Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

1er mai historique à Strasbourg : « Regardez comme Strasbourg est remplie de travailleurs en colère ! »

1er mai historique à Strasbourg : « Regardez comme Strasbourg est remplie de travailleurs en colère ! »

Près de 20 000 personnes ont manifesté pour la journée internationale des travailleurs à Strasbourg. Une foule dense et festive, déterminée à maintenir la pression sur le président de la République.

Une manifestation de près de deux kilomètres, une banderole « Attention Dictature » déployée sur la façade de la cathédrale aux aurores, une effigie du président qui brûle dans une casserole… À Strasbourg, le 1er mai 2023 est historique. Par le nombre tout d’abord : le défilé est aussi long que lors de la manifestation du 31 janvier qui avait rassemblé près de 20 000 personnes. Les couleurs de la manifestation sont aussi nombreuses que les syndicats présents, toujours unis en intersyndicale. Il y a aussi cette colère qui s’exprime sous des formes diverses : des manifestants en famille, des étudiants qui haranguent la foule au mégaphone, un black bloc de près de 200 personnes, une chorale féministe bien entraînée et une zone carnavalesque où le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, parmi d’autres « connards », finit au fond du Rhin. « J’ai l’habitude des 1er mai tristounets à Strasbourg, commente un manifestant, mais là il y a beaucoup de monde et d’ambiance. »

Pour certains manifestants, plusieurs personnalités politiques méritent de finir au fond du Rhin. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Pour maintenir la pression, « on utilisera tous les outils disponibles »

Place de la République, au milieu des drapeaux bleus, Chloé Bourguignon se réjouit de cette « très forte mobilisation, très familiale, festive et sympathique ». Après avoir interpellé frontalement le président de la République lors de son déplacement en Alsace, la secrétaire du syndicat Unsa Grand Est affiche une détermination sans faille : « On ne peut pas tourner la page de la réforme des retraites. On continue de lutter contre cette loi et toutes les réformes qui diminuent nos droits sociaux. » Pour maintenir la pression sur le gouvernement, la syndicaliste énumère les nombreux modes d’action disponibles aujourd’hui :

« L’intersyndicale nous permet de continuer d’agir et d’appeler à manifester. Nous pouvons aussi organiser des actions dans les entreprises. Puis il y a les casserolades à chaque déplacement du président ou des ministres. Pour notre prochain bureau national, je préconiserai que l’on accompagne plus les actions spontanées comme les 100 jours du zbeul par exemple. Pour les prochaines réformes aussi, on utilisera tous les outils disponibles : la rue, la négociation, des actions en justice ou avec des organisations non-gouvernementales (ONG). »

Chloé Bourguignon, secrétaire du syndicat Unsa Grand Est : « Pour les prochaines réformes aussi, on utilisera tous les outils disponibles : la rue, la négociation, des actions en justice ou avec des organisations non-gouvernementales (ONG). » Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

La manifestation se traverse comme une fête dans plusieurs salles aux ambiances toutes différentes. En queue de manifestation, le cortège de Force Ouvrière avance au rythme du célèbre tube d’AC DC : « Highway to hell ». Devant la banderole, une syndicaliste portant un micro arrangue la foule : « Camarades ! Regardez comme Strasbourg est rempli de travailleurs en colère ! ». Un peu plus loin, des manifestants en chasuble CFDT dansent devant une enceinte crachant une reprise de Magic System au refrain adapté pour l’occasion : « Macron il faut démissionner, aller aller aller ! » Place Broglie, c’est le jaune d’Amnesty international qui domine. L’ONG a tendu une grande banderole en défense du droit de manifester. Un petit stand permet à des bénévoles de faire signer une pétition pour un contrôle accru des armes à létalité réduite en manifestation.

« Quand la cause est bonne et juste, elle finit par gagner »

Pour Sebastien Schir, magasinier cariste dans l’entreprise Sermes, il faut continuer de manifester : « C’est le seul moyen de faire reculer le gouvernement. » L’ouvrier tire son énergie de ces « travailleurs qui meurent avant même d’atteindre l’âge de la retraite » et du « mépris de Macron ». Pour le syndiqué CFTC, le blocage des entrepôts d’hydrocarbures à Reichstett pourrait être une action utile pour paralyser l’économie. Il parle d’urgence sociale et de la nécessité « de se battre pour récupérer les acquis sociaux pour lesquels nos parents se sont battus. »

Sébastien Schir, cariste chez Sermes, manifeste aussi pour les « travailleurs qui meurent avant même d’atteindre l’âge de la retraite » Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Même confiance et détermination du côté de Sandra Lecat, chercheuse au CNRS et cosecrétaire du Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique (SNTRS) : « Quand la cause est bonne et juste, elle finit par gagner. De toutes façons, c’est une nécessité : il faut qu’on gagne contre toutes ces réformes qui réduisent nos libertés et qui affaiblissent les plus pauvres. »

A droite, Sandra Lecat, chercheuse au CNRS et cosecrétaire du syndicat SNTRS : « Il faut qu’on gagne contre toutes ces réformes qui réduisent nos libertés et qui affaiblissent les plus pauvres. » Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Des effigies du président et de la police au bûcher

Dans le cortège étudiant qui s’avance vers le palais universitaire, Myriam évoque les combats qui permettent aux mouvements de jeunesse de maintenir la mobilisation. Il y a tout d’abord l’engagement de fond des organisations étudiantes, contre la précarité financière, pour un repas à un euros pour tous au Crous. Elle évoque une assemblée générale prévue le 2 mai pour préparer le passage de la tournée de promotion du Service National Universel (SNU) à Strasbourg, le 13 mai. L’étudiante en école d’ingénieur et membre du syndicat Solidaires se félicite de cette mobilisation du 1er mai, signe d’une « détermination, d’une rage et d’une colère qui dure. »

Myriam, étudiante en école d’ingénieur et membre du syndicat étudiant Solidaires. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Place de l’université, la manifestation atteint la fin du parcours déclaré. Une effigie du président de la République Emmanuel Macron est incendié dans une casserole. Une foule importante se forme autour du brasier, bientôt alimenté par une voiture de police en carton et un serpent à tête de Bernard Arnault.

Place de l’université, la manifestation atteint la fin du parcours déclaré. Une effigie du président de la République Emmanuel Macron dans une casserole est incendiée. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Quelques heures plus tard, la préfète du Bas-Rhin Josiane Chevalier annoncera sur Twitter avoir signalé à l’autorité judiciaire « la mise en scène réalisée par des manifestants visant le Président de la République ».

Dans un mouvement de fin de manifestation rôdé, un black bloc de près de 200 personnes entame sa ronde destructrice des abribus et des façades de banque. Peu avant 13h, la police charge un petit cortège tout de noir vêtu dans la rue des bateliers. La police interpelle cinq personnes. Une autre partie de la « manifestation sauvage » s’active vers Gallia avant d’être dispersée par la pluie de plus en plus intense et un nuage de lacrymo. La manifestation se termine vers 14 heures sans trop de débordements. C’est maintenant l’orage qui gronde sur la place de la République désormais vide.

« Nous ne pouvons pas être trop radicaux » : face aux associations écologistes, la municipalité prête à rendre des comptes

« Nous ne pouvons pas être trop radicaux » : face aux associations écologistes, la municipalité prête à rendre des comptes

Douze associations écologistes ont rencontré Jeanne Barseghian et ses adjoints, mercredi 26 avril. Interpellée par une lettre ouverte, la maire a écouté les critiques et accepte de participer à l’élaboration d’un bilan de ses politiques écologistes.

« Il y a certaines de vos actions qu’on a du mal à comprendre ». Tom Baumert et une trentaine d’autres militants écologistes alpaguent la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian et ses adjoints, au soir du mercredi 26 avril. La rencontre répond à une lettre ouverte adressée à la maire par les associations Alternatiba, Hop la transition, Conscience et Impact écologique, Pour une sécurité sociale de l’alimentation, Astragrat, EurOasis, Extinction rebellion, Greenpeace, Octop’us, Résistance à l’agression publicitaire, Strasbourg à vélo et Alternative étudiante.

« Nous aimerions dresser un bilan qui ne soit pas technique »

Dans une ambiance studieuse et bon enfant, l’assemblée s’assied en cercle au restaurant alternatif Les Petites Cantines, dans le quartier Gare. L’objectif : mélanger les participants pour favoriser un dialogue apaisé. « Les actions de la Ville manquent de transparence, nous aimerions que vous rentriez en résistance avec nous et que nous changions ensemble de paradigme », poursuit Tom Baumert, d’Alternatiba Strasbourg. Les bases sont posées.

Au cœur du débat : le Pacte pour la Transition, un document créé en 2020 par une soixantaine d’organisations (Alternatiba, GreenPeace, Attac, etc.) qui rassemble 37 mesures concrètes, « pour une commune plus écologique et plus juste » selon trois piliers : l’écologie, la démocratie et le social. Jeanne Barseghian l’avait signée alors qu’elle était encore candidate.

« Notre mission n’est pas simple », explique la maire, rappelant des mesures prises par la Ville de Strasbourg depuis 2020. Cours végétalisées, plantations d’arbres, extensions des trams nord et ouest, plan cyclable, création de places d’hébergement d’urgence, formation des agents de la Ville et évaluation transversale des mesures prises…

« Nous aimerions dresser un bilan qui ne soit pas technique, aller à la rencontre des citoyens pour avoir leur avis et organiser une restitution publique début novembre », poursuit Tom Baumert. À l’aide de feuilles A4 flanquées de chiffres et d’un chronomètre, les temps de parole sont distribués et limités. Chaque adjoint intervient lorsque son domaine de compétences est abordé, les rendez-vous sont pris, le processus enclenché, dans le calme et une ambiance informelle. Le soir même, difficile de différencier les intérêts associatifs de ceux des élus. Tous semblent sur la même longueur d’ondes.

Périlleux équilibre

Quelque jours plus tard, les militants semblent satisfaits. « Les élus ont accepté toutes nos conditions », se réjouit Tom Baumert, évoquant une première réunion imminente avec le service de la participation citoyenne de la Ville. Pour autant, le collectif sait qu’il doit se montrer vigilant. « C’est compliqué de discerner la posture d’élus politiques et la sincérité citoyenne », explique-t-il. Plusieurs adjoints à la maire présents le soir même sont issus de la société civile. « S’ils n’avaient pas été élus en ce moment, ils auraient été à nos côtés en tant que militants » abonde Gaëtan Liss, du collectif Résistance à l’agression publicitaire (RAP).

Le collectif peut se montrer critique des actions de la municipalité, parfois trop lentes, peu visibles ou pas assez ambitieuses. « On essaie de ne pas les brosser tout le temps dans le sens du poil », poursuit Tom Baumert. Mais face à l’opposition politique locale et nationale, il veut garder un front uni. « On ne veut pas qu’il soit possible de dire que les militants écologistes strasbourgeois sont contre la municipalité », nuance-t-il. Car les buts poursuivis des deux côtés se rassemblent.

Et pour certaines associations, c’est même « maintenant ou jamais pour faire changer les choses ». Pour Strasbourg à vélo par exemple, pourtant très critique sur les réseaux sociaux à propos de certains aménagements urbains, montrer son soutien à la municipalité est crucial. « Le budget est là, les idées aussi et les services de la Ville et de l’Eurométropole nous demandent notre avis », explique Benoît Écosse, le président de l’association. « C’est super d’avoir une mairie avec laquelle on partage les mêmes buts », abonde-t-il. Même s’il reste beaucoup à faire côté cyclistes, le militant estime que la volonté politique existe et que les limites à celles-ci sont purement « administratives et institutionnelles ».

ville asso réunion
Mercredi 26 avril, une dizaine d’élus de la majorité ont accompagné Jeanne Barseghian à la rencontre de militants écologistes pour discuter de leur bilan. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

« Nous ne pouvons pas être trop radicaux »

« Notre but, c’est que les actions amorcées par cette municipalité survivent au-delà de leur mandat et qu’aucun retour en arrière ne soit possible », poursuit le militant de Strasbourg à vélo. Les objectifs de l’association rejoignent celles des promesses de campagne, mais Benoît Écosse est prêt à être radical. Un terme qui n’est pas péjoratif pour lui :

« Ça veut juste dire qu’on recentre sur ce qu’on veut vraiment, sur l’essentiel. On ne peut pas changer une société sans radicalité ».

Il prend en exemple la position municipale ferme sur la transformation de l’avenue des Vosges.

C’est peut-être là que s’immisce la frontière entre élus et militants. Alors que Somhack Limphakdy, militante du collectif Pour une sécurité sociale de l’alimentation, explique l’urgence climatique et la nécessité de mesures fortes, plusieurs désaccords surviennent. « Nous ne pouvons pas être trop radicaux », assène Suzanne Brolly, adjointe à la maire, en charge de la ville résiliente.

Selon l’élue, « ce n’est pas être radical qui va nous permettre de rassembler ». Une approche partagée par Antoine Neumann, conseiller municipal délégué à l’agriculture urbaine et nourricière. « En tant qu’élu, je suis obligé de parler à tout le monde. Si je suis trop radical, il y a un risque que certains acteurs importants ne me parlent plus du tout », estime-t-il. Ce n’est donc pas une question de volonté selon lui, mais « une question de possibilité qui existe uniquement dans le discours militant ».

La parole associative pour pousser les élus

Peu probable pour le moment qu’un plaidoyer commun, rassemblant paroles politiques et militantes, voit le jour prochainement. « Nous sommes prêts à soutenir la Ville et à demander à l’État de donner plus de moyens aux collectivités locales, mais il ne faut pas que notre travail se substitue à celui des élus », estime Gaëtan Liss (RAP).

Probable par contre que la radicalité militante soit utilisée par la mairie pour catalyser ses actions. « Ça serait une bonne stratégie », conçoit Tom Baumert (Alternatiba Strasbourg). Marc Hoffsess, adjoint en charge de la transformation écologique du territoire, appelle ainsi les militants à participer aux réunions publiques. Elles alimentent parfois l’opposition et transforment les échanges en véritables guerres de tranchées. « Il faut que des voix positives s’expriment parmi les citoyens, pour que la société se lève », poursuit l’élu.

Tous les militants le concèdent, la mairie écolo fait face à une opposition farouche. Tom Baumert le sait.

« On sait très bien que certaines actions de la Ville sont compliquées à mettre en place, qu’ils se font beaucoup critiquer et qu’ils doivent débattre et batailler pour convaincre tous les élus ».

Benoît Écosse complète aussitôt : « Mais les associations militantes sont là pour pousser les élus, qui eux sont là pour agir ».

Des limites insurmontables ?

Point noir de cette rencontre : certaines limites à l’action municipale évoquées par Jeanne Barseghian et ses élus, semblent insurmontables. « Ce qui est important pour nous, c’est la fin des panneaux numériques« , insiste Gaëtan Liss du collectif Résistance à l’Agression Publicitaire. Mais après une rencontre avec Pierre Ozenne, adjoint en charge des espaces publics partagés, son collectif a vite déchanté. « Ils ont un contrat avec JC Decaux, et c’est comme ça, ils ne peuvent rien faire », explique le militant.

Il comprend aussi que si le retrait de ces panneaux est important pour son collectif, ce n’est peut-être pas la priorité de l’élu.

« Il est en charge de beaucoup de choses (aménagements innovants, voie fluviale, logistique urbaine, voiries, éclairage public, plan lumière, foires et marchés, NDLR), les panneaux numériques sont peut-être le plus petit de ses soucis ».

Le jeune militant n’attend finalement pas grand chose de concret, mais se dit satisfait de la qualité du dialogue.

Jeudi au Molodoï, pour danser contre la dépression, il y a Dur Chaton

Jeudi au Molodoï, pour danser contre la dépression, il y a Dur Chaton

Duo strasbourgeois d’électro chant tout récemment formé, Dur Chaton présente son premier album jeudi 4 mai sur la scène du Molodoï, après plusieurs passages remarqués sur quelques scènes.

Nicolas « Moldav » et Sophie Laronde révèlent Dur Chaton, un duo de chanson française électro. Conçu en quelques semaines et accouché en à peine un an, Dur Chaton présente son premier album Douce Vie Dure, jeudi 4 mai au Molodoï : sept morceaux acidulés et râpeux, qui donnent envie de danser sur un champ de ruines.

Sophie Laronde et Moldav en avril au Kitsch n’Bar Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

À peine formés, et déjà repérés

Connu à Strasbourg pour son activité de DJ et de design sonore de la Compagnie Dinoponera, Nico Moldav est revenu d’une expatriation dans le Berry en 2022 avec Sophie Laronde, artiste plasticienne à l’univers graphique érotico-trash. De leur rencontre naît quasi-magiquement une écriture musicale mêlant des rythmes électro presque pop, sur des paroles rageuses et sombres.

Un mélange détonnant, qui plaît immédiatement. Dur Chaton est programmé avant même d’avoir suffisamment de morceaux à proposer, comme l’expliquent Sophie Laronde et Nico Moldav :

« On avait produit deux reprises sur un compte Soundcloud et on a été invité à produire un concert par la MJC de La Châtre. J’avais déjà écrit plein de textes avant, Nico avait quelques sons… On a trouvé une poésie commune qui nous a permis de composer très vite 6 à 7 morceaux, qui forment la base de notre premier album, même s’ils n’étaient pas aussi aboutis à l’époque. »

L’effet FIP

La chance continue de sourire au duo, qui parvient à intéresser le réalisateur Romain Evrard pour leur premier clip de Ragin Balt à l’été 2022, grâce au travail de Sophie sur le storyboard et à une diffusion sur la radio FIP, un samedi à midi de janvier 2023. « Dans la demi-heure qui a suivi, on a reçu un appel pour se produire dans une discothèque à Paris », se rappelle Moldav.

Ragin Balt (vidéo Dur Chaton / Youtube)

Dur Chaton sera également présent à la fin de la Strasbourg Music Week le 19 mai, ainsi qu’à la programmation off de la Foire aux Vins d’Alsace, à Colmar, du 28 juillet au 6 août. Un succès d’estime que Moldav et Sophie ne s’expliquent pas vraiment, ni l’un ni l’autre n’étant musicien comme le détaille Moldav :

« Je ne suis qu’un DJ qui s’est mis à la musique assistée par ordinateur… Je suis plongé dans un bain de musique depuis mon enfance, mais je n’ai aucune formation instrumentale. Bon, là je me mets aux claviers pour les concerts. Je crois que ce qui plaît, c’est l’originalité de notre projet, directement tiré de nos expériences croisées. On n’a pas un grand espoir dans l’humanité, mais on voit la fleur de lotus qui pousse dans la merde. »

Avec Cornelia Schneider, Strasbourgeoise engagée dans les luttes intersectionnelles

Avec Cornelia Schneider, Strasbourgeoise engagée dans les luttes intersectionnelles

« Les Strasbourgeoises et Strasbourgeois engagés », un podcast de Rue89 Strasbourg. Dans cette série de portraits sonores, des militants racontent leur engagement, leur parcours. Treizième épisode avec Cornelia Schneider, militante intersectionnelle*.

Femme trans, travailleuse du sexe*, militante syndicale et féministe, Cornelia Schneider est au cœur de nombreux combats. Des couloirs du conseil de l’Europe, aux manifestations du 8 mars, voilà plus de 20 ans qu’elle ne désarme pas face aux oppressions. Ado dans l’Allemagne des années 70, c’est dans cette période très agitée que se forme sa conscience politique. En 1982, à 20 ans, elle suit des études à Strasbourg lorsqu’elle prend conscience de sa transidentité*.

Militantisme transgenre…

Il lui faudra encore quelques années pour décider de vivre ouvertement son identité de genre et s’engager activement dans le militantisme. En 2002, avec Alexandra Augst-Merelle, elle fonde le collectif Support Transgenre Strasbourg. Au départ, structure d’information et d’entraide, les deux fondatrices prennent rapidement conscience de la nécessité de donner une dimension plus politique à leur action.

« Avec Alexandra, on s’est rapidement rendues compte que panser les plaies que fait la transphobie, c’était bien, mais que prendre le mal à la racine était plus important. »

Ainsi, on retrouvera Cornelia Schneider dans les couloirs du Conseil de l’Europe, pour porter la parole des personnes trans auprès de l’institution, mais aussi pour l’organisation de la Journée Internationale de la mémoire transgenre, les 20 novembre ou encore assurant la formation de professionnels de santé sur cette thématique.

Cornelia Schneider prend la parole lors de la manifestation du 8 mars 2023 à Strasbourg. Photo : AL/Rue89

… mais pas seulement : le militantisme intersectionnel

Son engagement pour les droits des personnes transgenres l’amène à prendre part à d’autres combats : féministes, antiracistes, sociaux. « À l’époque, on n’utilisait pas le terme intersectionnel, mais c’était déjà ça dans les faits. »

On la retrouve ainsi dans différents collectifs féministes ces vingt dernières années. Aujourd’hui, c’est au sein du Bloc révolutionnaire insurrectionnel et féministe (BRIF) que Cornelia Schneider milite. De conviction « passablement anarchiste », la Strasbourgeoise croit à la force du collectif :

« Individuellement, on n’arrive pas à mener une lutte politique. Ce qui compte pour moi, c’est la solidarité avec les autres et être solidaire, c’est partager les risques. »

Ainsi, Cornelia Schneider participe à la création du Syndicat du travail sexuel (STRASS) lancé en 2009 dans la foulée de la loi contre le racolage passif. Elle-même travailleuse du sexe (TDS), elle est représentante de l’organisation en Alsace jusqu’en 2016 avant de quitter le syndicat et de rejoindre la Confédération nationale du travail (CNT) quatre ans plus tard.

« Même si on est juste trois à être organisées, comme actuellement la section TDS de la CNT-STP 67, on est quand même trois dans une confédération nationale qui a une histoire sérieuse. Ça a un autre poids que si c’est moi toute seule qui m’exprime. Je peux expliquer, mais je ne suis pas représentative. »

Une action menée par des travailleuses du sexe en marge d’un colloque de la ville de Strasbourg sur la pornographie en novembre 2022. Photo : AS/Rue89 Strasbourg

Passer le flambeau ?

Engagée dans de nombreuses luttes depuis vingt ans, Cornelia Schneider reconnait faire « un peu partie des meubles militants à Strasbourg » et aimerait bien passer le flambeau. La militante se réjouit d’ailleurs de l’ampleur que prennent désormais les luttes féministes au sein de la capitale européenne. « En 2014, on était une quinzaine devant la cathédrale pour le 8 mars. Cette année, on s’est retrouvé à plus de deux mille. Beaucoup de jeunes, de personnes en dehors de la norme de genre, des syndicats ! On a changé de dimension et c’est très bien. »

* voir lexique

Cornelia Schneider, femme transgenre, travailleuse du sexe, militante féministe et syndicale. Photo : AL/Rue89

Trois suicides en deux ans : à l’hôpital psychiatrique de Brumath, des salariés dénoncent « un mépris général »

Trois suicides en deux ans : à l’hôpital psychiatrique de Brumath, des salariés dénoncent « un mépris général »

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Retraites : blocage de la gare de Sélestat et opération escargot entre Strasbourg et Colmar

Retraites : blocage de la gare de Sélestat et opération escargot entre Strasbourg et Colmar

Une centaine de militants ont bloqué la gare de Sélestat jeudi 27 avril de 7h à 8h30. Au même moment, la CFDT Alsace a réalisé une opération escargot sur l’autoroute entre Strasbourg et Colmar. À quelques jours de la mobilisation du 1er mai, les opposants à la réforme des retraites entendent « montrer leur détermination ».

Les trafics des trains et des voitures étaient perturbés en Alsace, ce jeudi 27 avril au matin, par la mobilisation syndicale. L’objectif affiché par les opposants à la réforme des retraites était d’afficher leur force, en prévision de la grande journée de grève du 1er mai. « On continue le combat. Macron doit comprendre qu’on ne lâchera pas. Au contraire, on peut monter en puissance », déclare Alexandre Welsch, secrétaire régional du syndicat Sud-Rail en Alsace :

« On avait donné rendez-vous à 7h pour une opération de tractage devant la gare de Sélestat. Une centaine de personnes ont répondu à l’appel, il y avait des membres de plusieurs sections professionnelles de SUD et des collectifs comme On crèvera pas au boulot ou le Chaudron des alternatives. Les gens étaient en colère et ont décidé de bloquer les trains en montant sur les rails. Nous, les cheminots, n’avons pas le droit de faire ça, alors nous avons sécurisé les manifestants. À 8h30 on a décidé de partir. Mais les gens sur place étaient favorables, ils nous demandaient même de continuer la mobilisation. »

« On est toujours déterminés »

Peu après 8h, « une vingtaine de voitures avec des drapeaux CFDT et un camion tirant une caravane » ont débuté une opération escargot sur l’autoroute A 35, au départ du parking du Auchan Baggersee et jusqu’à Colmar », explique Sabine Gies, responsable territoire CFDT Alsace :

« Le sens de l’opération, c’est de montrer qu’on est toujours déterminés. Initialement, un cortège devait aussi partir de Mulhouse vers Colmar, mais le préfet du Haut-Rhin l’a refusé. »

La CFDT avait déjà organisé une opération escargot le 13 mars. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

À 9h15, les manifestants étaient au niveau d’Epfig, avant un embouteillage de plusieurs kilomètres derrière eux. Sabine Gies rappelle : « Le prochain rendez-vous, c’est la manifestation du 1er mai. Les personnes qui sont obligées de travailler d’habitude pourront venir ce jour là. »

Ouvrier de l’incinérateur, Michaël a été licencié après une phrase au journal télévisé

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Pour « apaiser » l’avenue du Rhin, la municipalité pourrait réduire la circulation des voitures à l’horizon 2030

Pour « apaiser » l’avenue du Rhin, la municipalité pourrait réduire la circulation des voitures à l’horizon 2030

Devant une soixantaine de personnes mardi 25 avril, Jeanne Barseghian a présenté son plan pour une avenue du Rhin « apaisée ». La réunion publique fut largement marquée par les craintes des acteurs économiques.

Première prise de parole sur la révolution des mobilités concernant la circulation dans l’est strasbourgeois pour Jeanne Barseghian. Ce mardi 25 avril, elle assurait une réunion publique sur la transformation de l’avenue du Rhin ; un « exercice de transparence » pour un « sujet complexe » que la maire promet de prendre « à bras le corps ». L’amorce de l’entreprise peut sembler timide et alambiquée. Mais son cap est ambitieux. D’ici 2030, l’avenue du Rhin pourrait passer à une circulation en 2×1 voie – contre 2×2 voies actuellement. Long de quatre kilomètres, l’axe relie la place de l’Étoile jusqu’au Port autonome de Strasbourg. 41 000 véhicules y circulent chaque jour dont 2 000 poids lourds.

Une ambition empruntée aux socialistes

L’avenue du Rhin est un « axe structurant » de Strasbourg qui conduit directement à l’Allemagne et dessert le Port autonome, « poumon économique » qui représente 10 000 emplois « indispensables ». Elle couvre un bassin de 50 000 habitants, entre le quartier de l’Étoile et celui du Port du Rhin, en passant par de nouveaux quartiers comme le Citadelle. Depuis 2009, l’avenue est considérée comme une « route à grande circulation« . Si l’avenue devait subir des « modification des caractéristiques techniques », l’État devrait y consentir.

Malgré deux arrêtés municipaux interdisant aux poids lourds d’y circuler entre 22h et 6h (2020), voire à toute heure pour ceux « en transit » (2012), les voisins ne constatent pas d’amélioration de leur cadre de vie. Faute de contrôle, l’interdiction n’est pas respectée.

En réalité, cette ambition d’y réduire de moitié la place réservée aux voitures est celle de l’équipe municipale précédente. En 2019, une mission d’information et d’enquête commandée par Roland Ries, formulait à ses adjoints 21 idées pour diminuer le trafic routier, améliorer la qualité de l’air et en faire un « axe apaisé ».

Un timide calendrier

Il conviendra donc pour la municipalité d’accorder les intérêts des acteurs économiques, ceux des usagers, des transfrontaliers et des riverains qui aspirent à une qualité de vie plus saine à proximité de l’avenue. Tout au long de la soirée, les élus évoquent le plan cyclable et le développement des trams « nord » et « ouest » ainsi que la prochaine mise en service de la ligne G comme autant d’alternatives douces au trafic (87% des automobilistes qui empruntent l’avenue du Rhin seraient seuls à bord de leurs voitures, selon les observations de la Ville).

Dans l’hémicycle quasi plein, Jeanne Barseghian a pour la première fois pris la parole sur les ambitions écologistes concernant l’avenue du Rhin. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Un premier calendrier d’actions, timide et consensuel, a été annoncé par la maire. Un comité de suivi doit voir le jour début mai, une réunion publique doit avoir lieu à l’automne. À l’été 2023, des expérimentations seront menées pour qu’il soit plus facile de traverser l’avenue.

« Nous voulons que le temps d’attente aux feux soit réduit de 40% pour les piétons et cyclistes », précise Anna Trentini, cheffe de projet requalification du réseau autoroutier à la Ville. Dans le même temps elle assure qu’un suivi sera opéré concernant la qualité de l’air, du bruit et du trafic. Voilà pour le concret. Une heure après le début de la réunion d’information, le temps d’échange débute.

Témoignages policés

Dans la salle, Antoine Dubois, élu référent EE-LV Neudorf-Musau a la mission de distribuer la parole à celles et ceux qui le souhaitent. Il invite les acteurs économiques à « témoigner » les premiers. Anne-Marie Jean (Groupe Eurométropole écologiste et citoyenne), présidente du Port autonome et conseillère eurométropolitaine, explique être consciente des enjeux écologiques de l’apaisement de l’axe et fait valoir le « grand esprit de responsabilité » des 450 entreprises du Port.

Régine Aloird, présidente du Groupement des usagers des ports de Strasbourg (GUP), fait tout de suite savoir ses doutes. « Les industriels font déjà beaucoup d’efforts et la Région Grand Est est engagée auprès du Port autonome à assurer deux axes d’accès, je suis inquiète pour les entreprises lorsque vous dites vouloir réduire la taille de l’avenue à 2×1 voies », explique-t-elle. « L’accessibilité est la clé pour l’attractivité du port », abonde sa présidente, qui accepte de contribuer à l’effort mais demande des éléments chiffrés.

Le directeur général de la clinique Rhéna, située au Port du Rhin, fait lui aussi savoir ses questionnements. Certains patients ne peuvent pas utiliser le tram ou le vélo, notamment lorsque les soins sont ambulatoires (sans passer de nuit à la clinique). « Avec 110 000 personnes par an dont 44 000 urgences, il faut que l’accès pour les ambulances et les pompiers soient assuré », estime-t-il.

« Nous sommes au début du processus »

C’est au tour des transfrontaliers puis des voisins et usagers de l’avenue de s’exprimer. Les élus ne réagiront pas aux prises de paroles individuelles. « Nous sommes au début du processus, l’objectif était de réunir ce soir les parties prenantes mais le travail commencera vraiment dans les prochains mois », explique Jeanne Barseghian pour justifier ce choix.

Une habitante témoigne de la poussière noire qui se dépose sur ses fenêtres à cause de la pollution, des excès de vitesse qui rendent l’avenue dangereuse pour s’y promener avec des enfants. Un autre déplore l’absence de carte faisant état de la pollution au fil de l’avenue. « Je comprends bien les enjeux économiques, mais n’est-il pas prioritaire de privilégier la santé et l’environnement de vos concitoyens », raille un autre habitant. « Il faudrait changer de paradigme, redéfinir les enjeux ».

Des représentants d’associations cyclistes (CADR 67 et Strasbourg À Vélo) font valoir leurs demandes : des pistes cyclables séparées et des itinéraires propres et continus. Les élus Alain Jung (vice-président en charge des mobilités à l’Eurométropole, EELV) et Pierre Ozenne (adjoint chargé de la voirie, EELV) réitèrent les engagements municipaux et répètent, une fois encore, que le tram et le vélo sont des transports à privilégier et que le Port autonome est un acteur crucial de la Ville. Peu à peu, l’hémicycle se vide. « Je me demande pourquoi je suis venue », souffle une habitante de Neudorf avant de sortir de la salle.

« Il aidait beaucoup sa mère » : une marche blanche pour rendre hommage à Enzo, mort noyé après avoir fui la police

« Il aidait beaucoup sa mère » : une marche blanche pour rendre hommage à Enzo, mort noyé après avoir fui la police

Mardi 25 avril, une cinquantaine de personnes ont participé à une marche blanche en hommage à Enzo. L’adolescent de 17 ans, originaire de la cité de l’Ill, est décédé après avoir fui la police en sautant dans la rivière de l’Ill. Sa mère a déposé plainte pour « non assistance à personne en danger ».

Peu avant 15 heures, mardi 25 avril, cinq femmes discutent à voix basse. Elles attendent le début de la marche blanche sur le parking du stade de la Thur, dans le quartier de la cité de l’Ill à Strasbourg. « Il a grandi avec nous ce jeune », souffle Déborah qui habite à l’autre bout de Strasbourg, dans un autre quartier populaire, celui du Neuhof. Elle est venue en bus malgré la distance car « quand il arrive un drame, c’est normal d’être solidaire ». Le parking se remplit petit à petit, de nombreux manifestants portent des t-shirts blancs avec une inscription noire : « Justice pour Enzo ». À quelques mètres du point de rassemblement, Enzo s’est jeté dans la rivière de l’Ill pour fuir des agents de la brigade anticriminalité.

Sur le parking du stade de la Thur à la Cité de l’Ill, les soutiens sont pudiques avant le début de la marche et l’émotion plane. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Des t-shirts blancs et une inscription : « Justice pour Enzo »

Dimanche 2 avril après 23 heures, Enzo se trouve à bord d’une voiture volée. Des agents de la bac repèrent le véhicule et « décident de procéder à son contrôle ». Les jeunes à bord sortent de la voiture, prennent la fuite rue de la Doller et se dispersent, selon le parquet de Strasbourg. Enzo saute dans la rivière de l’Ill et n’en ressort pas. Un corps est retrouvé 16 jours plus tard, le mardi 18 avril. Il faudra encore attendre deux jours pour identifier le jeune Enzo.

Pendant les deux semaines qui ont précédé Déborah était déjà mobilisée lors des battues organisées pour retrouver le garçon de 17 ans. La mobilisation était d’autant plus importante qu’Enzo était connu dans le quartier. « C’est un gamin comique, cascadeur, parfois un peu chiant mais toujours souriant », explique-t-elle avant d’ajouter : « Il était poli, vraiment pas un casseur ». Pendant ce temps sur le terrain de foot voisin, un entraîneur de l’Association Sportive Éducative Cité de l’Ill interpelle la tante d’Enzo. « On veut faire une minute de silence avant le début du match », explique-t-il en l’emmenant à la rencontre des apprenties joueuses.

Avant la marche, la tante d’Enzo va à la rencontre de footballeuses amateures qui font une minute de silence en souvenir de l’adolescent. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

« Il nous faut des réponses »

Puis la cinquantaine de personnes se dirigent vers la rivière de l’Ill. « Que s’est-t-il passé le 2 avril? », demande Edson, porte-parole de la famille, tout en désignant le lieu où le jeune homme est tombé. À une centaine de mètres du parking du stade de la Thur, l’herbe est haute et le rivage mal défini. Un chemin serpente le long de l’eau, au milieu des arbres tombants et des barrières de jardins privatifs. L’assemblée forme un cercle face au cours d’eau. « Nous avons 17 roses blanches que nous allons mettre à l’eau, une pour chaque année de sa vie », poursuit Edson avant de revenir sur le déroulement de la soirée du 2 avril.

« Nous sommes prêts à accepter le décès d’Enzo mais il nous faut des réponses », souffle Francky, un oncle du jeune homme. Samedi 8 avril, la mère d’Enzo a déposé plainte contre X pour « non-assistance à personne en danger » en visant « le policier ayant vu son fils se jeter à l’eau sans lui porter secours », selon ses déclarations et le communiqué du parquet. 

Un grand frère aux petits soins

Sous le ciel gris d’un temps pluvieux, toutes et tous respectent la minute de silence. Les regards sont bas et les émotions pudiques. Soixante secondes plus tard, certains tentent d’applaudir. « La famille a besoin de soutien et de se sentir entendue. Elle se demande pourquoi c’est par voie de presse qu’elle a appris que le corps retrouvé était bien celui d’Enzo », clame Edson. Derrière lui, dos à la rivière, la famille se tient silencieuse, têtes baissées.

Pour commencer l’hommage, la famille se rend sur les berges de l’Ill, à 300 mètres de l’endroit où le corps du jeune homme a été découvert, deux semaines après sa disparition. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

« Il était un peu perdu, mais comme plein d’autres jeunes »

Alors que le petit groupe reprend la direction du parking pour entamer la marche blanche, Angelo, un autre oncle, rassemble ses pensées. « Je venais de trouver un patron qui acceptait de prendre Enzo en apprentissage », souffle-t-il, capuche sur la tête. Le jeune homme aurait pu apprendre un métier dans une boulangerie près de chez eux. « Il aimait bien les croissants et ce genre de choses », se souvient Angelo. Il en est convaincu, son neveu était déterminé à devenir boulanger, même s’il était encore déscolarisé : « Il était un peu perdu, mais comme plein d’autres jeunes », estime-t-il en refoulant des larmes.

Angelo a du mal à imaginer son neveu courir pour échapper à la police. « Il prenait surtout soin de sa famille et de moi aussi, pour les courses, le ménage, c’était pas un jeune qui fuyait quoi que ce soit », poursuit-il, la voix coupée. Selon lui, Enzo savait nager. « On a tous fait des conneries quand on était jeunes. Moi aussi j’en ai faites et je les regrette, mais c’est pas une raison”, conclut-il, ses yeux clairs balayant le sol. D’après l’homme un peu vouté sous son t-shirt blanc, Enzo ne savait pas qu’il empruntait une voiture volée. « Quand on monte à bord d’une voiture, on s’assure rarement qu’elle n’est pas volée », poursuit-il.

« C’est un schéma qui se répète »

Depuis l’annonce du décès de son fils, la famille d’Enzo se relaie auprès de sa mère, absente lors de la marche blanche. « C’était trop difficile pour elle », souffle une ancienne voisine. Angélique (le prénom a été modifié) se souvient aussi d’Enzo comme d’un garçon souriant et serviable, « qui aidait beaucoup sa mère ».

Sur les t-shirt distribués à la famille, tous demandent « justice pour Enzo ». Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Un peu en retrait, Louis (le prénom a été modifié), 25 ans, est venu apporter son soutien à la famille. « C’est un jeune qui est mort dans un contexte de course-poursuite avec la police », assène-t-il. « C’est un schéma qui se répète (en faisant référence à la mort de Zyed et Bouna, morts électrocutés après avoir fui la police, NDLR) et il est important localement de soutenir les familles en deuil », poursuit Louis, qui déplore l’absence de déclarations des partis politiques sur le sujet. Seul le groupe communiste du conseil municipal de Strasbourg a exprimé, par un communiqué publié le 24 avril, ses condoléances à la famille tout en affirmant :

« Sans minimiser aucunement les actes reprochés, il est indispensable que toute la lumière soit faite sur les conditions d’intervention des secours portés au jeune Enzo et sur les circonstances ayant conduit à son décès. » 

La marche traverse la cité de l’Ill et se poursuit en direction du tram. Sa destination finale sera le commissariat. « La famille a beaucoup de questions, notamment sur l’absence de vidéos, sur l’identité des policiers de la bac, sur le délai entre la disparition d’Enzo et l’identification du corps, sur le temps que prend l’autopsie… », énumère le porte-parole. 

« Personne ne mérite de mourir »

Dans la marche, les hypothèses fusent. « Quand on voit les images de la police pendant les manifestations, qui tournent en boucle sur les chaînes d’info, tu m’étonnes qu’on en ait peur », estime un ami de la famille.

Banderole en hommage au jeune Enzo. Photo : Camille Balzinger / Rue89 Strasbourg / cc

Durant toute la marche, plusieurs personnes questionnent la présence de journalistes sur l’évènement. « Bien sûr qu’il faut en parler, mais il faut voir les commentaires haineux », déplore un marcheur. Avant le début de la manifestation, Déborah a décroché une banderole accrochée sur le grillage du stade. Un texte écrit au feutre noir et rouge, légèrement abîmé par la pluie, affirme notamment : « Ce garçon a eu sa punition et il ne fera plus de mal à personne ». L’air triste, désabusée, la manifestante venue de l’autre côté de la ville regrette de telles réactions : « C’est pas bien d’écrire ça, on ne peut pas juger quelqu’un juste comme ça. Personne ne mérite de mourir. »

Contacté, le parquet de Strasbourg n’a pas répondu aux demandes de précisions de Rue89 Strasbourg, ni sur l’avancée de l’enquête sur les circonstances de la disparition d’Enzo, ni sur une potentielle saisine de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). 

Est-il permis d’appeler « Foutriquet » le président Macron ? 

Est-il permis d’appeler « Foutriquet » le président Macron ? 

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1er mai : l’intersyndicale appelle à une grande manifestation contre la réforme des retraites

1er mai : l’intersyndicale appelle à une grande manifestation contre la réforme des retraites

L’intersyndicale appelle à faire de la journée des travailleurs du 1er mai une nouvelle mobilisation contre la réforme des retraites. La manifestation strasbourgeoise partira à 10h de l’avenue de la Liberté.

Dans la foulée de l’allocution d’Emmanuel Macron, lundi 17 avril, l’intersyndicale a appelé à « faire du 1er mai une journée de mobilisation massive, unitaire et populaire contre la réforme des retraites partout sur le territoire, dans le calme et la détermination » :

« Les propos tenus par le président de la République démontrent qu’il n’a toujours pas compris la colère qui s’exprime dans le pays. Il doit respecter la démocratie sociale et le rejet très majoritaire de cette réforme par la population. »

« Ta réforme on n’en veut pas qu’est-ce que tu ne comprends pas ! »

Dans un communiqué publié le 20 avril, l’intersyndicale a proposé de reprendre pour slogan la phrase d’un homme ayant interpellé le président de la République lors de son passage à Sélestat : « Ta réforme on n’en veut pas qu’est-ce que tu ne comprends pas ! »

À Strasbourg, le départ est prévu à 10h avenue de la Liberté, pour le même parcours que lors des dernières manifestations contre la réforme des retraites : le cortège passera place de l’Homme de Fer, porte de l’Hôpital, rue des Orphelins, quai des Pêcheurs et sur le pont d’Auvergne.

« Une réforme injustifiée, brutale »

Le 1er mai, journée internationale des travailleurs, commémore le début d’une importante grève des ouvriers étasuniens, le 1er mai 1886. Ils demandaient alors la journée de huit heures. Les 3 et 4 mai, plusieurs manifestants avaient été tués par la police.

En 2023, en France, la journée internationale des travailleurs sera aussi consacrée à la libération du temps de travail, en l’occurrence, contre une réforme qui implique de repousser l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Les organisations syndicales soulignent :

« Durant 12 journées de manifestations puissantes, de grèves, d’actions et d’initiatives locales, dans les entreprises, dans les services publics et sur les lieux d’étude, nous avons mobilisé des millions de travailleurs, travailleuses, de jeunes et retraité·es. Nous invitons tous les travailleurs et travailleuses, jeunes, retraité·es, comme l’ensemble de la population à venir massivement, entre collègues de travail, amis, en famille, pour obtenir l’abrogation de cette réforme injustifiée, brutale et injuste. »

Manifestation contre la réforme des retraites le 19 janvier 2023. Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg

Alors qu’Emmanuel Macron essaye de lancer de nouveaux projets, plusieurs syndicats prévoient des actions ces prochains temps, dans le but d’aboutir au retrait de la réforme des retraites. La CGT Énergie a par exemple annoncé 100 jours de colère et menace de « plonger dans le noir » le « Festival de Cannes, le Grand Prix de Monaco, le tournoi de Roland-Garros, le festival d’Avignon » ou encore les déplacements de membres de l’exécutif.

« Je ne m’attendais pas à aller en prison » : des manifestants bouleversés racontent leur arrestation

« Je ne m’attendais pas à aller en prison » : des manifestants bouleversés racontent leur arrestation

Les forces de l’ordre ont interpellé au moins neuf manifestants en marge de la manifestation contre la réforme des retraites jeudi 13 avril. Cinq d’entre eux ont passé près de 48 heures en garde à vue. Les quatre autres ont été placés en détention provisoire à la maison d’arrêt de l’Elsau tout le week-end avant d’être jugés en comparution immédiate. Témoignages.

Au bout du fil, Anaïs, 20 ans, est fébrile. « J’ai eu un numéro d’écrou… C’est comme si je pouvais être à nouveau emprisonnée très facilement », souffle-t-elle. À la fin de la manifestation contre la réforme des retraites jeudi 13 avril, la jeune femme est interpellée par des agents de la bac. Elle est alors suspectée d’avoir dégradé un abribus et volontairement dissimulé son visage. Lundi 17 avril, Anaïs sera condamnée au tribunal correctionnel pour le premier chef d’accusation, relaxée sur le second.

« Je ne comprends pas pourquoi ils m’ont maintenu si fort »

Dans une vidéo relayée sur les réseaux sociaux, la jeune femme apparaît à terre, au pied de deux agents de police identifiés par un brassard orange. « Je savais que j’avais fait quelque chose de mal, j’ai fait une crise d’angoisse », explique-t-elle. Moins d’une minute plus tard, Anaïs se relève et est embarquée dans un véhicule des forces de l’ordre. Elle se décrit comme anxieuse et « traumatisée » par deux précédentes gardes à vue.

« Je n’ai pas réussi à tenir le stylo pour signer le papier après ma fouille », poursuit-elle, « je tremblais ». Tout au long de sa privation de liberté, Anaïs rassurera pourtant les autres manifestants au commissariat : « Pour eux c’était la première fois, ils n’avaient aucune idée de ce à quoi ressemblait une cellule. »

Quelques minutes avant l’interpellation d’Anaïs, une quinzaine d’agents de la bac attrapent Jérôme, membre du service d’ordre de la CGT. Il est alors soupçonné d’avoir lancé une bouteille sur les gendarmes. Place de la République, quelques manifestants errent encore vers 17 heures le 13 avril et les forces de l’ordre jettent des grenades lacrymogènes pour les disperser. Le père de famille a enlevé son chasuble syndical un peu plus tôt mais il porte encore un masque pour se protéger des gaz.

L’arrestation de Jérôme. (Vidéo TV / Rue89 Strasbourg / cc)

« C’est la première fois que je suis arrêté », raconte-t-il au téléphone, encore bouleversé. La voix tremblante, il décrit les conditions de sa garde à vue :

« Il faut bien se rendre compte qu’on est présumé innocent quand on est en garde à vue. Pourtant ils n’ont jamais appelé ma femme. On a dû dormir sur du béton. Le petit matelas et la couverture qu’ils m’ont proposé sentaient l’urine, donc j’ai préféré avoir froid. C’est mon avocate qui a réussi à joindre mes camarades de la CGT, qui ont dit à ma compagne que j’étais incarcéré. »

Pas de proches au bout du fil

Jérôme et Anaïs n’ont pas pu parler à leurs proches, de leur interpellation jeudi 13 avril jusqu’à leur sortie de la maison d’arrêt de Strasbourg, lundi 17 avril au soir. « Mes interlocuteurs remettaient systématiquement ma demande à plus tard, il n’y a qu’en prison qu’on m’a à nouveau proposé d’appeler ma femme, mais je n’étais pas en état de le faire, j’étais trop fébrile », poursuit Jérôme. « J’avais le numéro de l’avocat de la CGT dans mon téléphone, mais je n’ai pas eu le droit de le contacter donc j’ai été conseillé par l’avocate commise d’office, qui a très bien plaidé ma défense », enchaîne-t-il.

Le partenaire d’Anaïs a tenté plus de 25 fois de joindre l’hôtel de police le lendemain de son arrestation. Des appels très brefs (quelques secondes) à chaque fois, comme en attestent les captures d’écran transmises à Rue89 Strasbourg. « Il a appris que j’étais en détention provisoire le jour de ma comparution immédiate », explique Anaïs, soit quatre jours après la manifestation.

Contactée par courriel, la police nationale du Bas-Rhin n’a pas donné suite à notre demande de précisions et a renvoyé Rue89 Strasbourg à la page du service public consacrée à la garde à vue. On y lit notamment que « la personne gardée à vue peut demander à communiquer avec un de ses proches par écrit, par téléphone, ou à avoir un entretien ».

Pas de soin en garde à vue

Toutes les personnes interrogées dans le cadre de cet article ont affirmé avoir été averties de leurs droits lors de leur arrestation, notamment de la possibilité d’avoir accès à un médecin. Le 13 avril, alors qu’il est tombé pendant son interpellation, Jérôme a la main en sang. Anaïs, elle, a mal au pied droit. « Un palet de lacrymo brûlant est tombé sur ma chaussure, ça a fait fondre ma chaussette », retrace-t-elle.

Dans les deux cas, les prévenus ont pu voir un médecin mais celui-ci ne leur a pas procuré de soin. « J’avais trop mal pour remettre ma chaussure, heureusement qu’il faisait froid en cellule, je pense que ça a apaisé la brûlure », estime Anaïs.

« En garde à vue, le médecin est là pour attester que l’état de santé des prévenus est compatible avec la détention », indique Me Bolla, l’avocate des manifestants interpellés. « Il peut faire des prescriptions, mais il n’a pas à prodiguer des soins », poursuit-elle.

Une détention inattendue

Après un passage devant la juge de la détention et des libertés environ 24 heures après leur interpellation, Anaïs et Jérôme apprennent qu’ils vont passer le week-end en détention. « Je ne m’y attendais pas du tout, je suis père de famille, employé depuis plus de 20 ans au même endroit, bien sûr que je me serais présenté au tribunal lundi », promet Jérôme : « Il y avait toutes les garanties pour me laisser rentrer chez moi le week-end. »

Pour Anaïs, souffrant de crises d’angoisses, le week-end a été particulièrement éprouvant. « J’ai dit à la juge que j’avais besoin de rentrer chez moi, d’avoir du calme, de retrouver mes repères, mon chat, mon copain… C’était vraiment pas nécessaire, cette détention », regrette-t-elle : « Ça m’a vraiment fait peur. »

La détention provisoire permet au procureur de demander qu’une personne interpellée soit incarcérée jusqu’à sa comparution immédiate, lorsque sa remise en liberté présente un risque. Six cas sont prévus dans la loi, parmi lesquels « empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille » ou « garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ». Sur une ordonnance que Rue89 Strasbourg a pu consulter, la juge justifie le placement en détention provisoire par la nécessité de « mettre fin à l’infraction » et « prévenir le renouvellement de l’infraction ».

Une exception, en principe

« La détention provisoire doit être une exception », précise Me Bolla. « J’ai été scandalisée et très étonnée par ces mesures, on a l’impression qu’il s’agit d’une consigne qui a été donnée au parquet et qu’il y a un désir de faire des cas d’école de ces interpellations de manifestants », estime-t-elle.

Une fois arrivés à la maison d’arrêt, dans la soirée de vendredi, « les surveillants ont eu l’air surpris de nous voir arriver et rester, ils ont plutôt l’habitude de voir des personnes accusées de délits plus importants que ceux pour lesquels nous attendions un jugement », estime Jérôme. Il passe le week-end en cellule avec un autre manifestant, avec lequel ils parlent longuement et s’épaulent dans l’attente.

« La cellule doit faire huit mètres carrés, c’était un vrai trou à rat avec aucune intimité. Les toilettes sont ouvertes, il y a une petite table où on ne peut même pas manger mais bon, il y a une télé pour avoir un peu d’information de l’extérieur. »

Jérôme, manifestant placé en détention provisoire

« Évidemment qu’on ne lâche rien »

L’après-midi du lundi 17 avril, près de 96 heures après leurs interpellations, les quatre manifestants sont donc présentés en comparution immédiate au tribunal correctionnel. Tous sont jugés coupables des violences qui leur sont reprochées et écopent de peines allant de travaux d’intérêt général à de la prison ferme.

Aucun n’a été interdit de manifester, malgré les réquisitions systématiques du parquet en ce sens, mais deux d’entre eux ont été condamnés à trois ans d’inéligibilité. « C’est embêtant car je suis représentant syndical depuis 2011 », souffle Jérôme. Inquiet, il a finalement découvert que cela n’impactait que les mandats publics. Il pourra donc se présenter aux élections professionnelles de son syndicat, en juin prochain. « Et de toute façon je vais continuer à manifester, c’est notre droit, évidemment qu’on ne lâche rien », conclut Jérôme.

« Ce qui s’est passé ce week-end m’a mis une énorme claque », admet Anaïs, « je ne m’attendais pas à aller en prison ». La jeune femme est également militante féministe. Participer au mouvement social lui tient à cœur. Incertaine encore de retourner dans les cortèges, elle prévoit, si elle s’y résout, de se cantonner aux défilés syndicaux et de ne pas scander des slogans trop véhéments.

« lls ont réussi leur coup »

Jules (le prénom a été modifié) a lui aussi été interpellé suite à la manifestation du 13 avril pour « participation à un regroupement illégal avec arme et incitation à la rébellion ». Il a été libéré après « 46 heures et 45 minutes » de garde à vue. L’enquête est encore en cours, il sera prévenu des suites par courrier. L’étudiant strasbourgeois de 22 ans nie avoir commis les actes qui lui sont reprochés. Si sa garde à vue a été si longue, c’est selon lui parce qu’entre son interpellation et son audition par un officier de police judiciaire se sont passées 44 heures. Il a ensuite été libéré et n’a pas été emmené en détention provisoire.

En principe une garde à vue dure 24 heures et peut être reconduite de la même durée pour certains motifs. « Je ne suis pas sûre que l’incapacité matérielle d’auditionner un prévenu dans les temps justifie son maintien en garde à vue », estime Me Bolla. 

Pour Jules, Jérôme et Anaïs, une chose est claire : ils ont été détenus longtemps car ils sont manifestants. « Et ils ont réussi leur coup, je compte rester en retrait lors des manifestations désormais », explique Jules, qui n’est pourtant pas mis en examen au moment de la rédaction de cet article. Lors du rassemblement lundi 17 avril, auquel il a participé, il dit avoir été mal à l’aise : pour la première fois depuis le début de la mobilisation, il a eu peur. « J’ai vu qu’on pouvait être arrêté pour rien, bien sûr que c’est effrayant et que je trouve ça injuste », assène-t-il.

En hommage à Enzo, une marche blanche organisée à la Cité de l’Ill mardi

En hommage à Enzo, une marche blanche organisée à la Cité de l’Ill mardi

Après l’annonce du décès d’Enzo, l’association Icared organise une marche blanche en son hommage à la Cité de l’Ill mardi 25 avril.

Pour rendre hommage à Enzo, jeune homme de 17 ans qui s’est jeté dans la rivière de l’Ill pour échapper à des policiers de la brigade anticriminalité (BAC), une marche blanche est organisée à l’initiative de l’association Icared mardi 25 avril.

« Nous sommes solidaires de la douleur [de la famille] et nous voulons leur montrer notre soutien en organisant une marche blanche, une marche pacifique et solidaire en son honneur », explique l’association sur Facebook. Le rendez-vous est donné à 15 heures au stade de la Thur, à la Cité de l’Ill de Strasbourg.

battue enzo
Des battues ont été organisées pour retrouver Enzo. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Les personnes qui souhaitent participer sont invitées à venir habillées en blanc, « pour réclamer justice et pour exprimer [leur] solidarité envers tous ceux qui souffrent de la perte d’un être cher », selon le communiqué.

L’association appelle à emmener des bougies, « des mots de soutien ou tout autre signe d’affection pour la famille et les proches d’Enzo ».

La famille porte plainte pour non-assistance à personne en danger

L’adolescent de 17 ans a été porté disparu la nuit du 2 avril. Un corps retrouvé dans l’Ill a été identifié comme étant le sien jeudi 20 avril, soit 18 jours plus tard. Plusieurs battues avaient été organisées entre temps pour le retrouver.

Sa famille a porté plainte contre X pour « non-assistance à personne en danger », visant « le policier ayant vu son fils se jeter à l’eau sans lui porter secours », selon les déclarations de sa mère et le communiqué du parquet de Strasbourg. Ce dernier précise que « des investigations se poursuivent pour déterminer les circonstances de cette disparition ».

Charpentes instables, rats, infiltrations et toits dégradés : l’écomusée paye 20 ans de manque d’entretien

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L’obscur financement public du Trail center de Wangenbourg

L’obscur financement public du Trail center de Wangenbourg

La communauté de communes Mossig et Vignoble souhaite financer la construction de 17 kilomètres de pistes de VTT artificielles dans la forêt. Mais la collectivité reste muette au sujet du financement du projet, qui coûtera plusieurs millions d’euros d’argent public, au grand dam des opposants à ce Trail center.

La communauté de communes Mossig et Vignoble (CCMV) s’étend de Marlenheim à Wangenbourg en passant par Wasselonne (à l’ouest de Strasbourg). L’agglomération prévoit de construire un Trail center : 17 kilomètres de pistes artificielles de VTT dans la forêt, ainsi que des bosses goudronnées, un tapis roulant et des obstacles sur huit hectares de prairie, en amont de Wangenbourg-Engenthal. Des estimations du coût du projet s’élèvent à près de quatre millions d’euros selon les Dernières nouvelles d’Alsace. Dans un diaporama de présentation du Trail center, la CCMV indique qu’elle compte prendre en charge deux millions d’euros.

La CCMV incapable de communiquer sur le financement du projet

Le Trail center devrait donc aussi être financé grâce à des subventions du Département, de la Région ou encore de l’État. Mais cet aménagement semble pourtant complètement à rebours des engagements du collectif informel Massif des Vosges, qui réunit les Régions Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté, ainsi que six départements dont la Collectivité européenne d’Alsace (CeA). Cette structure entend trouver des solutions face à la menace que représente le tourisme pour les écosystèmes vosgiens.

La prairie du Langacker, sur laquelle la CCMV entend construire des infrastructures. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

« Nous souhaitons limiter au maximum les nouveaux projets d’aménagement. Nous devons tout repenser, proposer de nouvelles activités, plus douces », déclarait Christophe Le Rouge, coordinateur du collectif Massif des Vosges dans une enquête publiée par Rue89 Strasbourg en décembre. Un financement du projet par ces collectivités locales serait donc incohérent.

802 500 euros de la Collectivité d’Alsace

Cela n’a pas freiné la Collectivité d’Alasace, qui a communiqué à Rue89 Strasbourg qu’elle participera « à hauteur de 802 500 euros au financement du Trail center de Wangenbourg ». La collectivité estime que « ce projet a fait l’objet d’une concertation approfondie avec les élus, les acteurs socio-professionnels du secteur et les associations sportives du territoire ».

De son côté, la Région Grand Est déclare qu’elle « n’a pas été officiellement sollicitée pour un soutien financier en faveur de ce projet ». La préfecture du Bas-Rhin n’a pas répondu à nos questions pour le volet qui concerne l’État.

Sollicités à plusieurs reprises par Rue89 Strasbourg, la CCMV et son président Daniel Acker n’ont transmis aucune information sur le coût exact de la construction des aménagements et les dotations prévues. Michèle Eschlimann, maire de Wasselonne, et Daniel Reutenauer, maire de Balbronn, conseillers communautaires, n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

Les opposants dénoncent un manque de transparence démocratique

Joint au téléphone, Patrick Bastian, conseiller communautaire de la Mossig et du Vignoble en tant que maire de Zehnacker, et conseiller régional du Grand Est, ne donne pas d’indication précise sur le financement de ces pistes de VTT :

« Peut-être qu’il y aura des investisseurs privés, mais nous discutons encore de tout ça. Je ne me prononcerai pas. On a vu que des habitants s’opposent mais pour la CCMV, le Trail center, c’est une bonne chose, ça va amener de l’activité. Les touristes iront dans les restaurants du coin. »

« Comme s’il n’y avait pas d’autres solutions pour susciter de la vie dans un village que d’artificialiser des zones naturelles… En plus, là, ça risque de ne rien changer pour les commerces car il y aura une cafétéria sur place », souffle Frédéric Ichtertz, du collectif Nature et cadre de vie, qui milite contre le projet.

Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature, estimait dans un article publié fin 2021 que la construction de ce type d’installations devrait être limitée aux zones déjà urbanisées, dans les vallées, mais surtout pas sur des sites naturels. Pour l’association environnementaliste, le Trail center est un projet écocide destiné au tourisme de masse.

Selon le collectif Nature et cadre de vie, vu l’augmentation du prix des matériaux depuis début 2022, le Trail center risque de coûter plus cher à la collectivité que ce qui était initialement prévu. Les opposants dénoncent une « information incomplète » transmise par les élus locaux : « Il y a un déficit de transparence démocratique. On parle d’argent public, de notre argent. Ils ne nous disent rien malgré nos demandes. C’est une certaine vision de la politique, à l’ancienne… », considère Frédéric Ichtertz : « Je pense que la vraie raison de ce flou sur le budget, c’est qu’ils n’ont pas encore trouvé les financements. »

Une augmentation des taxes dans la communauté de communes

Dans une convention partenariale entre la CCMV et le département datée de 2020, un plan de financement prévisionnel était basé sur 450 000 euros de la Région, 200 000 euros de l’Union Européenne et 230 000 euros de l’État. Le département du Bas-Rhin (désormais Collectivité d’Alsace) devait contribuer à hauteur de 832 500 euros. Mais ce tableau n’est certainement plus d’actualité d’autant qu’à l’époque, le Trail center ne devait couter que 2,8 millions d’euros, contre 4 millions désormais.

Pour ne rien arranger, les contraintes budgétaires semblent cristalliser des tensions parmi les élus de la CCMV, comme en atteste le procès verbal du conseil communautaire du 22 mars 2023. Lors d’une discussion sur les orientations budgétaires, Michèle Eschlimann, maire de Wasselonne, a notamment évoqué « l’augmentation de certaines taxes nécessaires au regard de l’augmentation global des coûts ».

Jacques Fernique, au premier plan, sénateur écologiste, a pris position contre le Trail center. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Le maire de Zehnacker Patrick Bastian a quant à lui exprimé « son inquiétude concernant le coût estimé de la [rénovation de la] piscine [de Wasselonne] ». Il s’est « interrogé sur la réelle priorité d’un tel chantier ». Patrick Bastian a ajouté que « l’augmentation des taxes n’est pas une bonne solution dans le contexte actuel et que la communauté de communes doit, elle aussi, faire des sacrifices ». Dans le procès verbal, il est aussi précisé que les élus ont des « documents de support au débat », dont une « présentation du budget Trail center ». De son côté, le sénateur écologiste local Jacques Fernique a publié début avril un communiqué fustigeant le projet d’aménagement :

« Écologiquement d’abord, ce projet est une aberration, le Trail center va grignoter des espaces naturels précieux. Économiquement aussi, c’est un non sens. […] Des millions d’euros d’argent public sont gaspillés pour un projet qui n’a rien d’une priorité. »

Le début des travaux est toujours prévu à l’été 2023.

Démission de Luc Ravel : le résumé des dix derniers mois mouvementés de l’archevêque de Strasbourg

Démission de Luc Ravel : le résumé des dix derniers mois mouvementés de l’archevêque de Strasbourg

L’archevêque de Strasbourg Luc Ravel a annoncé sa démission jeudi 20 avril. C’est la fin de dix mois d’une crise au sein du diocèse de Strasbourg. Résumé d’une affaire de fin de règne aux multiples rebondissements.

Archevêque de Strasbourg depuis 2017, le début de la fin commence en juin 2022 pour Mgr Luc Ravel. À cette date, le Vatican annonce le lancement d’une « mission apostolique », une sorte d’enquête interne, concernant les méthodes managériales de l’ancien évêque aux armées. Dix mois plus tard, l’archevêque de Strasbourg démissionne officiellement. Résumé d’un feuilleton à rebondissements, entre crise ouverte avec le Vatican et soulèvement d’une partie des croyants catholiques contre leur archevêque.

Dès le 27 juin, le Vatican missionne l’évêque de Pontoise Mgr Stanislas Lalanne et le secrétaire émérite du dicastère pour le clergé Mgr Joël Mercier pour enquêter sur le terrain du diocèse de Strasbourg. Une trentaine de prêtres et de laïcs sont auditionnés. Selon le journal La Croix, ce sont bien les méthodes managériales de Mgr Luc Ravel qui font l’objet des investigations ecclésiastiques.

En octobre 2022, Mgr Lalanne rend ses conclusions au Vatican. Toujours d’après La Croix, le cardinal Marc Ouellet convoque ensuite l’archevêque de Strasbourg pour lui signifier la volonté du Saint-Siège de mettre fin à ses fonctions. Fidèle aux exigences du Concordat, la représentation du Pape demande à Luc Ravel d’envoyer une lettre de démission à l’Elysée.

Monseigneur Luc Ravel, archevêque de Strasbourg, lors d’une conférence de presse le mardi 5 octobre 2021. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Une série d’évictions

Mais l’archevêque de Strasbourg ne suit pas la consigne. Plusieurs sources évoquent une date limite pour la présentation de la démission, le 15 février. Mi-février, Luc Ravel aurait envoyé un courrier… avec un texte trop flou pour être pris comme une démission.

Le conflit entre Luc Ravel et le Vatican devient public un mois et demi plus tard. Mardi 4 avril, les Dernières Nouvelles d’Alsace révèlent le limogeage de l’évêque auxiliaire Mgr Christian Kratz par voie de courrier sous la porte à 6 heures du matin. L’archevêque de Strasbourg défend cette éviction en pointant la passivité du religieux dans une affaire de matériel pédopornographique détenu par un aumonier du collège Saint-Étienne à la fin des années 2000. Mais selon La Croix, qui cite une source romaine, cette décision de Luc Ravel aurait une autre motivation : Mgr Christian Kratz était pressenti par le Vatican pour prendre la place d’archevêque de Strasbourg.

Dans la foulée, Mercredi 5 avril, une quinzaine de catholiques ont manifesté sur le parvis de la Cathédrale pour demander la démission de l’archevêque. Quelques jours plus tard, des « chrétiens du diocèse de Strasbourg » créent une pétition pour lui demander de quitter ses fonctions. Elle atteint rapidement plus de 1 000 signatures. Acculé vers la sortie, Mgr Luc Ravel a passé ses dernières semaines d’archevêque de Strasbourg bunkérisé. Certains le décrivent comme malade. D’autres assistent impuissants à la série d’évictions lancée par l’évêque : mardi 18 avril, le vicaire général Hubert Schmitt est évincé du conseil épiscopal. Comme les Dernières Nouvelles d’Alsace le racontent, il est accusé d’attouchements sur un jeune servant de messe il y a trente ans.

Un diocèse fictif pour limoger Luc Ravel

Le lendemain, mercredi 19 avril, les Dernières Nouvelles d’Alsace révèlent une procédure canonique visant le père Bernard Xibaut, chancelier du diocèse, pour des « gestes déplacés » sur un séminariste en 2006. Quelques jours plus tôt, le père Bernard Xibaut prenait la parole sur BFM Alsace pour évoquer la probable démission de l’archevêque de Strasbourg.

Le Boléro de Ravel a pris fin le jeudi 20 avril. Craignant sans doute d’autres évictions et une division plus profonde encore du diocèse de Strasbourg, le Vatican a choisi une voie en dehors du Concordat, qui ne nécessite pas d’approbation de la part du président de la République. Mgr Luc Ravel va être transféré dans un diocèse fictif, comme l’avait été l’évêque d’Évreux Mgr Jacques Gaillot, exfiltré en 1995 en étant nommé dans le diocèse de Partenia, en Algérie.