La rénovation urbaine de trois des cinq mailles de Hautepierre a considérablement modifié la géographie de ce quartier de Strasbourg bâti dans les années 1970. Au-delà des ravalements de façade et des trottoirs, plus rues. Lors de notre résidence à Hautepierre en 2016, les habitants soulignaient un « cadre de vie » amélioré, sans que « la vie », au sens large, ait changé pour autant.
À nos conférences de rédaction publiques lancées depuis janvier, d’autres ont aussi pointé de nouveaux désagréments (moins de place de stationnement, trottoirs étroits, poubelles dans les rues), issus de ces travaux, tout en reconnaissant des bons points.
Suite à ces grands travaux, il n’y a pas que des humains qui ont vu leur environnement modifié. Les robots et intelligences artificielles des systèmes de navigation sont chamboulés. Mais, eux, personne ne les a prévenus.
Car parfois, là où les véhicules pouvaient passer avant la rénovation, la rue a disparu. Et d’autres ont été créées. Ainsi, dans le système sur Google Street View, il arrive parfois de se retomber dans l’ancien Hautepierre au gré des clics. Exemple en trois vidéos.
Les parkings devenus une rue Maille Jacqueline
Les mailles rénovées ont été « ouvertes », c’est-à-dire traversées par de nouvelles rues, au moins en partie. Avant, elles se limitaient à des grands parkings à ciel ouvert. Très bon exemple maille Jaqueline. En avançant vers la place Buchner, on y voit un petit parc et les espaces verts. Et tout d’un coup, cet endroit redevient un parking qui donne sur la cour de l’école, comme en 2008 ou en 2011.
Les versions du centre socio-culturel du Galet
Maille Catherine, il est aisé de tomber sur Le Galet ancienne version. Pas de médiathèque, ni de Maison de Hautepierre. Seule la pharmacie est encore là. Sur la route, des poubelles creusées en extérieur ont été installées. On voit de vagues pelouses peu entretenues au milieu de la chaussée ou sur les trottoirs. En face, du côté de la maille Karine, on remarque immeuble vide tagué qui a été détruit, près des maisons.
Remonter une avenue sans tram
Un peu plus loin, avenue Racine, là où le tram tourne vers le Parc des Sports près du Galet, même retour dans le temps. Retour subit, il n’y a pas si longtemps, en 2014 avant la rénovation. Plus de terre plein central végétalisé de part et d’autre des rails, mais une simple route, des trottoirs plus larges et des pelouses le long des immeubles. Et une fois dans cette faille spatio-temporelle, il est alors possible de remonter en version 2014 l’avenue en sens inverse.
Livreurs perdus avec les GPS
Tout ceci pourrait être amusant s’il ne s’agissait que de bugs d’image. Mais ces changements d’adresse compliquent aussi la vie des habitants, même plusieurs années après. Les anciens « boulevards intérieurs » (comme il en existe maille Éléonore qui n’a pas été encore rénovée) ont été supprimés.
Conséquence, des rues et avenues ont renommés et renumérotées. Des immeubles qui n’ont pas bougé ont changé de nom d’adresse.
Les galères des livreurs
C’est par exemple le cas d’Irène, qui habite maille Jacqueline :
« J’habitais dans le boulevard intérieur à Dostoïevski qui n’existe plus. J’ai demandé au bailleur d’indiquer sur un panneau que ces immeubles font bien partie de l’avenue Racine désormais mais seuls des numéros ont été ajoutés. Comme les immeubles ne sont pas tournés vers l’avenue, on ne comprend pas que ces numéros correspondent à nos immeubles. J’ai même reçu une lettre envoyée à mon ancienne adresse cette année. Quand un livreur ou un taxi veulent venir, ils ne trouvent pas. Ils arrivent loin de chez moi ou passent devant sans comprendre. Et encore moi j’habite près de l’avenue ce qui me permet de sortir facilement, mais ce n’est pas le cas de tous mes voisins. »
Petit test effectué avec l’adresse exacte, Google envoie face à l’hôpital de Hautepierre, à 800 mètres de chez Irène. Du côté du bailleur la Sibar, on indique que « tous les changements ont été réalisés à la demande de l’Eurométropole ».
Problème similaire pour Francine qui habite de l’autre côté de l’avenue à l’ancienne place Chateaubriand mais dont la nouvelle adresse allée Charles Perrault est inconnue des services de navigation. Google Maps oriente vers l’école Charles Perrault à… Ostwald. L’application « Plans » d’Apple est tout aussi perdue.
La Poste a maintenu la double adresse
Pourtant à La Poste, pas de soucis pour l’acheminement du courrier. La « double adresse » a été maintenue pendant un an. La société explique comment la situation a été gérée « en anticipation » :
« La Ville de Strasbourg transmettait des arrêtés municipaux indiquant les changements d’adresse au fur et à mesure de l’avancement du projet, sur la base desquels La Poste effectuait la mise à jour de son référentiel d’adresse. »
Le changements d’adresses ont été transmis par la Ville de Strasbourg aux services compétents, comme l’électricité, mais pas tous. Irène a par exemple reçu un courrier d’un service de recouvrement pour le gaz, alors qu’elle ne recevait plus de facture pendant des mois. Pour les personnes avec une vieille plaque d’immatriculation (type 123 AB 01 ), il faut en changer. Pour les plaques les plus récentes, il faut néanmoins actualiser son adresse sous un mois. Un automatisme pas toujours facile à avoir lorsque l’on ne déménage pas.
Des adresses loin du but
D’autres bugs sont faciles à identifier. Les adresses du théâtre de Hautepierre ou des Percussions de Strasbourg (13 et 15 place André Maurois) sont localisés à plus de 500 mètres de leur réelle implantation. Google envoie l’internaute vers une station service de l’autre côté du centre commercial. De quoi être perdu quand dérouté on ne vient pas du quartier sachant que ces bâtiments sont peu signalés et qu’on ne peut les voir directement. Pourtant dans cette maille, il n’y a pas eu de changement d’adresses.
Google pas trop concerné
Lors d’échanges par email, Google explique « mettre à jour régulièrement les cartes, sur la bases de données que nous consolidons de nombreuses sources », sans donner plus de détails. Une réponse un peu à côté de la plaque qui semble indiquer qu’il n’y a guère pas de contact avec les autorités publiques lors des changements d’adresse massifs qu’entraînent ces opérations.
L’entreprise pointe d’ailleurs que « tout utilisateur » a la possibilité d’indiquer / signaler des modifications. Faut-il encore que les habitants, ou les aménageurs, pensent à ces outils. Peut-être pour les rénovations à venir ?
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