, qui auparavant s’injectaient leurs produits dans des recoins d’escaliers, des parkings alentours ou des toilettes… Elles sont dans un espace sécurisé et on peut les accompagner vers des soins adaptés à leurs situations. »

Skenan à Paris, cocaïne à Strasbourg

Les équipes d’Argos et de Gaïa ont pu comparer ce qui les différenciait et ce qui les unissait. Dans les deux salles, la vaste majorité des utilisateurs se shootent par voie intraveineuse. Les espaces de « sniff » sont nettement moins utilisés. À Paris, la majorité des produits sont des dérivés morphiniques, comme un médicament utilisé dans le traitement de la douleur, le Skenan et 13% des usagers sont des femmes. À Strasbourg en revanche, c’est la cocaïne qui est le produit le plus fréquemment injecté et 35% des usagers sont des femmes.

L’installation de la salle de shoot à Paris a donné lieu à une intense polémique. À Strasbourg aussi elle a suscité des débat, mais visiblement dans une moindre mesure. Seule une partie des élus de droite du conseil municipal s’étaient abstenus sur la délibération qui associait le contrat local de santé (que tout le monde soutenait) et l’ouverture de cet établissement (que certains rejetaient). Pour le Dr Alexandre Feltz, adjoint au maire de Strasbourg en charge de la santé, ce climat apaisé est à mettre au crédit de l’humanisme rhénan et d’un emplacement éloigné d’un secteur résidentiel.


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