Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Pendant le confinement, la pollution de l’air à des niveaux historiquement bas

Le confinement mardi 17 mars, puis la pluie le samedi suivant ont fait chuter la pollution à des niveaux historiquement bas. Elle a peu ré-augmenté depuis lundi 23 mars dans une période pourtant propice aux « pics ».

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Pendant le confinement, la pollution de l’air à des niveaux historiquement bas

« On anticipait une baisse accrue de la pollution de l’air en 2020, mais là… » Avec le confinement, le directeur délégué d’Atmo Grand Est, Emmanuel Rivière, est confronté à des relevés bien plus faibles qu’habituellement.

Du jamais vu à Strasbourg ? L’ingénieur reste prudent :

« Il y a pu avoir des relevés plus faibles un dimanche pluvieux et venteux par le passé. Mais pour des jours de semaine dans une telle configuration météorologique, c’est en effet inédit. »

L’amélioration drastique de la qualité de l’air était attendue en raison de la baisse de l’activité et des déplacements à Strasbourg pendant le confinement. Cette diminution n’est pas anecdotique à l’heure où certains scientifiques estiment que la pollution facilite la propagation du coronavirus.

La situation actuelle permet surtout d’estimer la part du trafic routier dans la pollution quotidienne à Strasbourg. Une diminution de 72% du trafic a été relevée à Strasbourg mercredi 18 mars, le premier jour « plein » du confinement. Pour la réduction de l’activité dans l’industrie et les services, il est plus difficile de mesurer leur part dans la réduction de la pollution, en l’absence d’indicateurs aussi précis qu’un décompte des véhicules.

Le dioxyde d’azote divisé par deux

L’effet le plus spectaculaire est enregistré sur le dioxyde d’azote (NO2), une pollution fortement liée au trafic routier (70% dans l’Eurométropole). Cette particule est la plus critique, car c’est pour des dépassements répétés dans 12 de ses territoires, dont Strasbourg, que la France a été condamnée en octobre 2019 par la Cour de Justice de l’Union européenne. L’amende de 11 millions d’euros reste pour le moment hypothétique.

Cette pollution est plutôt stable, un peu plus forte aux heures de pointe sur sur les routes. En dépit d’une lente réduction années après années, l’Eurométropole n’arrive pas à passer sous la limite européenne de 40 microgrammes par mètre-cube (μg/m3) en moyenne annuelle.

En 2019, cette concentration était de 42 μg/m3. « Avant le confinement, sur une moyenne de 365 jours glissant on était à 40 μg/m3« , précise Emmanuel Rivière dont les mesures pour 2020 seront donc faussées dans le bon sens. « On estime que cette baisse est notamment due à une modification du parc routier, puisque les modèles neufs sont en majorité des essences et non plus des diesels comme il y a quelques années. » Pour ce polluant, la limite de l’Union européenne est la même que pour l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

À partir de mercredi 18 mars, les relevés sont passées sous les 40μg/m3 de manière prolongée.

Evolution de la pollution au dioxyde d’azotze avant et après le confinement (15 mars-18 mars, puis à partir du 19 mars)

Entre dimanche 15 mars dans l’après-midi et mercredi, le premier jour plein du confinement. La pollution dépasse souvent la limite de 40 μg/m3

À partir de vendredi soir, les concentration passent même largement sous les 20μg/m3 pendant tout le week-end.

Depuis, seuls deux légers pics matinaux ont été enregistrés sur une station lundi et mardi, à l’heure de pointe sur l’autoroute.

A partir de vendredi soir, le dioxyde d’azote a chuté bien en deçà de de la limite européenne
La pollution a un peu augmenté en début de semaine tout en restant basse, à l’exception de deux petites hausses sur l’autoroute aux heures de pointe du matin.

Atmo Grand Est a établi des cartes comparatives avec et sans le confinement. Les zones près des axes routiers sont les moins touchées, de manière significative. Jusqu’à 20 microgrammes en moins, là où l’agglomération bataille chaque année pour en gagner un ou deux.

Les particules fines sur une tendance encourageante

La diminution était à l’origine moins probante pour les particules fines. Cette pollution est plus souvent évoquée lors des « pics », en hiver (celui du 1er janvier 2020 était spectaculaire) et au printemps, lors de la saison des épandages agricoles. La part du secteur routier est estimée à environ 20% de cette pollution. La majorité des émissions vient du chauffage résidentiel et tertiaire (bureaux, commerces). Néanmoins à proximité des axes routiers, la qualité de l’air s’améliore là aussi plus nettement.

L’impact pour les particules est moins probant, mais très visible près des grands axes de circulation (A35, Avenue du Rhin, A351)

Contrairement au dioxyde d’azote, il existe deux limites pour la pollution de fond. Celles de de l’Union européenne (40 µg/m³) et celle de l’OMS (20 µg/m³), plus protectrice. Pour ce polluant, la Commission européenne n’a pas encore lancé de contentieux contre la France concernant les particules fines. Elle estime que la France est dans la bonne voie, après une mise en demeure en 2009, puis un avis motivé en 2015. Strasbourg a un temps fait partie des territoires sous surveillance, mais ne figure pas dans la liste des 10 agglomérations de l’avis de 2015.

Ces dernières années, les dirigeants Strasbourgeois ont toujours dit qu’il fallait viser les valeurs de l’OMS. C’est aussi l’objectif du Plan Climat voté en 2019.

On remarque un passage sous les normes de l’OMS à partir de samedi 21 mars, jour pluvieux. Concernant le trafic, environ 8 000 véhicules ont été comptabilisés aux entrées et sorties de Strasbourg dimanche. À titre de comparaison, le relevé était d’environ 79 000 automobiles le dimanche de Pâques 2019. Lundi 23 mars, la circulation a un peu augmenté avec 24 600 voitures et camions, mais loin des 86 000 du lundi 16 mars en pré-confinement.

En rouge, la norme UE, et en noir la norme OMS.

Le début de semaine a entraîné une légère reprise de la pollutions, mais en moyenne largement sous les valeurs de l’OMS.

Face aux faibles concentrations, le graphique d’Atmo Grand Est a changé d’échelle automatiquement. La limite de l’Union européenne est même en dehors de la grille.

Emmanuel Rivière explique la tendance sur une semaine :

« Il y avait une augmentation des particules fines, puis ces niveaux ont stagné une fois le confinement déclenché. C’était pourtant les conditions métrologiques typiques d’un pic printanier (il n’y en avait pas eu dans le Bas-Rhin en 2019 ndlr), avec des journées assez chaudes. Samedi, nous avons eu un grand lessivage avec la pluie. Depuis lundi, la pollution est stable, il y a encore un peu de vent ce lundi qui a tendance à disperser les particules. Même s’il fait plus froid, ce qui a tendance à augmenter le chauffage et sa pollution, cela ne contrebalance pas la plus faible présence d’aérosols dans l’air. »

Les PM 2.5 aussi sous les limites

On remarque une tendance similaire pour les PM 2.5. Plus petites, ces particules sont moins mesurées et ne font l’objet de contentieux européen. Le seuil limite européen est très haut (« trop » selon les spécialistes). La valeur UE est à 25 μg/m3 contre 10μg/m3 selon l’OMS.

La pollution aux particules PM2.5 a chuté sous les normes de l’OMS (en noir) samedi 21 mars et ne les a plus redépassé.
Les PM 2.5 ont un peu réaugmenté en début de semaine, mais ne repassent pas au dessus de la limite de l’OMS mardi 24 mars le matin.

Ces chutes de pollution sont spectaculaires, mais pour Emmanuel Rivière, c’est l’occasion de rappeler que les objectifs de l’OMS sont atteignables sans le confinement :

« En 2019, la moyenne de PM10 était de 19 μg/m3 sur une station de fond à la Robertsau et 22 et 23 sur les deux stations près de l’autoroute et des boulevards, alors que la norme OMS est à 20μg/m3. Pour les particules PM 2.5, la mesure était de 14 μg/m3 pour un objectif de 10. »

Les particules ultrafines (PM 1.0) sont désormais mesurées sur une station installée à l’automne 2019 avenue du Rhin. Mais en l’absence de mesures plus ancienne qu’un an, les analyses sont encore hasardeuses.

Des mesures qui éclaireront les futurs élus

La qualité de l’air pendant la période du confinement va faire l’objet d’études approfondies par les équipes d’Atmo Grand Est explique Emmanuel Rivière :

« C’est un exercice intéressant pour suivre les politiques publiques visant à réduire les émissions routières dans les prochaines années. »

Avant les élections municipales, le maire Roland Ries n’a finalement pas signé d’arrêté pour la Zone à faible émissions (ZFE) pour 2021. Son conseil municipal avait voté l’interdiction des véhicules sans vignette Crit’air. Mais le sujet devrait occuper les futures majorités à Strasbourg et surtout à l’Eurométropole dont personne ne sait quand elle seront mises en place.


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