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Qui sont ces éternels optimistes qui se réunissent lors de dîners

Vidéo – Pour la troisième fois en moins d’un an, quelques dizaines de personnes se sont réunies à un « dîner des Optimistes » à Strasbourg. Qui sont ces personnes qui trouvent encore le moyen d’être optimistes en 2015 ? Soirée revigorante.

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Qui sont ces éternels optimistes qui se réunissent lors de dîners

La Ligue des optimistes a été fondée en 2010. Des dîners aux quatre coins de la France et à l'étranger sont organisés. (Photo GA)
La Ligue des optimistes a été fondée en 2010. Des dîners aux quatre coins de la France et à l’étranger sont organisés. (Photo GA)

« C’est incroyable, ici personne ne se plaint. »

Cette quadragénaire médusée est l’une des 45 convives du troisième « Dîner des Optimistes » organisé à Strasbourg vendredi 27 mars. Après avoir enchaîné les allers-retours hebdomadaires entre Strasbourg et la bourse de Paris pendant des années, elle monte sa propre entreprise en Alsace. Elle est venue par le bouche-à-oreille :

« Une amie de confiance a participé à l’un de ces dîners d’optimistes à Lorient et m’a dit que c’était très convivial. Elle a vu qu’il y en avait un à Strasbourg et m’a conseillé d’y aller. J’ai réussi à entraîner une copine avec moi. »

Ce dîner est organisé par Ghislain Agbangla, 39 ans juriste, créateur de franchises populaires, itinérant et membre de la Ligue des Optimistes de France depuis 2013. Mais ici, tout le monde se tutoie et s’appelle par son prénom. Alors nous étions curieux de lui demander d’où est venue cette idée saugrenue.

Ghislain : « L’actualité nous pousse à être optimistes »

Après un premier épisode au Baggersee et un deuxième à Illkirch-Graffenstaden, les optimistes strasbourgeois s’étaient donné rendez-vous au centre-ville, place d’Austerlitz, au Café composé, privatisé pour l’occasion. On y vient seul, entre amis, en tandem parent-enfant ou en couple.

Ghislain, l’élégant maître de cérémonie, nous reçoit et nous rappelle le déroulé de la soirée : un apéritif, un mini-conférence avec l’invité du soir, puis le dîner complet. Chacun a ramené une enveloppe avec une citation sur le bonheur, qui sera lue pour les volontaires avant le dessert.

C'est le troisième dîner des optimistes à Strasbourg (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)
C’est le troisième dîner des optimistes à Strasbourg (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Dans l’assemblée, le plus jeune passe son bac cette année et les retraités font figure d’aînés. La majorité des participants a entre 30 et 50 ans. La soirée comprend le consistant apéritif, le dîner avec entrée, plat et café gourmand, arrosé de vins blancs et rouges. Chacun a déboursé 35 euros.

Pour la plupart, il s’agit d’une première. Un brin de curiosité les anime. Chacun se demande s’il est assez optimiste ou non pour rester. Beaucoup sont des connaissances directes ou indirectes de Ghislain, qui habite Illkirch-Graffenstaden.

À mi-chemin entre le conte et l’hypnose

À chaque dîner des optimistes un intervenant se déplace. Ce soir, c’est Gaston-Paul Effa, auteur lorrain d’origine camerounaise. Cet ami de Ghislain est venu gracieusement, son intervention dure une vingtaine de minutes. Elle traite de l’animisme, c’est-à-dire l’harmonie entre l’homme et la nature.

Son intervention est à mi-chemin entre le conte et l’hypnose. Il nous demande de nous imaginer en forêt, nus, d’imaginer le ciel bleu et surtout de laisser de côté la raison, qui est l’ennemi du bonheur. C’est le moment que choisissent quelques clients égarés pour pousser la porte du Café composé. Ils repartent aussitôt avec de grands yeux après la découverte de cette assistance ultra-silencieuse.

L'écrivain Paul-Gaston Effa intervient une vingtaine de minutes sur l'animisme (Photo
L’écrivain Paul-Gaston Effa intervient une vingtaine de minutes sur l’animisme (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Aussi incroyable que cela puisse paraître, les convives ne sont pas des personnes déconnectées, des utopistes ou de doux rêveurs. Ils suivent l’actualité, ils votent et sont très engagés dans leur métier ou par ailleurs. Une amie de Ghislain est d’origine grecque. Quand elle compare la situation française à celle de son autre pays, elle dit qu’on ne peut qu’être optimiste par rapport à nos vies. Comme Ghislain (voir vidéo), c’est justement la triste marche du monde qui les pousse à l’optimisme.

Certains sont avocats, d’autres travaillent dans l’immobilier ou la communication, mais ils sont aussi travailleurs sociaux, ou retraités. Les quatre coins de Strasbourg et des villages environnants sont représentés. À une autre table, Malika a passé sa dernière soirée électorale avec le Parti communiste. Comme le conclura l’une des invitées en fin de repas :

« Ça nous sort de nos réseaux habituels. »

Avant l'arrivée des convives au Café composé (Photo GA)
Le logo de la ligue des optimistes sur un carnet de note pour chaque convive. (Photo GA)

La Ligue des optimistes a été créée en 2010. Elle se dit apolitique et areligieuse. Elle compte dans ses rangs France Roque, la présidente, Jean d’Ormesson, Érik Orsenna, Matthieu Ricard, Éric Émmanuel Schmitt ou encore Philippe Gabillet, professeur à l’ESCP Europe et entre autres connu pour ses vidéos Youtube sur l’optimisme ou comment avoir de la chance.

Ces dîners se multiplient, en France, mais aussi à l’étranger. Les participants ont comme seul point commun cette vision positive de l’avenir qu’ils ont besoin de clamer. N’y a-t-il pas un petit côté secte ? Ghislain a déjà entendu la critique :

« Si les personnes n’ont pas confiance en elles, elles n’ont qu’à s’abstenir de venir. Il suffit d’assister à un dîner pour se faire sa propre opinion. Entre passer un bon moment et se faire endoctriner, chacun est sensé se rendre compte. »

Pour ceux qui restent sceptiques, ni Ghislain, ni la Ligue n’ont demandé d’argent à la fin de la soirée. L’adhésion est facultative. D’une manière générale, les participants aimeraient souvent que la société soit plus juste et plus tolérante. Et regrettent que se revendiquer optimiste soit souvent associé à de la naïveté ou de l’utopisme.

« Au début on me prenait pour une folle »

Avant le dessert, une personne sur deux doit se rendre à une nouvelle table. Un moyen de changer de voisin et de rencontrer Laura. Elle ne se demande pas si elle est optimiste ou non. Elle le sait et s’explique :

« C’est parce qu’on est lucide sur ce qui se passe qu’on est optimiste. On a justement le devoir d’être optimiste quand on voit ce qui se passe autour de nous. Au début on me prenait pour une folle. Pourtant il y a des optimistes qui s’ignorent. »

« Pas trop envie d’y aller au début »

Ancienne cadre bancaire et responsable de centres sociaux, Laura dirige un cabinet de conseil et de formation aux entreprises. Là où les cabinets traditionnels privilégient les aspects économiques, son domaine de spécialité est le bien-être au travail. Ce qui à terme est très intéressant pour les finances d’une entreprise selon elle. Le nom de son cabinet ? Sérenitude.

Pour mieux se connaître, elle nous propose de raconter nos trois « kiffs » de la journée, autrement dit nos moments de plaisir. Au début, l’inspiration manque, mais en fin de tour de table, chacun a plutôt quatre ou cinq kiffs à raconter. Le dernier étant ce dîner pour lequel beaucoup « n’avaient pas trop envie d’aller au début ». Les quelques verres de vin aidant, la bonne humeur et les énergies positives sont communicatives.

Plusieurs générations autour des tables. (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)
Plusieurs générations autour des tables. (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Rendez-vous à l’automne

Entre 23h et minuit, les convives repartent au compte-goutte. Quelques cartes ou numéros de téléphone s’échangent. On repart avec une enveloppe et une citation sur le bonheur amenée par quelqu’un d’autre. Ghislain estime que le rythme d’un repas tous les six mois est le plus adapté, compte tenu de la préparation et de la nécessité de trouver un intervenant différent.

Il espère organiser le prochain Dîner d’Optimistes à l’automne 2015, peut-être à la Maison Kamerzell. Mais n’importe quel optimiste peut organiser son propre événement avec accord de la Ligue.


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