1 – Le cas Chantal Augé
Gros coup de colère lundi, en marge du conseil municipal, d’Olivier Bitz, chef du groupe des élus PS. Ces écolos n’en font qu’à leur tête ! Chantal Augé, ex-adjointe en charge des marchés publics, qui devait annoncer son ralliement au groupe Europe écologie – Les Verts en décembre, a finalement sauté le pas dès lundi 26 novembre, par la voix de son nouveau chef de groupe Eric Schultz. Olivier Bitz, qui a Chantal Augé dans le nez depuis un moment, aurait voulu la voir exclue de la majorité municipale. Elle est a présent abritée par le parapluie écolo, invirable. Le chef des troupes PS dément toute animosité à l’égard de la transfuge et note carrément trouver « plutôt mieux » que Chantal Augé intègre un groupe au sein la majorité municipale, que de la voir jouer les électrons libres dans l’assemblée.
Alors que s’est-il passé ? Déchue de son statut d’adjointe au maire l’hiver dernier, l’élue était encore membre du groupe PS du conseil municipal jusqu’à cet été. Mais à cette date, elle demande des comptes sur la gestion de l’association départementale financière du PS (ADFPS) qui collecte chaque mois 10% des indemnités d’élus pour les reverser au parti socialiste départemental. Soit, calcule-t-elle, environ 380 000€ versés en 4 ans par les élus strasbourgeois.
Pour Chantal Augé, ce virement mensuel est de 129€ sur ses 1290€ d’indemnités de conseillère municipale et communautaire. Quand on lui explique que 99,9% des fonds collectés par cette structure « transparente » vont alimenter la caisse du PS du Bas-Rhin, elle demande une communication sur l’utilisation de ces sommes par le parti. Refus net. Et la voilà rayée de la liste des élus PS. Olivier Bitz, chef de groupe, « refuse de commenter » ces informations. La principale intéressée ne s’étend pas non plus.
1 bis – « Pas propriétaire de son mandat »
Restée quelques mois sans attache politique, Chantal Augé est déplacée dans l’hémicycle à la rentrée, alors que Philippe Bies descendu de son perchoir d’adjoint lui aussi, mais pour une toute autre raison, prend sa place. Jean-Charles Quintiliani (Gauche moderne) n’aura pas le loisir d’apprécier longtemps sa compagnie, puisque l’élue décide début novembre de rejoindre le groupe EELV. Pour ne pas interférer avec les élections internes du PS – Jean-Michel Augé, le mari de Chantal, est candidat face à Mathieu Cahn – élus EELV et Augé la transfuge décident « d’attendre un peu », dixit Eric Schultz, chef de groupe, avant d’annoncer cette nouvelle union. C’est chose faite le 19 novembre, dans un courrier adressé au cabinet du maire.
L’information est alors transmise à Robert Herrmann, premier adjoint, à Olivier Bitz, chef de groupe et… c’est tout. Mathieu Cahn, adjoint au maire et tête de file du PS du Bas-Rhin, apprend ce transfert lundi, en plein conseil. Il s’agace :
« J’ai été un peu surpris de la façon dont cela a été annoncé, même si le fait que Chantal Augé rejoigne EELV n’est pas vraiment une surprise [ndlr : elle a notamment co-fondé Anticor 67 avec des élus EELV]. Pour moi, il y a une forme de cohérence à avoir : on n’est pas propriétaire de son mandat. Madame Augé a été élue sur une liste, sur un programme. Elle a le droit de ne plus se retrouver dans une politique, mais alors elle doit, comme Emmanuel Jacob [ndlr : blogueur de la Robertsau de Rue89 Strasbourg] l’a fait, quitter le conseil municipal. Il y a manière et manière d’agir… »
Même réaction de la part de Syamak Agha Babaei, conseiller municipal PS (aile gauche) :
« Chantal Augé, comme moi d’ailleurs, n’a pas été élue sur son nom, elle ne dispose pas individuellement de son mandat. En cas de désaccord de fond avec la politique menée, la question de la démission est posée, c’est une question d’honnêteté intellectuelle. Après, entre Chantal Augé et les socialistes, la rupture est consommée et digérée. Elle a laissé entendre des choses lourdes à l’égard de l’équipe municipale… Aujourd’hui, c’est aux Verts de voir. »
2 – Notre-Dame-des-Landes et Jean-Vincent Placé
Mais le divorce qui se profile ou du moins, la guerre souterraine menée depuis quelques mois entre les membres de la majorité, socialistes d’une part, écolos d’autres part, va plus loin que cet énième accroc au contrat. Pour Mathieu Cahn, le contexte national n’aide pas :
« Nos relations se tendent, c’est une évidence. Les sujets nationaux jouent un petit peu, Notre-Dame-des-Landes bien sûr [ndlr : les écolos ont manifesté à Strasbourg contre le projet à plusieurs reprises] mais surtout les propos tenus par Jean-Vincent Placé [s’interrogeant sur le maintien des ministres EELV au gouvernement], élu sénateur avec les voix du PS !
Ce qui me gène aussi, c’est quand au niveau local les élus Verts sont solidaires de ce qui leur convient et émettent des critiques sur des sujets qui ne sont même pas identitaires, comme l’Odyssée ou le PPRT… C’est vrai que nous ne sommes pas dans la phase la plus simple depuis le début du mandat, mais nous avons choisi d’aider les écologistes à entrer au conseil municipal alors qu’ils n’avaient fait que 6% au premier tour et ne pouvaient pas se maintenir. Il n’y aucune raison de nous séparer d’eux aujourd’hui. »
3 – Le conseil unique d’Alsace, le rallye, l’Odyssée, les antennes, etc.
Ce qui pose problème à Syamak Agha Babaei lui, ce n’est pas non plus la fronde anti-rallye menée par Alain Jund, adjoint EELV en charge de l’urbanisme, ou la bataille contre les antennes-relais d’Eric Schultz, c’est le ralliement des écologistes au Conseil unique d’Alsace à la sauce Philippe Richert au niveau régional. Au dernier congrès rassemblant les deux départements et la région samedi 24 novembre, les élus EELV, parmi lesquels Marie-Dominique Dreyssé, adjointe au maire de Strasbourg en charge de l’action sociale, ont voté comme un seul homme derrière l’UMP. Pour Syamak Agha Babaei, c’est inacceptable :
« Sur ce sujet, on a une divergence de fond, même s’il y a des hésitations aussi à gauche. Ce qui me pose un problème politique, c’est qu’en ville, les Verts jouent à plus à gauche que moi tu meurs et qu’au niveau régional, ils font un bout de chemin avec Richert. Je suis de ceux qui pensent que le PS ne doit pas s’enfermer dans un dialogue avec les Verts à gauche… »
Pour cet élu de la majorité, les écologistes « ne sont pas muselés, certains travaillent bien avec [le PS] » comme Alain Jund, en charge de l’urbanisme, tandis que d’autres cultivent les différences et « se démarquent sur des postures », Eric Schultz en tête. Pour ces raisons et d’autres, l’aile gauche du PS ne veut pas d’une alliance sur la ligne de départ aux prochaines municipales, ni même d’un accord de second tour.
4 – Alain Jund reste prudent
Partir entre début 2013 et le printemps 2014 ? « Personne n’y a intérêt », juge Alain Jund qui se sent à l’aise dans ses baskets d’adjoint à l’urbanisme. Il reconnaît néanmoins que le mariage n’est pas sans nuage :
« Les choses sont compliquées depuis le début. Et de plus en plus de points de divergences sont apparus au fur et à mesure des années : l’aéroport, le TGV, le rallye, la rocade sud, la téléphonie mobile, le PPRT, le conseil unique d’Alsace, la piscine de la Victoire… Mais on est parti sur une alliance, et sur les questions d’urbanisme, de vélo, d’écoquartiers, je suis globalement satisfait. Avec Philippe Bies, adjoint PS au logement, nous avons très bien travaillé en binôme.
Alors bien sûr, deux choses agacent certains socialistes : que nous gardions notre liberté de parole et aussi que nous ayons travaillé et apporté des choses. Même si je m’abstiens de faire tout type de prévision pour 2014, je dirais qu’on a bien avancé ensemble, même si c’est difficile. Ce qui me fatigue en revanche, ce sont les volontés hégémoniques de quelques-uns… »
5 – Eric Schultz trépigne
S’il ne précise pas, on peut imaginer qu’il songe par exemple à Robert Herrmann, premier adjoint, qui chapeaute notamment la démocratie locale. Une compétence déléguée à Eric Schultz, qui assure devoir batailler pour conserver un semblant de maîtrise du sujet :
« Aujourd’hui, mes relations avec Robert Herrmann sont inexistantes. Au début du mandat, on s’entendait bien et il n’y a jamais eu de clash formel. Mais rapidement, il a fait de la démocratie locale son domaine réservé et à plusieurs reprises, j’ai du me battre pour rester informé de ce qui se passait. Sur l’épisode de la baignade au Herrenwasser aussi, nos visions ont franchement divergé. »
Le premier adjoint tempère :
« Nous avons des points de désaccords, ce qui est normal dans une coalition. Je n’applaudis pas des deux mains à chaque fois que les écologistes s’expriment, mais je crois encore qu’il y a plus de choses qui nous rassemblent que de sujets qui nous divisent. Je sens une petite radicalisation surtout concernant Eric [Schultz] mais le calendrier y est pour quelque chose. Personnellement, je ne vois pas quelle logique pourrait justifier un départ après 5 ans de travail en commun. »
Pour Eric Schultz effectivement, ce qui fonde le mariage PS-EELV est plus ténu chaque jour :
« Ce que nous devions faire ensemble [PS et Verts], nous l’avons fait. Il serait nécessaire aujourd’hui de remettre à plat certaines choses, ce qui ne se fera pas à 16 mois des municipales ».
De départ de la majorité, il n’est pas question néanmoins. Mais si un dossier majeur – lisible par l’électorat écolo – devait précipiter la rupture, Alain Jund et Marie-Do Dreyssé, les deux adjoints, ne feraient alors pas le poids face aux quatre autres membres du groupe municipal « Ecologistes et citoyens », Chantal Augé comprise.
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