C’est un trou de bitume où murmure un ruisseau, une petite rue, bordée de voitures en stationnement, à l’entrée du quartier du Neudorf à Strasbourg. À première vue, elle n’a rien de spécial. Pour comprendre l’esprit de cette rue, il faut y passer aux beaux jours, à l’heure de l’apéro et du retour du boulot. On a alors de fortes chances de tomber sur une tablée de voisins en train de discuter, boire et manger sur le trottoir tout simplement.
Les habitants de la rue du Ruisseau-Bleu ont un jour décidé de profiter de ses rives pour s’y rencontrer. Il y a quinze ans exactement, Patrick et son voisin Jürgen se sont jetés à l’eau en organisant la première fête de rue (la Baignade du Ruisseau-Bleu). Depuis le rendez-vous est devenu annuel et un festival pour enfants (le GrossauGosse) a vu le jour il y a six ans.
Une association pour le jardin partagé
Pendant quatorze ans, ces voisins ont géré ces événements de façon informelle, sans créer d’association « pour permettre une certaine liberté d’initiative ». Par ailleurs, ils précisent ne disposer et n’avoir besoin d’aucun budget. Et c’est finalement la création d’un jardin partagé, en 2014, qui les a contraints à se constituer en association pour gérer le morceau de terrain mis à disposition par la Ville de Strasbourg. La spontanéité en a pris un coup au passage car cette gestion administrative a, pour un temps, créé des tensions dans le groupe.
Certains immeubles sont plus impliqués que d’autres, vers le fond de la rue surtout. Cela n’empêche pas les problèmes de cohabitation « même s’ils sont souvent plus faciles à résoudre quand on se connaît déjà », précise David.
Si le noyau dur est composé de trentenaires, les événements organisés montrent bien à quel point les échanges sont intergénérationnels. Le Festival GrossauGosse, par exemple, est animé par des habitants bénévoles, et de tous âges, qui invitent les enfants et leurs parents dans leur appartement pour un spectacle ou un atelier (cuisine, poterie, tag…).
Passer dix minutes dans la rue du Ruisseau-Bleu, c’est assister à un chassé-croisé de voisins qui se donnent des nouvelles et se rendent des services. La solidarité existe. Ici on trouve toujours quelqu’un pour prêter sa voiture, réparer un vélo, partager un repas, jouer de la musique. Lizzy a même obtenu un CDI grâce à un voisin ! « Ici on ne se sent jamais seul », nous dit Julien.
Gratuité et autogestion
Un appartement se libère ? Il ne restera pas vide longtemps. Les matelots ne quittent pas le navire facilement : on passe du 5 au 12 de la rue, du 1er au 3e étage, mais on ne part que si la vie l’oblige. Tous ensemble, ils redéfinissent le vivre ensemble, en ville.
Gratuité et autogestion sont les maîtres-mots des activités organisées par les habitants de la rue. Elles doivent être ouvertes à tous et dans l’idéal organisées par tous. La fête de la Baignade, qui a lieu une fois par an en juin, en est le plus bel exemple. Une réunion permet de coordonner le minimum nécessaire (location du matériel, création des affiches, porte à porte…) et le soir même chacun met la main à la pâte pour préparer les grillades, animer la fête et ranger collectivement à la fin.
La fête est ouverte à tous les Strasbourgeois mais il ne faut pas espérer y trouver des stands de boissons ou de merguez. Rien ne s’achète, tout se partage. Alors pensez à apporter un bouteille ou une salade !
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