L’archevêque de Strasbourg Luc Ravel a annoncé sa démission jeudi 20 avril. C’est la fin de dix mois d’une crise au sein du diocèse de Strasbourg. Résumé d’une affaire de fin de règne aux multiples rebondissements.
Archevêque de Strasbourg depuis 2017, le début de la fin commence en juin 2022 pour Mgr Luc Ravel. À cette date, le Vatican annonce le lancement d’une « mission apostolique », une sorte d’enquête interne, concernant les méthodes managériales de l’ancien évêque aux armées. Dix mois plus tard, l’archevêque de Strasbourg démissionne officiellement. Résumé d’un feuilleton à rebondissements, entre crise ouverte avec le Vatican et soulèvement d’une partie des croyants catholiques contre leur archevêque.
Dès le 27 juin, le Vatican missionne l’évêque de Pontoise Mgr Stanislas Lalanne et le secrétaire émérite du dicastère pour le clergé Mgr Joël Mercier pour enquêter sur le terrain du diocèse de Strasbourg. Une trentaine de prêtres et de laïcs sont auditionnés. Selon le journal La Croix, ce sont bien les méthodes managériales de Mgr Luc Ravel qui font l’objet des investigations ecclésiastiques.
En octobre 2022, Mgr Lalanne rend ses conclusions au Vatican. Toujours d’après La Croix, le cardinal Marc Ouellet convoque ensuite l’archevêque de Strasbourg pour lui signifier la volonté du Saint-Siège de mettre fin à ses fonctions. Fidèle aux exigences du Concordat, la représentation du Pape demande à Luc Ravel d’envoyer une lettre de démission à l’Elysée.
Une série d’évictions
Mais l’archevêque de Strasbourg ne suit pas la consigne. Plusieurs sources évoquent une date limite pour la présentation de la démission, le 15 février. Mi-février, Luc Ravel aurait envoyé un courrier… avec un texte trop flou pour être pris comme une démission.
Le conflit entre Luc Ravel et le Vatican devient public un mois et demi plus tard. Mardi 4 avril, les Dernières Nouvelles d’Alsace révèlent le limogeage de l’évêque auxiliaire Mgr Christian Kratz par voie de courrier sous la porte à 6 heures du matin. L’archevêque de Strasbourg défend cette éviction en pointant la passivité du religieux dans une affaire de matériel pédopornographique détenu par un aumonier du collège Saint-Étienne à la fin des années 2000. Mais selon La Croix, qui cite une source romaine, cette décision de Luc Ravel aurait une autre motivation : Mgr Christian Kratz était pressenti par le Vatican pour prendre la place d’archevêque de Strasbourg.
Dans la foulée, Mercredi 5 avril, une quinzaine de catholiques ont manifesté sur le parvis de la Cathédrale pour demander la démission de l’archevêque. Quelques jours plus tard, des « chrétiens du diocèse de Strasbourg » créent une pétition pour lui demander de quitter ses fonctions. Elle atteint rapidement plus de 1 000 signatures. Acculé vers la sortie, Mgr Luc Ravel a passé ses dernières semaines d’archevêque de Strasbourg bunkérisé. Certains le décrivent comme malade. D’autres assistent impuissants à la série d’évictions lancée par l’évêque : mardi 18 avril, le vicaire général Hubert Schmitt est évincé du conseil épiscopal. Comme les Dernières Nouvelles d’Alsace le racontent, il est accusé d’attouchements sur un jeune servant de messe il y a trente ans.
Un diocèse fictif pour limoger Luc Ravel
Le lendemain, mercredi 19 avril, les Dernières Nouvelles d’Alsace révèlent une procédure canonique visant le père Bernard Xibaut, chancelier du diocèse, pour des « gestes déplacés » sur un séminariste en 2006. Quelques jours plus tôt, le père Bernard Xibaut prenait la parole sur BFM Alsace pour évoquer la probable démission de l’archevêque de Strasbourg.
Le Boléro de Ravel a pris fin le jeudi 20 avril. Craignant sans doute d’autres évictions et une division plus profonde encore du diocèse de Strasbourg, le Vatican a choisi une voie en dehors du Concordat, qui ne nécessite pas d’approbation de la part du président de la République. Mgr Luc Ravel va être transféré dans un diocèse fictif, comme l’avait été l’évêque d’Évreux Mgr Jacques Gaillot, exfiltré en 1995 en étant nommé dans le diocèse de Partenia, en Algérie.
Selon les Dernières nouvelles d’Alsace, le corps retrouvé dans l’Ill mardi 18 avril est celui d’Enzo. L’adolescent de 17 ans était porté disparu depuis la nuit du 2 avril 2023.
C’est grâce à ses empreintes digitales que le corps retrouvé dans l’Ill, mardi 18 avril, a été identifié, selon les Dernières nouvelles d’Alsace. Il s’agit d’Enzo, 17 ans, dont la famille n’avait plus de nouvelles depuis la nuit du 2 avril. « Des investigations scientifiques sont en cours pour déterminer les causes exactes du décès », indique la même source.
Des circonstances « à déterminer »
Cette nuit-là, le jeune homme a sauté dans la rivière de l’Ill alors qu’il était poursuivi par des policiers de la brigade anti criminalité, en pleine nuit. Il n’est pas réapparu depuis et la famille, sans nouvelles, a organisé deux battues pour tenter de le retrouver.
Mercredi 19 avril, plusieurs personnes s’étaient réunies spontanément devant le commissariat central après avoir été averties qu’un corps, non identifié encore, a été retrouvé.
Six jours après la disparition d’Enzo, sa mère a porté plainte contre X pour « non-assistance à personne en danger », visant « le policier ayant vu son fils se jeter à l’eau sans lui porter secours » – selon ses déclarations et le communiqué du parquet de Strasbourg.
Dans ce même communiqué, la procureure de la République précise que « les investigations se poursuivent pour déterminer les circonstances de cette disparition ».
Alors qu’il arrivait en Alsace, mercredi 19 avril, le président de la République s’est exprimé contre la sortie de l’Alsace de la région Grand-Est. À rebours des souhaits du président de la Collectivité européenne d’Alsace, Frédéric Bierry.
Tout sourire, mine rayonnante, Frédéric Bierry donnait l’impression d’un homme comblé en sortant de l’hôtel de ville de Sélestat, mercredi 19 avril. Pendant deux heures, le président de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) avait pu échanger en compagnie d’autres élus locaux avec Emmanuel Macron. Ce jeudi 20 avril, dans les colonnes des Dernières nouvelles d’Alsace, le président de la République s’est pourtant montré hostile à son projet phare : la sortie de l’Alsace du Grand-Est.
Dans l’avion vers l’Alsace, le président de la République s’est exprimé sur le sujet, prenant clairement le parti du statu quo : « Je suis aussi attaché à ce que l’on ne crée pas de nouvelles divisions. Je veux que les Alsaciens que j’aime, car je leur ai donné cette place, sachent que la région Grand Est leur apporte beaucoup. C’est le cas notamment pour les transports, l’aménagement du territoire. C’est plus que ce que l’Alsace aurait pu faire seule. »
L’alignement des planètes n’aura pas lieu
Une semaine avant la visite élyséenne, jeudi 13 avril, Frédéric Bierry convoquait une séance plénière exceptionnelle de la CEA pour lancer une « grande contribution citoyenne« . L’objectif était de recueillir des propositions, sur les mesures que l’Alsace pourrait prendre si elle récupérait les compétences d’une région. Le président de la CEA assurait à qui voulait l’entendre que « l’alignement des planètes » était imminent. La « contribution » d’Emmanuel Macron est claire : le retour de la région Alsace n’a pas l’air d’être souhaitée par l’Élysée.
« Toutes les planètes sont alignées… Sauf Jupiter », raille le conseiller de la CEA Jean-Philippe Vetter (LR), membre de la majorité de Frédéric Bierry. « Depuis que nous ne sommes plus en campagne, les propos du candidat Macron contredisent ceux du président Macron ».
L’embarras de la majorité présidentielle
Pris à défaut par les propos de leur chef, les élus alsaciens de la majorité présidentielle essaient depuis d’éteindre l’incendie. Dans un communiqué particulièrement alambiqué, signé par des députés, des sénateurs et l’eurodéputée Fabienne Keller, les figures locales de la Macronie expliquent avoir pu échanger avec le Président : « Nous, comme lui, souhaitons que toute évolution territoriale, tout changement de périmètre ou d’organisation, se fasse depuis le terrain, dans le dialogue et le respect mutuel de tous les acteurs ». Avant de conclure, dans une formule incantatoire : « La porte reste ouverte, mais la méthode rappelée. »
« Leur réaction est invraisemblable. » Pas convaincu, le député et conseiller départemental Raphaël Schellenberger moque la naïveté de leur groupe : « Je pense qu’ils découvrent eux même la duplicité d’Emmanuel Macron. Et ça interroge sur la proposition de loi pour une sortie du Grand-Est qu’ils mettent en avant, puisque le Président dit clairement que le sujet d’un redécoupage ne sera pas discuté. »
Dans un communiqué publié jeudi 20 avril, Mgr Luc Ravel a annoncé sa démission. Son successeur n’est pas encore connu.
C’est la fin de la crise ouverte entre le Vatican et l’archevêché de Strasbourg. Jeudi 20 avril, l’archevêque de Strasbourg Mgr Luc Ravel a annoncé par communiqué : « Alors que nous sommes entrés dans ce magnifique temps de Pâques, j’ai présenté ma démission au Saint-Père, pour qui je prie tous les jours ». Conscient de la contestation suscitée par son management jugé autoritaire au sein du diocèse, l’ancien évêque aux armées rappelle son engagement contre les agressions sexuelles et viols au sein de l’Église catholique :
« J’ai toujours agi au plus près du droit et de ma conscience (…) pour prendre des mesures difficiles, mais qu’on m’aurait ultérieurement reproché de ne pas avoir prises, au vu des éléments en ma possession (…) Ce souci de la vérité et de la justice que j’ai toujours cherchées à l’égard des prêtres, des fidèles, et en particulier des personnes victimes que je n’oublierai jamais. »
Le successeur de Luc Ravel n’est pas encore connu. Contactée, la communication du Vatican n’était pas en mesure de donner plus d’informations sur le futur de l’archevêché de Strasbourg. Il est possible qu’un archevêque temporaire soit nommé dans l’attente d’une nomination officielle.
Emmanuel Macron entamait mercredi 19 avril ses « 100 jours de l’apaisement » à Muttersholtz. Bâclée dans son déroulé et anecdotique dans son contenu, l’opération de communication n’a pas convaincu les locaux.
Dos voûté sur sa chaise, Hugo plonge ses rétines dans l’écran bleuté de son ordinateur. Seul dans l’open space désert de l’entreprise Mathis à Muttersholtz, il griffonne quelques notes sur un papier, dans son jargon d’ingénieur. Comme tous les matins, il est arrivé au bureau à sept heures et demie, sans . . .
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Le syndicat Force ouvrière des Hôpitaux universitaires de Strasbourg a déposé un préavis de grève pour le jeudi 20 avril afin de dénoncer le manque d’effectifs et la désorganisation, délétères pour les soignants et les patients, dans deux services de chirurgie à l’hôpital de Hautepierre.
Il y a le discours du président de la République. Puis il y a la réalité. Dans son allocution du lundi 17 avril, Emmanuel Macron s’est vanté d’avoir « investi massivement dans notre hôpital ». Au Centre hospitalier universitaire de Hautepierre, les effets d’un tel investissement se font attendre. Le 11 janvier, le syndicat Force ouvrière (FO) des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) recevait un mail d’alerte sur la situation des services de chirurgie maxillo-faciale et de chirurgie du rachis. Envoyée par une soignante, il est présenté comme « un cri d’alerte au nom de tout l’équipe. Les équipes maxillo et rachis sont à bout de force mentale et physique !!!! »
« Nous aurions dû rester fusionnés deux semaines… »
Dans un long courriel, un membre du personnel soignant lance l’alerte sur management du fait accompli :
« Comme à chaque vacance, nous fusionnons nos deux services qui se trouvent sur le même étage. Nous aurions dû rester fusionnés deux semaines et finalement on nous annonce que cela va durer minimum deux mois et demi. »
L’application brute d’un ratio du nombre de lits par rapport au nombre de soignants produit des effets délétères selon cette personne : « Cela se passe toujours mal, notre effectif cible est amputé, sous prétexte que pour un service de 28 lits, l’effectif est de deux infirmières et deux aides-soignantes. » Or, les services touchés par cette fusion forcée ont des particularités, décrites dans le mail d’alerte :
« Un patient opéré doit régulièrement être vu dans la nuit (constantes, nombreuses perfusions, pansement, patient trachéotomisé, patient bouche bloquée par élastique, etc.). Avec 10 à 12 patients parfois sans compter les autres, les infirmières sont débordées ! Surtout que ce sont rajoutées les reconstructions mammaires, une opération délicate qui nécessite une surveillance chaque heure ! Avant ces patientes allaient aux soins intensifs mais cela n’est plus possible par manque de place… »
La réponse des cadres : « C’est comme ça »
Ces détails, tirés du quotidien des soignants, comptent peu face à une logique comptable rendue indépassable à cause du « contrat d’avenir », signé par les HUS pour sortir de l’endettement et basé sur l’optimisation des effectifs soignants, notamment par la fusion de services. Le détail des engagements de l’hôpital public vis-à-vis de l’Agence régionale de santé est d’abord resté confidentiel, puis le contenu du « contrat d’avenir » a été révélé par Rue89 Strasbourg.
Le mail se termine en exhortant à l’action :
« Résultats : des équipes à bout, en pleurs… Nous le faisons savoir à nos cadres, mais la réponse reste brève, on nous répond que “c’est comme ça”. Nous ne voulons pas les accabler car nous connaissons les conditions actuelles, mais là ce n’est plus possible, nous devons faire quelque chose ! »
Arrêt des fusions de services
Dans son communiqué, le syndicat FO des HUS déplore qu’en février, une réunion entre la direction des ressources humaines et la direction des soins se soit terminée sans résultat concret pour les équipes. Pour cette journée de mobilisation du jeudi 20 avril, les revendications sont les suivantes :
arrêt de la fusion des deux services,
réévaluation de la charge de travail avec un ratio soignant / patient plus juste,
un respect des effectifs et des plannings,
une évaluation de la charge de travail en prenant en considération les spécificités des services et du nouveau turn-over des services, imposé par le manque de lits dans l’établissement.
La Ligue des Droits de l’Homme et Rue89 Strasbourg organisent une table-ronde au Foyer de l’Étudiant Catholique jeudi 4 mai. Trois anciens détenus de la maison d’arrêt de Strasbourg y témoigneront de leurs conditions de détention et de réinsertion.
Des témoignages rares. Jeudi 4 mai, à 19h, au Foyer de l’étudiant catholique (FEC), Rue89 Strasbourg et la Ligue des Droits de l’Homme organisent une conférence dédiée à la prison strasbourgeoise. L’accès à l’événement sera libre et gratuit, dans la limite des places disponibles. Trois anciens détenus seront présents, dont Val, membre de l’association Au-delà du pénal (ADP). Ce collectif a pour objectif de faciliter la réinsertion de détenus en mettant en place une relation de confiance avec une personne en dehors de la prison. C’était le rôle de Lune, qui témoignera des difficultés pour les proches de détenu. Le délégué du Défenseur des droits en Alsace, Robert Blanc, témoignera aussi de son activité, en lien avec le milieu carcéral local.
Deux thématiques : la détention et la réinsertion
La première partie de la conférence donnera la parole aux anciens détenus de la maison d’arrêt de Strasbourg. Accès restreint à la cour de promenade depuis le début de la pandémie, téléphone portable en cellule, manque de moyens des services pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) et dérives parfois violentes de certains surveillants… La parole sera libre pour raconter la prison strasbourgeoise telle qu’ils l’ont vécu.
17 jours après la disparition d’Enzo, un corps a été retrouvé dans l’Ill mardi 18 avril, selon Actu Strasbourg. L’identification est en cours.
Mardi 18 avril, selon Actu Strasbourg, un corps a été retrouvé dans l’Ill « non loin du lieu de sa disparition », 17 jours plus tard. « Des expertises sont en cours afin d’identifier le corps repêché hier dans l’Ill, celles-ci prendront plusieurs jours », précise la secrétaire du procureur de la République à Rue89 Strasbourg.
Un rassemblement s’est tenu mercredi 19 avril dès 10 heures devant le commissariat central de Strasbourg, pour « demander une accélération et [l’]intensification des recherches pour lever les doutes qui pèsent sur cette disparition », selon France 3 Alsace. La famille a été prévenue par la police.
Plusieurs battues ont déjà été organisées pour tenter de retrouver l’adolescent avec l’aide de l’association Icared, mais toutes sont restées vaines.
Six jours après la disparition de l’adolescent, sa mère a porté plainte contre X pour « non-assistance à personne en danger », visant « le policier ayant vu son fils se jeter à l’eau sans lui porter secours » – selon ses déclarations et le communiqué du parquet de Strasbourg.
Des centaines d’opposants aux politiques d’Emmanuel Macron se sont mobilisés pour le déplacement du président de la République en Alsace ce 19 avril. Tenus à distance par les forces de l’ordre, les manifestants ont tout de même réussi à lui faire entendre leurs slogans, à Muttersholtz et à Sélestat alors qu’il tentait de prendre un bain de foule.
« Il m’a foutu un coup de pied cet enfoiré ! » Il est environ 11 heures, ce mercredi 19 avril, et la situation se tend déjà à Muttersholtz. Une trentaine de manifestants expriment leur opposition au président de la République quand des gendarmes les repoussent après sommation. Vêtu d’une chasuble CFDT, un homme s’emporte face à un gendarme : « C’est ça la police ? Elle donne des coups de pied ? »
« Je trouve pas les mots tellement je suis énervée »
Emmanuel Macron n’est pas encore arrivé dans cette petite commune, voisine de Sélestat. Mais l’entame de sa tournée de réconciliation avec les Français commence mal. « C’est une honte, tout se passe calmement et on nous bouscule. Je trouve même pas les mots tellement je suis énervée », souffle Claudine, membre de la CFDT Métallurgie.
C’est seulement une demi-heure plus tôt, à 10h30, que la préfecture du Bas-Rhin a publié sur son site un arrêté préfectoral spécial pour la visite présidentielle. Ce dernier instaure plusieurs périmètres de protection à Muttersholtz et à Sélestat et interdit les manifestations dans ces zones. La presse n’a pas été informée par la préfecture et les manifestants ne peuvent pas connaître cette interdiction préfectorale. Énième sentiment d’injustice pour les opposants à la réforme des retraites.
« Où qu’il aille, il trouvera des opposants »
Depuis l’annonce du passage d’Emmanuel Macron dans l’usine Mathis à Muttersholtz, des militants s’organisent pour manifester leur mécontentement. Mais le déroulé détaillé de la visite présidentielle n’est connu de personne. Dans les groupes d’activistes, chacun y va de son hypothèse : le président viendra en hélicoptère directement sur le site de l’entreprise Mathis, Emmanuel Macron passera par la mairie de Sélestat en milieu d’après-midi… Au cours d’une réunion à Muttersholtz, dans la soirée du mardi 18 avril, les activistes ont acté du flou total autour de cette visite : « Les gens ont quand même envie qu’il y ait des images de contestation. Où qu’il aille, il trouvera des opposants », glisse un habitant de Muttersholtz et participant à la réunion.
Au milieu des manifestants dès 10 heures du matin, le maire de la commune de Muttersholtz Patrick Barbier ne souhaitait pas « faire un procès » au président de la République : « S’il ne sortait pas de son palais, on lui reprocherait de ne pas aller au contact. » L’élu écologiste, indépendant du parti EELV depuis 2017, sait seulement de cette visite présidentielle qu’il a rendez-vous dans l’entreprise Mathis à 13h30. Il note l’important déploiement de forces de l’ordre nécessaire pour la venue d’Emmanuel Macron : « Je n’ai jamais vu autant de cars de gendarmerie dans ma commune. Il y a plus de gendarmes que de manifestants pour l’instant. C’est ça qui est exceptionnel. »
Le cortège du président hué
Des opposants supplémentaires affluent vers Muttersholtz à 12h car l’intersyndicale a appelé à un rassemblement pour accueillir le président avec des casseroles. Ancien candidat de la France insoumise aux dernières élections législatives, Samy Ahmed-Yahia est bloqué à l’entrée du village, comme d’autres manifestants :
« La police a commencé par nous laisser entrer tout en nous interdisant de porter le moindre signe distinctif, casserole ou drapeau syndical. Puis ils ont fini par bloquer complètement l’entrée. Il s’agit d’une atteinte grave au droit de manifester notre mécontentement. »
À 13h30, Emmanuel Macron arrive avec un cortège de voitures copieusement hué et sifflé par les militants qui ont réussi à entrer dans la commune, maintenus à distance par les forces de l’ordre. Certains scandent « Macron démission ». Plusieurs petits groupes de manifestants sont éparpillés dans Muttersholtz.
L’eurodéputée du groupe Agir et ancienne maire de Strasbourg Fabienne Keller est également invectivée à son passage.
Interrogé dans l’usine Mathis, première étape de sa visite, sur la présence de manifestants dans la commune, le président rétorque que les manifestants « cherchent à faire du bruit » et que « ce n’est pas les casseroles qui feront avancer la France ». Au milieu de la journée, la CGT revendique une coupure de courant sur le site, qui ne plonge visiblement pas les lieux dans l’obscurité. Emmanuel Macron enchaine avec un passage à l’hôtel de Ville de Sélestat à 16h pour y rencontrer des élus locaux. Là aussi, des centaines de d’opposants l’accueillent avec des huées et des slogans. Une poignée de soutiens ont pu lui parler directement.
Clément, étudiant en archéologie, est venu pour interpeller Emmanuel Macron. Il raconte l’important dispositif de protection du président :
« C’est vraiment hyper contrôlé, on ne peut pas du tout échanger avec lui. On est au quatrième contrôle pour arriver jusqu’à cette place. À la télé, on montre plein de gens qui parlent directement avec lui, c’est tout l’inverse ici. Si c’est un bain de foule avec les CRS et les journalistes qu’ils voulaient, qu’ils le disent. »
Devant les journalistes, Emmanuel Macron a reconnu « la colère » tout en indiquant qu’il continuera à se déplacer en France. Infatigables, des manifestants sont restés en position jusqu’à la sortie du président de l’hôtel de ville à 18h, pour le huer une nouvelle fois. Après une très courte apparition, il est entré dans une voiture pour quitter Sélestat.
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Roni Gocer et Abdesslam Mirdass étaient auprès des militants et des manifestants toute la journée jusqu’au début de la soirée pour vous rendre compte de cette visite présidentielle.
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En France, l’industrie du numérique ne compte que 17% de femmes. Malgré les opportunités financières et d’emploi, les candidates aux formations en informatique sont encore rares. Trois Strasbourgeoises racontent leur éprouvante insertion professionnelle dans ce milieu très masculin.
« Les remarques et les comportements sexistes, c’est des pratiques qui découragent beaucoup de jeunes femmes à se lancer dans l’informatique », observe Harmonie, présidente de Hackstub, une association notamment engagée en faveur de l’informatique libre. À 28 ans, elle est experte en sécurité et vie privée chez Eyeo, la maison mère d’AdBlock (un bloqueur de publicités). Elle fait partie des 17% de femmes qui travaillent dans l’industrie du numérique en France. Pourtant après son bac scientifique et malgré son appétence pour l’informatique, Harmonie s’était d’abord orientée vers une licence de droit. Parallèlement, elle avait rejoint l’Amicale des informaticiens de l’Université de Strasbourg (AIUS).
Elle raconte son expérience à la faculté de mathématiques et informatique à partir de 2015 :
« J’étais toujours flanquée à la fac de maths-info et je peux dire qu’il y a beaucoup de harcèlement sexiste et sexuel dans les études en informatique. Moi même j’ai subi de nombreuses remarques sexistes, mais je savais tenir tête, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. »
En 2022-2023, la filière informatique de l’Université de Strasbourg compte 184 femmes pour 933 hommes, soit 16 % de femmes. Et ce manque de parité est, en lui-même, un facteur de découragement. Selon le rapport 2023 sur l’état des lieux du sexisme en France, 22% des femmes de 25-34 ans ont déjà redouté, voire renoncé à s’orienter dans un métier majoritairement composé d’hommes, « par crainte de ne pas y trouver leur place ou de s’y sentir mal à l’aise, mais aussi par peur du harcèlement sexuel pour 18% d’entre elles ».
Après sa Licence, Harmonie a choisi un Master en droit du numérique malgré les réserves de son professeur référent : « Il me disait que ce n’était pas un domaine porteur alors que c’est le cas. De toute façon, je savais que j’étais faite pour ça donc je me suis encouragée toute seule. » Avant d’intégrer Eyeo en 2020, elle a débuté sa carrière dans un cabinet de conseil juridique puis à la Direction interministérielle du numérique (DiNum) à Paris. La Strasbourgeoise assure y avoir été confrontée à un sexisme ambiant :
« C’est souvent des hommes en costume qui m’ont posé problème. À la DiNum, on me prenait régulièrement pour une stagiaire. Même des jeunes hommes en stage étaient plus pris au sérieux que moi. Le sexisme — parce que j’étais une femme, en plus d’être jeune et racisée — était beaucoup plus pernicieux que des mots. Dans le cabinet de conseil, on ne me faisait pas confiance si je n’avais pas l’aval d’un supérieur hiérarchique masculin. À tel point que mon chef de service m’a conseillé de le mettre en copie de tous mes mails, pour que je puisse avancer sur mes dossiers. Ce n’était pas le cas des hommes. »
Selon l’étude Gender Scan 2022 qui mesure l’évolution de la féminisation dans le secteur des technologies et du numérique, 46% des femmes qui travaillent dans le secteur de la technologie déclarent avoir été victimes de comportements sexistes, de harcèlement moral et sexuel voire d’agressions au sein de leur milieu professionnel.
« Il y a urgence à diversifier le secteur du numérique »
Entre 2013 et 2019, le nombre d’étudiantes dans le domaine en France enregistrait une baisse de 2 % — contrairement à la moyenne européenne en hausse de 6 %. En février, les premières Assises nationales de la féminisation des métiers et filières numériques ont été organisées au ministère de l’Économie à l’initiative de l’association Femmes@Numériques en février 2023, au vu de « l’urgence de diversifier le secteur ». Selon le gouvernement, la France nécessitera 400 000 experts et expertes du numérique formés d’ici 2030. Hormis le besoin de main d’œuvre, c’est un enjeu crucial d’équité dans la mesure où ce secteur, qui attire de nombreux investissements, représente une opportunité d’autonomie financière pour les femmes.
Lou est ingénieure système à la direction du numérique (DNum) de l’Université de Strasbourg. Elle expose la situation sur son lieu de travail :
« Au département infrastructure, on est deux femmes sur une trentaine de salariés. On galère tellement à recruter (environ 10 % de postes vacants à la DNum) que la disparité des genres n’est pas un sujet, on n’a pas ce luxe. »
Avant de s’insérer professionnellement dans ce milieu, cette Strasbourgeoise de 30 ans a connu un parcours sinueux, en lien avec les préjugés entourant l’informatique :
« Au lycée, je kiffais l’informatique et je rêvais de faire Épitech. Mais je n’étais pas bonne en maths et mes parents ne m’ont pas encouragée. Aujourd’hui je sais qu’en fonction des domaines, ce n’est pas nécessaire. »
Après un bac en Sciences et Technologies de l’Industrie (STI), et alors que l’informatique la passionne depuis l’enfance, Lou s’est dirigée vers une licence de langues. C’est seulement huit ans et divers métiers plus tard qu’elle s’est réorientée, bien qu’elle n’ait en réalité « jamais arrêté de bidouiller des choses sur l’ordinateur ». En 2020, elle a profité du confinement pour suivre une formation de développement web, « The Hacking Project », et a poursuivi en autodidacte, avant d’être embauchée par l’Université de Strasbourg en mars 2022.
Attirer les candidates, un enjeu pour les formations aux métiers du numérique
Faire de l’informatique sans avoir brillé en mathématiques, c’est possible. Élodie Motsch, chargée de communication de l’école d’informatique Épitech de Strasbourg le confirme :
« Il n’y a pas besoin d’être bon en maths pour faire de l’informatique. C’est une idée reçue à laquelle nous tentons de sensibiliser les étudiant·es et leurs parents. »
En 2021, l’école privée a commandé une enquête sur les raisons de la faible orientation des lycéennes vers l’informatique. À Strasbourg, les femmes ne représentent que 13% de la soixantaine d’étudiants de première année, 7% en deuxième année et 4% en troisième. À l’origine de cette sous-représentation, des préjugés et un faible encouragement des jeunes filles par leur entourage. Selon l’étude en question, 33% des lycéennes sont encouragées par leurs parents à s’orienter vers les métiers du numérique contre 61% des garçons. Pour attirer les candidates et encourager la féminisation de ses promotions, l’école prend quelques initiatives. La chargée de communication d’Épitech Strasbourg explique :
« Pour les journées d’orientation et les salons étudiants, on essaie de mettre en scène la parité pour permettre aux lycéennes de s’identifier à nos étudiantes. »
L’école organise aussi des ateliers de code informatique dans les lycées alsaciens, en partenariat avec l’association EMM-A qui promeut la mixité dans les écoles de la tech. Ces ateliers sont en mixité choisie, en l’absence des garçons. Dans ce cas, cet outil « d’auto-émancipation » vise à favoriser un climat rassurant entre participantes afin qu’elles apprennent sereinement le code informatique.
Mais preuve que la démasculinisation de l’industrie du numérique n’en est qu’à ses débuts, les professeurs d’Épitech Strasbourg sont exclusivement des hommes et aucune cellule dédiée à la prise en charge du harcèlement ou des violences sexistes et sexuelles n’est en place dans l’école. À titre de comparaison, l’université de Strasbourg compte 25% d’enseignantes-chercheuses au sein de la section informatique du Conseil national des universités (CNU).
Pour des outils numériques inclusifs
La conception d’outils informatiques plus inclusifs est aussi un enjeu majeur de la diversification des salariés de l’industrie du numérique. Le plaidoyer publié en février à l’issue des Assises dénonce « les impacts d’une conception et d’une gestion des outils et solutions numériques sans la participation des femmes, [qui] introduisent des biais de genre se [faisant] déjà ressentir. Il n’est pas acceptable que seul 50% du vivier de talents soit aujourd’hui impliqué et mobilisé dans la conception, l’administration et la sécurisation des outils numériques qui régissent notre société ».
Maddie (le prénom a été modifié, NDLR) est graphiste et développeuse web indépendante à Strasbourg. Elle explique :
« La démasculinisation de l’industrie du numérique est importante pour que des personnes qui ne sont pas des hommes blancs se sentent à l’aise de participer, d’apporter leurs visions du numérique, et leurs besoins avec. Tout l’enjeu est de rendre le numérique moins discriminatoire, par exemple dans le domaine de l’accessibilité et du médical. »
À 32 ans, cette Strasbourgeoise originaire des Vosges du nord est diplômée de l’école d’art du Havre. « Je suivais l’option design graphique et interactivité, donc l’ordinateur était mon principal outil de travail, mais avec une approche artistique », relate-t-elle. Comme Lou et Harmonie, Maddie s’est formée en autodidacte grâce à des ressources en libre accès sur internet et ne doit pas son insertion professionnelle à une formation traditionnelle :
« J’ai encore un sentiment d’imposture parce que je n’ai pas de diplôme en informatique. Et cela s’ajoute au fait d’avoir intériorisé l’idée essentialiste qu’en tant que femme, je suis moins apte. »
En 2016, elle a rejoint la communauté de Hackstub. Elle a vu sa fréquentation changer au fil des années. D’un vrai « boysclub » — selon les mots de sa présidente — à une association où des femmes, minorités de genre et personnes racisées participent. Pour encourager ce mouvement, Hackstub a publié en 2021 une charte prônant l’inclusivité. Maddie poursuit :
« C’est important de trouver une communauté de semblables pour affronter des situations d’oppression ou d’isolement, comme cela peut être le cas dans le milieu informatique. Sur le plan économique aussi, cela permet de se créer des opportunités professionnelles, lorsque nous en sommes globalement exclues dans ce milieu. »
Elle cite Les Oubliées du numérique d’Isabelle Collet : « Quand vous imaginez un groupe de programmeurs, est-ce que vous pensez à des filles ? Évidemment que non ! » Malgré de timides améliorations, la démasculinisation de l’industrie du numérique, en pratique et dans les esprits, n’en est qu’à ses débuts.
Jeanne Barseghian a annoncé mardi 18 avril que le quartier Citadelle va accueillir 102 nouveaux logements conçus par leurs habitants d’ici 2030. Deux appels à projet seront lancés en 2023.
Mardi 18 avril, la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, annonce la future construction, quartier Citadelle, de 102 logements conçus en « habitat participatif » : les futurs occupants seront inclus dans la conception des logements. L’élue explique aussi que l’objectif est de laisser une grande place aux écosystèmes dans la zone :
« C’est un projet de très grande envergure, qui ne sera achevé qu’à l’horizon 2030, voire même au delà. C’est un espace de nature que nous souhaitons reconquérir pour garantir un bouclier bio-climatique dans ces prochaines années et décennies. »
Alain Jund, conseiller municipal en charge du développement de l’habitat participatif, affirme :
« L’habitat participatif n’est plus un ovni. Il y a aussi la future résidence senior dans le quartier du Neudorf. Le quartier Citadelle est une étape historique pour Strasbourg, et aussi au niveau national. Nous sommes en train de franchir un cap : la création d’un quartier entier en habitat participatif. »
Strasbourg, ville pionnière
Selon la municipalité, le quartier Citadelle sera le plus grand quartier en habitat participatif de France, avec 102 logements conçus de la sorte. La Ville souhaite également que les habitations soient abordables financièrement.
La Société publique locale (SPL) Deux-Rives, aménageur public de la collectivité qui va porter la démarche, s’apprête à lancer deux appels à projets « cette année », destinés à des groupes d’habitants prêts à s’investir en amont. Ces deux projets se situeront au nord du quartier et rassembleront chacun cinq à sept logements avec des espaces partagés. 100 autres logements répartis en plusieurs immeubles seront conçus dans cette démarche mais proposés en accession libre ou dans le parc locatif.
Une réunion publique pour exposer ce projet du quartier Citadelle aura lieu le 26 avril à l’espace Coop à 18h.
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées lundi soir vers 20h devant l’Hôtel de ville de Strasbourg, place Broglie, pour contrer l’intervention télévisée du président de la République. Une partie des participants ont poursuivi la soirée en manifestation sauvage jusqu’à l’avenue du Rhin.
À l’appel d’une partie des syndicats opposés à la réforme des retraites et du collectif On crèvera pas au boulot, promulguée dans la nuit de vendredi à samedi 15 avril, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées lundi à 20h sur la place Broglie, devant l’Hôtel de ville avec des casseroles et d’autres ustensiles bruyants afin de protester contre l’intervention du président de la République Emmanuel Macron au même moment.
Les manifestants sont restés sur place pendant plus de 40 minutes. Puis une partie d’entre eux est partie en cortège vers l’avenue de la Liberté un peu avant 21h.
Un cortège réduit s’est ensuite rendu en direction du campus de l’Université de Strasbourg à l’Esplanade. Ces manifestants ont créé des barricades de fortune sur leur trajet, à l’aide de poubelles, de barrières de chantier ou d’autre mobilier urbain, suivis de près par des policiers en tenu anti-émeutes. La vitrine d’une banque a été brisée.
La manifestation sauvage s’est dispersée vers 22 heures après avoir atteint l’avenue du Rhin.
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Quatre des neufs personnes interpellées lors de la dernière manifestation contre la réforme des retraites ont été jugées en comparution immédiate, lundi 17 avril, au tribunal judiciaire de Strasbourg. Toutes ont été reconnues coupables de délits mais aucune n’est interdite de manifestation.
Après une journée de garde à vue et trois nuits au centre de détention de l’Elsau, quatre manifestants, interpellés jeudi 13 avril en marge de la 12e journée de mobilisation contre la réforme des retraites ont comparu devant la juge du tribunal correctionnel de Strasbourg, dans l’après-midi du lundi 17 avril.
Parmi eux, Jérôme, 45 ans, membre du service d’ordre de la CGT. « C’est le premier de nos camarades qui est interpellé depuis le début du mouvement social, et surtout la première fois qu’un d’entre nous est placé en détention provisoire », déplore Joëlle, travailleuse sociale, venue pour le soutenir.
Dès 14h, une cinquantaine de militants se sont rassemblés devant le tribunal, en soutien aux interpellés. « On était déjà devant le commissariat jeudi soir mais on n’avait aucune nouvelle de Jérôme », raconte Frédéric en revêtant son chasuble rouge vif. « Ça a dû lui faire un sacré choc, même lorsqu’on fait des piquets de grève on est rarement interpelés, encore moins placés en détention », poursuit le syndicaliste de la branche CGT-Fapt.
Faire de ces interpellations des « exemples »
« Normalement, la détention provisoire doit être une exception », explique Me Caroline Bolla, avocate des quatre manifestants. À l’issue d’une garde à vue et en attendant un jugement en comparution immédiate, c’est en effet le procureur qui demande ou non la détention provisoire de la personne interpellée. « On voit bien que le parquet a pour consigne de faire de ces interpellations des cas d’école, des exemples », estime Me Bolla, qui ne pensait pas que le juge de la détention et des libertés (qui doit valider les mesures demandées par le ministère public) allait « céder à cette politique répressive ».
À l’entrée du palais de justice, une quinzaine de policiers montent la garde. Peu avant le début de l’audience, le couloir menant à la salle comble est rempli de curieux venus soutenir les interpellés. Le début des échanges baigne dans le vacarme de ceux qui ne peuvent entrer dans la salle. Faute de place. « L’audience est publique, donc on ne peut pas fermer la porte, mais je vous prie de faire moins de bruit », énonce calmement la présidente du tribunal correctionnel, Isabelle Karolak. Devant la juge et ses deux assesseures, Claire Rueff et Laurence Glesser, les prévenus se présenteront, l’un après l’autre.
Les profils des personnes interpellées sont divers. Du syndicaliste Jérôme, à Jean (le prénom a été modifié), journaliste, en passant par Luc ou Marie (les prénoms ont été modifiés), sans emplois, tous ont entre 20 et 45 ans. « Chaque dossier est unique, j’en prendrai compte dans mes réquisitions », précise immédiatement Élise Wolton, substitute du procureure de la République.
« J’ai l’impression de ne pas être respecté par l’État »
Parmi eux, deux manifestants sont accusés d’avoir lancé des projectiles sur les forces de l’ordre – tantôt la police nationale, tantôt la gendarmerie. « C’était pour riposter, par réflexe, j’ai honte car ça ne correspond pas à mes convictions », poursuit Jean, évoquant le climat de tension en fin de manifestation ainsi que les « salves de gaz lacrymogènes » tirés pour disperser les manifestants.
« Je pense que ma réaction est liée à la séquence politique que l’on traverse, j’ai l’impression de ne pas être respecté par l’État », explique Jean, simplement. Très à l’aise à l’oral, le jeune homme reconnaît les faits qui lui sont reprochés et affirme les regretter. « Que mon projectile ait ou non touché quelqu’un, mon geste est condamnable et je ne saurais pas l’expliquer », conclut-il. « J’ai perdu mon sang froid » explique Jérôme de son côté, avec moins d’emphase. « Heureusement que personne n’a été blessé ».
Dans l’un de ses quatre réquisitoires, la substitute du procureur le concède : « Le climat social est tendu, la jeunesse veut exprimer sa colère et son désarroi ». Avant de préciser qu’à ses yeux, « participer aux dégradations lors de manifestations participe à dégrader le lien social ».
Tous évoquent une ambiance générale de révolte, une énergie de groupe en réponse à un « déni de démocratie » de plus en plus « flagrant », comme le répètent plusieurs soutiens aux manifestants, à l’extérieur de la salle d’audience. « C’était ma troisième manifestation, je n’avais rien dégradé et je suis restée calme mais cette fois-ci, j’ai fait comme tout le monde », explique Marie, accusée d’avoir dégradé des abribus. Faits qu’elle ne conteste pas. « Je sais bien que ce n’est pas la CTS qui décide de la réforme des retraites, ce n’est pas à eux que j’en veux », précise-t-elle.
La loi « anti-casseur » invoquée par le parquet
« J’ai été pris dans l’élan de la foule », plaide Luc, accusé d’avoir brisé une vitrine de banque et de posséder des feux d’artifice. Les réquisitions du ministère public se font plus sévères à son égard. Élise Wolton estime que Luc est « venu pour casser », qu’il est « connu des services de renseignement comme un perturbateur » et qu’il ne « doit vraiment plus jamais pouvoir participer à une manifestation ».
Trois d’entre eux sont mis en examen pour avoir participé à une manifestation en ayant volontairement dissimulé leur visage dans le but de ne pas être identifiés. Un délit créé en 2019 par l’article 10 de la loi dite « anti-casseur » et faisant encourir jusqu’à an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende. Tous les prévenus s’en défendront et plaideront avoir dû utiliser lunettes de protection et masques pour se protéger des gaz lacrymogènes, largement utilisés pour disperser les manifestants à Strasbourg depuis le 20 mars.
À l’aide de photos, la substitute du procureur exprime des doutes sur l’intention des manifestants de « simplement » se protéger des gaz. Tous seront pourtant relaxés sur ce fondement.
À chaque réquisition, le parquet demande également au tribunal de prononcer une peine d’interdiction de manifester entre un et trois ans. Pendant le délibéré d’une trentaine de minute, Odile, secrétaire générale adjointe de la CGT du Bas-Rhin, fulmine. « Je suis très inquiète pour l’avenir, c’est comme si la répression allait de plus en plus loin de manière progressive et que personne ne s’en rendait compte », estime-t-elle. Constitutionnaliste de formation, elle estime qu’Emanuel Macron en utilisant le 49-3 a certes respecté la lettre de la Constitution, mais pas son esprit. « On est au tribunal maintenant, on sera place Broglie à 20 heures pour faire du bruit lors de son intervention télévisée », poursuit-elle.
Aucune interdiction de manifestation retenue
Pour le verdict, tous les prévenus semblent calmes à la barre. Ils arrivent et repartent menottés dans l’isoloir vitré les séparant de la salle d’audience, flanqués de trois policiers. Me Bolla plaide pour des peines ayant du « sens » en fonction des profils de ses clients. Selon leurs casiers – vierges ou non – et leurs aspirations pour le futur. « Il est important que mon client soit toujours autorisé à manifester, car c’est un droit fondamental », précise-t-elle à plusieurs reprises.
Quelques dizaines de minutes après s’être retirées pour délibérer, la présidente et ses deux assesseures reviennent. Aucun des interpellés ne sera interdit de manifestation, malgré les réquisitions de la substitut du procureur. Les peines vont de travaux d’intérêts généraux à de la prison ferme pour l’une des personnes accusées. Pour certains, le délibéré comprend des peines obligatoires d’interdiction de port d’arme et d’inéligibilité. « Certaines infractions s’accompagnent forcément de peines complémentaires, c’est automatique », précise Me Bolla. Tous ont dix jours pour faire appel.
16 heures 30. Après l’annonce du délibéré, la confusion règne parmi les soutiens aux manifestants, sur le parvis du palais de justice. « Il va falloir les chercher à l’Elsau », lance une militante en étudiant l’itinéraire pour s’y rendre.
La condamnation de son camarade à trois ans d’inéligibilité fâche Michel, présent sur le parvis depuis 13 heures 30. « Je trouve ça très sévère comme peine, mais ça aurait pu être pire », estime-t-il. Après 42 ans à la CGT, le retraité avoue avoir peur pour la suite. « Tout ce que fait Macron aujourd’hui fait office de jurisprudence, imaginez si un dirigeant autoritaire prend le pouvoir, ce que ça va légitimer », explique-t-il. Un peu plus loin, la femme de Jérôme discute avec Me Bolla. « Il va certainement falloir un peu de temps pour que tout ça redescende », estime-t-elle avant de prendre le chemin de la prison de l’Elsau, pour chercher son mari.
« Je trouve les peines justes », commente Caroline Bolla. « Symboliquement le message est fort, poursuit elle, étant donné la relaxe sur l’infraction de dissimulation de visage ainsi que l’absence d’interdiction de manifester. Je pense que les juges ont voulu rétablir quelque chose », conclut-elle. Pour le moment, aucun de ses clients ne pense faire appel des décisions de première instance.
Après des mois de travaux de rénovation, le cinéma Cosmos (ex-Odyssée) à Strasbourg ouvrira au public vendredi 2 juin. L’inauguration sera accompagnée d’une série d’événements.
Lors d’une conférence de presse lundi 17 avril, l’équipe du cinéma municipal Cosmos, à Strasbourg, a dévoilé la date d’ouverture du lieu au public : rendez-vous à partir du mardi 2 juin pour assister aux premières diffusions. La fin des importants travaux de rénovation qui ont suivi la fermeture du cinéma Odyssée est prévue pour la fin du mois d’avril.
La programmation cinématographique de la semaine d’inauguration est encore tenu secret par l’association du Troisième souffle, qui a remporté l’appel à candidatures pour la gestion de ce cinéma municipal en 2022. « On maintient le suspense », glisse Étienne Hunsinger, le directeur du cinéma municipal avec un sourire. La billetterie ouvrira dès le 25 mai.
Dès le mois d’avril, des événements à la Laiterie
Du 26 au 30 avril, le Cosmos a prévu une série d’événements avant l’ouverture du lieu en quatre étapes.
Mercredi 26 avril : « Fabriquer un groupe de rock » avec la projection à 20h du documentaire La Grande Triple Alliance Internationale de l’Est, présenté par Nicolas Drolc et Guillaume Marietta et un concert à partir de 22h à la salle des Colonnes, rue du Hohwald à Strasbourg – Gare.
Jeudi 27 avril : À 19h, projection de Karaoke Paradise d’Einari Paakkanen puis à 20h10 projection du court-métrage Partir un jour d’Amélie Bonnin. À 21h, ce sera le « Kara-super-OK » du Cosmos où les participants chanteront sur des images…
Vendredi 28 avril : À 18h, le Cosmos organise la projection de Wayne’s World de Penelope Spheeris suivi à 19h50 d’un « Ciné bingo » par Ein & Stein avec la remise des prix du Grand Loto du Cosmos. À 21h50, la soirée dérape en « ciné mix ». Soirée à la salle des Colonnes, rue du Hohwald à Strasbourg – Gare.
Samedi 29 avril : À 21h20, projection de Steak de Quentin Dupieux à la salle des Colonnes, au 10 rue du Hohwald à Strasbourg – Gare, pour faire « une passerelle avant le set d’Etienne de Crecy à la Laiterie » à 23h45.
Dimanche 30 avril : Des projections en amont du concert de Flavien Berger à la Laiterie, rue du Hohwald à Strasbourg – Gare. dès 20h.
L’objectif de cette pré-inauguration : « amener le cinéma là où il n’est pas, ou peu, présent » plaide Étienne Hunsinger. « Ce sera l’occasion de faire la démonstration avant l’ouverture de ce que l’équipe du Cosmos pourra réaliser en termes de projets culturels et artistiques et de faire connaître ce projet auprès des Strasbourgeois et Strasbourgeoises ».
Plusieurs syndicats appellent à un rassemblement devant le tribunal judiciaire de Strasbourg ce lundi 17 avril, à 14h, pour soutenir les manifestants interpellés lors de la précédente manifestation contre la réforme des retraites, jeudi 13 avril.
Dans un communiqué commun, la CGT 67, FO 67, la CFTC 67, FSU Alsace, Solidaires Alsace et à la Fédération Autonome 67 Bas-Rhin appelle à un rassemblement lundi 17 avril devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, à 14h. Les syndicats souhaitent apporter leur soutien aux militants interpellés au cours de la précédente journée de mobilisation contre la réforme des retraites, jeudi 13 avril. Ils invitent à rester le temps du jugement.
Plus largement, les organisations dénoncent un durcissement de l’attitude des forces de l’ordre :
« Attaché·es que nous sommes à l’expression pacifique de la contestation, nous ne pouvons que dénoncer les dérives qui traduisent une tentation autoritaire face à cette contestation. Ce n’est pas en criminalisant le mouvement social que des réponses à la crise actuelle pourront s’imposer. »
Le communiqué mentionne en particulier le cas d’un syndicaliste de la CGT Métallurgie, en détention depuis jeudi – sa garde à vue ayant été prolongée jusqu’à la comparution immédiate.