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Pollution, leptospirose… Se baigner dans la Bruche demeure risqué

Tous les étés, des personnes se plongent dans la Bruche pour se rafraichir. Aucune autorité publique ne mesure si l’eau de cette rivière est baignable mais les communes concernées identifient plusieurs risques.

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Pollution, leptospirose… Se baigner dans la Bruche demeure risqué
Plusieurs sites sur la Bruche sont prisés par les baigneurs.

Quand la chaleur arrive, des Alsaciens et des Alsaciennes choisissent la Bruche pour se rafraichir. Elle prend sa source dans les Vosges vers Climont, traverse la vallée du même nom, passe par une vingtaine de communes comme Schirmeck, Mutzig, Molsheim, Ernolsheim, Eckbolsheim et se jette dans l’Ill à Strasbourg. Moins fréquentée que les sites surveillés du Baggersee ou de la Ballastière, cette rivière offre par endroit des conditions de baignade agréables, avec de petites plages bucoliques à l’ombre des arbres.

Mais s’immerger dans la Bruche se fait « à vos risques et périls », avertit la commune de Eckbolsheim : « Il n’y a pas d’arrêté municipal réglementant la baignade dans la Bruche. » Pareil à Holtzheim, « où la baignade n’est ni autorisée, ni interdite. On va dire tolérée. Nous ne l’encourageons pas et avons placé des panneaux listant les risques encourus », expose Bertrand Furstenberger, adjoint au maire. Les risques en question : « Courants forts, matériaux et rochers sous l’eau, instabilité des berges, pollution notamment après des épisodes de pluie et d’orage. »

À Strasbourg en revanche, la Ville interdit de nager dans tous les fleuves, rivières et canaux depuis un arrêté municipal pris en 1955 à cause des courants et des potentielles contaminations bactériologiques.

La leptospirose, issue de l’urine des rongeurs

Les communes d’Holtzheim et d’Eckbolsheim font état d’un risque d’attraper la leptospirose. Cette maladie est bénigne dans la majorité des cas, mais elle peut conduire à la mort chez 5 à 10% des personnes contaminées d’après l’institut Pasteur. Elle est causée par une bactérie véhiculée par les déjections des rongeurs, et peut donc apparaitre dans n’importe quel cours d’eau où vivent des rats et des ragondins. « Un chien est décédé quelques jours après une baignade dans la Bruche en 2023. Coïncidence ou leptospirose canine, nous n’avons pas eu la conclusion », indique Bertrand Furstenberger.

Des populations de rats et de ragondins sont bien établies dans la Bruche, ce qui implique un risque de leptospirose.Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Contactée par Rue89 Strasbourg, l’Agence régionale de santé (ARS), chargée de surveiller les zones de baignade signalées par les communes, affirme qu’aucun secteur « n’a été déclaré dans les cours d’eau du Bas-Rhin, y compris dans la Bruche. Cette rivière ne fait donc pas l’objet d’un suivi spécifique ». La liste des plans d’eau contrôlés est disponible sur le site de l’ARS.

L’organisme d’État précise que les relevés réalisés pour établir s’il est possible de se baigner (qui ne concernent donc pas les rivières alsaciennes) se font en général deux fois par mois :

« Il s’agit d’analyses des paramètres physico-chimiques (température de l’eau et de l’air, transparence) et microbiologiques, ainsi que de détection d’entérocoques et d’Escherichia Coli, qui sont des indicateurs de contamination fécale. Depuis 2021, la chlorophylle A est également recherchée, servant d’indicateur pour estimer la biomasse phytoplanctonique. Les pesticides ne sont pas inclus dans les analyses des eaux de baignade à ce jour. »

Une eau en mauvais état chimique

De son côté, l’Agence de l’eau Rhin Meuse réalise des mesures dans la Bruche comme dans les autres cours d’eau de la région. Ils sont publiés sur la plateforme du système d’information sur l’eau Rhin-Meuse. Que ce soit à Schirmeck en amont ou près de Strasbourg à Holtzheim et Kolbsheim, la Bruche présente ces dernières années un état chimique qualifié de « mauvais », essentiellement à cause de la présence de molécules de la familles des hydrocarbures.

Quant aux pesticides, ils sont peu détectés dans la rivière mais ils ne sont pas tous recherchés et leur concentration peut augmenter en cas de précipitations. À noter que ces éléments ne sont pas des critères utilisés pour déterminer si une zone est baignable ou non mais qu’il est tout de même mauvais pour la santé de se baigner dans un bain d’hydrocarbures ou de pesticides.

La Ville de Strasbourg rappelle de son côté qu’elle continue d’envisager « l’installation de baignades urbaines à Strasbourg. Des études sont en cours pour définir la faisabilité et les contours d’un tel projet ». Dans l’attente des résultats, la municipalité n’en dit pas plus. Pas sûr que rendre l’Ill baignable à Strasbourg sera plus simple que la Seine à Paris, sachant que Mediapart a révélé que la qualité de l’eau était insuffisante pendant presque toute la durée des Jeux olympiques, alors que des épreuves s’y sont tenues.

La baignade très dangereuse dans les cours d’eau VNF

Pour ce qui est de la baignade dans l’Ill, l’Aar, le Rhin ou les canaux du Rhône au Rhin et de la Marne au Rhin, elle est très déconseillée. Ces cours d’eau empruntés par des bateaux sont gérés par Voies navigables de France (VNF), qui communique régulièrement sur les risques de noyade en raison de la présence de courants parfois très violents, de remontées sur les berges difficiles, ou encore d’une mauvaise visibilité sous l’eau.

VNF interdit totalement de nager à proximité des écluses à cause de l’apparition de tourbillons ou du risque de heurter des embarcations. L’organisme évoque également les dangers en cas de sauts depuis un pont (même de faible hauteur) :

« Dans l’eau trouble des canaux et rivières se cachent des ouvrages qui peuvent se révéler mortels : blocs de béton, pieux métalliques, amoncellement de roches. Les canaux et rivières sont peu profonds, ce qui accentue le risque d’accidents. »

Voies navigables de France rappelle que 40% des noyades mortelles ont lieu dans des canaux ou des rivières, soit environ 400 par an à l’échelle du pays.


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