Dans l’œil d’Ivanhoé, ça ressemble à une bonne blague. Posté devant le gymnase du Port du Rhin, l’ado de 16 ans est hilare en voyant débarquer une vingtaine de cadres, sapés en chemise ou en costume, dans son quartier. En moins d’une demi-heure, l’équipe a déjà déployé ses stands et dégainé ses schémas directeurs. Implacable. Tous s’activent avec sérieux pour la tenue d’une « réunion-forum » lundi 22 mai, pour présenter aux habitants du Port du Rhin les grands projets urbains en cours depuis deux ans dans leur quartier.
« On va faire le point de ce qui a avancé. Et aussi sur ce qui a eu du retard, puisqu’il y en a. » Après un bref discours, la maire Jeanne Barseghian invite les participants à se diriger vers les stands disposés dans le gymnase de l’école du Rhin. Plutôt qu’un long exposé laborieux, la municipalité a fait le choix original d’inciter à des échanges en petits comités avec les acteurs impliqués dans la métamorphose du Port du Rhin.
On y retrouve notamment la Société publique locale (SPL) des Deux Rives, chargée d’orchestrer l’aménagement urbain, le bailleur social Ophéa, mais aussi des représentants d’autres structures implantées dans le secteur, comme l’association pour l’insertion professionnelle Drugstore et le tiers lieu Kaléidoscoop. Ne manquent que les habitants du quartier, en minorité flagrante parmi ceux venus pour les accueillir.
Future médiathèque proche de la Cité Loucheur
Avant d’achever son discours, la maire s’offre le luxe d’annoncer une bonne nouvelle : « C’est confirmé, une médiathèque ouvrira ses portes, en face du quartier historique sur l’île aux épis. » Après avoir envisagé un temps une construction sur un site le long de la voie ferrée, puis à la Coop, la maire a préféré son installation sur le site de la Cour des douanes, à proximité directe de la Cité Loucheur.
« C’est un choix qui est conforme à la cohérence urbaine et sociale du projet », résume Jean Werlen, conseiller municipal et président de la SPL Deux Rives. Le site occupera environ 550m² d’un bâtiment comprenant aussi des espaces d’habitations, à l’instar de la “Médiathèque Nord”, à Schiltigheim. Pour l’élu, l’horizon du projet reste incertain :
« On envisage le début des travaux pour la fin 2025, avec une livraison à la fin 2026 ou en 2027. Mais dans tous les cas, on souhaite que le début des travaux se fasse avant la fin du mandat. »
Maisons de santé et rénovation thermique : les promesses d’Ophéa
Parmi les dossiers importants présentés aux habitants, celui de la maison urbaine de santé, initialement programmée en 2020 et dont l’ouverture a ensuite été repoussée au premier semestre 2024, est présenté par le bailleur social Ophéa. Le quartier du Port du Rhin est considéré par l’Agence régionale de santé comme un désert médical en termes d’accès au soin. « Cette fois-ci, c’est bon », assure Julien Mattei, directeur général d’Ophéa : « Tout est prêt pour l’ouverture de la maison de santé, à la fin de l’année 2024. » Soit encore plus tard qu’annoncé précédemment.
Autre projet crucial mené par Ophéa : la rénovation des bâtiments de la cité Loucheur, concernant près de 396 logements. « Un vaste projet d’isolation thermique extérieure va être engagé », explique Julien Mattei :
« Les charges sont élevées pour les occupants de ces habitations. Et avec l’envolée des prix de l’énergie, les dépenses montent en conséquence. Nous réduirons ces coûts en reliant les logements à un réseau de chaleur, alimenté par des énergies renouvelables. »
Les travaux seront effectués entre la mi-2024 et la mi-2026. « Mais rien n’est arrêté », s’empresse de préciser le directeur général. Concernant la répercussion des travaux sur les loyers, Julien Mattei se veut rassurant. « Il y aura bien une hausse des loyers, mais en principe elle sera corrélée à la baisse des charges pour que les gens n’y perdent pas. On reste un bailleur social. » Une première série de rénovations a été réalisée en 2008 pour la réfection des toitures et des façades.
Un « Forum » sans les habitants
Malgré un déroulé original et des visuels pédagogiques, la partie « forum » de la réunion est un échec. En dehors de la poignée d’habitants déjà très engagés dans la vie du Port du Rhin, peu de locaux se sont déplacés pour l’occasion. Le gymnase a réuni, à l’inverse du désir municipal, un aréopage d’associatifs, de promoteurs et de travailleurs impliqués dans les projets urbains.
Quelques élus, aussi. « Si j’ai l’impression qu’il y a de l’entre-soi ? Disons qu’une bonne part des gens ici s’y connaissent quand même bien en urbanisme… », souffle discrètement une participante. Pour la maire, l’objet de la réunion est aussi de permettre « une rencontre entre tous les acteurs impliqués dans le projet », en gardant la réunion ouverte à tous les publics.
Parmi les quelques têtes originaires du quartier, les membres du conseil citoyen sont tout de même venus en nombre. « On est venus pour suivre et relancer la mairie sur certains sujets », raconte Ludovic. Installé depuis neuf ans dans les bâtiments récents, près du Pont de l’Europe, il fait partie des anciens « nouveaux » du Port du Rhin. Il dépeint un quartier toujours divisé, entre la cité Loucheur d’un côté, et les occupants des habitats plus modernes de l’autre :
« Il y a une rupture entre les deux secteurs, parce qu’on manque d’endroits où on se rencontre. C’est pour ça qu’on relance régulièrement la mairie, pour obtenir un marché sur la place de l’Hippodrome. C’est le genre de lieu où on peut se côtoyer. Mais la Ville nous dit que ce n’est pas possible pour l’instant. »
Le sujet du marché a été mis à l’ordre du jour du Conseil municipal commun entre Strasbourg et Kehl, qui s’est tenu lundi 15 mai – une semaine avant la réunion publique. « Nous sommes mobilisés sur le sujet, nous voulons faire en sorte que des producteurs allemands viennent ici », plaide Jeanne Barseghian.
Deux autres temps d’échanges se tiendront au Port du Rhin en septembre 2023, concernant l’installation d’un nouveau parc et l’ouverture d’une salle polyvalente pour le quartier.
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