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Pour financer la mosquée Eyyub Sultan, Millî Görüş attend plus de 6 millions d’euros des collectivités

En conseil municipal, la Ville de Strasbourg doit adopter une subvention de 2,56 millions d’euros à la construction de la mosquée Eyyub Sultan. Dans son dernier plan de financement, la branche strasbourgeoise de Milli Görüs compte aussi sur des aides de la Collectivité européenne d’Alsace et de la Région Grand Est.

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Pour financer la mosquée Eyyub Sultan, Millî Görüş attend plus de 6 millions d’euros des collectivités

Après avoir cherché des financements au Qatar, la branche strasbourgeoise de l’organisation islamique Millî Görüş préfère les subventions des collectivités locales. Lundi 22 mars, le conseil municipal de la Ville de Strasbourg doit adopter une aide financière de 2 563 000 euros pour la construction de la mosquée Eyyub Sultan dans le quartier de la Meinau. Le montant correspond à 10% des coûts de la partie cultuelle du chantier, qui s’élève à 25 635 998 euros. Le coût total du projet est estimé à 32 millions d’euros.

10% : « la même aide pour tout le monde »

« C’est la même aide pour tout le monde, assure Jean Werlen, conseiller municipal en charge des relations aux cultes, depuis 1999, la Ville de Strasbourg octroie 10 % du coût de construction du lieu de culte. Certes, les chantiers n’ont pas toujours la taille de la mosquée Eyyub Sultan, mais la Grande Mosquée de Strasbourg, l’église catholique Saint-Bernard et l’église Saint-Mathieu ont reçu des sommes substantielles pour leur construction ou leur rénovation. »

Depuis 2008, la Ville de Strasbourg a ainsi accordé 22 millions d’euros de subvention aux différents cultes. Lorsque la paroisse est propriétaire des bâtiments, les aides peuvent monter à 50% des coûts pour des travaux d’accessibilité pour les handicapés ou une remise en état d’horloges extérieures. Les remplacements de chauffage peuvent être pris en charge à 30% et les transformations pour économie d’énergie à hauteur de 20%.

Lorsque la Ville est propriétaire des bâtiments de culte, elle peut prendre en charge une partie des travaux. Enfin, dans le cas des édifices classés « Monuments historiques », l’État assure 40% des coûts, le propriétaire 35% et la Ville 25%.

Un plan de financement entre dons et subventions

Pour prendre en charge 10% des coûts d’un chantier, la Ville de Strasbourg demande aux porteurs du projet cultuel de remplir trois conditions : l’existence d’une communauté de fidèles, un projet architectural et un plan de financement. Jean Werlen estime ainsi que « l’évaluation de la dépense (par la branche locale de Millî Görüş, ndlr) est cohérent, le prix au mètre-carré me paraît sérieux », assure le conseiller municipal, qui décrit les ambitions financières de l’organisation islamique :

« L’essentiel du projet doit être financé par des dons de particuliers. Pour le reste, le dernier plan de financement présenté ne fait mention d’aucun emprunt. Et nous ne sommes pas la seule collectivité sollicitée pour une subvention : le conseil régional est sollicité à hauteur de 8% et la CEA à hauteur de 8% aussi. Donc on a un financement basé à 26% sur les subventions de collectivités locales et 74% sur les dons des fidèles. »

Au total, Millî Görüş espère donc financer plus d’un quart des coûts de la mosquée, évalués à 25 635 998 euros, soit plus de 6,5 millions d’euros.

En comparaison, la Grande Mosquée de Strasbourg (GMS) devait coûter 8,5 millions après un premier projet évalué à 17 millions d’euros. Entretemps, le projet a été revu à la baisse, sans minaret et sans centre culturel. L’édifice situé à côté du parc Heyritz a reçu des subventions de collectivités locales à hauteur de 26% (10% de la Ville de Strasbourg, 8% du Département et 8% de la Région). La subvention municipale s’élevait alors à 868 000 euros.

Une municipalité confiante vis-à-vis de Millî Görüs

Le conseil municipal délégué aux relations aux cultes affirme aussi sa confiance dans l’organisation locale de Millî Görüş. Fin octobre 2020, Jean Werlen se disait « impressionné par la qualité des réactions des communautés musulmanes (suite à l’assassinat du professeur Samuel Paty, ndlr) ». Interrogé sur les pratiques douteuses de l’organisation, décrites dans notre enquête, l’élu renouvelle sa confiance et assure que « cette mosquée a fait de gros efforts pour entrer dans une rigueur administrative, ils ont déjà un comptable extérieur, et la Ville de Strasbourg a demandé à la plupart des mosquées de dissocier les parties cultuelles et culturelles dans leur compte. »

Millî Görüş fait partie des trois fédérations (sur huit) du Conseil français du culte musulman (CFCM) qui ont refusé de signer la « charte des principes de l’islam de France » présentée lundi 18 janvier à l’Élysée. Selon l’universitaire et directeur du département d’études turques à l’université de Strasbourg Samim Akgönül, interrogé par La Croix : « Ces deux fédérations (dont Millî Görüş) ont expliqué qu’elles allaient “consulter leur base” avant de prendre une décision définitive concernant la charte. Mais par “base”, il faut surtout entendre “Ankara”. » Pour l’organisation islamique, les principes interdisant la promotion de l’islam politique ou la diffusion de discours nationaliste en défense des régimes étrangers et la réduction des financements étrangers dans les lieux de culte n’est pas acceptable.

Une livraison espérée pour l’automne 2022

Arrêté à l’été 2019 par manque de financement, le chantier de la mosquée Eyyub Sultan a repris à la fin de l’année 2020. « Tout le monde espère une livraison de la mosquée pour l’automne 2022 », annonce Jean Werlen.

Le président de la fédération Grand Est de Millî Görüş, Eyub Sahin, n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.


#mosquée Eyyub Sultan

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