Environ 120 Alsaciens, dont 78% d’hommes, découvrent chaque année leur séropositivité en Alsace, soit une contamination tous les trois jours. Près de 70% de ces patients ont été contaminés par des personnes qui ignorent qu’elles sont porteuses du virus et 97% des personnes contaminées l’ont été après des rapports sexuels non protégés (chiffres Corevih Alsace).
L’appel aux candidats aux municipales
Militants auprès des pouvoirs publics, l’association des Élus Locaux Contre le Sida (ELCS) rappellent à chaque élection (présidentielle, municipale…) aux quelques 556 883 élus locaux et nationaux qu’ils ont le devoir de s’engager et de mener des actions de mobilisation auprès des citoyens, surtout à un moment où les français se démobilisent de plus en plus. Le 29 novembre, ils ont envoyé un appel aux candidats aux élections municipales pour connaître leurs projets en matière de prévention et de lutte contre le Sida, via un questionnaire.
Élisabeth Ramel, conseillère municipale (PS) déléguée de Strasbourg des ELCS explique la démarche:
« Les Élus Locaux interpellent les candidats sur les campagnes de prévention qu’ils comptent mener durant leur mandat. Ces derniers rendent un projet de réponse, en proposant des solutions aux dix questions, point par point. Ce projet crée une obligation morale et de résultats. Les Elus Locaux contrôlent chaque année que les engagements ont été respectés. »
Les réponses des candidats seront publiées sur le site de l’association afin que les citoyens puissent suivre leurs propositions. Pour l’instant, aucune réponse n’a encore été publiée, « nous ne sommes qu’en début de campagne » glisse Elisabeth Ramel, qui a écrit le projet de réponse de Roland Ries, en attente de validation.
Le questionnaire des Élus Locaux
« Une maladie sous contrôle mais pas terminée »
Si la campagne des Élus Locaux contre le Side résonne à l’approche des élections municipales, c’est parce qu’après des années de mobilisation, les campagnes de prévention deviennent plus rares dans les villes et à Strasbourg en particulier, surtout auprès des jeunes. Alors que le Sida est désormais « une maladie sous contrôle » comme le souligne Anne Misbach, coordinatrice du Corevih Alsace, la maladie est « encore loin d’être endiguée ». Elle explique :
« L’épidémie est plus contrôlée qu’avant, le VIH étant devenu une maladie chronique. Les traitements permettent aux malades de vivre plus longtemps et pour certains, quasiment normalement si la maladie a été dépistée à temps. Mais on remarque toujours que les nouvelles générations sont très mal informées, principalement les hétérosexuels qui ne se sentent pas toujours concernés. »
Une maladie de « vieux »
Un membre de l’association Sida Info Service, explique, lui, cette démobilisation par le désintérêt des nouvelles générations :
« Le Sida devient une maladie de « vieux ». Avec les progrès de la médecine, les malades d’hier ont une meilleure espérance de vie et deviennent invisibles. Les jeunes ne se sentent plus vraiment concernés par la question. Ce qui est dangereux, puisque les hépatites B et C sont très virulentes et concernent 600 à 800 000 personnes en France. Une personne sur deux ignore d’ailleurs qu’il en est porteur (contre une personne sur cinq pour le VIH). Sachant que ces cofacteurs de transmissions sont fortement liés, la prévention reste primordiale. »
Au centre de dépistage de Strasbourg, on avoue même peiner à trouver qui prendra la relève. Un médecin spécialiste du Sida s’interroge :
« C’est vrai qu’il y a un réel problème de mobilisation, même au sein des associations. Le Sida ne fédère plus autant qu’avant, lorsqu’il y avait beaucoup de morts chaque année. Heureusement d’un côté. Et d’un autre, c’est inquiétant parce la sexualité reste un sujet tabou et qu’on voit encore des jeunes de moins de 20 ans qui sont contaminés par le VIH (virus de l’immunodéficience humaine). Certes, les traitements fonctionnent mais à quel prix ? »
Car le coût des traitements est élevé, entre 1 000 et 1 500 euros par mois juste pour les médicaments pour une trithérapie dans un pays occidental. A cela s’ajoute le coût d’un suivi chez un médecin et des analyses sanguines régulières. En France, ces soins sont intégralement remboursés par la Sécurité sociale, au titre d’une ALD (affection longue durée). Mais le suivi médical, lourd, n’est pas la seule chose à prendre en compte. Le coût moral est important d’autant plus que la discrimination sociale et professionnelle reste forte.
A Strasbourg, le Marché de Noël éclipse la Journée mondiale du Sida
Le 1er décembre a longtemps été un important moment de rassemblement dans la ville. Organisée par les associations avec l’aide de la municipalité, une journée entière était consacrée à la rencontre entre les militants et les habitants de la ville. L’ambiance était aussi festive sur la place Kléber, avec une marche aux flambeaux et des percussionnistes. Mais depuis quelques années, le Marché de Noël ne laisse que peu de visibilité au chapiteau, quand il y en a un, des militants.
Alexandre Feltz, élu municipal délégué à la santé et médecin généraliste, reconnaît que le 1er décembre n’est pas la date idéale pour cette journée:
« Le 1er décembre tombe mal, c’est en pleine période du marché de Noël et il est difficile pour les associations d’avoir de la visibilité sur la place Kléber, au milieu des chalets. »
Malgré ce facheux agenda, l’élu maintient que la Ville de Strasbourg continue « son engagement historique dans la lutte contre le VIH et la réduction des risques liées aux hépatites et au sida ». Il dresse le bilan :
« Notre premier acte politique important a été de remettre le distributeur de seringues rue Sarre-Louis près de la gare, après qu’il a été enlevé durant les travaux de la gare sous le mandat de Fabienne Keller. Nous donnons également des subventions aux associations Ithaque, ALT et AIDES. Enfin, pour le 1er décembre, nous avons aidé les associations à revenir sur la place Kléber, lieu historique de la lutte contre le sida à Strasbourg. »
Cette année, l’opération était organisée par un collectif d’acteurs locaux avec le Corevih Alsace et la Ville de Strasbourg qui a mis à disposition des associations une campagne d’affichages et un petit chapiteau blanc. Un apport logistique principalement, qui n’a malheureusement pas suffi à apporter beaucoup de visibilité sur la place Kléber aux associatifs, entre les chalets, les sapins et le mapping toutes les 15 minutes sur la façade de l’Aubette.
Le centre de dépistage CDAG et l’association Médecins de Monde avaient également installé un camping-car où il était possible de se faire dépister gratuitement et rapidement à l’aide du Trod (le test rapide d’orientation diagnostique). Une trentaine de personnes a pu bénéficier d’un entretien et d’un test de dépistage rapide et gratuit en un après-midi. « Un chiffre honorable mais qui aurait pu être doublé si l’opération avait duré une journée » regrette une miliante du Corevih Alsace, qui soulève que « le 1er décembre reste une opportunité extraordinaire pour permettre la rencontre entre le public et les associations. »
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