« Toutes nos activités augmentent », annonce Arnaud Fritsch, directeur de la Fédération de charité de Caritas Alsace. Pour cette association de solidarité majeure, qui aide plus de 13 000 foyers dans la région, le constat est rude ce 14 novembre. Malgré l’engagement sans faille de 2 000 bénévoles sur 80 lieux d’accueil pour sortir des personnes de la précarité, celle-ci ne cesse d’augmenter. « De 2022 à 2023, nous avons constaté une hausse de 20% de la somme totale des aides financières, du nombre de bénéficiaires d’épiceries solidaires ou du nombre de colis alimentaires distribués », poursuit Arnaud Fritsch.
La tendance se confirme en 2024. À la permanence du centre-ville, rue de l’Arc-en-ciel, Caritas donne 120 petits déjeuners par jour en moyenne cette année, contre 80 en 2023. Et l’association observe de plus en plus de besoins hors des villes, à Obernai, Masevaux, Colmar ou encore Altkirch. « Les profils sont divers. Souvent, ce sont des personnes isolées qui souffrent d’être loin des services. Elles pâtissent du fait qu’à la campagne, on parle moins de la pauvreté. Elles nous demandent de l’aide pour l’essence ou les factures notamment », expose Arnaud Fritsch.
Des travailleurs pauvres chez Caritas
À Marlenheim, Caritas avait aidé 26 foyers pour l’alimentation ou pour payer des factures d’énergie en 2023. Et rien que de janvier à octobre 2024, 42 ménages ont été soutenus dans cette même commune. À Sarre-Union, l’association a distribué 1 770 euros de chèques et de bons d’achat en 2023. L’année suivante, la valeur des aides versées dans la commune a déjà atteint 3 560 euros en septembre.
Selon l’association, environ 20% des bénéficiaires de la région gagnent entre 800 et 1 200 euros par mois, et 6% sont rémunérés plus de 1 200 euros.
« Depuis plusieurs années, nous voyons arriver des travailleurs pauvres dans nos permanences. Ce phénomène s’amplifie, relate Arnaud Fritsch. Certains se privent de petit-déjeuner pour que leurs enfants mangent. Ils viennent ensuite le prendre chez nous, avant d’aller au boulot. »
Face à ces réalités, le directeur de la Fédération de charité de Caritas Alsace insiste sur les impacts positifs des actions de son association. « Souvent, nous sommes un chainon qui permet de rebondir. Beaucoup ont besoin d’aide pour quelques mois. Ils peuvent ensuite retrouver leur autonomie », explique Arnaud Fritsch. « Nous devons continuer à prendre notre part », souffle le directeur de Caritas Alsace. Selon lui, tous les ans, des personnes aidées sortent de la misère. Pour illustrer son propos, trois anciens bénéficiaires de Caritas sont présents.
« Cela peut arriver à tout le monde »
Patrick, chauffeur routier de profession, a été victime d’un accident vasculaire cérébral à 58 ans. Après un an d’arrêt maladie, il a été déclaré inapte à poursuivre son activité. Mais sa rente d’invalidité a été traitée en six mois, période durant laquelle il n’a eu aucune ressource. « Ma vie s’est écroulée. Nous avions de gros problèmes financiers. Quand le loyer, les charges, internet et les abonnements téléphoniques étaient réglés, nous n’avions plus rien pour acheter à manger », raconte t-il. Patricia, son épouse, est là pour le soutenir.
Grâce à l’épicerie solidaire de Caritas à Guebwiller, Patrick et Patricia n’ont pas sombré définitivement. Ils pouvaient y acheter l’équivalent de 50 euros par semaine pour 5 euros. « Nous avons pu manger », souffle t-il. Mais que se serait-il passé s’ils n’avaient pas eu ce soutien ? « Sans Caritas, il y aurait beaucoup plus de gens à la rue, c’est certain », estime Patrick : « C’est vraiment important de le savoir parce que cela peut arriver à tout le monde d’avoir besoin des associations. J’ai travaillé pendant 37 ans avant mon accident. »
Plus d’activités mais pas plus de ressources
« L’important n’est pas de ne jamais tomber, mais de pouvoir se relever », abonde Arnaud Fritsch. Désormais, Patrick et Patricia sont bénévoles pour Caritas. Ils organisent des ateliers cuisine avec les aliments proposés par l’association. Ils prévoient d’aider à Guebwiller ces prochaines années.
Youla prend également la parole pour témoigner de l’aide apportée par Caritas. Réfugiée politique syrienne, elle s’est retrouvée à Molsheim sans ressource car elle a mis du temps à trouver un emploi :
« J’étais enseignante de biologie en Syrie. Mais mon diplôme n’était plus valable en France. J’ai dû apprendre la langue. Heureusement que Caritas était là. Nous avons pu nourrir nos deux enfants avec mon mari. Maintenant, je suis accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH, NDLR) à l’école maternelle de Molsheim. C’est extrêmement important psychologiquement quand on est perdus comme nous l’étions, d’être aidés par des bénévoles qui nous sourient, sont gentils avec nous. »
Caritas peut compter sur un nombre stable de 2 000 bénévoles et un budget à 5,5 millions d’euros, tout en augmentant son activité. « Nous allons devoir stabiliser nos aides financières. Ça ne sera pas possible de les augmenter. Et nous réfléchissons à des manières d’abaisser nos charges, en mutualisant des activités dans des bâtiments, indique le directeur. Par contre nous allons continuer à augmenter les aides alimentaires. » Pour maintenir ses actions, Caritas appelle au soutien financier de la population. « C’est un système en circuit court, les dons réalisés en Alsace sont réinvestis en Alsace », assure Arnaud Fritsch.
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