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Sans cadre légal, la police a tenté d’évacuer le squat Sarlat en pleine nuit

Dans la nuit du 14 au 15 août et dans la matinée du 16 août, des policiers nationaux ont demandé aux occupants du 10 rue de Sarlat de quitter les lieux. Une quarantaine de sans-abris squattent ce bâtiment depuis avril 2023. Les agents ont fini par renoncer suite à l’intervention d’une avocate et de militants.

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Sans cadre légal, la police a tenté d’évacuer le squat Sarlat en pleine nuit

« Le bâtiment est désaffecté, donc il faut sortir de l’appartement. Vous prenez vos affaires et vous dégagez, maintenant. (…) Vous partez sinon c’est garde à vue. Vous mettez des habits et vous partez. » Ce mercredi 16 août, peu après 7 heures du matin, les occupants d’un squat situé dans le quartier du Neuhof ont été réveillés par le bruit d’une sonnette incessante suivi d’un ordre de quitter les lieux.

La scène se déroule au 10 rue de Sarlat, un bâtiment en instance de démolition squatté depuis avril 2023 par des personnes sans-abri, principalement d’origine géorgienne, présents également dans les immeubles voisins au 14 et au 18 rue de Sarlat. Des habitants ont filmé la procédure employée par les policiers. Les vidéos montrent des agents toquer aux portes et ordonner aux personnes présentes de quitter les lieux, sans entrer dans les logements.

Vidéo très sombre où l’on entend les policiers demandant aux habitants de sortir des appartements. (Vidéo remise)

C’est la deuxième fois en deux jours que les occupants du 10 rue de Sarlat reçoivent cette visite de la police. Dans la nuit du 14 au 15 août, après minuit, une quarantaine de personnes, dont quatre familles avec des enfants, se sont retrouvées dehors en pleine nuit, à la demande des forces de l’ordre.

Une évacuation d’un squat doit être décidée par un juge

Me Sophie Schweitzer représente les habitants du squat face aux procédures d’expulsion initiées par le propriétaire des bâtiments, le bailleur social Habitation Moderne. L’avocate est arrivée sur place peu après minuit :

« Quand je suis arrivée, plusieurs personnes étaient déjà dehors avec leurs affaires. Il y avait au moins quatre véhicules de police et une quinzaine d’agents. Je leur ai demandé quel était le cadre de leur mission. Ils n’ont pas su me répondre. Il n’y a aucune procédure ni pénale, ni civile, qui justifie cela. Une évacuation de squat nécessite la décision d’un juge. Il n’y aucune décision à ce jour pour le 10 rue de Sarlat. Sur place, j’ai appelé le 17 pour demander ce qu’il se passait, et la personne que j’ai eue au téléphone a dit qu’elle allait voir avec sa hiérarchie.

Après cela, au bout de quelques minutes, les policiers sont repartis et les personnes ont pu rentrer chez elles. Cela montre bien qu’ils ne pouvaient pas vraiment faire évacuer le bâtiment. D’ailleurs, même s’ils en avaient l’autorisation, le faire en pleine nuit sans prévenir aurait été inacceptable. »

Plusieurs dizaines de personnes se sont retrouvées dehors en pleine nuit (vidéo remise)

Une décision de justice qui ne concerne pas le 10 rue de Sarlat

Dans une ordonnance du 28 juin 2023, le tribunal judiciaire de Strasbourg avait ordonné l’expulsion de six occupants et occupantes du squat Sarlat. Mais les habitants concernés vivent au 12, au 14, au 20 et au 22 rue de Sarlat. Ce sont pourtant les appartements du 10 rue de Sarlat qui ont fait l’objet d’opérations de police.

Alertée par des occupants sur l’intervention des forces de l’ordre, Sabine Carriou, présidente de l’association Les petites roues, est arrivée vers 7h30 :

« Cette fois, les habitants ont refusé de sortir comme ils savaient qu’ils n’y étaient pas obligés. Les policiers étaient quatre ou cinq. Ils ont juste sonné et toqué avec insistance en demandant aux gens d’évacuer. Ils avaient l’air gênés quand on leur a demandé pourquoi ils faisaient ça, mais ça les a calmés qu’on soit là. Finalement, ils sont repartis comme rien ne se passait. »

Une nouvelle procédure d’expulsion en cours

Le propriétaire des lieux, Habitation Moderne, assure que « les interventions récentes des forces de l’ordre visent à empêcher l’installation d’occupants supplémentaires, de nouvelles tentatives d’intrusions ayant été signalées ». Le bailleur fait référence à une tentative d’ouverture d’un autre bâtiment vide au 8 rue de Sarlat, mais le site a été évacué quelques heures après l’intrusion, le 14 août.

Habitation Moderne rappelle aussi « avoir initié les suites adaptées en lien avec les autorités judiciaires » pour expulser les occupants qui ne sont pas concernés par l’ordonnance d’expulsion du 28 juin. Le bailleur social n’a pas souhaité communiquer plus de détails sur cette procédure.

Des habitants ont filmé les policiers pendant leurs interventions. (Vidéo remise)

« Cette façon de faire crée une grande angoisse »

Fleur Laronze, élue communiste de la Collectivité européenne d’Alsace, était également au 10 rue de Sarlat ce 16 août. Elle dénonce une « opération très opaque » :

« Cette façon de faire crée une grande angoisse chez des personnes qui sont déjà en détresse. Elles sont dans ces logements insalubres parce qu’elles n’ont pas d’autre solution, et qu’on leur refuse un hébergement d’urgence lorsqu’elles appellent le 115, c’est une catastrophe. »

La Ville de Strasbourg, actionnaire majoritaire de Habitation Moderne, indique simplement que ces opérations de police relèvent de l’État. Interrogée sur cette procédure, la police nationale a redirigé Rue89 Strasbourg vers la préfecture, qui n’a pas donné suite à notre sollicitation.


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