Poignées de main, bises amicales et sourires aux lèvres. Réunis sur le quai ensoleillé de la gare de Vendenheim, les concepteurs du Réseau express métropolitain européen (Reme) se félicitent les uns les autres ce 17 juillet. « C’est une vraie réussite, se réjouit Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole. Les résultats sont très satisfaisants, nous répondons bien aux besoins des habitants de la deuxième et troisième couronne. » Pour la SNCF, la Région et l’Eurométropole, le Reme est enfin fonctionnel.
« On a connu des moments chaotiques », reconnait Franck Leroy, président de la Région Grand Est. En janvier, un an après son lancement, le service ferroviaire faisait encore face à de nombreux retards et suppressions de trains. Ses concepteurs étaient revenus sur certains de leurs objectifs, dont la mise en place de 1 000 trajets supplémentaires par semaine. « On a encore des marges de progression, mais on a 650 trains hebdomadaires qui circulent en plus par rapport à 2022 et près de 15% d’usagers supplémentaires », assure Franck Leroy.
Pour les associations d’usagers, absentes de cette conférence de presse, la situation est moins glorieuse. « On est toujours à 50 % de ce qui avait été annoncé pour août 2023, il n’y a pas eu de nouveaux trains mis en circulation depuis janvier », tranche François Giordani, président de la branche Grand Est de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut). « Ils ont délaissé certaines lignes », déplore de son côté Raymond Ruck, du collectif Montrainjytiens.
L’Alsace du nord délaissée
Effectivement, une note de l’Agence d’urbanisme de Strasbourg (Adeus) d’avril 2024 précise que la grande majorité des gares a bénéficié d’une amélioration de l’offre. Ainsi, autour de Strasbourg, 17 gares sont desservies par plus de 20 trains supplémentaires quotidiens par rapport à 2022. Mais certaines lignes, comme Mommenheim – Sarreguemines, Strasbourg – Lauterbourg et Haguenau – Wissembourg, n’ont connu qu’une évolution marginale, voire une légère dégradation.
Entre Haguenau et Wissembourg, des trains ont été supprimés depuis la mise en place du Reme. « Leur remise en place est dans les tuyaux, mais pas avant 2027 ou 2028 », déplore François Giordani. Et sur la ligne Strasbourg – Lauterbourg, les associations dénoncent un « trou » dans le service. « C’est une des seules lignes où le nombre de passages n’a pas augmenté, explique le président de la Fnaut Grand Est : « On nous avait promis des trains supplémentaires à partir de décembre 2024, mais le planning pour l’année prochaine n’a pas évolué pour l’instant. »
« À Gambsheim, les trains sont déjà bondés et les gens sont serrés comme des harengs », relate Raymond Ruck. « On ne peut pas tout faire d’un coup, répond Stéphanie Dommange, directrice de TER Grand Est et coordinatrice régionale chez SNCF. Je comprends l’attente et l’impatience, nous sommes mobilisés pour y répondre. »
Du 9 août au 9 septembre, une quarantaine de trains de fret allemands vont pourtant circuler tous les jours entre Strasbourg et Lauterbourg. Pour Raymond Ruck, du collectif Montrainjytiens, « c’est le coup de trop. La ligne est jugée vétuste, c’est pour ça qu’ils ne veulent pas mettre plus de trains pour les usagers mais des marchandises vont y circuler tout l’été ? C’est incompréhensible. » « Les lignes allemandes sont en travaux et si on veut sauver la planète, il faut faire circuler les marchandises sur des rails plutôt que par camion », justifie Stéphanie Dommange.
Les associations veulent participer
Globalement, le passage des trains dans les gares est de plus en plus régulier. Les TER s’arrêtent toutes les demi-heures, entre 5h et 22h, dans certaines villes périurbaines comme Saverne, Haguenau ou Molsheim. André Lott, président de l’association Bruche-Piémont-Rail et vice-président de la Fnaut, rappelle qu’une augmentation du cadencement est efficace seulement si on prend en compte les besoins réels des usagers :
« On a repris les horaires avec la SNCF sur la ligne de la vallée de la Bruche car cela ne correspondait pas aux plannings des travailleurs ou des lycéens. Mais il y a encore plus de frustrations aujourd’hui car ils ont mis en place 14 lignes omnibus entre Sélestat et Strasbourg, qui s’arrêtent à tous les arrêts. On en avait demandé seulement entre trois et cinq. Ça allonge nettement le temps de trajet et dissuade les gens de prendre le train. Il faut absolument que les associations participent à la mise en place de ce projet, sinon il ne sera pas efficace. »
Dans son rapport, l’Adeus souligne que, passé une certaine heure, les bus ne circulent plus et les gares du Reme demeurent inaccessibles pour les usagers ne vivant pas à proximité des gares ou ne possédant pas de voiture. Et l’horizon n’est pas clair. « On travaille à la mise en place d’un réseau de cars, ça sera prêt dans les années à venir, explique Thibaud Pillipps, vice-président de la Région Grand Est. On doit rediscuter des financements avec l’Eurométropole car ça coûte de faire tout ça. »
Du côté des retards et annulations, « on ne reçoit plus aucun courrier », se félicite Pia Imbs. Sur la page Facebook « TER Grand Est le ras le bol des usagers », des messages d’insatisfaits sont pourtant publiés tous les jours. Pour André Lott, vice-président de la Fnaut, le service mériterait encore d’être amélioré : « Sur tout le Grand Est, je compte entre 3 et 4% de suppressions partielles et totales de trains par jour. »
Horizon incertain pour le ticket unique
Les associations d’usagers réclament également la mise en place d’un tarif et d’un ticket unique sur tout le réseau du Reme. Dans l’Eurométropole, il existe déjà un abonnement unique. Il sera possible de prendre le TER cet été avec un ticket CTS. Mais pas au-delà de l’agglomération strasbourgeoise. « C’est aux établissements publics de coopération intercommunale de prendre leurs responsabilités pour arriver à cela », explique Pia Imbs.
La Région, l’État et l’Eurométropole avaient investi 700 millions d’euros dans ce projet. Ils prévoient d’y consacrer un budget supplémentaire de 110 millions d’euros, pour la suite de sa mise en place. En comparaison, 36,1 milliards d’euros ont été investis dans le projet de Grand Paris express. « On espère des financements en plus de l’État, nous interpellons souvent le gouvernement à ce sujet », expose Pia Imbs : « Mais on ne sait pas avec qui on va discuter, on attend la nomination du nouveau ministre des transports qu’on devrait rencontrer en septembre. »
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