Aristote disait que la station debout est le propre de ceux dont l’esprit peut dominer le corps. En marchant sur ses deux pieds le simien devient homme et a désormais la possibilité d’observer loin devant lui pour anticiper ses réactions. La bipédie est aussi l’occasion de lever ses yeux vers le Ciel. L’humanité parlante qui progresse du fait de ses idées se caractérise aussi par la mise en place de valeurs communes. Les hommes se distinguent par leur capacité à décider du juste et de l’injuste, ils renoncent notamment à leur résidu d’animalité par le fait d’enterrer leurs morts.
Pourquoi j’ai pas mangé mon Père, parce que je suis sorti de l’ordre des simiens pour devenir un humain. Tout aussi comique qu’en soit la forme, le propos est de taille, et le travail que fait ce film sur les détails qui concourent à l’émancipation des hommes de leur lignée d’origine, prend progressivement l’allure d’une véritable philosophie.
Vous aimerez beaucoup :
– Les personnages savoureux, contrastés, étonnants et surtout hilarants !
* Edouard : handicapé mais généreux, bègue mais astucieux, abandonné par son père qui l’a renié mais rempli d’une humanité qui progresse pour s’accomplir dans ce qu’elle a de spécifique.
* Lucy : belle et féministe, drôle et ingénieuse, pédagogue et même psychologue, la femme idéale quoi !
* Toute l’altérité auquel se confronte les humains est représentée par Ian : simplet et peureux, mais profondément sensible et attendrissant.
* Vladimir : opportuniste, malhonnête et flatteur, son seul mérite est da faire partie de ces simiens dont descendent Louis de Funès, Coluche ou peut-être même les Trois frères…
– L’image en 3D, colorée, riche, intense et fourmillante de trouvailles pour nous raconter « Une préhistoire de Ouf », dans une version pleine d’humour qui ne manque pas de profondeur.
La Bande-Annonce
Vous aimerez peut-être un peu moins :
– Le personnage un peu surfait et souvent inutile de la sorcière.
– Que les blagues que vous adorez de tous les sketches de Jamel ne soient pas aussi relayées par davantage d’autres blagues, nouvelles et un peu plus surprenantes.
– Que le récit ne soit pas plus construit, que la succession de ces très belles images ne reflète pas suffisamment l’idée d’une progression, d’une véritable évolution du scénario. Que l’ensemble se mette parfois à prendre l’allure d’un patchwork de saynètes ou d’un best-of des meilleurs moments de Monsieur Debbouze.
Vous pourrez d’ailleurs même vous sentir un peu floués par le genre copié-collé du film :
– Le défilé des animaux dans la savane sur plusieurs plans : les terriens que les volatiles surplombent majestueusement ; tous se réveillent de leur sommeil dogmatique et accourent, cavalent et défilent en hordes organisées pour fêter la naissance de l’héritier du clan des simiens et célébrer « l’histoire de la vie »
– La très forte ressemblance de certaines scènes avec celles des Croods : la naissance de l’humanité pensante, celle qui remplaça la force par les idées et l’émergence d’une hiérarchie imposée selon des valeurs et non plus en raison de la loi du plus fort.
Mais vous allez adorer :
– Une bande-son pleine de punch, tonique et débordante de vie.
– La scène de quidditch-football dans les arbres, un vrai ballet, rythmé et endiablé : une réussite cinématographique sans pareille !
– Le genre très Cyrulnik et l’ambiance fondamentalement «résiliente» qui vous inspire plein de choses positives, vous donne à penser et à ressentir, à tous les tournants de l’histoire d’Édouard.
Une véritable philosophie se dégage d’une histoire qui n’était pas forcément partie pour dire quelque chose, qui au final dépasse largement celle d’Hakouna Matata (confinée dans une forme faible et simplifiée du stoïcisme).
Dans Pourquoi j’ai pas mangé mon Père Edouard nous mène au rythme des premiers pas de ceux qui marchent debout pour évoquer l’humanité dans ce qu’elle se définit de plus haut : sa capacité à se connecter au transcendant. « Que puis-je espérer ?» Telle est la question Kant dans la Troisième Critique.
Nous espérons que la beauté de l’univers tout grandiose qu’il soit, puisse nous renvoyer à autre chose que l’immanence de laquelle les phénomènes émergent. Nous voulons croire que le monde dans lequel nous inscrivons nos actes et nos projets ne s’arrête pas aux limites de notre perception.
Je ne vous décrirai pas d’avantage la dernière scène du film, je vous dirai juste qu’elle est merveilleuse, et qu’elle vaut tout l’effort investi dans son long-métrage où les images sont à la hauteur d’un propos qui invite au dépassement et même au déplacement !
En salles à Strasbourg à partir du 8 Avril
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