« C’est fini les vacances ! » Sandrine lance la réunion de rentrée des Gilets jaunes Strasbourg-République. Il est 18h30, une quarantaine de personnes ont pris place au restaurant de Paris place du Temple-Neuf, un demi de bière, une menthe à l’eau ou une sucette à la main.
Au programme : le calendrier des manifestations à venir. Mais la rentrée a été compliquée. Tout en appelant à la convergence avec d’autres mouvements (contre la réforme des retraites, pour la lutte contre le changement climatique…), les participants ont laissé apparaître leurs inquiétudes et divisions sur la suite du mouvement.
La convergence et ses limites
Plusieurs participants dressent un tableau alarmiste : « Il faut reconnaître qu’à Strasbourg, on n’est pas des milliers… » « À cause des médias, on est devenus infréquentables », ajoute un autre. Seule solution : « Il faut se greffer aux autres mouvements », affirme un retraité, sûr de lui. La convergence apparaît d’abord comme une solution acceptable. Plusieurs participants se plaignent même de ces syndicats divisés : « Pourquoi est-ce qu’ils appellent chacun à des manifestations différentes ? », s’étonne un Gilet jaune de la première heure.
Mais très vite, l’appel à l’unité rencontre des limites au sein du groupe. Un homme se lève et se plaint : « J’ai l’impression qu’on est la cinquième roue du carrosse pour tous les mouvements… » Un autre militant fustige l’alliance avec « les écologistes, qui ont saboté le G7 et se sont mis devant les banques pour les protéger pendant la manif. »
Un nouveau venu détone
Vers 19h, Bilal Hizoune entre dans le restaurant de Paris. Casquette Calvin Klein, chaussures Nike et ordinateur sous le bras, le nouveau venu détone du reste des participants. Il est accueilli froidement : « Je suis fâchée parce que ce que tu as fait c’est malpoli », commence Sandrine. Le militant affirme avoir demandé une autorisation de manifester le 7 septembre à Strasbourg. La Préfecture du Bas-Rhin n’a toujours reçu aucune demande. Mais pour les Gilets jaunes présents ce soir, le problème est autre : Bilal n’a pas consulté la coordination Grand Est. Le jeune homme ne se démonte pas pour autant : « Vous venez ou vous ne venez pas, ça ne m’empêchera pas de manifester… »
La tension monte vite. L’un des modérateurs est hors de lui : « Il y a un connard qui vient nous dire ce qu’on doit faire ! » Les participants tentent de calmer Christian avant que le tour de parole ne reprenne. Les questions sont pleines de suspicions, les mots parfois crus : « Tu la fermes », lance un jeune militant à Bilal, qui obtempère. Plus mesuré, un jeune homme en jean et baskets blanches se montre ouvert à cette manifestation tout en exprimant ses craintes : « Toute initiative est bonne à prendre, mais j’ai peur qu’on se retrouve à 200 personnes (pour la manif’ du 7 septembre, ndlr). »
Deux camps s’opposent. Le premier veut faire feu de tout bois quand le second estime qu’une structure a été mise en place pour coordonner le mouvement au niveau régional. Cette manifestation n’a pas été discutée en Coordination Grand Est, elle ne peut donc pas être soutenue, selon eux.
« Vous êtes des politiciens »
Au bout de deux heures, le débat est quasiment impossible. « Ça pue ici », ose un participant en rentrant dans la salle. Une petite dizaine de personnes soutient l’initiative de Bilal Hizoune. Ils sont remontés face à la réaction du groupe Strasbourg-République : « Vous parlez de convergence, mais vous jouez à quoi là ? Vous êtes des politiciens, comme eux », estime un Gilet jaune. Sandrine déclare une pause et libère la salle de sa tension croissante.
Parmi la quarantaine de Gilets jaunes strasbourgeois, une large majorité voteront finalement contre la participation à l’organisation de cette manifestation. Sandrine, l’une des coordinatrices du groupe, se veut rassurante :
« C’est sûr que le mouvement va repartir. On a l’habitude de ces moments un peu tendus. La prochaine réunion importante aura lieu à Dannemarie le dimanche 8 septembre, toute la journée à partir de 9h30. Elle sera ouverte à tous les Gilets jaunes du Grand Est. Ensuite il y aura la manifestation du 14 septembre à Nancy et l’acte 45, le 21 septembre à Paris… »
Bilal Hizoune ne mâche pas ses mots à la suite de cette réunion : « J’en suis sorti avec un très mauvais sentiment. Il y a des façons de parler, et de se respecter… » L’organisateur de la manifestation du 7 septembre, en marge de la Foire européenne, est convaincu d’être soutenu « par la majorité des QG alsaciens. » Le militant pour « la destitution du président Macron » résume le conflit avec certains Gilets jaunes : « Tout ça, c’est une question d’égo… » Un acte 43 aura donc bien lieu à Strasbourg. La manifestation nationale se déroulera, elle, à Montpellier.
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