Avec des écriteaux « Liquidation judiciaire » dans le dos, scotchés à l’aide de rubans à scellés, masques sur la bouche et bras croisés, une cinquantaine de policiers enquêteurs, de personnels administratif et de magistrats se sont rassemblés lundi vers 12h30 sur le parvis de l’Hôtel de police de Strasbourg. Ce nouveau rassemblement, neuf jours après le précédent, veut dénoncer l’absence de dialogue dans une réforme globale de la police nationale. Cette réforme placerait la police judiciaire (PJ) sous la même hiérarchie que la sécurité publique.
Des rassemblements partout en France
Des rassemblements similaires se sont tenus devant la plupart des commissariats de France, à l’initiative de la toute jeune Association nationale de la police judiciaire (ANPJ). Dans un discours commun, lu par un représentant, l’ANPJ a tenu à rappeler le cadre de son action :
« L’association a pour objectif de défendre les intérêts des Français et la spécialisation des enquêteurs. Non seulement le projet de réforme de la police nationale n’améliorera pas le sort de nos citoyens victimes de la délinquance du quotidien, mais en plus, il altérera fondamentalement la capacité des policiers à faire face à la criminalité organisée. »
Depuis cette mobilisation, deux audits sur la police nationale ont été lancés (par l’Inspection générale de la police nationale et l’Inspection générale de l’administration), ainsi que trois commissions d’information parlementaires. Pour les policiers enquêteurs, qui craignaient que cette réforme ne passe sous les radars médiatiques, un premier objectif est déjà rempli.
Quant à la suite, les policiers présents lundi ne se prononçaient pas : « on veut juste un dialogue », rappelle l’un d’entre eux tandis qu’une autre indique :
« On a exprimé notre mécontentement maintenant… c’est au gouvernement d’agir. S’il veut quand même faire passer sa réforme sans nous entendre, grand bien lui fasse. On ne va pas se retrouver sur le parvis chaque semaine non plus. »
Un sentiment de gâchis s’exprime parmi les présents à ce rassemblement, comme le verbalise un gradé :
« À la PJ, je ne dirais pas que tout va bien mais ça fonctionne. Avant cette réforme, il n’y avait pas de revendications catégorielles. Même s’ils prennent du temps, les dossiers sortent. Le risque est de casser cette mécanique complexe et délicate, essentielle pour répondre au crime organisé. »
Des magistrats présents en soutien
Outre les policiers, une douzaine de magistrats du tribunal de Strasbourg avait fait le déplacement. Parmi eux, Vincent Tridon, substitut du procureur de la République et membre du Syndicat de la magistrature, partage les inquiétudes des policiers :
« Il ne s’agit pas d’opposer police et justice, mais on voit déjà que lors de grands événements, comme au soir du 31 décembre, les effectifs de la PJ sont mobilisés pour assurer l’ordre public. Puisqu’il s’agit de faire une réforme à moyens constants, il est à craindre par exemple que les policiers enquêteurs soient de plus en plus mobilisés pour répondre à des trafics de drogue dans la rue, plutôt que contre ceux qui importent la drogue… »
Autre crainte exprimée à mots couverts lundi, c’est pour les policiers enquêteurs d’avoir à participer à la « politique du chiffre. » La police est de plus en plus soumise à une pression statistique sur son activité, pression qui ne s’applique pas sur la PJ, dont les affaires sont le plus souvent discrètement résolues. Les policiers enquêteurs, en raison des spécificités de leurs missions, jouissent en outre d’une relative liberté et craignent que cette réforme ne leur impose les mêmes contrôles hiérarchiques tatillons.
Chargement des commentaires…