Avec Rue89 Strasbourg, vous avez fait le tour de Metz, vous avez percé les secrets les plus noirs de la Lorraine et en maîtrisez peut-être aujourd’hui quelques subtilités. Histoire de finir sur une note dorée cette série estivale liée à la réforme territoriale, nous avons décidé de nous pencher sur Nancy, ville très étudiante mais aussi plus bourgeoise que sa sœur messine.
Avant toute chose, assistons à la naissance de Nancy emmenée par la construction d’un château féodal au XIe siècle par Gérard… d’Alsace. Il créé autour de son œuvre toute une cité, ses rues et ses limites géographiques, faisant dès lors apparaître Nancy sur les cartes.
S’en suivent de longues batailles entre ducs pour s’approprier la ville avant que Charles IV ne décide de s’allier avec le Saint-Empire romain germanique et de provoquer ainsi l’ire de Louis XIII. La ville est assiégée, capitule et voit progressivement son urbanisme évoluer avec notamment l’apparition de ville-neuve.
La suite ? Le duc de Lorraine, Stanislas Leszczyński, fait édifier la fameuse place Stanislas, attraction touristique principale de la ville aujourd’hui classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, tout comme les places de la Carrière et d’Alliance. À cette époque, s’établissent de nombreuses entreprises de tapisseries qui participent du raffinement de Nancy, qui, peu à peu, voit ses bâtiments s’inscrire dans le mouvement de la Renaissance.
Peu à peu, l’industrie sidérurgique s’empare de la région, l’économie est en plein essor. Lors de l’annexion de 1871, Nancy reste française et devient la ville principale de l’est de la France. Elle rayonne grâce à l’École de Nancy fondée notamment par Emile Gallé et Antonin Daum, tous deux maîtres verriers. La fine équipe va faire entamer à la ville un virage vers l’art nouveau dont on retrouve de belles traces à travers toute la ville.
Un peu d’archi’
À Nancy, il faut donc absolument aller voir la villa Majorelle, un bijou d’Art nouveau, et pour s’imprégner du mouvement de l’École de Nancy, visiter le musée qui lui est dédié. Parce qu’il n’y a pas seulement la place Stan’, il y a aussi l’enfant du pays : Jean Prouvé, as du mobilier et de l’architecture, qui a marqué la ville de sa patte indus’.
Mise à part la maison Prouvé, construire en 1954 et que vous pouvez visiter jusqu’au 29 septembre 2014, l’on peut croiser nombre de ses réalisations en flânant dans la ville : la porte d’entrée de la cité universitaire de Monbois, les très belles ferronneries de l’immeuble du 22, rue de la Commanderie ou du Muséum Aquarium (un musée dans lequel entrer pour renouer avec la joliesse du monde de l’enfance) ou encore la maison Dollander sur laquelle on retrouve des éléments de façade de Jean Prouvé.
Ne pas oublier de passer par les écrins de verdure nombreux dans la ville, notamment la roseraie de la pépinière.
L’édition, mieux qu’à Strasbourg
Jean Prouvé, que la ville a mis à l’honneur en 2012 n’est pas le seul à s’attirer les honneurs des collectivités. À la différence de Strasbourg, empreinte d’une réelle tradition de l’édition : illustration et journalisme confondus, mais néanmoins dans le déni face aux talents de l’ancienne et de la nouvelle génération, Nancy valorise très clairement ses artistes.
L’on pense à Rémi Malingrëy crayon de Libération, Okapi ou L’Écho des Savanes, ou à Lefred-Thouron officiant dans les pages du Canard Enchaîné, l’Équipe magazine ou encore Fluide Glacial. À Strasbourg, il n’y a bien que Tomi Ungerer et son musée pour représenter cette manne pourtant nourrie par Blutch notamment ou via la présence de l’école des Arts décoratifs, le collectif Central Vapeur et les excellentes éditions 2024.
Alors que dans la plupart des grandes villes françaises l’on retrouve des galeries consacrées aux arts graphiques et à l’édition, à Strasbourg, elles sont inexistantes. Il faut donc passer la frontière de notre région pour en trouver et Nancy n’est pas en reste, également poussée par le moteur Centre Pompidou-Metz. Un clin d’œil d’ailleurs avec le Centre culturel Georges Pomp it up, sorte de factory libre chapeautée par l’association SprayLab où s’organisent des expositions ainsi que des apéros graphiques où les artistes produisent des sérigraphies.
Mais surtout, il y a My Monkey, espace qui s’est forgé une belle réputation dans le milieu du graphisme contemporain français du haut de ses 55 m2. Lieu de création, de diffusion mais aussi centre de ressources, on y voit de belles expositions organisées et fournies par des pontes des arts graphiques, tout en n’oubliant pas l’esprit très familial du lieu.
Quelques boutiques uniques
Une fois le quota culturel bien farci, direction shopping. Commençons girly avec Le Boudoir des arts en ville-vieille, un dépôt-vente d’articles de marques et de petits articles brocante, très branché tendance.
Dans la même veine, on trouve chez Setti (15, rue de la Visitation), dans ce rez-de-chaussée d’un ancien hôtel, toute une gamme de produits de luxe dix fois moins cher. Une adresse plutôt confidentielle, idéale pour les modeuses au porte-monnaie modeste.
Côté déco, Le Cent 9 ne propose que de la fabrication française dans son concept-store qui fait la part belle à la jeune création, le Bergam lui est un peu plus curieux, plus moderne et plus ludique à la manière, chez nous, de Mémé en Autriche qui projette d’ailleurs de s’installer à Nancy.
Pour les amateurs de musique, le disquaire Punk Records (27, rue des Maréchaux) est un incontournable, Francis Kremer connaît la scène rock comme sa poche et a même participé à l’aventure Kas Product, dont les Nancéiens élevés à la sauce new-wave se souviennent encore. Une petite échoppe au cœur de la rue gourmande des Maréchaux, un peu sombre (les nombreux vinyles empêchent la lumière de se diffuser) mais géniale où l’on trouve de tout mais surtout le disque que l’on cherche.
Se sustenter
Penser Lorraine, c’est surtout penser à la quiche et au pâté lorrain, or, Nancy se trouve être le paradis des macarons et bergamotes que l’on trouve dans les nombreuses pâtisseries de la ville. On y croise aussi de très bonnes brasseries, notamment L’institut, institution dans le cœur des Nancéiens et repaires de toutes sortes de cultureux et communicants. Le Snack Michel quoi.
Chez Suzette (20, rue Héré), ambiance choupinette parfaite pour un brunch entre copines et si les copines ont encore plus faim et qu’elles sont aux bras de hipsters, hop, direction Voyou, un restaurant à burgers fameux avec frites faites maison et sandwiches préparés à la française s’il vous plaît.
Pour plus de simplicité, on vous conseille le Bistrot de Pierre, où père et fils s’échinent à travailler une cuisine du terroir et des produits de saison dans un décor authentique. C’est tout simplement bon.
Faire la fête
Bon, ne nous mentons pas, il semblerait que les Nancéiens soient très nombreux à prendre le train pour aller se trémousser sur les pistes parisiennes et plus récemment, luxembourgeoises. Mais il existe quelques lieux qui valent le coup pour éviter les trop classiques Caves par exemple, prisées par les locaux et un tantinet bling-bling.
Prenons le contre-pied et faisons un détour par Maxéville à 10 minutes de Nancy et plus particulièrement par le T.O.T.E.M friche artistique et culturelle underground où s’organisent des fêtes électroniques pointues, des expositions, des performances autour du corps et toutes sortes d’événements OVNIS fascinants. Le lieu est actuellement menacé et en liquidation, aussi, pour le soutenir, n’hésitez pas à vous rendre au week-end de célébrations prévu les 6 et 7 septembre
Plus grand public, L’Envers Club d’ailleurs meilleur copain du Rafiot où la programmation est très lié à la scène électronique française. Côté rock on retrouve La Machine à Vapeur (la MAV’ pour les intimes) où l’on s’abreuve de cocktails tout en dansant dans la bonne humeur et avec les bras en l’air, ben oui.
Au Mouton électrique, on évolue dans toutes sortes d’univers musicaux, du jazz en début de soirée, au rock, pour finir un peu plus house dans une ambiance Blade Runner.
Bien sûr L’Autre Canal, salle de concert contemporaine qui vient trancher avec l’architecture de la ville où aura lieu en octobre le festival Nancy Jazz Pulsations, où vous pourrez croiser Black Strobe, Gregory Porter, Brigitte et encore Tristesse Contemporaine. Un groupe qui nous permet de vous dire au revoir, en musique et de vous affirmer notre tristesse, parce que voilà, « En passant par la Lorraine », c’est fini. Bonne rentrée.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : toute notre série d’articles « En passant par la Lorraine »
Chargement des commentaires…