Le tribunal administratif de Strasbourg n’a pas suspendu mardi les arrêtés préfectoraux qui autorisent les travaux du Grand contournement ouest (GCO -voir tous nos articles). L’association Alsace Nature contestait notamment le « saucissonnage » du dossier et de ses impacts, que ce soit l’autoroute payante avec son échangeur nord, mais aussi les projets connexes (le TSPO vers Molsheim, la transformation de l’A35, la VLIO, la liaison avec l’aéroport d’Entzheim, le remembrement des terres agricoles) prévus de longue date en complément.
Une non-suspension à titre exceptionnel
Les trois juges ont estimé qu’il y a bien « un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée », mais « à titre exceptionnel » refuse de les suspendre, car les travaux préparatoires « s’accompagnent de troubles à l’ordre public nécessitant la présence des forces de l’ordre. La suspension porterait « une atteinte d’une particulière gravité à l’intérêt général », ajoute le tribunal. Les magistrats rappellent que la déclaration d’utilité publique avait été confirmée sur le fond en 2010.
C’est le recours le plus important puisqu’il concerne les premières coulées de béton. L’association Alsace Nature Nature a deux semaines pour se pourvoir en cassation pour une relecture du jugement de référé. Très surpris, son avocat Me François Zind dit à chaud « n’avoir jamais vu ça » et se renseigne s’il existe des jurisprudences similaires. Dans tous les cas, une étude sur le fond de ce recours doit intervenir dans les prochains mois.
Les arguments d’Alsace Nature
L’association écologiste s’est logiquement appuyée sur les avis négatifs des enquêtes publiques pour les mesures environnementales du printemps, que ce soit pour l’échangeur nord, ou la rocade de 24 kilomètres. « Non actualisé, incohérent, incomplet, contradictoire, insuffisant, inexact, illisible… », a notamment attaqué dès l’entame de l’audience mercredi 19 septembre, son avocat François Zind. Une succession d’adjectifs qu’il a puisé dans les rapports des commissaires enquêteurs, remis au début de l’été.
Alsace Nature regrettait aussi que seules les espèces protégées (Grand hamster, crapaud vert, nombreuses races d’oiseaux…) soient prises en compte dans les compensations. « Les espèces cibles et parapluies n’ont pas de sens sans leur interaction avec les espèces ordinaires », a fait remarquer Me Zind.
Parmi ses autres reproches, l’étude de « variantes » du tracé, mais pas « d’alternatives » à l’autoroute en-soi (écotaxe, voies réservées au transit, aux transports en commun ou au covoiturage), ainsi l’absence d’estimations du coût des mesures de compensations. Selon le préfet du Bas-Rhin Jean-Luc Marx, le constructeur Arcos (filiale de Vinci) avait en effet indiqué que compte tenu des exigences des compensations, qui vont au-delà de certains seuils réglementaires, elles auraient « très vraisemblablement des conséquences sur le planning et les coûts ».
Enfin, plus subtil, elle estimait que l’étude d’impact contient « une erreur de méthodologique » sur la pollution, « focalisée sur les particules fines » (ou microparticules, PM10). « Le dossier ne contient pas d’actualisation du parc automobile », a regretté François Zind. Selon Alsace Nature, il faut désormais s’intéresser aux nanoparticules, ou « particules ultrafines » (non-réglementées et donc non-mesurées), sur lesquelles des médecins tentent d’alerter depuis quelques années.
Les arguments de la défense
En face, Me Jean-Nicolas Clément pour Arcos, filiale de Vinci, a de son coté minimisé ces avis. « Les remarques de la commission sont des réserves, des avis pour perfectionner notre dossier ». Sur le « saucissonnage » (terme repris par l’avocat), il « n’est en rien irrégulier ». « Ce qui pourrait l’être, c’est s’il a permis de bénéficier d’un effet de seuil. A-t-il été malicieux ? A-t-il trompé le public ou l’administration ? Non ». Sur le coût des mesures, il a répliqué que des conventions étaient « annexées » au dossier.
Sur ce point, les juges administratifs n’ont pas suivi l’avocat d’Arcos qui demandait à ce que les avis soient « requalifiés », en avis favorables avec réserves.
Les représentants du préfet avaient ajouté que le projet est « déclaré d’utilité publique » en 2008 pour dix ans, puis prolongé en 2018 par le Conseil d’État, qui a examiné cette clause prévue dans le contrat signé début 2016. Ils estiment qu’il fait suite à « une prise en compte du public ».
Parmi les arguments sur le fond, le GCO répond « à une vision globale », à « un axe de transit européen fort », permet « la création d’emploi » ou encore « la baisse des gaz à effet de serre », en détournant une partie des camions de l’A35, tout ceci ayant de « l’attractivité pour le territoire ». L’ampleur de certaines compensations ont aussi été présentées. Par exemple, les 4 hectares à la forêt de la Bruche doivent être remplacés par 40 hectares à Vendenheim, tout en reconnaissant que cela « ne peut pas garantir à 100% l’équivalence fonctionnelle ».
Vers un début des travaux de terrassement
Le jour de l’audience, la société Arcos nous avait indiqué attendre cette décision pour procéder aux travaux autorisés par cet arrêté.
Un jugement sur le fond est attendu dans les mois à venir. Les opposants ont prévu de se retrouver ce soir à 18h place Broglie. Début septembre, la justice administrative a suspendu un permis d’aménager le viaduc à Kolbsheim et l’abattage de 30 arbres. Mais le préfet, et le Département pour le déboisement, peuvent rédiger de nouveaux actes pour se conformer à la règlementation.
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