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Pour la saison 2016-2017, le TNS renforce encore la création contemporaine

Stanislas Nordey, directeur du Théâtre national de Strasbourg, a dévoilé sa deuxième saison à la tête de l’établissement. Des auteurs contemporains, des femmes, des jeunes et des sages : la saison à venir affiche une cohérence de convictions et de moyens séduisante.

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Le Radeau de La Meduse de Thomas JOLLY (Photo FERNANDEZ Jean-Louis)

Le bilan de la saison 2015-2016, même si celle-ci n’est pas encore terminée avec un spectacle en cours et deux événements de l’Autre saison à venir, est très positif, selon le directeur du Théâtre national de Strasbourg (TNS), Stanislas Nordey. Apparemment cette saison génère les meilleures recettes jamais obtenues au TNS, et l’on atteindrait un score de fréquentation (avec plus de 61 000 spectateurs dans l’année, sans compter l’Autre saison qui elle en a rassemblé plus de 11 000) proche de la meilleure saison jamais effectuée – sous le mandat de Stéphane Braunschweig.

Au-delà de la satisfaction des bilans chiffrés en terme de taux de remplissage et de recettes, ce qu’il affirme, – et c’est nouveau dans la maison -, c’est l’envie de redonner au TNS son statut de maison de production et de création au niveau national : les spectacles créés au TNS ou coproduits par celui-ci se doivent d’être vus bien au-delà de Strasbourg. C’est, par exemple, à travers la tournée de Je suis Fassbinder dans d’autres maisons prestigieuses que Stanislas Nordey redonne ses lettres de noblesses au TNS. Il y a un vrai souci du public en tournée – ce qui se confirme aussi par la mise en place, qui va aller en s’étoffant, de tournées aux dimensions plus agiles, tout-terrain, sur le territoire alsacien.

Le visuel saison 16-17 : Valérie Dréville, artiste associée (Photo Jean-Louis Fernandez)
Le visuel saison 16-17 : Valérie Dréville, artiste associée (Photo Jean-Louis Fernandez)

Encore plus de créations, plus d’écritures contemporaines…

Pas de surprises fondamentales dans cette nouvelle saison qui s’annonce, mais plutôt une montée en puissance des principes établis en 2015/2016. La création tout d’abord, qui se taille la part du lion : 9 spectacles sur 17 sont des créations dans les murs du TNS, impliquant des équipes en travail dans la maison. Stanislas Nordey parle « d’acter le fait d’être un centre de création », ce qui signifie aussi des premières nationales et des tournées des spectacles en France par la suite. Douze spectacles seront produits ou coproduits, car pour Stanislas Nordey il s’agit de « prendre le risque des nouveaux spectacles », en étant conscient que certains peuvent donner « la possibilité de beaux ratages », ajoute-t-il en riant.

Parmi ces créations on notera Angelus Novus AntiFaust de Sylvain Creuzevault, mais aussi Dans la solitude des champs de coton de Charles Berling – qui revient honorer les murs du TNS qu’il a fréquenté beaucoup du temps de Jean-Louis Martinelli – et Léonie Simaga, car « l’émotion passe d’abord par l’acteur. » Stanislas Nordey lui aussi proposera une nouvelle création, Erich von Stroheim, autour d’un trio amoureux avec Emmanuelle Béart, Laurent Sauvage et Thomas Gonzalez, avec un texte de Christophe Pellet.

… et des classiques pour « ceux qui veulent se rassurer »

Si la part belle est laissée aux écritures contemporaines, Stanislas Nordey assure que quelques classiques trouveront aussi leur place, « pour les spectateurs qui ont envie de se rassurer ». La saison commence d’ailleurs par Iphigénie en Tauride de Goethe, dans une mise en scène de Jean-Pierre Vincent, dès le 13 septembre, et l’année 2017 se fera sous les bons auspices de Dom Juan dans une mise en scène de Jean-François Sivadier. En terme de textes contemporains on retrouve Providence d’Olivier Cadiot, mais aussi des spectacles à fortes consonances musicales comme Médée poème enragé de Jean-René Lemoine ou Sombre Rivière de Lazare, artiste associé au TNS et compagnon de route de la Rue Ketanou.

La création de la revue Parages vient accompagner cette stratégie de création, pour affirmer « la spécificité du TNS, seul théâtre national en région » en tant que « lieu de pensée avec des auteurs contemporains, pour appuyer là où ça fait mal : sur l’écriture d’aujourd’hui. » Cette revue sera disponible par abonnement et en librairie à partir du 20 juin.

"2666" sera présenté en Avignon, puis au TNS (Photo Simon Gosselin)
« 2666 » sera présenté en Avignon, puis au TNS (Photo Simon Gosselin)

L’événement Julien Gosselin, en Avignon et au TNS : 2666

Après avoir défrayé la chronique avec son adaptation des Particules élémentaires de Michel Houellebecq en Avignon en 2013, Julien Gosselin pousse le bouchon encore un peu plus loin en adaptant pour la scène 2666, œuvre en cinq livres de l’écrivain chilien Roberto Bolaňo. Créé au festival d’Avignon cet été, le spectacle va apparemment durer environ 10 heures (en comptant les entractes) et sera co-accueilli à Strasbourg avec le Maillon en mars 2017, pour emporter les spectateurs dans une incroyable saga contemporaine, avec du sang, de l’amour, de l’humour, des voyages et la quête d’un romancier célèbre. Tout un programme !

La tendance du moment semble être à des pièces-fleuves, ce qui serait plutôt du goût de Stanislas Nordey :

« C’est bien de bousculer les théâtres avec des pièces-fleuve. C’est compliqué en terme d’organisation, mais c’est aussi très réjouissant ! »

C’est en Avignon aussi que sera présenté Le Radeau de la Méduse, coproduction du TNS et produit de l’École du TNS, pour un texte de Georg Kaiser et une mise en scène de Thomas Jolly – qui sera présenté au TNS en juin 2017. Dans l’esprit de Sa Majesté des Mouches, ce spectacle raconte ce qui peut advenir à 13 enfants qui se retrouvent isolés sur un canot en pleine mer : l’on est toujours étonné de la cruauté des enfants entre eux…

Le Radeau de La Meduse de Thomas JOLLY (Photo FERNANDEZ Jean-Louis)
« Le Radeau de La Méduse » de Thomas Jolly (Photo Jean-Louis Fernandez)

A noter que le TNS est aussi présent en Avignon avec 5 coproductions, plusieurs activités de l’École du TNS – spectacles, lectures, stages-, et un débat dans la foulée de la sortie du magazine Parages autour des textes contemporains.

Une trajectoire allemande, l’autre moyen-orientale

Il s’agit, pour Stanislas Nordey, de « développer une ligne sur ce que raconte le monde. » Il s’agit aussi, bien sûr, de parler à ses voisins, d’engager le dialogue. Les auteurs allemands sont donc à l’honneur tout au long de la saison, à travers 6 spectacles et des textes de Goethe, Brecht, Georg Kaiser, Botho Strauss, Heiner Müller et Thomas Bernhard. Certains spectacles seront surtitrés. Parmi ces spectacles il faut noter la reprise de Médée-Matériau de Heiner Müller : mise en scène par Anatoli Vassiliev, Valérie Dréville, artiste associée au TNS, y donne, selon Stanislas Nordey, une véritable « leçon sur l’art de l’acteur de théâtre ».

La période février-mars 2017 est tournée vers l’Orient, et c’est Blandine Savetier, artiste associée au TNS, qui signe sa première mise en scène au TNS à ce titre avec l’adaptation du célèbre roman d’Orhan Pamuk, Neige. Entre la Turquie et l’Allemagne, un poète rentré d’exil cherche l’amour en enquêtant sur des suicides de femmes dans un environnement religieux trouble…

Nous voici, plus que jamais, au sein de ce théâtre politique – où la fiction vient percuter la réalité – que Stanislas Nordey affectionne tout particulièrement. Ce spectacle est suivi par Des roses et du jasmin d’Adel Hakim : il a créé ce spectacle avec les acteurs du Théâtre National Palestinien, qui étaient déjà venus présenter leur Antigone au TAPS-Scala il y a quelques années.

"Dom Juan" de Jean-François Sivadier (Photo Jean-Louis Fernandez)
« Dom Juan » de Jean-François Sivadier (Photo Jean-Louis Fernandez)

Le Théâtre du Rond-Point en invité d’honneur

Stanislas Nordey explique qu’il souhaiterait, chaque année, inviter un autre théâtre en ses murs. Il s’agira la saison prochaine du Théâtre du Rond-Point de Paris, qui tient dans le cœur du directeur du TNS une place toute particulière :

« Il s’agit sans doute de l’un des théâtres les plus dynamiques en terme d’innovation et de nouvelles formes en France. »

C’est ainsi qu’il semblait essentiel pour le directeur du TNS d’inviter aussi Jean-Michel Ribes, directeur parfois décrié ou méprisé des élites du sérail, à présenter son spectacle Par-delà les marronniers – Revu(e), « revue foutraque » dans une ambiance de music hall des années 20.

Démocratisation, parité : adapter les moyens du théâtre à ses convictions

Même si les mots de « parité » et de « discrimination » sont lourds de sens et d’intentions souvent louables et peu pratiquées, Stanislas Nordey entends les employer à bon escient pour poursuivre son but : amener vers le théâtre ceux qui en sont loin, faire du théâtre et de ses moyens un outil de rétablissement d’une certaine justice sociale. Il y a beaucoup d’actrices formées chaque année, et peu de rôles : le TNS fera donc en sorte d’assurer la parité sur les plateaux, en accueillant des spectacles qui sur l’année font travailler autant de comédiennes que de comédiens. Cela peut sembler une évidence, mais cela provoque sans doute une gymnastique assez dense en terme de programmation.

Le TNS s’engage aussi dans des processus de démocratisation du théâtre : par des actions avec des lycées, qu’ils soient de formation générale ou professionnelle, mais aussi par la création du Prix des lycéens Bernard Marie Koltès, qui permettra à 6 classes des lycées de Strasbourg, de Sélestat, de Sarre-Union et de Bischwiller, de décerner un prix d’écriture dramatique contemporaine. La Troupe Avenir, initiée par Lazare cette saison, va poursuivre son travail de connexion de jeunes de parcours très différents par le biais de la pratique théâtrale. Le TNS continuera aussi son engagement dans le dispositif 1er Acte pour promouvoir une plus grande diversité, « à l’image de la France » selon Stanislas Nordey, sur les plateaux de théâtre.

Adapter ses moyens c’est aussi développer les partenariats. C’est ainsi qu’au niveau local, particulièrement par le biais de l’Autre saison – dont le programme sera révélé au fur et à mesure de la saison à partir de septembre 2016-, des liens se créent petit à petit avec les autres acteurs culturels, parmi lesquels le Maillon bien sûr, mais aussi Jazz d’Or, Pôle Sud, L’Ososphère, et sans doute plus tard Musica et l’Opéra du Rhin. « L’envie est là », affirme Stanislas Nordey, « il faut rester en ébullition. »


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