Dans une salle privatisée du parc des cigognes, à Kintzheim, Marine Le Pen est placardée sur tous les murs en cette soirée du dimanche 24 avril. QG éphémère du RN en Alsace, la pièce a été mise au goût des militants du parti d’extrême-droite pour la soirée du second tour. Plusieurs drapeaux français, un drapeau rot und wiss, dans un coin. Daniel Schreiber vient d’arriver avec sa femme et un couple d’amis. Gilet jaune de la première heure et militant RN « depuis le père (Jean-Marie Le Pen, NDLR) », il exprime son optimisme à 20 minutes du résultat de l’élection présidentielle. L’ancien chauffeur poids lourd en Suisse, aujourd’hui retraité, évoque les « formidables tournées avec le bus Marine Le Pen sur les ronds-points de Burnhaupt-le-Haut, à Cernay, à Bollwiller ou Colmar, où l’on avait beaucoup de gens qui nous saluaient, qui étaient contents de nous voir. »
Le pouvoir d’achat, vitrine parfaite pour la dédiabolisation
L’habitant de Wittelsheim décrit ainsi sa formation politique comme proche des Gilets jaunes, ce mouvement né de la hausse des prix de l’essence et des fins de mois de plus en plus difficiles. Derrière lui, scotchée sur une vitre, une affiche de Marine Le Pen, souriante, promet de « Rendre aux Français leur argent ». Le pouvoir d’achat offre au RN une vitrine parfaite pour la dédiabolisation de l’ex-FN, fondé par Jean-Marie Le Pen. Interrogée sur la première mesure qu’elle souhaiterait voir appliquée par Marine Le Pen, l’élue régionale Nathalie Aubert évoque « l’amélioration du pouvoir d’achat des Français par une baisse de la TVA. » Militant du RN depuis un an, Noa Grebil, 19 ans, récite les mêmes éléments de langage :
« Ce que j’attends, sur le pouvoir d’achat notamment, donc rendre aux Français leur argent, de baisser la TVA de 20% à 5,5% parce qu’aujourd’hui il y a des Français qui n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois, ils n’arrivent plus à vivre, ils ne font que survivre. »
Xénophobie ordinaire et discours anti-UE
Mais le vernis social du RN ne tient pas longtemps. Peu après l’annonce du résultat, une fois les larmes essuyées, un homme s’exclame dans la foule d’une trentaine de personnes : « Là c’est bon, ils doivent faire la fête dans les quartiers où ils vivent des aides sociales ! » Continuant d’évoquer sa tournée avec le bus de Marine Le Pen, Daniel Schreiber se félicite d’avoir rencontré « une jeune femme qui s’est arrêtée sur un rond-point pour nous dire qu’elle était arabe et qu’elle voterait Marine Le Pen. Ca nous a étonné venant d’une musulmane. Et on a pas eu le temps de lui dire : « Mais vous êtes Française ! » Elle n’avait pas le voile c’est sûr. Elle était d’une gentillesse… »
Peu après 20 heures, le délégué départemental du RN en Alsace, Christian Zimmermann, prend la parole pour remercier les militants et se féliciter de représenter « la principale force d’opposition de manière décisive à Emmanuel Macron ». Puis il salue la présence d’un député du parti d’extrême-droite AfD au parlement allemand. Norbert Kleiwächter entame alors une diatribe contre « Bruxelles et sa politique dirigée contre le peuple » et vante un couple franco-allemand nationaliste « pour une coopération de nations souveraines avec un respect pour la démocratie et pour le peuple ».
Le député allemand est interrompu lorsque Marine Le Pen apparaît à l’écran derrière lui. La déception se lit sur les visages, certains ont le regard vide, d’autres ont du mal à retenir leurs larmes. Le public applaudit lorsque la candidate RN exhorte ses troupes à se mobiliser pour les élections législatives de juin. « Nous présenterons des candidats dans toutes les circonscriptions », assure la conseillère régionale RN Nathalie Aubert.
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