Ce mercredi 3 juillet, Pierre le Crieur n’a pas pu installer sa petite scène au même endroit que d’habitude, au centre de la place de Zurich, en plein coeur du marché de la Krutenau. Certains commerçants se sont plaints auprès du placier de la Ville de Strasbourg : ils reprochent à Pierre de « rassembler trop de monde et d’empêcher la circulation des clients. »
Cette interdiction a été notifiée à Pierre la semaine précédente. Habitué des lieux, il a commencé ses criées en janvier 2018, il n’avait eu jusqu’ici aucun problème avec les commerçants. Pierre se pose et lit avec emphase vers midi des petits mots déposés par des anonymes au cours de la matinée.
C’est souvent très drôle et la mise en scène des textes par Pierre et son acolyte, Rémi, permettent aux clients et aux passants de rire de situations vécues ou subies par les habitants du quartier.
Agacés par le succès du numéro du Crieur
Mais ça ne fait pas rire tout le monde. Ainsi cette vendeuse de légumes, qui ne souhaite donner que le seul nom de son mari, « Monsieur Pfaff », est agacée par cette animation :
« Quand il a commencé les criées, il s’était installé devant notre étal. On n’a pas aimé. Ça faisait beaucoup trop de bruit, c’était devenu impossible de travailler. Les gens étaient attroupés autour de lui, mais il n’y avait plus de clients à notre stand. »
Quelques étals plus loin, un autre vendeur, qui souhaite rester anonyme, partage cet avis. Installé derrière son stand de spécialités à base de champignons, il renchérit :
« Il y a un règlement. Nous, on le paye notre emplacement ! »
Ces commerçants se sont plaints auprès du placier de la Ville de Strasbourg, lequel est allé directement voir Pierre pour lui signifier qu’il n’était plus le bienvenu.
Et tant pis si d’autres commerçants voient en Pierre et Rémi une animation de qualité, susceptible de plaire aux clients qui arpentent la place à cette heure-ci, tel Christine, fleuriste, qui confie en souriant et en montrant d’un signe de tête le commerçant voisin :
« Moi, j’aime bien les criées… mais chut ! Ça me rappelle quand j’étais petite, je venais au marché avec ma grand-mère et il y avait toujours des crieurs ».
« Pierre, il est sympa ! Moi, les criées, ça ne me dérange pas. Au contraire, ça sort de l’ordinaire », ajoute Astrid depuis son stand de fruits et légumes.
Mais il en va ainsi apparemment… Quand quelqu’un se plaint, c’est lui qu’on écoute et tant pis si le comédien a du talent, tant pis si des festivals se l’arrachent alors qu’il vient quasi-bénévolement place de Zurich (il laisse un chapeau qui récole de 0 à 20€ par session), tant pis s’il plait et permet aux passants de sortir de leur quotidien quelques instants… Tout ça n’a pas compté apparemment face aux présomptions d’atteintes au chiffre d’affaires des plaignants.
Un moment de partage
Pierre le Crieur avait sérieusement envisagé de « faire grève » et de ne pas se rendre au marché cette semaine. Finalement, il a interpellé les passants, en leur demandant de lui écrire des « messages de solidarité, d’amour », mais aussi des petits mots à l’adresse « du peuple ou même du président ».
Une criée en petit comité
À 12h tapantes, la performance commence. Adeline, une passante, arrive juste à temps. Aujourd’hui, Pierre le Crieur et son acolyte Rémi n’ont pas beaucoup de messages à lire : une dizaine seulement. Adeline se laisse convaincre, et, pour soutenir les deux comédiens, elle fini par rédiger son tout premier message.
Ironiquement, Pierre le Crieur demande aux quelques personnes du public de se rapprocher un peu plus de sa petite scène : « Je veille quand même à ce que les gens qui le souhaitent puissent passer ! »
Certains messages sont drôles, d’autres sont revendicatifs comme d’habitude mais malgré les efforts de Pierre et Rémi pour vocaliser avec entrain depuis le coin de la place de Zurich, seules cinq personnes les écoutent. En général, ce sont entre 20 et 40 personnes qui assistent à la criée du mercredi.
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