Il ne plaisante pas, Nacer, 19 ans, quand il parle du vote, devant le centre socioculturel du Neuhof à Strasbourg. Pour lui, il s’agit non seulement d’un droit mais aussi d’un devoir. Une conception héritée de son éducation :
« Je suis Français et si je ne vote pas, c’est comme si je ne respectais pas la loi. Les gens se sont battus pour avoir le droit de voter. Ma mère n’est pas française et n’a pas le droit de vote, mais elle nous pousse à aller voter. Mon père et mon frère l’ont et ont toujours voté. »
De droite, de gauche ? Pas facile…
S’il ne conçoit pas de ne pas mettre de bulletin dans l’urne, il ne sait pas encore celui qu’il choisira. Sa seule certitude, c’est de ne pas donner sa voix à Marine Le Pen au premier tour et de voter contre elle, si elle est en lice au second. Quand on lui demande s’il est de droite ou de gauche, Nacer fait la moue. Pour sortir de son indécision, l’étudiant en BTS a prévu de lire les programmes. Il regarde de temps en temps des émissions politiques à la télévision :
« Lorsqu’on parle de politique en famille, c’est surtout en réaction à des propos de Marine Le Pen. Elle met tous les Arabes dans le même sac. Si elle est au 2ème tour des élections, je voterai contre elle, ça c’est sûr. Je suis français, donc je ne suis pas vraiment inquiet pour moi, mais pour nos familles, pour les immigrés, les étrangers. »
… mais il milite activement contre l’abstention
S’il ne milite dans aucun parti, Nacer est en revanche très impliqué dans la vie de la cité, celle du Neuhof, où il a grandi jusqu’à l’âge de 6 ans et où vit toujours sa famille élargie. Depuis un an, le Strasbourgeois mobilise des gens pour aller voter dans le cadre du « Challenge citoyen« . Initié par le centre socioculturel du Neuhof, ce dispositif a essaimé depuis dans d’autres quartiers prioritaires en France :
« Une majorité des habitants que je rencontre pour le challenge citoyen, disent que le quartier ne change pas, que la France ne va pas changer, qu’ils n’attendent rien et qu’ils n’iront pas voter. C’est sûr que si le taux de participation du quartier est de 20%, les élus ne vont pas nous calculer ! Si on veut que cela change, il faut bouger. Si l’élu voit que les gens votent dans les quartiers, il va faire quelque chose pour eux en retour. »
Habitant désormais Hautepierre, le jeune homme passe encore beaucoup de temps au Neuhof. Il se réjouit de la rénovation des logements, qui a embelli le quartier. Mais l’étudiant estime toutefois que cela ne suffit pas à le sortir de ses difficultés :
« Il faudrait faire de la lutte contre le chômage des jeunes une priorité pour que la situation évolue vraiment dans les quartiers prioritaires de la ville. Il faut une association qui propose des formations, des gens qui savent parler aux jeunes. Ici, au Neuhof, on voit les policiers plusieurs fois par semaine, parfois même plusieurs fois par jour. Ils ne savent pas parler avec les jeunes. S’ils ne trouvent pas ce qu’ils cherchent, ils viennent vers les jeunes et ils leur parlent mal, les provoquent, pour ne pas rentrer les mains vides. Un président doit pouvoir faire en sorte que la police ne parle pas comme ça aux jeunes des quartiers. Un président honnête, qui ne se contenterait pas de belles promesses, peut montrer aux gens des quartiers qu’on est là pour eux et qu’on s’intéresse à eux. C’est pour cela aussi que j’incite les gens à aller voter. »
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