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La présidente de la commission environnement du Grand Est coupable de prise illégale d’intérêts

Pascale Gaillot a été reconnue coupable de prise illégale d’intérêts, après avoir voté en faveur d’une subvention de plus de 150 000 euros pour l’association de son mari en 2018. Le tribunal correctionnel de Strasbourg a rendu son délibéré mardi 6 septembre. La présidente de la commission environnement de la région Grand Est est condamnée à payer 10 000 euros d’amende.

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La présidente de la commission environnement du Grand Est coupable de prise illégale d’intérêts

Me Jean Deconinck fait part du soulagement de Pascale Gaillot (LR), actuelle présidente de la commission environnement de la Région Grand Est au sein de la majorité de Jean Rottner. L’avocat de la conseillère régionale était présent ce mardi 6 septembre pour entendre le délibéré du tribunal correctionnel de Strasbourg. Il faut dire que la peine prononcée est clémente en comparaison des réquisitions du procureur, qui demandait, lors de l’audience du 5 juillet, huit mois d’emprisonnement avec sursis, dix ans d’inéligibilité et 15 000 euros d’amende pour cette femme politique des Ardennes. La juge, Isabelle Karolak, la condamne à seulement 10 000 euros d’amende.

L’affaire remonte au 23 mars 2018, lorsque Pascale Gaillot (LR) était vice-présidente de la Région Grand Est en charge de l’agriculture. Ce jour là, le conseil régional avait voté une subvention de 156 279 euros en faveur de Terrasolis, association regroupant des entreprises agricoles qui se décrit comme un « pôle d’innovation de l’agriculture bas carbone » sur son site internet.

Pascale Gaillot n’a pas fait le déplacement au tribunal correctionnel pour entendre le délibéré. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Joachim Gaillot, vice-président d’un grand groupe sucrier

Le trésorier de l’association n’était autre que Joachim Gaillot, époux de Pascale Gaillot. Il exerçait cette fonction en tant que représentant de Cristal Union, l’un des premiers producteurs européens de sucre et d’alcool dont il est vice-président. Ce dernier était aussi le président de la société de soutien aux cultures Terralab Solutions, dont l’unique actionnaire est Terrasolis.

Au sein de la commission agriculture, Pascale Gaillot s’était même chargée personnellement de présenter, en des termes favorables, l’association Terrasolis à ses collègues élus le 13 mars 2018, en vue de soumettre cette subvention au vote. Rue89 Strasbourg s’est procuré le compte rendu de la réunion. L’élue a ensuite voté en faveur de la subvention dix jours plus tard. Dans ces situations, la loi de 2013 exige que les élus concernés se déportent des votes, mais aussi de tout le processus de décision en amont : « Toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés, de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction », constitue un conflit d’intérêts.

Pendant l’audience du 5 juillet, Pascale Gaillot a assuré à la juge, Isabelle Karolak, qu’elle n’avait « pas intégré » que cela pouvait poser problème. Elle a dit s’être rendu compte que la « situation était paradoxale » pendant l’assemblée générale de Terrasolis de 2018, après laquelle elle n’a plus voté de subventions en faveur de l’association pendant les trois dernières années du mandat. La Région Grand Est a décidé de ne pas se constituer partie civile, estimant « ne pas avoir subi de préjudice ». Le parquet s’était saisi de l’affaire après une transmission d’information par des citoyens. Fabrice Collinet, directeur juridique de la Région Grand Est, n’a pas souhaité s’exprimer après le rendu du délibéré.

Me Jean Deconinck, avocat de Pascale Gaillot, au centre, et Fabrice Collinet, directeur juridique de la Région Grand Est, à gauche. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Les peines pour prise illégale d’intérêts récemment allégées

Selon Me Jean Deconinck, l’avocat de Pascale Gaillot, l’élue locale se réserve « la possibilité de faire appel » : « Il n’a pas été fait la démonstration d’une prise d’intérêt », retient-t-il, en l’attente des motivations du jugement.

Les peines concernant les prises illégales d’intérêt ont été allégées fin 2021. La juge a décidé d’appliquer ce nouveau cadre, même si les faits ont été commis en 2018, avant l’adoption de cette nouvelle loi. Le procureur, lui, demandait que les dispositions en vigueur au moment des faits s’appliquent. En attendant un éventuel appel, Pascale Gaillot est autorisée à poursuivre sa carrière politique et à exercer sa fonction de présidente de la commission environnement.

Les Écologistes demandent la démission de Pascale Gaillot

Le groupe des élu-e-s Écologistes à la Région Grand Est a publié un communiqué plus tard dans la journée du 6 septembre demandant à Pascale Gaillot de « remettre la démission de son mandat ». Eliane Romani, la présidente du groupe, estime que « les faits pour lesquels Madame Gaillot a été condamnée sont extrêmement graves et font peser le risque que les citoyens et citoyennes se détournent davantage des urnes et de la vie politique ».

Christophe Dumont et Laurent Dreyfus, membres du groupe des Écologistes et de la commission agriculture insistent sur « l’importance de sortir de l’entre-soi qui existe entre elle, la FNSEA (syndicat agricole connu pour des positions productivistes, NDLR) et des représentants puissants du secteur agroalimentaire ».


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