Jeudi 24 octobre, un huissier de justice a rendu visite à la rédaction de Rue89 Strasbourg. Le monsieur – au demeurant fort sympathique – nous a délivré une assignation à comparaître devant le tribunal civil de Strasbourg en février pour avoir atteint au droit à l’image de Michaël Langlois. Les lecteurs et lectrices de Rue89 Strasbourg connaissent ce nom : il s’agit du professeur de théologie de l’Université de Strasbourg, qui profitait de son statut et de son charisme pour sortir avec ses étudiantes. Nous avons notamment révélé l’existence de deux plaintes à son encontre : la première pour viol, l’autre pour violences psychologiques et harcèlement moral.
En jeu : l’objectif même de Rue89 Strasbourg
Cette enquête, fruit de plusieurs mois de recherche, a été publiée en février 2023. Michaël Langlois nous a d’abord attaqué en diffamation. Le juge d’instruction du tribunal de Pau, où réside M. Langlois, a prononcé un non-lieu en juin 2024 mais pour nous défendre, nous avons dû engager plus de 1 000 euros de frais d’avocat.
Ça fait déjà cher l’article mais cet échec de Michaël Langlois devant la juridiction pénale n’a pas suffi au professeur de théologie. Il attaque désormais devant la juridiction civile, prétendant que sa photo illustrant l’article viole son droit à l’image. Nous sommes confiants dans l’issue judiciaire. Nous ne faisons que notre travail, qui est celui d’informer.
Mais nous n’avons pas la même confiance sur le plan financier : cette seconde procédure sera plus longue et une première phase se déroule avant l’audience, chaque partie devant produire des conclusions, puis des réponses aux conclusions… À chaque fois, ce sont de nouveaux frais d’avocat à avancer. M. Langlois le sait bien et c’est probablement son seul but, nous faire payer pour avoir osé publier sur lui des informations qu’il aurait préféré taire. C’est le principe des procédures-bâillons. Il est inacceptable que le droit de la presse, qui permet et protège la liberté d’expression, soit ainsi détourné à des fins de règlement de comptes personnels.
Nous ne nous soumettrons pas à cette forme d’intimidation mais il nous faut reconnaître que la perspective de ces nouvelles dépenses nous inquiète. La société Medialab, qui édite Rue89 Strasbourg, termine chaque exercice plus ou moins à l’équilibre, à 1 000€ près. Or la raison d’être de notre média, c’est l’investigation. Nous mettons en cause des sociétés et des personnes, pour ce qu’elles ont fait ou n’ont pas fait, à partir d’informations vérifiées, recoupées et d’intérêt général. Si chaque enquête devait mener le ou la journaliste qui l’a rédigée devant un tribunal, quel effet cela aurait-il ? Le résultat, ce serait l’autocensure, même sans condamnation.
Cette autocensure menace directement les enquêtes sur les violences sexistes et sexuelles, où chaque parole demande des semaines pour être recueillie et où les preuves sont délicates à obtenir.
Le prix de l’engagement sur les violences sexuelles
Rue89 Strasbourg a enquêté en 2019 sur des accusations de harcèlement sexuel contre l’ancien directeur de la Maison des associations. Un article qui a permis aux victimes de sortir de cet enfer, et qui a accéléré les procédures judiciaires. Un an plus tard, nous avons révélé les agressions sexuelles de l’ex-responsable du label Deaf Rock, qui se produisaient impunément en coulisses depuis des années. En 2024, c’est Rue89 Strasbourg qui a révélé la mise en examen pour agression sexuelle du conseiller régional Christian Debève. Plus récemment encore, nous avons été le seul média à mettre en cause un chef de chœur d’une paroisse strasbourgeoise pour des violences sexuelles sur mineures.
À Rue89 Strasbourg, nous travaillons à partir de la parole des femmes qui souffrent des violences sexistes et sexuelles. C’est ainsi que nous avons interviewé Marie, ex-compagne de Serge Oehler, conseiller départemental condamné en première instance et en appel pour violences conjugales « habituelles ». C’est aussi l’entretien que nous a accordé Laure Helms, ex-compagne du poète Jean-Michel Maulpoix, et qui décrit avec courage les mécanismes de l’emprise qui mènent aux violences conjugales.
Rue89 Strasbourg, c’est un média à impact. La médiatisation des affaires pousse parfois les institutions à sortir de leur passivité ou du déni. Ce fût le cas pour l’affaire Langlois. Nos recherches et notre publication avaient mis la cellule VSS de l’Université de Strasbourg sous pression. Cette dernière avait finalement décidé de suspendre l’enseignant… jusqu’à ce que Michaël Langlois obtienne l’annulation de cette décision pour un vice de procédure.
Vous pouvez nous aider
Si l’existence d’un média d’investigation local vous paraît indispensable. S’il vous semble d’intérêt public que Rue89 Strasbourg poursuive ses enquêtes sur les violences sexistes et sexuelles. Si vous refusez qu’un homme mis en cause par l’un de nos articles parvienne à faire taire toute une rédaction. Si le travail de nos journalistes vous semble d’intérêt public. Vous pouvez préserver la voix singulière de Rue89 Strasbourg en participant à notre campagne de soutien. Les dons donnent droit à une défiscalisation de 66% du montant. Objectif : réunir 10 000 euros d’ici la fin du mois de janvier. La première audience est prévue jeudi 13 février.
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