Jeudi 17 septembre, 8h25. Énième mauvaise surprise pour les professeurs de l’école maternelle Gutenberg, quartier Montagne Verte. L’alimentation en eau ne fonctionne pas ce matin, dans les toilettes non plus. Une odeur insupportable émane des sanitaires de l’établissement.
« On ne pouvait pas accueillir les enfants sans eau courante ni toilettes », regrette Christelle (le prénom a été modifié). Sauf que le Rectorat a maintenu l’ouverture de l’école. Dépitée, la maîtresse a trouvé dans la flexibilité des parents une solution : « Devant le portail, quand ils ont appris la situation, 90% d’entre eux ont repris leur enfant. »
Déménagement de dernière minute
Cette coupure d’eau a été particulièrement mal vécue par les enseignants, qui doivent gérer depuis la rentrée les conséquences d’importants travaux d’agrandissement de l’école. Deux classes devaient déménager, ce sera finalement six qu’il faudra relocaliser. Plutôt que de préparer le planning et leurs activités pédagogiques, les enseignants ont dû déballer des cartons et aménager les salles de classe.
Les premiers jours de la rentrée, Christelle a la désagréable impression de « faire la crèche plus que de l’enseignement. » Elle rapporte la situation d’une collègue, dont le tableau n’était pas encore accroché au mur lors des premiers jours de classe.
Pour deux classes de grande section, l’emménagement se fait dans des bâtiments modulaires. Contrairement aux promesses de la Ville de Strasbourg, la cinquantaine d’enfants ne disposent d’aucun sanitaires dédiés. « Vous devriez voir leur tête quand ils demandent à aller faire pipi et que je leur dis qu’il n’y a pas de toilettes ! »
Les seuls WC disponibles sont dans un autre bâtiment, à « une dizaine de minutes à pied pour eux, je ne peux pas les laisser seuls si longtemps ! », souffle Christelle. L’enseignante regrette que les Atsem, ces assistants des enseignants en classes de maternelle, deviennent des « dames pipi, » passant leur temps à accompagner les enfants aux toilettes. »
Elle dénonce aussi le chauffage qui ne fonctionne pas et l’absence d’issue de secours dans sa classe.
Si les travaux qui jouxtent l’établissement ne sont pas encore trop bruyants, ils restent gênants, voire dangereux pour les élèves, rapporte l’enseignante : « Des enfants ont déjà trouvé des vis et des mégots dans la cour de récréation… »
L’impossible protocole sanitaire
Hélène, aussi membre du personnel de l’école Gutenberg, dénonce des difficultés particulièrement mal venues en pleine pandémie : « Selon le dernier protocole sanitaire, nos élèves devraient se laver les mains huit fois par jour. Mais comment faire quand on a des embouteillages devant les seuls sanitaires disponibles pour près de 180 élèves ? »
Dans la classe de Christelle, les enfants ne vont plus se laver les mains. « On a deux lavabos pour 50 enfants, donc on utilise du gel hydroalcoolique, sinon on perd trop de temps », explique-t-elle.
Pour la professeure, excédée par la « pire rentrée de sa carrière », ces difficultés font perdre un temps pédagogique précieux aux élèves. « Entre les soucis liés aux toilettes et le protocole sanitaire, on perd chaque jour au moins 30 minutes d’enseignement », estime-t-elle. Christelle parle aussi de difficultés liées à la situation sociale et économique du quartier :
« Ici, les parents sont déjà satisfaits d’envoyer leurs enfants à l’école. Certains ne parlent pas bien français, d’autres ne connaissent pas bien le système scolaire et ne savent pas vers qui se tourner pour réclamer de meilleures conditions d’enseignement. »
Les travaux doivent durer jusqu’à la fin de l’année scolaire.
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