Une apparition publique de Roland Ries ou de Robert Herrmann sur l’écologie vaut une interpellation publique sur le GCO, l’autoroute de contournement en cours de construction. Certaines lois de la nature sont immuables. Le 24 mai, le maire de Strasbourg et le président de l’Eurométropole présentaient la candidature de Strasbourg au titre de « capitale verte européenne. » L’association Alsace Nature a fait entrer l’éléphant dans la serre de la Robertsau, agrémentée d’un décor champêtre pour l’occasion.
Sur la vidéo de l’association écologiste, plusieurs participants à la conférence ne mâchent par leurs mots. La séquence s’achève avec une interview-poursuite de Roland Ries, qui s’en tient à sa réponse habituelle sur son revirement au sujet de l’autoroute de contournement : « il n’y a pas d’alternative ».
Présenté comme une solution au problème de la pollution de l’air à Strasbourg, le Grand Contournement Ouest (GCO) fait tache dans le bilan écologique de l’Eurométropole. À Oslo le 20 juin, Strasbourg mettra plutôt en avant son réseau de transports en commun, la réduction de la place de la voiture en ville, et soulignera ses efforts pour reverdir le centre. Mais la pollution de l’air n’est pas la seule difficulté à laquelle est confrontée Strasbourg.
Changement climatique : l’heure de l’adaptation
C’est un véritable changement de paradigme pour les pays du nord : la lutte contre le réchauffement climatique ne suffit plus, il faut désormais vivre avec. Strasbourg et la région Grand Est ne font pas exception. Selon Météo France, la température moyenne pourrait augmenter de 0,4 degré par décennie.
Sociologue et professeure en urbanisme à l’INSA de Strasbourg, Florence Rudolf coordonne Clim’Ability. Un projet franco-allemand, qui aide les PME à se préparer au changement climatique. Elle énumère toutes les conséquences que lui rapportent ses collègues climatologues : multiplication des aléas climatiques qui peuvent endommager les infrastructures, stress hydrique, hausse globale des températures qui peuvent avoir un impact sur le bien-être… Même la forêt des Vosges et ses conifères vont souffrir :
« Les pays du Nord ont longtemps pensé qu’ils étaient dans une zone de confort. Dans les entretiens que j’ai mené en Alsace, j’ai souvent entendu qu’après tout, on est dans une région tempérée, qu’on a une réserve d’eau sous les pieds… Sauf que nous avons un climat continental, avec des étés très chauds. On peut s’attendre à des vagues de chaleurs, et à des événements météorologiques plus intenses. Tout le monde va être impacté. »
Une notion de risque à redéfinir
Le 3 juin au soir, la rue du Noyer à Achenheim s’est retrouvée… noyée pour la troisième fois en 4 ans. La crue a frappé d’autant plus fort qu’elle a surpris des habitants qui avaient baissé la garde. Jusqu’à présent, les inondations arrivaient environ deux heures après le déluge. Cette fois-ci, la crue est survenue au bout de 7 heures. Une enquête de la DDT a été ouverte pour déterminer les origines de l’inondation. Arcos, la filiale de Vinci, conteste tout lien entre l’inondation et le chantier du GCO qui passe tout près.
Mais pour le maire de la commune Raymond Leipp, le changement climatique ne peut être étranger à ces crues répétées.
« Avant ces 3 inondations en 4 ans, nous avions eu des crues en 1983 et en 2003. Les intervalles se réduisent, je ne veux pas que ça soit récurrent ! »
Une étude a été lancée par l’Eurométropole, pour déterminer les travaux à effectuer. Pour Florence Rudolf, cette récurrence des catastrophes naturelles obligera les entreprises comme les collectivités à réévaluer et à anticiper les risques :
« Les plans de prévention des risques d’inondations par exemple sont basés sur des données obsolètes. Les crues qui était jusque-là centennales pourraient se répéter plus fréquemment. Cela peut avoir des conséquences très concrètes, rien que sur les contrats d’assurance. »
Recyclage et réduction des déchets : peut mieux faire
En ce début du mois de juin, l’Eurométropole s’apprête à relancer son incinérateur. Celui-ci était à l’arrêt pour des travaux de désamiantage. Strasbourg va ainsi cesser de stocker ou de sous-traiter ses déchets non recyclés au prix de 4 millions de kilomètres par an. La ville va également retrouver une source d’énergie qui fournissait l’équivalent de la consommation de 30 000 foyers. La ville de Lille fera de même avec son incinérateur à partir de 2020.
Pour autant, l’association Zéro Déchet Strasbourg regrette un manque d’ambition. Son cofondateur Simon Baumert redoute que cette manne énergétique ne soit contre-productive dans la politique de réduction des déchets. Il estime que cette réfection aurait été l’occasion de revoir les capacités de l’incinérateur à la baisse :
« C’est une bonne chose de récupérer l’énergie à partir de l’incinération. Mais dans ce qu’on incinère, une bonne partie pourrait être réparée, réutilisée, recyclée ou compostée. »
Parmi les grandes métropoles françaises, Strasbourg affiche le 4e tonnage de déchets ménagers le plus faible, avec 250 kilos d’ordures non recyclables par habitant et par an. Mieux que Paris, Aix-en Provence ou Montpellier, mais moins bien que Lille (233 kg) ou que Nantes (214 kg). « Peut mieux faire, » estime Simon Baumert, qui préfère suivre des exemples européens. La capitale slovène, Ljubjana, arrive à 115 kilos de déchets résiduels par habitant.
« Certaines villes comme Milan ont réussi à mettre en place la tarification incitative et la collecte des déchets verts, alors pourquoi pas Strasbourg ? C’est en cours d’étude, mais le dossier a traîné. Pour le tri incitatif, cela aurait pu être mis en place avant la fin du mandat. »
Cours de tri et initiation au « zéro déchet »
Entre 2010 et 2015, les poubelles Strasbourgeoises se sont légèrement allégées selon l’ADEUS, passant de 459 à 440 kilos. Pour 2030, l’Eurométropole veut arriver à une baisse de 50% du volume de la poubelle bleue, et à 50% de recyclage, compostage ou valorisation des déchets ménagers. L’Eurométropole affiche actuellement un taux de 30%, si on additionne le recyclage et le compostage. Sa concurrente finlandaise, Lahti a déjà pris de l’avance et revendique un taux de recyclage de 41%. Si on ajoute ses déchets ménagers qui lui servent de combustible énergétique, on arrive à un taux de valorisation de 97%.
Avec Objectif Z, l’Eurométropole a entrepris une tournée des municipalités pour apprendre les bons gestes de tri et de réduction des déchets. Un vrai sacerdoce qu’il faut répéter, « car les bons gestes sont rapidement oubliés », déplore Françoise Bey, en charge de la gestion des déchets sur l’Eurométropole.
Une vingtaine de personnes étaient présentes à Lingolsheim, pour assister à une conférence d’Objectif Z : zéro déchet, zéro gaspillage. Fionnuala O’Brien et Marie Hoffsess décortiquent devant l’assistance une poubelle : Le papier ? Facile, poubelle jaune. Les capsules de café également, depuis peu. Mais Marie Hoffsess, qui a cofondé Rue89 Strasbourg et y a chroniqué sa conversion au zéro déchet, rappelle que le meilleur détritus, c’est celui qui n’existe pas :
« Le mieux, ça reste la cafetière à piston : pas de dosette, pas de filtre. »
Face au pot de crème fraîche qui leur est présenté, les participants sont dubitatifs. C’est du plastique et certaines villes le recyclent déjà. Mais à Strasbourg, c’est poubelle noire. « Ce sera bientôt dans la poubelle jaune » promet Françoise Bey. Il le faudra bien, c’est une obligation de la loi transition énergétique : d’ici 2022 : tous les emballages plastiques devront être acceptés au tri. Un sujet sur lequel la Ville n’est pas spécialement en avance.
Chargement des commentaires…