En ce début d’après-midi de printemps, Régine prend l’air avec une voisine. Elles sont assises sur un banc de l’aire de jeu pour enfants de la rue du Hohwald, devant l’immeuble où elles vivent depuis plus de quinze ans. Nous sommes dans l’îlot Laiterie, ce morceau du quartier Gare de Strasbourg comprenant les deux rues parallèles du Hohwald et de la Broque, bordées de part et d’autres par la rue du Ban de la Roche et le boulevard de Lyon. Deux hommes discutent avec elles derrière les grilles du petit parc. Mais pour répondre aux journalistes, il ne reste plus que Régine et à condition qu’on ne la prenne pas en photo.
« La porte de l’aire de jeu est cassée depuis trois semaines. »
Ce qu’elle aimerait voir changer dans son quartier ? Sans hésitation elle confie :
« Moins de drogue, surtout le soir. »
Trafics, prostitution, sentiment d’insécurité… Des préoccupations qui reviendront plusieurs fois dans les confidences des habitants du quartier. Les aménagements prévus par la municipalité parviendront-ils à y remédier ?
Le futur payant du parking très mal accepté
Régine a assisté la veille à une réunion publique d’information sur la rénovation de l’îlot Laiterie. Elle en a retenu que les parkings de la rue du Ban-de-la-Roche vont devenir payants :
« De toute façon, il n’y a jamais de place. Et puis pour une femme qui part à 5h du matin ou rentre à 22h30, ce n’est pas évident de rentrer de ce parking. »
Le pari affiché de la municipalité est de permettre aux habitants du quartier de se réapproprier le parking en le rendant payant au tarif « résidents ». L’idée d’installer des agrès sur une partie des places de stationnement actuelles, pour que les habitants fassent du sport ? La retraitée ne se sent pas concernée :
« Il faut penser aux seniors aussi et aux aires de jeu pour les familles. En ce qui me concerne, je m’achèterais bien un petit vélo d’appartement. »
Selon les plans, les trois plus vieux immeubles de logements sociaux, situés face à la salle de la Laiterie au bout de la rue du Hohwald, vont être détruits. A leur place serait installée justement une aire de jeux pour enfants, à condition que le bâtiment de la Semencerie voisine – que les artistes vont bientôt devoir quitter – puisse être reconverti en logements sociaux.
Un cour urbaine et piétonne
La fin de la rue du Hohwald pourrait ensuite être transformée en cour urbaine et piétonne au moment de la rénovation de la salle de concert. Plusieurs associations du quartier, dont Porte ouverte, ont déjà manifesté leur envie d’animer cet espace. Régine se projette :
« Je pense plutôt que c’est toute la rue qu’il faut mettre en impasse. Mais si j’ai quelqu’un pour m’accompagner, j’irai dans cette cour. Il faut bouger. J’apprécie d’avoir la possibilité de faire des petits tours à pied autour de chez moi. »
Arrive Mamika, habitante depuis 15 ans du quartier elle aussi. La mère de famille travaille à l’accueil périscolaire des enfants, de 17h30 à 19h. Alors les réunions de la Ville, c’est à chaque fois sans elle :
« Mais je lis ce qui passe dans les boîtes aux lettres. Je m’informe par les voisins. »
Si elle n’a pas de voiture, Mamika sait combien il est difficile pour ses voisins et ses invités de se garer dans le quartier. Ce qui lui manque ici ? « Un peu de verdure. »
Du bruit, trop du bruit
Ses enfants vont jouer dans le grand parc derrière la voie de chemin de fer ou ici, précise-t-elle en montrant la petit parc triste flanqué d’un unique arbre sans fleurs. Le projet de la municipalité prévoit de « végétaliser » une partie de l’actuel parking.
À la sortie de l’école maternelle Louise Scheppler, de l’autre côté de la voie de tram, au bord de l’autoroute, Brigjilda vient chercher sa fille. Pour cette habitante de la rue du Hohwald depuis un an (voir la vidéo ci-dessus), pas de doute, les places de parking sont préférables à des installations sportives :
« Le sport quand on est adulte, on peut en faire n’importe où si on est motivé. Mais se garer c’est plus compliqué. »
La traversée risquée du boulevard de Lyon
Rue de la Broque, Bella ramène aussi ses enfants de l’école. Sa famille y occupe un logement social depuis trois ans. Quand on l’interroge sur ce qu’elle aime dans son quartier, elle préfère évoquer tout ce qu’elle n’aime pas. De son appartement, Bella voit l’autoroute et l’entend surtout.
« L’hiver, sans les quelques arbres, c’est moche. Mais heureusement que nous ne sommes pas de l’autre côté, rue du Hohwald, avec les nuisances des salles de concerts en plus. »
Bella fait référence à la Laiterie et au Molodoï, qui attirent plusieurs fois par semaine un public nombreux à des concerts ou à des événements festifs.
Le principal souci de Bella, c’est la traversée du boulevard de Lyon pour atteindre les trottoirs de la rue de la Broque.
« C’est très dangereux. Les voitures ne s’arrêtent pas pour laisser passer les piétons. Je connais quelqu’un qui a été blessé. Je suis déjà allée me plaindre au commissariat. Il faudrait un dos d’âne, une zone 30, voire un feu rouge. »
La mère de famille a bien compris que seule une pétition pourrait convaincre les autorités de réagir. Mais elle confie ne pas avoir l’aplomb d’aller faire du porte à porte. Lors de la réunion publique, l’adjoint de quartier Paul Meyer s’est dit impuissant pour l’heure à résoudre ce problème mais a assuré qu’avec les aménagements à venir pour le prolongement de la ligne G du bus à haut niveau de service (BHNS), un feu rouge pourrait enfin être installé. À quel horizon ? Les habitants s’impatientent.
« Que ça reste un lieu familial »
Bella adhère au projet municipal de rendre le parking du Ban-de-la-Roche payant :
« C’est mieux. Souvent je n’y trouve pas de place. Ce sont les gens du centre-ville qui l’utilisent, ou des gens qui laissent leur véhicule deux ou trois semaines. »
Elisabeth vient d’acheter un appartement dans la rue de la Broque (voir vidéo plus haut). Elle regrette que l’idée d’installer un marché sur le parking n’ait pas été retenue. Le projet de cour urbaine rue du Hohwald l’intéresse mais avec des réserves :
« Je pense que c’est une bonne idée. À condition que ça reste un lieu familial et pas juste centré autour d’un bar pour les jeunes qui viennent voir les concerts le soir. »
Pour les habitants de l’îlot Laiterie, l’enjeu des réaménagements futurs n’est pas tant de faire de leur quartier un lieu attractif pour les fêtards strasbourgeois qu’un espace de vie convivial et sûr.
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