Après 29 semaines de fermeture, les bars et les restaurants ont de nouveau accueilli des clients en extérieur, mercredi 19 mai, avec une jauge de 50 % de la capacité maximale et six personnes maximum par table. À Strasbourg, les terrasses n’ont pas désempli de la journée.
« On a envie que cette réouverture marque le début de la fin et qu’on s’en sorte enfin »
Le long de la rue du Faubourg-National, un joyeux brouhaha attire l’oreille. Il est 17h. Au fond d’une impasse, une terrasse abrite une quinzaine de tables, toutes occupées. Le Tigre Bock est complet depuis son ouverture, à midi, et des tonnelles ont été dressées en prévision de « demoiselle météo », raconte une serveuse, quelques minutes après le passage de l’orage, son maquillage coulant sous les yeux. Une odeur de bière et de cigarette flotte dans l’air, et le bruit des pas pressés des serveurs, qui slaloment entre les flaques d’eau, se mêle aux éclats de rire.
« On a envie que cette réouverture marque le début de la fin et qu’on s’en sorte enfin », lance Pierrick, attablé depuis 3h avec ses amis, tous étudiants en école d’infirmier. « On a besoin de décompresser, entre le stress des cours à distance, les examens et le stage qui approche », ajoute Thaïs. Le petit groupe a séché un cours « facultatif » pour profiter des terrasses dès le début de l’après-midi et compte bien rester jusqu’à la fermeture du bar, à 21h, couvre-feu oblige.
« En terrasse, on se sent proche de gens qu’on ne connaît pas »
À mesure que les heures passent, on entend les terrasses avant de les apercevoir. Dans la rue Mercière, près de la cathédrale, deux amis savourent une bière en regardant passer les envieux qui les observent, à la recherche d’une place. « Je suis un peu saoul, je n’ai pas vu le temps passer », constate Guillaume en regardant l’heure sur son téléphone avant de poursuivre : « En terrasse, il y a cette sensation bizarre et unique d’être proche de gens qu’on ne connaît pas. On a tous besoin de ressentir ça je crois ». Son comparse, Pierrick, attendait lui aussi la réouverture des terrasses avec impatience. « Sentir la bière couler dans sa gorge, voir du monde passer… l’allégresse des terrasses me manquait en fait », sourit-il.
Une reprise mouvementée pour les serveurs
Un peu plus loin, dans la rue des Tonneliers, une jeune femme s’étonne de l’euphorie qui règne en terrasse ce soir, d’après elle plus intense que lors de la réouverture des bars après le premier confinement. Dans la même rue, des policiers scrutent les terrasses en attendant la préfète. Quelques minutes plus tard, Josiane Chevalier les rejoint, et rencontre des restaurateurs pour montrer que la police veille, au moins pour un soir. En effet, « les clients doivent garder le masque en attendant d’être servis, même installés, et la jauge maximale doit être affichée sur la façade de tous les établissements », rappelle un commissaire en remarquant quelques manquements. « Je ne peux pas en vouloir aux clients, ils ne connaissent pas tous le protocole », soupire un restaurateur face à la préfète.
Aux alentours de 18h, les terrasses se font de plus en plus denses. Les masques se baissent, les verres se lèvent, et lorsque les chaises viennent à manquer, certains s’assoient sur les genoux de leur amis. Un groupe d’étudiants fête « le retour à la vie étudiante normale ». Inscrits en première année d’école d’ingénieurs à l’ECAM, c’est la première fois qu’ils prennent un verre ensemble. « Ça fait neuf mois qu’on ne se connaît que par Teams », déplore Julien 21 ans, en haussant la voix par dessus le brouhaha ambiant.
Alors que les clients passent sans s’arrêter devant les bars et les restaurants sans espace extérieur, condamnés à rester porte close, les terrasses, elles, se remplissent. La plupart des serveurs n’ont pas travaillé depuis six mois. À mesure que le couvre-feu approche, le rythme s’accélère. Un employé d’un restaurant avale un café d’une gorgée. « Je n’ai plus de batterie », lâche-t-il avant de se fondre dans le ballet incessant des allées et venues entre les cuisines et les clients. « On a eu un peu de retard car on ne pensait pas avoir autant de monde et on n’est plus aussi bien rodés qu’avant », résume un de ses collègues.
21h sonnent à la cathédrale. Les dernières terrasses se vident, les chaises s’empilent devant les bars et la vaisselle s’entrechoque dans les cuisines des restaurants. Quelques Strasbourgeois titubent sur le parvis de la cathédrale, alors qu’une camionnette d’éboueurs commence sa tournée.
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