« On a peur qu’il arrive quelque chose aux enfants. » Laurence Siry, secrétaire générale adjointe CFDT du personnel de la Ville et de l’Eurométropole, prononce ces mots du bout des lèvres devant l’école Branly au Wacken. Son syndicat a appelé les animatrices périscolaires à tracter devant les écoles ce 12 octobre, jour de grève pour dénoncer le sous-effectif dans cette profession. Les cantines scolaires sont fermées pour la journée, et le seront également le 13 octobre, avec la mobilisation intersyndicale pour la hausse des salaires.
Depuis septembre, il manque 200 postes d’animateurs périscolaires vacataires dans les écoles de la ville d’après la CFDT. Il en manquait 120 en 2022. Hülliya Turan (PCF), adjointe à la maire en charge de l’Éducation, indique que l’objectif que se fixe la Ville de Strasbourg est un taux d’encadrement d’une animatrice pour 20 élèves de primaire et d’une animatrice pour 10 élèves de maternelle, en plus d’une animatrice par enfant en situation de handicap. Selon l’élue communiste, il ne manque que 80 vacataires.
Trop d’enfants, pas assez de professionnels
Les animatrices de périscolaire s’occupent des enfants à la cantine et le soir après l’école. « C’est difficile d’organiser des activités car nous ne sommes pas assez pour nous occuper des petits. Donc ils finissent par passer des heures à simplement courir dans la cour, alors qu’on voudrait leur proposer autre chose », explique Vahineura, qui entame sa troisième année en tant qu’animatrice vacataire.
En tout à Strasbourg, 200 personnes sont animateurs titulaires et 700 sont vacataires, précise Laurence Siry. « Même avec 200 animatrices de plus, on ne couvrirait pas les absences journalières des personnes déjà en poste qui seraient malades par exemple », appuie Assunta, responsable du périscolaire à l’école élémentaire Branly.
Emmanuel est venu chercher sa fille à vélo. Elle mange habituellement à la cantine de l’école Branly :
« Les problèmes d’effectif, c’est récurrent dans la fonction publique, à l’école mais aussi à l’hôpital. On le sait, on le voit, on nous le dit. Ce midi et demain midi, je me suis arrangé pour pouvoir chercher ma fille, il faut se débrouiller. Mais je ne la mettrai pas dans une école privée pour autant, les services publics sont ce qui fait la singularité de la France. Même si je n’ai pas la solution pour qu’ils aillent mieux. Je suis un peu blasé en fait. »
Manque de candidats aux postes
Vers 12h30, les parents d’élèves sont partis avec leurs enfants et les animatrices en grève se rassemblent. « Parfois, on doit s’occuper de 20 enfants en même temps », poursuit Vahineura, « et c’est pire chaque année ». À l’école Branly par exemple, sept personnes assurent les fonctions de 10 animateurs.
Selon Laurence Siry, le sous-effectif est uniquement dû à des problèmes de recrutement :
« À la direction de l’enfance de la Ville, ils nous assurent qu’ils ont les moyens financiers de recruter plus de monde. Mais ils manquent de candidats, c’est l’humain qui pêche ! Avec notre grève ce midi, nous voulons appeler les personnes à postuler pour devenir animateur. »
Pour Sarah, également animatrice périscolaire, cette pénurie est directement liée aux difficiles conditions de travail cumulées à une faible rémunération :
« On est payé dix euros net de l’heure, c’est trop peu pour ce qu’on investit. En tant que vacataires, si on est malades et qu’on ne vient pas travailler, on n’est tout simplement pas payé. Sans CDI ou CDD, ça veut dire qu’à tout moment on peut se retrouver sans emploi. Et souvent on est payé un mois après. Là notre paye de septembre va arriver fin octobre, donc c’est la galère. »
Sarah et Vahineura gagnent toutes deux entre 200 et 700 euros par mois en période scolaire. Et compléter ce faible revenu grâce à un second emploi est difficile :
« Nous travaillons deux heures le midi et deux le soir, c’est compliqué de trouver un autre employeur. Ça voudrait dire un emploi pour le mercredi et les week-ends, donc potentiellement un job prisé par les étudiants aussi. »
En tant que responsable périscolaire, Assunta s’inquiète souvent pour ses équipes dont « la santé physique et mentale est mise en jeu ». « Ils assurent le travail de deux ou trois personnes, doivent gérer le stress du service de restauration du midi tout en ayant la responsabilité des jeunes, la situation est critique », estime-t-elle : « Leur rôle est justement de prendre soin de la sécurité des enfants. »
Les Atsem solidaires
Parmi les manifestantes devant l’école Branly, des Atsem sont venues apporter leur soutien aux animatrices. Laurence est du métier depuis 33 ans et exerce à l’école Robert Schumann. « En réalité nos missions sont très proches, on fait de l’animation et on aide les enfants à manger, donc on est solidaires », entame-t-elle :
« On a un droit de réserve, il n’y a que lors des mouvements de grève que nous sommes libres de nous exprimer, ça peut être très difficile de se sentir entendues. »
Pour Laurence Siry de la CFDT, cette mobilisation est un premier pas dans un combat plus large, vers la professionnalisation du métier d’animateur, pour qu’ils « soient reconnus et mieux payés ».
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