C’est un exercice extrêmement rodé : une série de sketchs alternant des chansons aux paroles revisitées étrillent les maux de la société actuelle et de la vie politique locale, sur fond de chauvinisme alsacien assumé. Le cocktail est imparable : dès la première blague, la salle se gondole. Deux heures plus tard, rien de tout ce qui nous préoccupe ne semble bien grave finalement. C’est la marque d’une satire réussie, une capacité à combler les fossés invisibles en rappelant que nous sommes tous un peu acteurs d’une forme de gigantesque comédie.
L’édition 2023 – 2024 de la Revue satirique ne déroge pas à la règle. Roger Siffer, 75 ans, est toujours le premier à porter la revue. En s’aidant face au public d’un club de golf qui trouve là un usage beaucoup plus éthique, il est secondé par une troupe de comédiens issus du terroir – l’un d’eux est même haut-rhinois, par souci de diversité. Tous sont rodés au cabaret alsacien, une tradition singulière de la critique du pouvoir à laquelle Roger Siffer n’oublie jamais de faire référence en citant son créateur, Germain Muller.
Époque compliquée pour la satire
Mais l’époque accepte-t-elle encore la satire ? Alors qu’à France Inter, l’humoriste Guillaume Meurice est rappelé à l’ordre pour une blague juive, la Revue de la choucrouterie évite tous les thèmes religieux. Titrée « La Flam’s olympique », elle évoque des sujets tels que l’athlétisme du quotidien, mais aussi de l’écologie : l’agriculture intensive, la pollution atmosphérique… Pas facile de rire avec la fin du monde, surtout quand elle approche sans qu’on semble en capacité d’agir. Mais la Revue parvient tout de même à s’en sortir, tout en distillant des flèches contre la société de consommation.
Évidemment, les élus locaux en prennent pour leur grade. Mais, autre drame de l’époque, la Revue manque de personnalités fortes – ces stars des revues satiriques qui déclenchent des rires dès que leur avatar apparaît sur scène. La Choucrouterie a donc ressuscité Gilbert Meyer, le maire de Colmar de 1995 à 2020 qui était déjà un sketch à lui tout seul. Les comédiens font de la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian surnommée Barsi, un personnage idéaliste et rêveur, peu soucieuse de sa popularité mais la caricature manque de prise. Même difficulté pour brocarder Syamak Agha Babaei, simplement présenté en médecin surmené.
Reste qu’après deux heures de ce régime, le public ressort avec les zygomatiques détendus et une forme de relativisme de bon aloi. Alors que des guerres de tranchées se livrent tous les jours sur les réseaux sociaux, une séance de la Revue de la Choucrouterie détend tout le monde. Le spectacle devrait être remboursé par la Sécurité sociale, au nom de la cohésion nationale.
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