Poursuivi pour violences habituelles sur son ex-femme, Serge Oehler comparaissait devant le tribunal correctionnel de Strasbourg mercredi 8 décembre. Malgré ses dénégations répétées face au juge, le conseiller municipal socialiste a été condamné à 24 mois de prison dont 18 avec sursis. Également conseiller départemental au sein de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA), l’homme politique a vu ses six mois de prison ferme aménageables en détention à domicile sous surveillance électronique. L’ancien adjoint au maire aux Sports et du quartier Hautepierre-Cronenbourg lors de la précédente municipalité devra verser 7 000 euros de dommages et intérêts à la victime, son ex-épouse Marie C.
« Il a pu arriver que je tombe sur elle »
Dans la salle d’audience, Serge Oehler a été cité à la fois comme accusé et comme victime. L’homme politique strasbourgeois avait en effet également porté plainte contre Marie C. Cette dernière a reconnu avoir utilisé une bombe lacrymogène contre son ex-mari le 2 novembre 2019 à Metz. Elle a pour sa part été condamnée à trois mois de prison avec sursis.
Face au tribunal, Serge Oehler a nié les faits de violence qui lui sont reprochés. À la question de la présidente du tribunal Isabelle Karolak « avez-vous déjà frappé Madame C. ? », l’élu socialiste a répondu par la négative pour mieux se présenter en victime : « J’ai été agressé physiquement, mentalement et verbalement, quasi quotidiennement. J’avais peur d’elle. »
Puis la juge a demandé la réaction de Serge Oehler quant à dix certificats médicaux établis entre septembre 2014 et juillet 2019 par son ex-compagne suite à des coups qu’elle a reçus. Ces documents évoquent des « violences au domicile » et de nombreux hématomes, sur la cuisse, les jambes, le poignet, photos à l’appui. Mais le conseiller départemental est resté sur la même position : « Je ne dis pas que je ne me suis pas défendu. Quand on se disputait, il a pu arriver qu’elle me bouscule et que je tombe sur elle. » Pour Serge Oehler, ces documents signés du médecin de Marie C. ne seraient qu’une méthode de son ancienne épouse : « Elle voulait me mettre sous pression, parce que je suis un homme politique. »
« Je voulais des preuves, au cas où il m’arrive quelque chose »
Suivant son ancien mari à la barre, Marie C. a d’abord dû s’expliquer sur l’absence de plainte dès le début des violences : « J’étais dans une dépendance financière et affective, je le reconnais. » Elle a expliqué ces rendez-vous chez le médecin par le besoin d’être soignée et décrit aussi une habitude de documentation liée à son histoire familiale :
« Ma mère a vécu des violences lorsque j’étais petite. J’en ai vécues avec mon ex. Cette fois, je voulais que ma fille puisse avoir des preuves au cas où il m’arrivait quelque chose. »
Interrogée par l’avocat de Serge Oehler, Me Eric Braun, Marie C. a reconnu son hypersensibilité, ses cris, ses gros mots ou la vaisselle cassée lorsqu’elle découvrait les mensonges et autres tromperies de son mari. Elle a nié toute forme de violences physiques à son égard.
Des accusations mutuelles de mensonge
Pour le procureur de la République, « les dénégations de Serge Oehler sont insuffisantes pour renverser le poids de la preuve des certificats médicaux. » « Vue la gravité, la répétition et l’ampleur des blessures constatées », le représentant du ministère public avait requis une peine de cinq mois de prison avec sursis pour Marie C. et 20 mois d’emprisonnement avec sursis pour Serge Oehler. Le tribunal a finalement été plus sévère contre Serge Oehler.
Dans leurs plaidoiries, les deux avocats ont accusé la partie adverse de mentir. Me Leslie Ulmer, intervenant pour Marie C., a ainsi décrit Serge Oehler comme un « menteur, qui a nié les violences de bout en bout ». « Quelqu’un qui chute sur vous ne vous fait pas autant d’hématomes », a-t-elle rappelé. Puis Me Eric Braun a estimé que Marie C. « présente sa réalité, parfois de manière ambiguë » en citant des témoignages favorables à Serge Oehler, qui la présentent comme « possessive, atteinte de jalousie maladive, voire violente. »
Cinq ans d’inéligibilité pour Serge Oehler
Mais l’avocat de Serge Oehler n’a pas été suivi dans sa demande au juge de ne pas retenir le caractère habituel des violences. Pour l’homme politique, c’est cette qualification des faits qui était la plus cruciale, car elle entraine automatiquement une peine d’inéligibilité de cinq ans. Ainsi, l’élu socialiste, qui aura 62 ans au lendemain de cette condamnation ne perd pas ses mandats actuels. Mais il ne pourra pas participer à une élection jusqu’à la fin 2026.
Suite à cette condamnation, Me Braun n’a pas souhaité réagir, invoquant la nécessité d’échanger avec son client dans un premier temps, notamment sur la possibilité de faire appel. L’avocate de Marie C., Me Leslie Ulmer s’est dite en revanche très satisfaite :
« Le tribunal a fait la part des choses et a su voir qui disait la vérité. Je ne pensais pas que le tribunal irait jusqu’à prononcer cette peine d’inéligibilité. C’est une bonne nouvelle. Cela veut dire que la parole de la victime est entendue et que le tribunal ne tolère pas ce type de comportement, peu importe la notoriété de l’accusé. »
Serge Oehler fait partie de la majorité au sein de l’exécutif strasbourgeois à l’Eurométropole de Strasbourg. Il préside une des sociétés d’économie mixte, qui gère le Marché Gare à Cronenbourg (la Samins).
Chargement des commentaires…