Le Plan de prévention des risques technologiques a vocation à organiser l’espace autour des usines manipulant des matières dangereuses sur le Port-du-Rhin. Mais son périmètre touche des espaces utilisés par les Strasbourgeois, dont la forêt de la Robertsau et des zones de loisirs. Du coup, plusieurs associations du quartier se sont mobilisées contre le PPRT dès mars 2013.
Mais la commission d’enquête n’a guère tenu compte des desiderata des habitants, voici ses conclusion publiées discrètement jeudi sur le site de la Dreal (Direction Régionale de l’environnement et de l’aménagement et du logement). Les voici :
La Commission d’Enquête émet un AVIS FAVORABLE à la mise en place du Plan de Prévention des Risques Technologiques du Port aux Pétroles, sous la RESERVE et les RECOMMANDATIONS suivantes, à savoir :
1. Sous la RESERVE EXPRESSE que soit ouvert ou créé une ou plusieurs voies de circulation – à travers la Forêt de La Robertsau ou par le Nord (Route dite « ES » – Voies Navigables de France) – pour permettre au public d’accéder librement et sans restriction aux zones de loisirs et au bord du Rhin.
2. Sous la RECOMMANDATION faite au Maître d’Ouvrage, jusqu’à la levée de la réserve, de prendre toutes dispositions pour sécuriser pleinement le Quai Jacoutot, par la mise en place aux extrémités des zones constituant les limites du PPRT, des mesures les plus adaptées: (Signalisation spécifique, circulation alternée, fermeture au public la nuit, etc …).
Sous la RECOMMANDATION faite au Maître d’Ouvrage
- de faire suspendre temporairement le classement de la Forêt de la Robertsau en Réserve Naturelle, afin de ne pas entraver l’ouverture d’une voie de passage existante ou par la création d’une voie de circulation à travers cette forêt,
- d’engager parallèlement une étude de faisabilité pour accéder par le Nord aux zones de loisirs
- de ne pas entraver le développement économique du Port Autonome de Strasbourg
4. Sous la RECOMMANDATION faite au Maître d’Ouvrage d’intégrer dans le Règlement du PPRT les précisions identifiées par les POA.
Une route bloque la validation du PPRT
En d’autres termes, les enquêteurs valident le PPRT mais ils mettent une « réserve expresse » qui bloque le processus. Car une réserve expresse est obligatoire, et si elle n’est pas levée, le PPRT ne peut pas s’appliquer. Les recommandations ne sont que des conseils, et ne sont pas suspensives.
Port aux pétroles contre la forêt de la Robertsau
Les associations d’habitants, comme l’Adir et l’Asser, se sont mobilisées contre ce PPRT, en essayant de démontrer ses incohérences et ses impacts sur les zones de loisirs. Pour répondre en partie à cette demande, les enquêteurs demandent la création de voies de circulation à travers la forêt de la Robertsau. Mais cette condition revient à annuler et recommencer à zéro la procédure de classement en réserve naturelle de la forêt, soit au minimum 10 ans, alors que ce classement n’était, d’après nos informations, plus qu’une question de mois.
Jean Daniel Braun de l’Adir (Association de défense des intérêts de la Robertsau) ne cache pas sa surprise à la lecture des conclusions du rapport :
« C’est extraordinaire car ils ne répondent à aucun des points soulevés par l’ADIR. Ils n’ont aucun argument à nous opposer, et confortent les analyses de l’administration qui s’estime seule compétente pour évaluer les risques. »
On peut lire à la page 114 du rapport des enquêteurs :
« L’expertise menée par les services techniques permet ainsi d’affirmer que les études de dangers du Port aux pétroles sont conformes aux instructions ministérielles (…). Une tierce expertise n’apparaît donc pas justifiée. »
Exit donc, la demande de l’Adir d’expertise indépendante.
La date de publication du rapport (5 septembre 2013) étonne également l’Adir car le 18 septembre elle a rendez-vous au tribunal administratif de Strasbourg pour une audience contre trois arrêtés du Préfet du Bas-Rhin dans le cadre de ce dossier. Ce qui amène Jacques Gratecos, le président de l’Adir à dire que :
« Le préfet n’a pas pris ses responsabilités… Il refile la patate chaude à la Ville de Strasbourg. Cela lui évite de prendre une décision sur un dossier bancal, dont notre association n’a cessé de démontrer les incohérences. »
Luc Werhung, président de l’Asser (Association de Sauvegarde et de l’Environnement de la Robertsau),est dans la même tonalité :
« Ils ont mis tellement de temps pour prendre leur décision, que l’on pensait que ce rapport n’arriverait jamais. Et même si cette route à travers la forêt se faisait, les aberrations du PPRT sont applicables. La levée de cette réserve est-elle possible avant les prochaines élections ? Je ne le pense pas. Je regrette également le manque de courage des commissaires enquêteurs, car l’avenir, c’est le déménagement du port ! »
Contactée par Rue89 Strasbourg, Françoise Buffet, l’adjointe à l’environnement, souhaite avant de réagir, lire le document complet qu’elle n’avait pas encore en main au moment où nous écrivons ces lignes.
Le rapport est passé, les incohérences restent
Et maintenant ? On attendra évidemment la réaction de la Ville de Strasbourg devant un choix cornélien : arrêter le déjà très long processus de classement de la forêt de la Robertsau et permettre la mise en œuvre du PPRT, ou bien avoir une forêt protégée avec des sites Sévéso sans plan de protection à quelques mètres des habitations.
Le Préfet et son administration ont trouvé une solution juridique qui leur permettent de se sortir d’un guêpier, mais sur le fond, aucun problème n’est réglé. Aujourd’hui, de plus en plus d’habitants sont favorables au déménagement du Port au Pétrole de Strasbourg. Et si, enfin c’était l’occasion de mettre sérieusement cette option sur la table au moment des municipales.
Voir le rapport de la Dreal
Aller plus loin
Sur Rue 89 Strasbourg : PPRT : Ouverture de l’enquête publique et forte mobilisation des associations
Sur Rue 89 Strasbourg : PPRT : l’impossible cohabitation entre industrie et habitants à la Robertsau
Sur le Blog de la Robertsau : PPRT : un reportage pour mieux comprendre
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