Ces êtres longs et rampants, dénués de pattes, se faufilent dans les bosquets, les rochers ou les herbes hautes. Vous vous demandez peut-être, s’il y en a vraiment en Alsace ? La réponse est oui. Des digues du Rhin, jusqu’au piémont vosgien, de Thann à Wissembourg, on peut trouver des serpents dans la région.
Pourtant, pas de carte de leur répartition, pas de chiffres précis en ce qu’il concerne leurs effectifs. Jean-Pierre Vacher, responsable scientifique de l’Association pour l’étude et la protection des amphibiens et des reptiles (dont le petit nom est Bufo, en référence à une espèce de crapaud) confirme qu’il n’existe pas de « suivi réel des reptiles. » L’association alsacienne, qui emploie quatre personnes depuis 1997, ne dispose pas de suffisamment de ressources pour suivre les serpents.
Deux espèces de ces reptiles sont réellement présentes initialement dans la région. Communément appelées couleuvres, elles sont totalement inoffensives pour l’être humain. On trouve tout d’abord la couleuvre à collier, ou couleuvre helvétique, sur une grande partie de l’Alsace. Quant à la coronelle lisse, elle est un petit peu plus rare que la première.
Les naturalistes alsaciens sortent entre mars et octobre pour observer les serpents. Si l’objectif est d’étudier la couleuvre à collier, ils se dirigent plutôt vers les forêts humides, en particulier dans les zones alluviales proches du Rhin, que cette espèce affectionne particulièrement.
La couleuvre à collier, comme un serpent dans l’eau
Avec une grande connaissance du terrain, un peu de patience et parfois des kilomètres parcourus à pieds sur des sentiers humides, les scientifiques de Bufo réussissent à apercevoir la couleuvre à collier. D’après Alain Fizesan, scientifique de terrain pour cette association, « elle est relativement abondante, on en trouve à coup sûr quand on va sur le terrain pour la débusquer. »
Déjà en 1804, l’auteur d’un inventaire réalisé à l’époque expliquait que la couleuvre à collier était l’espèce de reptile la plus abondante. Depuis longtemps, il est commun de voir ce serpent gris, parfois marron, qui possède un collier clair sur le cou. Elle présente parfois une série de barres verticales noires sur les flancs. Sa taille varie, elle est d’environ 70 cm pour les mâles et 140 centimètres pour les femelles. Souvent, lorsque l’on tombe sur elle par hasard, elle simule la mort pour se protéger.
On peut aussi la voir nager à la recherche de proies. Elle est semi-aquatique et se délecte de petits amphibiens comme la grenouille agile, la rainette, le crapaud commun ou le triton crêté qu’elle trouve aussi bien dans l’eau que sur terre.
En réalité, on peut rencontrer la couleuvre à collier partout en Alsace à moins de 800 mètres d’altitude, mais principalement en milieux humides. Cela dit, d’après Alain Fizesan, « il arrive d’en voir dans d’autres types de milieux comme des forêts sèches, des coteaux ensoleillés ou des carrières. »
En Alsace, l’intensification de l’agriculture et la régularisation du Rhin et de certaines rivières vosgiennes comme la Thur ou la Fecht ont provoqué une perte considérable de surface favorable à ce serpent. À l’ouest de Strasbourg, le Grand Contournement Ouest, s’il se construit, détruira définitivement des écosystèmes susceptibles de l’accueillir comme les environs du canal de la Bruche au niveau de Kolbsheim.
Pour la protéger, la mesure la plus pertinente d’après Daniel Holfert, membre de Bufo et coauteur de l’Atlas de répartition des amphibiens et reptiles d’Alsace, serait le maintien des zones humides. Plusieurs dispositifs de protection de ces zones sont déjà en cours, comme l’île du Rohrschollen près de Strasbourg, et favorisent la conservation de cette espèce.
La coronelle lisse affectionne les milieux secs
Pour observer la coronelle lisse, les scientifiques se rendent plutôt « en milieux secs, sur les collines du piémont vosgien », d’après Alain Fizesan. Ces serpents sont plus rares, plus difficiles à observer : « Il arrive souvent de rentrer bredouille d’une sortie de terrain sur le thème de la coronelle lisse. »
Très discrète, elle fait en sorte que l’on ne tombe pas sur elle. Les rencontres avec cette couleuvre sont souvent fortuites. Les heureux observateurs de ce reptile témoignent souvent d’une position enroulée. Elle pratique alors, comme de nombreux autres reptiles, l’héliothermie : elle reste immobile au soleil pour augmenter sa chaleur corporelle.
Globalement, elle affectionne les milieux secs, mais il peut arriver exceptionnellement d’en trouver dans des zones humides comme les forêts alluviales. Elle se nourrit principalement de lézards, et c’est surtout leur présence qui détermine celle de la coronelle lisse. On observe justement des populations de reptiles importantes dans le piémont vosgien.
D’après Jean-Pierre Vacher et Gilles Godinat, également tous deux auteurs d’une partie de l’Atlas de répartition des amphibiens et reptiles d’Alsace, on trouve la coronelle lisse du nord ouest de la péninsule ibérique jusqu’à l’ouest de l’Asie. La limite de son territoire au nord est le début des forêts boréales de Scandinavie.
En plaine rhénane, on peut la trouver jusqu’à 1 130 mètres d’altitude. Elles se cachent dans les murs de pierre du vignoble de Kaysersberg, dans les prairies denses aux abords du château de l’Ortenbourg à Scherwiller, ou encore dans les enrochements qui soutiennent la digue du canal du Rhin.
Mais les observations ont le plus souvent lieu sur les collines sèches du piémont vosgien qui s’étendent du Nord au Sud de l’Alsace, un des paysages les plus emblématiques de la région, il est d’un intérêt naturaliste de niveau international.
Plutôt lente, la coronelle lisse n’hésite pas à traverser chemins et routes construits par les humains, ce qui la rend vulnérable à la circulation routière.
Les vipères, serpents introduits en Alsace dans les années 70
Les serpents sont souvent objets de mythes et d’angoisses. Ces deux espèces de couleuvres ne sont pas venimeuses. En revanche, deux espèces de vipères venimeuses ont été introduites en Alsace il y a une cinquantaine d’années.
On trouve la vipère aspic sur les collines sèches de Ribeauvillé et de Rouffach. Ce serpent aurait été introduit dans les années 70 par un jeune scout fanatique de la vipère qui aurait lâché près de 275 individus en provenance du Jura dans les environs des châteaux de Ribeauvillé. À partir de là, une population stable de cette espèce s’est établie.
La vipère péliade quant à elle, a été introduite dans la région de Lapoutroie. Elle y est régulièrement observée ces dernières années. Sur le dos, ces serpents possèdent une belle marque brune foncée en zig zag sur le dos. On distingue surtout les vipères des couleuvres grâce à leur tête triangulaire.
En cas de morsure, un antivenin est primordial. La meilleure attitude est de rester immobile et d’attendre l’arrivée des secours. Cela dit, on observe très peu d’accidents liés à ces serpents puisqu’ils préfèrent fuir la présence des humains.
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