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Jacques Gerhardy, 40 ans place d’Islande : « Quand je suis arrivé, c’était un grand village »

« Mémoires de quartier » est un podcast Rue89 Strasbourg qui donne la parole aux habitants sur l’évolution de leur quartier. Dans ce premier épisode, Jacques Gerhardy, buraliste pendant plus de 40 ans rue Vauban, raconte son arrivée près de la place d’Islande dans les années 70, la montée d’un sentiment d’insécurité dans les années 80 et la raréfaction des commerces à partir des années 90.

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Au 29 rue Vauban, quelques affiches culturelles égayent l’une des deux vitrines laissées vides. Un rideau métallique couvre l’autre. Elles sont les seuls témoins du passé commercial de ce local, construit à la toute fin du XIXe siècle. Un tabac, repris par Jacques Gerhardy en novembre 1976 :

« Je cherchais un commerce que je pourrai tenir seul. Et je suis finalement tombé sur une annonce dans les Dernières Nouvelles d’Alsace. »

Pendant 41 ans, l’enseigne ouvre tous les jours de 6h à 19h sauf les dimanches après-midis. Des horaires qui lui permettent de capter les travailleurs frontaliers, sur la route de bonne heure pour passer la frontière.

Aucun commerce ne s’est installé au 29 rue Vauban à la fermeture du tabac presse Gerhardy. (Photo VP / Rue89 Strasbourg / cc)

Au moment où il s’installe, une partie des grands immeubles situés entre la rue Vauban et la rue de Stockholm, viennent tout juste de sortir de terre. D’autres sont en construction. Un immense terrain vague court jusqu’à l’emplacement actuel de la cité étudiante Les Flamboyants.

Les habitants en ont fait un lieu de partage, un endroit où ils installent parfois leurs tables pour prendre un verre entre eux. « C’était un grand village, tout le monde se connaissait », sourit l’ancien buraliste, qui se souvient que l’on y parlait alsacien la plupart du temps.

« Un quartier de caserne »

L’ancienne caserne Fiévet se situait au 102 avenue de la Forêt noire. Elle a été détruite en 1966. (Photo Archiwiki / cc)

La place d’Islande et la rue Vauban sont situées entre deux grands quartiers, l’Esplanade et l’avenue de la Forêt-Noire. Jacques Gerhardy se souvient :

« On peut dire que c’était une petite frontière. Les gens n’aimaient pas beaucoup venir du côté Vauban. Cet endroit a longtemps gardé une étiquette de quartier de caserne. C’est dur à faire oublier. »

Détruite en 1966, la caserne Fiévet se situait au 102 de l’avenue de la Forêt-Noire. Et lorsque Jacques Gerhardy reprend le tabac de la rue Vauban, dans les années 70, quelques anciens font encore allusion à certains bars de nuit comme ayant été des lieux de prostitution, où des « affaires » ont parfois éclaté. Jacques Gerhardy détaille :

« Quand je suis arrivé, on m’a demandé si je reprenais le tabac à côté du bordel. C’est que c’était quand même quelque chose de connu… »

Installé derrière son comptoir, il observe une évolution du quartier dans les années 80. Des « petits trafics », qui s’installent rue Vauban, rue de Flandres et rue Léon-Blum. Certains habitants choisissent de déménager. D’autres, des personnes âgées pour beaucoup, lui font part d’un sentiment d’insécurité. C’est à cette même période que les cambriolages se multiplient dans son local. « À l’époque, il avait beaucoup plus de stock de cigarettes dans la réserve. C’est la marchandise qu’ils ciblaient », explique-t-il.

La place d’Islande, une « petite frontière » entre l’Esplanade et l’avenue de la Forêt-Noire. (Photo VP / Rue89 Strasbourg / cc)

Des commerces qui se font plus rares

La construction de la résidence universitaire Les Flamboyants, en 1989, amène de nouveaux habitants.

« Mais je n’ai pas vraiment vu de différence dans ma clientèle. L’arrivée du tram n’a pas changé grand-chose non plus. La période des travaux a été assez difficile pour beaucoup de commerçants, rue Vauban comme à Esplanade. On a perdu des places de stationnement. Mais j’ai eu la chance d’avoir un noyau de clients qui faisait des détours pour venir me rendre visite. »

Autre élément salvateur : l’installation provisoire du tribunal de grande instance, place d’Islande entre 2006 et 2016, le temps que le palais de justice soit rénové. « Ça a fait du bien au quartier, relève Jacques Gerhardy. Beaucoup de dossier y étaient traités. Ça a ramené une nouvelle clientèle de magistrats, d’avocats… »

S’il regrette que le quartier n’ait « pas toujours évolué dans le bon sens », l’ancien buraliste ne voit pas tout en noir pour autant. « L’ARES, l’association des résidents de l’Esplanade, a fait énormément pour la vie de ce quartier auquel personne ne s’intéressait avant », insiste celui qui garde également le souvenir d’un quartier avec « une grande solidarité entre les habitants ».

C’est avec un pincement au cœur qu’il ferme boutique en 2017. « J’avais une clientèle d’habitués, une clientèle familiale. Je connaissais certaines personnes depuis qu’ils étaient petits ! Mais il fallait bien prendre sa retraite », glisse-t-il malicieusement. Son seul regret ? Que son nom ait été associé au bar d’extrême droite l’Arcadia, tenu par le Bastion social :

« J’ai revendu mon fonds de commerce quand je suis parti. C’est le nouveau propriétaire qui leur a loué les locaux. Certaines personnes ont fait la confusion. Ça agace. »


#place d'Islande

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