Lors d’une réunion publique mercredi 11 octobre, les habitants du quartier gare ont découvert les nouveaux plans de circulation des véhicules, devant faire de la place aux vélos et aux bus. Mais les impératifs de desserte n’ont guère convaincu les participants.
Dans la cour de l’Institut national de service public (INSP) mercredi 11 octobre, plus de 200 personnes affluent pour participer à une réunion publique organisée par la Ville de Strasbourg, baptisée « Ville à vivre ». Sur l’estrade d’un amphithéâtre sombre, Alain Jund – vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) en charge des mobilités – dévoile, cartes à l’appui, l’avancement des chantiers entamés dans le quartier.
Tram nord, ring vélo et piéton, nouvelles lignes de bus et surtout, rénovation du plan de circulation ont tous, selon l’élu, le même objectif : « réduire le flux automobile ». Dans un périlleux exercice d’équilibre, il affirme cependant que « tout un chacun devra pouvoir continuer à accéder à Strasbourg en voiture ». Une tentative de ménager toutes les susceptibilités. Pas sûr qu’elle ait totalement abouti…
En préambule, les élus montrent la pollution de l’air à Strasbourg, qui se concentre sur les axes routiers menant au quartier gare. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc
Le boulevard de Lyon à sens unique
Au cœur des tensions : la mise en sens unique du boulevard de Lyon, où passent chaque jour 28 000 véhicules. Dès fin novembre, circuleront donc à la fois ces milliers d’automobilistes mais aussi les bus de la ligne G (voir encadré).
Un bus circule déjà toutes les 7 minutes dans les deux sens sur le nouveau tracé de circulation. De quoi inquiéter les habitants qui vivent sur le nouveau tracé, et sur les quais qui seront réaménagés dans le cadre du nouveau plan de circulation. Les habitants du boulevard de Lyon et du quai Saint-Jean sont les plus inquiets au micro : « Mon immeuble tremble lorsqu’un bus passe, avez-vous prévu d’évaluer ce genre de nuisances ? », « Combien de décibels ça fait, un bus qui roule au gaz ? », « Est-ce que c’est vraiment mieux, des bus, que des voitures ? » Les questions s’enchaînent au micro, les élus, eux prennent des notes en silence.
Sur la carte, l’itinéraire du bus G est indiqué en rouge sur le boulevard de Lyon. Photo : document remis
Autre sujet de discorde : les changements de sens de circulation d’une rue à l’autre. Par exemple, la rue de Molsheim est désormais en sens unique alors que celle d’Obernai est à double sens. Une grande partie des participants à cette réunion publique déplore le nombre de voitures qui passent devant chez eux. « Le trafic a été multiplié par trois, il n’y a plus de trottoir et plus de piste cyclable, est-ce vraiment ça, l’apaisement ? » Après son intervention, cet habitant de la rue d’Obernai annonce vouloir intenter un recours contre la mairie. Applaudissements dans l’amphithéâtre.
Face aux véhémentes doléances, Clément Gerber, responsable de département à la Direction des mobilités de la Ville et de l’Eurométropole, tente d’expliquer les enjeux de ces changements et explique que les aménagements sont voués à évoluer :
« Les aménagements que nous faisons pour les piétons et les cyclistes imposent que nous changions le plan de circulation pour les voitures. Les riverains pourront continuer à accéder à leurs rues et nous sommes attentifs aux nombreuses livraisons qui se font Grand’Rue, mais il faut être prêts à repartager l’espace public. »
Les boucles d’entrée dans la Grande Île seront conservées dans le plan de circulation en projet. Photo : document remis
Tous les parkings du centre ville resteront accessibles et certains quais seront réservés à la circulation automobile des riverains, des bus et des taxis. Des boucles de circulation de voiture seront mises en place afin de permettre l’accès à ces endroits.
Le ring vélo-piéton en travaux dès 2024
Au milieu du tumulte, Sophie Dupressoir, conseillère municipale en charge de « la ville cyclable et marchable », tente de son côté de rassurer les cyclistes sur le ring vélo-piéton, supposé voir le jour en 2026. Ce contournement de Strasbourg, autour de la Grande Île, doit permettre à la fois un aménagement des quais pour les piétons, les cyclistes et les bus d’un côté, et pour les voitures de l’autre.
« Il faut penser les deux côtés des quais, ensemble. Nous allons créer des espaces de circulation pour chacun, une piste pour les vélos et un espace pour les piétons. »
Pour mener à terme le projet du ring, plusieurs types de travaux sont nécessaires tout autour de la Grande Île. Photo : document remis
Avec 500 arceaux à vélo disposés tout le long des 4 kilomètres de la boucle, Sophie Dupressoir explique que le contournement aura pour principal avantage de diminuer les conflits d’usage sur la Grande Île, entre vélos et piétons. Les travaux sont annoncés pour 2024 et une autre réunion publique autour des mobilités est prévue le 9 novembre, à la Manufacture des tabacs pour aborder le côté sud du ring, qui traversera le quartier de la Krutenau.
L’itinéraire, qui prévoit que les cyclistes passent par les Ponts couverts, inquiète aussi les représentants de Strasbourg à Vélo, en raison des pavés. « Nous attendons l’autorisation de l’architecte des Bâtiments de France pour voir si nous pouvons les raboter », explique Sophie Dupressoir.
Disparition confirmée de la gare routière des Halles
Entre deux interpellations des habitants mécontents, Alain Jund expose tout sourire le futur de la gare routière des Halles. « Nous allons la transformer en parc », explique-t-il, et les bus qui y stationnent ne feront plus qu’y passer.
En pointillé bleu, le futur tracé des lignes L6 et L3 (document remis).
Les lignes de bus L6 et L3 en provenance du nord de la ville seront par ailleurs renommées C3 et C9, et feront une boucle, avec des arrêts aux Halles mais n’y stationneront plus. Puis, à l’aide de modélisations (toujours largement enjolivées), Alain Jund montre le futur square des Halles, censé voir le jour à la place de l’actuelle gare routière.
À la fin de la réunion publique Alain Jund tente de finir sur une note positive avec le réaménagement des alentours des Halles (Photo CB / Rue89 Strasbourg / cc). Les modélisations – enjolivées – du futur parc des Halles (document remis).
À la fin de cette réunion qui aura duré plus de deux heures, mouvementées et houleuses, Alain Jund se veut malgré tout positif et optimiste, sans donner pour autant de date précise sur la mise en œuvre des annonces faites sur le secteur.
Environ 1 500 personnes ont manifesté à Strasbourg pour la hausse généralisée des salaires et l’égalité homme-femme à l’appel d’une intersyndicale vendredi 13 octobre. Dans le cortège, des participants ont raconté la dégradation de leurs conditions de vie à cause de l’inflation.
« Je n’ai mangé qu’un repas hier. Je ne sors plus dans des bars, on ne va que chez des potes pour éviter de payer trop cher. » Noa, 21 ans, est payé au Smic en travaillant pour la crèche Léa et Léo. Comme beaucoup de personnes présentes dans la manifestation intersyndicale du vendredi 13 octobre pour une hausse généralisée des salaires, Noa a de grosses difficultés financières :
« C’est fatiguant, on a des conditions de travail catastrophiques parce qu’on est en sous-effectif. Vu nos faibles revenus, plus personne ne veut faire ce boulot. C’est normal. Même avec mon CDI, j’ai été SDF pendant six mois l’année dernière parce qu’aucun propriétaire n’acceptait mon dossier. J’ai réussi à trouver un appartement en passant par une agence bienveillante. »
Sarah et Noa sont au Smic dans la petite enfance. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
« Je suis SDF depuis 4 mois »
Sarah, aussi employée de la petite enfance dans une crèche de la Ville de Strasbourg, abonde :
« Moi je suis SDF depuis quatre mois, c’est une amie qui me loge, parfois c’est Noa. Je n’ose plus aller chez le médecin parce que je ne veux pas avoir des frais à avancer. Ça devient également compliqué d’acheter les protections hygiéniques. »
Dans le cortège matinal, les témoignages de personnes qui racontent la dégradation de leurs conditions de vie se succèdent. À peu près 1 500 manifestants sont présents, 2 000 selon l’intersyndicale.
Haydar, ouvrier pour l’entreprise de fabrication de boîtes de vitesse Dumarey Powerglide (ex-Punch Metal) à Strasbourg, ne s’achète plus « que le nécessaire » avec ses 2 000 euros nets par mois. « Je chauffe moins en hiver, je fais très attention en faisant mes courses, je compte tout », explique t-il. Haydar reconnait que ses collègues les plus précaires ne se sont pas mobilisés :
« Ceux qui sont au Smic ne viennent pas marcher. Une journée de grève, ça leur ferait 100 euros bruts en moins, c’est impossible. Moi je ne débraye que quatre heures ce matin, j’aurai environ 45 euros nets de moins sur ma feuille de paie. »
Selon Haydar, les plus précaires de son entreprise n’ont pas pu se rendre à cette manifestation. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
« Je n’achète plus de produits de qualité »
« Les gens sont résignés, ils ont l’impression que ça ne sert plus à rien donc ils ne se mobilisent pas », commente un homme à côté, gilet CGT sur ses épaules. Et de fait, quel pourrait être l’impact de cette marche matinale, qui a eu lieu dans d’autres villes de France au même moment, après le passage en force du gouvernement sur la réforme des retraites malgré une mobilisation massive et exceptionnelle ?
Laurent Feisthauer, secrétaire départemental de la CGT, rappelle que la mobilisation de vendredi est européenne : « En ayant les mêmes revendications syndicales dans plusieurs pays, nous pouvons peser sur les politiques européennes. C’est aussi à ce niveau que se décident les politiques d’austérité. » La manifestation a lieu le matin « parce que de nombreux travailleurs sont en RTT (réduction du temps de travail) le vendredi après-midi », glisse un syndicaliste de Solidaires.
Entre 1 500 et 2 000 personnes ont manifesté pour l’augmentation des salaires ce 13 octobre. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
En attendant, Nicole Obergfell, secrétaire médicale à Haguenau et secrétaire départementale Unsa Santé sociaux, ne voit pas sa fiche de paye augmenter, 2 000 nets après 30 ans d’ancienneté :
« Il y a quelques années, j’allais au cinéma ou au restaurant une ou deux fois dans le mois. Maintenant, c’est une fois tous les trois mois. Je n’achète plus des produits de qualité quand je fais les courses, le bio c’est fini. »
Lucienne Brasseur, permanente pour Unsa territoriaux, estime que les fonctionnaires territoriaux sont particulièrement lésés :
« Les fonctionnaires d’État ont une prime exceptionnelle pour le pouvoir d’achat, qui va de 300 à 800 euros. Pour les agents territoriaux, c’est au bon vouloir des administrations. De nombreuses communes n’ont pas les moyens de le faire. Evidemment, beaucoup de ces emplois sont déjà précaires comme les Atsem ou les femmes de ménage… »
Nicole Obergfell est secrétaire médicale à Haguenau. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Une déambulation jusqu’au Parlement européen
Les manifestants déambulent dans des rues presque désertes en direction du Parlement européen, au rythme du groupe de musique de la CGT. En tête de cortège, un groupe de jeunes notamment affiliés aux syndicats Solidaires étudiant et Alternative étudiante, donne de la voix.
Comme d’habitude, le groupe de musique de la CGT accompagne les manifestants. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Antoine Splet, élu communiste de l’Eurométropole, distribue des tracts pour un rassemblement devant l’Hôtel de la Collectivité d’Alsace mardi 17 octobre à midi :
« Le Département a bouclé son exercice 2022 avec un excédent de 262 millions d’euros. Ce n’est pas ce qu’on demande à une administration publique. Avec ça, ils pourraient lutter contre la précarité, en proposant des tarifications solidaires dans les cantines des collèges ou des mesures supplémentaires pour protéger les enfants en danger. »
Des intermittents s’inquiètent d’une possible altération de leur régime. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
À quelques mètres, Nicolas et Clothilde, respectivement comédien et scénographe, portent une bannière ciglée « Intermittents ». « J’ai un enfant et entre 1 500 et 2 000 nets donc c’est chaud », constate Nicolas. Clothilde est « plutôt à 1 300 euros nets ». « Je m’en sors parce que je suis en colocation, je n’ai pas de voiture ni d’enfant à charge », affirme la jeune scénographe. Les deux craignent qu’une proposition du Medef, économiser 15% sur des annexes du régime de l’assurance-chômage, aboutisse à une baisse des salaires et des cachets.
Arrivés devant le Parlement européen, protégé par un dispositif policier, des représentants des syndicats prennent la pose devant l’imposant bâtiment avec leur banderole : « Contre l’austérité, pour les salaires et l’égalité femmes-hommes. » La date de la prochaine mobilisation n’est pas encore fixée selon Laurent Feisthauer.
La mobilisation strasbourgeoise répondait à un appel européen. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Deux jours après avoir fait flotter le drapeau israélien sur le parvis de l’Hôtel de ville, la municipalité strasbourgeoise l’a retiré. L’hésitation de l’exécutif strasbourgeois traduit les doutes et les débats autour du symbole.
« Le sang des victimes est encore chaud que le drapeau israélien disparaît déjà, comme si sa vue brûlait le regard de la majorité municipale. » Dans un communiqué commun teinté de lyrisme, les trois groupes d’opposition du conseil municipal de Strasbourg (LR, PS et celui de la majorité présidentielle) taclent avec virulence l’hommage rendu par la municipalité aux victimes du Hamas sur le parvis de l’Hôtel de Ville.
Lundi soir, l’exécutif avait d’abord décidé de faire flotter le drapeau israélien devant le bâtiment historique de la Ville, l’ajoutant aux côtés de ceux de l’Ukraine et de l’Arménie. Mercredi matin, la maire a retiré les trois drapeaux, expliquant dans un communiqué à l’adresse des présidents de groupes que « la juxtaposition de drapeaux nuit à la lisibilité » du message de « solidarité, de paix, de démocratie de la Ville de Strasbourg ». À la place, un message plus large appelant à la paix a été installé.
Une bannière appelant à la paix remplace les drapeaux israélien, arménien et ukrainien. Photo : RG/ Rue89Strasbourg / cc
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En Alsace, les températures exceptionnellement hautes et le manque de pluie en automne impactent des cultures emblématiques de la région, comme celle du chou à choucroute. Elles imposent de réfléchir à une évolution vers des pratiques agricoles qui préservent davantage les sols et à la plantation d’autres types de fruits et de légumes.
28°C le 11 octobre à Strasbourg. Et 30°C mesurés au sol dans les champs de la plaine d’Alsace. Depuis le début du mois de septembre, qui a été le plus chaud jamais enregistré en France, les conditions météorologiques ont un impact sur les exploitants agricoles alsaciens. D’après l’observatoire de la nappe d’Alsace (Aprona), le cumul des précipitations pendant le mois de septembre 2023 est de 30 millimètres par mètre carré – une baisse de 58% par rapport à la normale de référence sur la période 1991-2020. En comparaison, en septembre 2022, 120 millimètres de pluie par mètre carré s’étaient cumulés en Alsace.
Des producteurs de Colza retournent leurs cultures
« Ce stress thermique et hydrique n’est pas normal à cette époque. Théoriquement, on a toujours de la pluviométrie en automne qui permet de lever les cultures (de les faire pousser, NDLR) », explique François Lannuzel, conseiller grande culture à la chambre d’agriculture Alsace. Son travail consiste à recommander aux agriculteurs quand semer du maïs, du soja, du colza, de l’orge et du blé ou comment s’adapter aux paramètres climatiques.
Selon lui, le colza est la grande culture la plus touchée :
« Les agriculteurs qui ont semé le colza après le 20 août sont souvent en difficulté, car ils n’ont pas bénéficié des précipitations de cet été. Le sol était déjà asséché. De nombreux pieds n’ont pas levé. Lorsqu’ils se sont rendus compte qu’ils auraient des rendements trop faibles, des agriculteurs ont entièrement retourné leurs champs de colza pour planter des cultures d’hiver. Ce cas de figure est principalement arrivé dans le nord de l’Alsace. »
François Lannuzel observe aussi pour la première fois la prolifération précoce dans le colza du charançon, un petit insecte ravageur, présent début octobre alors qu’il n’apparait qu’à la fin du mois habituellement. « Je ne sais pas encore si les conséquences seront importantes vu que c’est la première fois. Mais en général, plus un ravageur attaque tôt, plus il est néfaste », s’inquiète le conseiller de la chambre d’agriculture.
Des agriculteurs alsaciens voient leurs productions altérées par le dérèglement climatique. (Photo Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg)Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg
Tension pour le blé et l’orge
Début octobre, les semis du blé et de l’orge débutent en Alsace. « Cette année, on dit aux agriculteurs d’attendre parce qu’il n’y a pas de pluie. Si on positionne une graine maintenant, elle ne va pas germer », assure François Lannuzel :
« Si le manque de pluie perdure encore un mois, le rendement sera impacté car les semis seront faits trop tard dans l’année, le sol sera devenu trop humide. Les plants risqueront donc d’avoir du mal à lever. »
Le spécialiste des grandes cultures expose cependant que la sécheresse automnale arrange les maïsiculteurs : « Les grains de maïs sont à 20% d’humidité au lieu de 35%. Les coopératives agricoles qui sèchent le maïs doivent arriver à 15%, donc cela fait baisser leurs coûts. »
Les grains de maïs sont plus secs que les années précédentes. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg
Fabien Digel, directeur de l’interprofession Fruits et légumes d’Alsace, affirme de son côté que les poireaux et les navets semés tôt et censés être récoltés en décembre, janvier et février arrivent à maturité en octobre :
« Le cycle est plus rapide à cause de la chaleur. On invite les consommateurs à les préparer dès maintenant. Ce n’est pas encore dans les habitudes car ils sont souvent mangés sous forme de soupes mais ils peuvent aussi être préparés en salades. »
Des choux invendables
Surtout, les choux à choucroute ont du mal à se développer : « Ils ont besoin de fraicheur. Théoriquement, la diminution des températures en octobre leur permet de grossir. Là ce n’est pas le cas, la chaleur freine leur croissance », remarque Fabien Digel.
Julien Scharch, maraîcher à Saessolsheim et trésorier de Bio en Grand Est, abonde :
« Ça devient très difficile de produire du chou à choucroute en Alsace. Beaucoup sont invendables, ils ont des calibres trop petits et sont attaqués par des ravageurs favorisés par les hautes températures. La fameuse choucroute alsacienne n’existera peut-être plus dans 20 ans si la situation empire. De manière générale, tous les légumes qu’on cultive historiquement dans la région, la pomme de terre, l’oignon ou la carotte, ont du mal à se développer à cause de la sécheresse. Et ils sont attaqués par des insectes comme la mouche mineuse qui n’arrive en Alsace que depuis quelques années. »
Julien Scharch constate que ses choux sont attaqués par des ravageurs et plus petits que d’habitude à la même période de l’année. Photo : remise
Les rendements de Florent Ades, producteur de choux à Krautergersheim, sont aussi en baisse en 2023, bien qu’il ne puisse pas donner de chiffre, la saison n’étant pas terminée : « L’irrigation est devenue indispensable. Heureusement, on a une variété de choux, avec des longues racines, qui résiste mieux à la sécheresse. » Les producteurs investissent dans du matériel d’irrigation comme des enrouleurs et des groupes électrogènes, ce qui augmente fortement le coût de production.
Yanis Angsthelm, responsable commercial de la choucrouterie Angsthelm et Fils, indique que son prix d’achat a augmenté de 50% en 4 ans, soit de 120 euros la tonne en 2023 contre 87,5 euros en 2019 : « C’est une période difficile parce que dans le même temps, les supermarchés nous demandent de baisser nos prix face à l’inflation. »
Une évolution des espèces cultivées ?
Entre les pertes, l’irrigation nécessaire face à la sécheresse et l’installation de moustiquaires contre des ravageurs, la météo de l’automne 2023 engendre un surcoût d’environ 20% pour l’exploitation de Julien Scharch. Ce dernier est déjà durement impacté par l’inflation qui augmente les charges d’électricité pour les chambres froides et le carburant des tracteurs. Julien Scharch a été contraint de réduire sa surface cultivée de 35 à 25 hectares et son effectif d’ouvriers agricoles de 28 à 20 employés.
Les tomates, poivrons, courgettes et aubergines poussent de mieux en mieux en Alsace. (Photo DC / Rue89 Strasbourg)Photo : DC / Rue89 Strasbourg
Le maraîcher réfléchit à cultiver davantage de « légumes ratatouille », des courgettes, des aubergines, des poivrons et des tomates :
« Ces espèces d’ordinaire plutôt méditerranéennes poussent de mieux en mieux chez nous. Mais on n’a pas encore une demande suffisante et ils ne se vendent que trois mois dans l’année, en été. Je réfléchis aussi à trouver des variétés des espèces de légumes qu’on a l’habitude de cultiver et de consommer en Alsace mais qui viennent du sud et sont plus adaptées au changement climatique. »
Fabien Digel évoque aussi une étude menée au verger expérimental Verexal à Obernai sur la production de kiwis et d’amandes dans la région. « La poire et la cerise s’adaptent bien à la chaleur », ajoute le directeur de l’interprofession des Fruits et légumes d’Alsace.
Pour Julien Scharch, l’adaptation la plus efficace des agriculteurs alsaciens serait de réenrichir le sol, avec des engrais verts et des plantations d’espèces comme le trèfle ou la luzerne entre les cultures pour ne jamais laisser la terre nue. « L’idée, c’est de se rapprocher des sols forestiers, avec une meilleure capacité à retenir l’eau et à tamponner les coups de chaleur », résume t-il.
Une cinquantaine d’animatrices périscolaires se sont rassemblées devant l’école Branly jeudi 12 octobre. En sous-effectif, elles dénoncent des conditions de travail difficiles et de faibles revenus.
« On a peur qu’il arrive quelque chose aux enfants. » Laurence Siry, secrétaire générale adjointe CFDT du personnel de la Ville et de l’Eurométropole, prononce ces mots du bout des lèvres devant l’école Branly au Wacken. Son syndicat a appelé les animatrices périscolaires à tracter devant les écoles ce 12 octobre, jour de grève pour dénoncer le sous-effectif dans cette profession. Les cantines scolaires sont fermées pour la journée, et le seront également le 13 octobre, avec la mobilisation intersyndicale pour la hausse des salaires.
Depuis septembre, il manque 200 postes d’animateurs périscolaires vacataires dans les écoles de la ville d’après la CFDT. Il en manquait 120 en 2022. Hülliya Turan (PCF), adjointe à la maire en charge de l’Éducation, indique que l’objectif que se fixe la Ville de Strasbourg est un taux d’encadrement d’une animatrice pour 20 élèves de primaire et d’une animatrice pour 10 élèves de maternelle, en plus d’une animatrice par enfant en situation de handicap. Selon l’élue communiste, il ne manque que 80 vacataires.
Trop d’enfants, pas assez de professionnels
Les animatrices de périscolaire s’occupent des enfants à la cantine et le soir après l’école. « C’est difficile d’organiser des activités car nous ne sommes pas assez pour nous occuper des petits. Donc ils finissent par passer des heures à simplement courir dans la cour, alors qu’on voudrait leur proposer autre chose », explique Vahineura, qui entame sa troisième année en tant qu’animatrice vacataire.
En tout à Strasbourg, 200 personnes sont animateurs titulaires et 700 sont vacataires, précise Laurence Siry. « Même avec 200 animatrices de plus, on ne couvrirait pas les absences journalières des personnes déjà en poste qui seraient malades par exemple », appuie Assunta, responsable du périscolaire à l’école élémentaire Branly.
Jeudi 12 octobre, les animatrices périscolaires se sont rassemblées pour dénoncer le sous-effectif. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc
Emmanuel est venu chercher sa fille à vélo. Elle mange habituellement à la cantine de l’école Branly :
« Les problèmes d’effectif, c’est récurrent dans la fonction publique, à l’école mais aussi à l’hôpital. On le sait, on le voit, on nous le dit. Ce midi et demain midi, je me suis arrangé pour pouvoir chercher ma fille, il faut se débrouiller. Mais je ne la mettrai pas dans une école privée pour autant, les services publics sont ce qui fait la singularité de la France. Même si je n’ai pas la solution pour qu’ils aillent mieux. Je suis un peu blasé en fait. »
Manque de candidats aux postes
Vers 12h30, les parents d’élèves sont partis avec leurs enfants et les animatrices en grève se rassemblent. « Parfois, on doit s’occuper de 20 enfants en même temps », poursuit Vahineura, « et c’est pire chaque année ». À l’école Branly par exemple, sept personnes assurent les fonctions de 10 animateurs.
Selon Laurence Siry, le sous-effectif est uniquement dû à des problèmes de recrutement :
« À la direction de l’enfance de la Ville, ils nous assurent qu’ils ont les moyens financiers de recruter plus de monde. Mais ils manquent de candidats, c’est l’humain qui pêche ! Avec notre grève ce midi, nous voulons appeler les personnes à postuler pour devenir animateur. »
Laurence Siry, secrétaire générale adjointe CFDT du personnel de la Ville et de l’Eurométropole Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc
Pour Sarah, également animatrice périscolaire, cette pénurie est directement liée aux difficiles conditions de travail cumulées à une faible rémunération :
« On est payé dix euros net de l’heure, c’est trop peu pour ce qu’on investit. En tant que vacataires, si on est malades et qu’on ne vient pas travailler, on n’est tout simplement pas payé. Sans CDI ou CDD, ça veut dire qu’à tout moment on peut se retrouver sans emploi. Et souvent on est payé un mois après. Là notre paye de septembre va arriver fin octobre, donc c’est la galère. »
Sarah et Vahineura gagnent toutes deux entre 200 et 700 euros par mois en période scolaire. Et compléter ce faible revenu grâce à un second emploi est difficile :
« Nous travaillons deux heures le midi et deux le soir, c’est compliqué de trouver un autre employeur. Ça voudrait dire un emploi pour le mercredi et les week-ends, donc potentiellement un job prisé par les étudiants aussi. »
En tant que responsable périscolaire, Assunta s’inquiète souvent pour ses équipes dont « la santé physique et mentale est mise en jeu ». « Ils assurent le travail de deux ou trois personnes, doivent gérer le stress du service de restauration du midi tout en ayant la responsabilité des jeunes, la situation est critique », estime-t-elle : « Leur rôle est justement de prendre soin de la sécurité des enfants. »
Sarah, animatrice vacataire depuis deux ans, entourée des enfants qu’elle accompagne habituellement à la cantine. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc
Les Atsem solidaires
Parmi les manifestantes devant l’école Branly, des Atsem sont venues apporter leur soutien aux animatrices. Laurence est du métier depuis 33 ans et exerce à l’école Robert Schumann. « En réalité nos missions sont très proches, on fait de l’animation et on aide les enfants à manger, donc on est solidaires », entame-t-elle :
« On a un droit de réserve, il n’y a que lors des mouvements de grève que nous sommes libres de nous exprimer, ça peut être très difficile de se sentir entendues. »
Pour Laurence Siry de la CFDT, cette mobilisation est un premier pas dans un combat plus large, vers la professionnalisation du métier d’animateur, pour qu’ils « soient reconnus et mieux payés ».
Le Syndicat des avocats de France organise deux journées de formation contre les répressions des associations, des syndicats et de leurs militants.
Depuis l’accession d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en 2017, les libertés publiques n’ont cessé de régresser en France. Des atteintes contre la liberté d’expression, visant des journalistes encore très récemment, aux accusations « d’écoterrorisme » contre des militants écologistes ou de « séparatisme » contre des militants antiracistes, le pouvoir exécutif ne s’est guère embarrassé de principes pour s’attaquer aux libertés associatives et entraver l’action des militants, associations et des syndicats. Mardi 3 octobre, à Strasbourg, un militant écologiste a été arrêté par la police et placé en garde à vue pendant 24 heures pour avoir porté une écharpe tricolore et jeté du liquide sombre sur le sol…
Face à ces tristes constats, le Syndicat des avocats de France du Bas-Rhin propose deux journées de formation pour armer juridiquement les contre-pouvoirs, qui, rappelons-le, sont essentiels au fonctionnement d’une société démocratique. Intitulé « Peut-on dissoudre les libertés », ce colloque est prévu les vendredi 13 et samedi 14 octobre à l’Erage, l’école des avocats du Grand Est à Strasbourg.
Selon un communiqué du SAF, il s’agira « d’identifier les besoins des associations et de leurs militants, et d’étudier comment utiliser les outils juridiques existants pour faire face à ces différentes formes de répression ». Ces journées sont ouvertes à toutes et à tous, sur inscription préalable sur le site du SAF.
Au programme notamment, des ateliers et trois tables rondes :
La répression diffuse des associations par l’assèchement des moyens d’action en réponse aux actions militantes Avec Faïza Boudchar, de l’association Femmes sans frontières, Julien Talpin, chercheur du CNRS et membre de l’Observatoire des libertés associatives, Jean Werlen, conseiller municipal de Strasbourg et Marion Ogier, avocate du barreau de Paris,
Vers la banalisation des dissolutions : de la provocation à la discrimination aux agissements violents à l’encontre des biens Avec Joao Viegas, avocat du barreau de Paris, Pr Stéphanie Hennette-Vauchez et Franzeska Binde, membres d’Action non-violente COP21,
La répression judiciaire des militants et lanceurs d’alerte Avec Laure Abramovitch, avocate du barreau de Dijon, Mornia Labssi, inspectrice du travail et Thibaut Spriet, secrétaire national du Syndicat de la magistrature.
Pancarte « Pénurie de ?? Démocratie !! » Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc
Le NPA du Bas-Rhin avait prévu de projeter un film sur Georges Ibrahim Abdallah, militant communiste libanais pro-palestinien, ce jeudi 12 octobre à Strasbourg. La préfecture a décidé d’interdire l’évènement en raison « du climat de vive tension ».
Depuis un mois, les militants du NPA du Bas-Rhin avait tracté, affiché, communiqué sur cet évènement politique. Ce jeudi 12 octobre à 19h, ils avaient prévu de projeter le film « Fedayin », sorti en 2020 sur Georges Ibrahim Abdallah, militant communiste libanais proche de la cause palestinienne. Âgé de 72 ans, il est emprisonné en France depuis 1984 après avoir été condamné à perpétuité pour complicité dans les assassinats de diplomates et d’ambassadeur israéliens et américain à Paris et au Liban, en 1982 et 1984.
Présenté comme « le plus vieux prisonnier politique d’Europe » par ses défenseurs, Georges Ibrahim Abdallah – libérable depuis 1999 – demande l’aménagement de sa peine depuis plus de 20 ans. En juin 2023, il a déposé sa 10e demande devant le tribunal anti-terroriste d’application des peines. C’est dans le cadre de cette campagne pour sa libération que le film était projeté.
Le film « Fedayin » (nom donné aux combattants palestiniens dans les opérations de guérilla) était censé être projeté ce jeudi soir, par le NPA du Bas-Rhin. (Document remis).
Crainte de « propos antisémites » et de « troubles à l’ordre public »
Mais la préfecture du Bas-Rhin a interdit l’évènement, en envoyant un arrêté d’interdiction par mail, mercredi soir, au NPA. L’arrêté détaille en longueur les motifs de cette interdiction, en évoquant notamment le « contexte de tensions vives au Moyen-Orient en raison des attaques terroristes perpétrées par le Hamas à l’encontre de citoyens israéliens le samedi 7 octobre » qui ont fait plus d’un millier de morts.
Aussi, « alors même que la programmation (du film) est antérieure à ces évènements, le maintien d’une telle projection pourrait être ressenti par une partie de la population, dont en particulier la communauté juive, comme une provocation ou un soutien à ces actions terroristes ».
Selon la préfecture du Bas-Rhin, cette projection pourrait également entraîner la « tenue de propos pénalement répréhensibles d’apologie du terrorisme, à caractère antisémite ou mettant en cause la cohésion nationale ». Enfin, vu « le climat de vive tension », l’évènement « représente un risque majeur et sérieux de trouble à l’ordre public ».
« Une atteinte à la liberté d’expression » selon le NPA
Pour le NPA du Bas-Rhin, cette décision est une « entrave à la liberté d’expression » et « un dangereux précédent qui doit être dénoncé ». Le Nouveau parti anti-capitaliste souligne que cette interdiction « intervient alors qu’une série d’interdictions de rassemblements et réunions publiques en soutien à la Palestine dans plusieurs villes de France ont été prononcées ». Des manifestations pro-palestiniennes à Lille, Paris, Brest, Bordeaux, Vienne ont en effet été interdites ces derniers jours. Dans son communiqué, le NPA du Bas-Rhin affirme « condamner la répression contre le mouvement de solidarité avec la Palestine en France menée par les autorités françaises ».
Antonio Gomez, membre du NPA du Bas-Rhin, dénonce une « ambiance et une atmosphère pas très saine à Strasbourg et en France » depuis ce nouvel épisode du conflit israélo-palestinien. Il affirme qu’environ 150 personnes devaient assister à la projection.
Diplômée à Lille en 2012. Après Paris et Marseille, je me suis installée à Strasbourg en 2020. Je suis aujourd’hui indépendante en radio et web, pour Rue89 Strasbourg, Mediapart, Louie Media et France Culture. J’aime les reportages et les enquêtes au long cours, sur les sujets de société et sur notamment sur les violences sexistes et sexuelles.
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Moins de deux mois après le démantèlement du camp installé au pied du centre administratif, de nouvelles tentes ont fait leur apparition dans le centre et en périphérie de Strasbourg ces dernières semaines. Associations et hébergements d’urgence sont dépassés.
Un œil sur le volant, l’autre sous le couvert des arbres, Grégoire Spitz compte silencieusement les tentes en traversant le parc du Glacis de Strasbourg, un jeudi soir d’octobre. « Cela faisait un moment que nous n’étions pas venus et il y en a des nouvelles », relève ce bénévole de l’association Caritas avant de s’arrêter. « Bonjour, c’est la maraude ! Il y a quelqu’un ? », hèle-t-il en s’approchant d’un petit groupe de toiles tendues le long du sentier, montées sur des palettes et recouvertes de bâches étanches.
Un bénévole de la maraude de Caritas s’assure que personne n’a fait de malaise dans les tentes Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg / cc
En l’absence de réponse, le bénévole tire les fermetures Éclair pour regarder à l’intérieur. « On ne sait jamais, il peut y avoir quelqu’un de trop faible pour répondre. Ou une personne décédée. C’est déjà arrivé. » Grégorias, son binôme, revient lui aussi bredouille. Un homme passe à vélo et s’arrête à leur hauteur. Il désigne du doigt le remblai sur lequel il a installé sa tente il y a trois mois et d’où il « veille » sur le camp. Selon lui, la majorité des personnes vivant ici sont parties à la gare pour la distribution alimentaire de l’association Abribus.
Rudy, un habitant de longue date du parc du Glacis échange avec les bénévoles de la maraude après avoir récupéré un paquet de chips distribué au camion (Photo Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg).
« On ne se pose pas de questions »
Sur la petite place nichée derrière la porte du Fossé-des-remparts, ils sont cependant une demi-douzaine d’hommes à accepter les cafés proposés par l’équipe de la maraude. Parmi eux, Mohammed Ali, 34 ans, arrivé à Strasbourg il y a trois ans et au camp du Glacis depuis un an et demi. « Nous sommes une trentaine actuellement », reconnaît-il du bout des lèvres. « Le campement s’organise en “quartiers” : là, des ressortissants de pays d’Afrique de l’Est et du Moyen-Orient, là, d’Afghanistan, ici, d’Afrique de l’Ouest… »
« Il y a toujours eu du monde au Glacis », explique Grégoire Spitz, bénévole à Caritas. « Mais ça bouge beaucoup. Des gens arrivent, d’autres repartent, on ne sait jamais combien de personnes on va y rencontrer. »
Pourquoi tant de nouvelles arrivées alors ? Mohammed Ali élude. « Entre nous, on ne se pose pas de questions. Quand on voit quelqu’un arriver, on observe d’abord si ça se passe bien », poursuit le jeune homme, attentif à la « sécurité » du camp.
Des habitants du campement parc du Glacis viennent partager un café avec les bénévoles de la maraude (Photo Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg).
Chacun fait sa vie. « Si je vois quelqu’un dormir sur un banc et que j’ai une couverture en rab, je lui donne. Mais je ne peux pas faire plus, je ne suis pas assistante sociale », grince l’habitant du Glacis. Dans un coin, un jeune homme fait des aller-retours sur la musique d’attente du 115. Mohammed Ali, lui, n’appelle plus le numéro du service d’accueil d’hébergement d’urgence depuis longtemps. « Ils m’ont donné une semaine à l’abri une fois en trois ans. C’est tout. » Parmi les anciens du camp, plus personne ne prend la peine d’appeler désormais, affirme-t-il.
Certains sont même arrivés ici après un début de stabilisation. C’est le cas d’Exaucé, 26 ans, originaire de République démocratique du Congo. « Je suis en France depuis 2016 et à Strasbourg depuis 2017 », retrace-t-il dans un français impeccable, avec un large sourire. Après deux années passées à étudier le droit tout en travaillant à côté, le jeune homme s’est retrouvé en difficulté au moment du Covid. « J’ai perdu mon job et j’ai été placé en hôtel », explique-t-il. Exaucé a ensuite vécu un an et demi en hébergement d’urgence. Mais au printemps, il a connu « trois mois de galère » à la rue. Le jeune homme espère aujourd’hui obtenir un logement social. Mais « il n’y en a pas assez. Ils vont d’abord aux familles. En tant que célibataire, je ne suis pas prioritaire », précise-t-il. Une fois stabilisé, Exaucé espère poursuivre ses études pour obtenir sa licence.
Dormir en sécurité
À 20h, la petite équipe de Caritas décolle en direction de la place Brant. Quai du Maire-Dietrich, en face du Palais universitaire, une trentaine de tentes ont également fait leur apparition depuis septembre, sur l’étroite pelouse bordant l’Ill. Là aussi, les bénévoles comptent de nouvelles toiles et une poignée d’espaces libérés. « Quelques familles géorgiennes sont parties s’installer en face du Secours populaire à Krimmeri, à la Meinau », explique Grégoire Spitz. Un autre camp est en train de se former là-bas, à l’écart du centre-ville.
Fin de la maraude au campement situé en face du café Brant, les bénévoles rentrent au local de Caritas pour faire un point sur les différentes situations Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg
L’équipe s’approche d’un petit groupe d’hommes rassemblés au centre de quelques tentes, autour d’une grande gamelle fumante. « Vous voulez goûter ? », propose un des convives tandis qu’un autre se lève discrètement et dégaine son téléphone. La conversation s’amorce entre les bénévoles et les habitants du camp, avec ici encore la musique d’attente du 115 en fond sonore. Drôle d’écho diffusé par plusieurs combinés en même temps. Chaque communauté du campement tentant sa chance.
Quelqu’un décroche enfin au bout de la ligne de Jamal Mohammed. Le dialogue est difficile. « Allo ? Allo ? Il n’y a pas de place ce soir », répond la voix, sobrement. Le jeune homme souffle en raccrochant. Cela fait un mois qu’il vit place Brant. « Avant, je travaillais la journée. Je conduisais un camion. Mais j’ai arrêté, c’est trop compliqué et fatiguant quand on dort dehors. » Ici, il n’est pas loin des douches publiques de La Bulle, rue Fritz-Kiener. Et il se sent en sécurité, à côté de toutes les familles installées tout près. Pas comme à la gare, où il y a « beaucoup de problèmes ».
Du camp de l’Étoile à la place Brant
Le campement compte des tentes de toutes tailles. Dans la semi-obscurité plus éclairée par les écrans de téléphone portable que par les lampadaires, les familles se réunissent et discutent, puis viennent à la rencontre des bénévoles pour prendre un café et quelques paquets de chips. Ou pour leur demander d’appeler le 115 en leur nom. Angela Magalian se présente volontiers. « J’étais la première à installer ma tente ici le 31 août », retrace cette mère de famille de 33 ans. La jeune femme a quitté la Géorgie avec mari et enfants. « Mon compagnon a une sclérose en plaques. On ne pouvait pas le soigner là-bas. Certains soins coûtaient beaucoup trop cher », détaille-t-elle en évoquant un traitement à 2 000 euros.
Distribution de denrées alimentaires et de café à la camionnette de Caritas (Photo Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg).
Angela a quitté Brumath pour se rapprocher de l’hôpital de Strasbourg et appelle tous les jours le numéro de l’hébergement d’urgence pour demander un logement. Parmi les autres habitants, un certain nombre de personnes ont connu le camp de la place de l’Étoile, puis l’hôtel avant d’arriver place Brant.
Albanaise, Cristina dort « dans la voiture de son ami » avec ses deux enfants. « J’ai vécu un moment à l’hôtel, mais ça se passait très mal », explique-t-elle, évoquant à la fois l’impossibilité de cuisiner et des difficultés avec le gérant de l’établissement qui entrait chaque jour dans la chambre sans frapper pour intimer à ses enfants de ne pas en sortir.
Ce jeudi soir, elle est venue faire du repérage pour s’installer au camp et rejoindre son amie Dahlia, mère de famille, elle aussi. « J’ai un titre de séjour et je travaille la journée. Mes enfants vont à l’école. J’appelle tous les jours le 115 pour demander un logement. »
Au centre du camp, cinq familles syriennes ont installé leur tente il y a une semaine environ. « Nous sommes arrivés à Strasbourg il y a une vingtaine de jours », détaille Nour (prénom modifié), une adolescente de 15 ans traduisant pour ses parents. « Au début, nous étions à la gare, mais nous ne nous sentions pas en sécurité. On nous a dit de venir ici. » Sa famille a quitté la Syrie pour la Guyane française. « Nous avons des passeports, des papiers », insiste la jeune femme.
Au bout d’un quart d’heure de conversation, le petit groupe évoque un document leur ayant été remis en fin d’après-midi par deux hommes. À eux, ainsi qu’à toutes les personnes majeures présentes sur le camp. Il s’agit d’une convocation au tribunal le 20 octobre, dans le cadre d’un « référé mesure utile » déposé par l’Eurométropole de Strasbourg, propriétaire du terrain où ils se sont installés. Une procédure visant à préparer l’expulsion du camp. Les habitants découvrent la nouvelle au moment où le document leur est lu et traduit par les bénévoles. « Mais où allons-nous aller après ? »
Fenide est médecin et bénévole pour Caritas. Pendant la maraude, plusieurs habitants du campement l’abordent concernant des problèmes de santé des habitants (Photo Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg).
« Environ un millier de personnes dehors à Strasbourg »
La situation à la rentrée 2023 inquiète vivement les acteurs de terrain, comme Nicolas Fuchs, coordinateur régional de Médecins du monde :
« On constate une multiplication des lieux de vie et un renforcement des sites existants depuis plusieurs semaines. Et pour être tout à fait honnête, nous avons du mal à suivre. Un site en remplace un autre et, à chaque déplacement ou expulsion, on perd toute notre expertise et tout notre savoir sur le lieu. »
La réapparition d’une multitude de petits campements semble donc marquer le début d’un nouveau cycle, poursuit Nicolas Fuchs :
« À Strasbourg, on a commencé à voir des camps apparaître en 2017. Puis il y a eu des ouvertures de squats, par d’anciens habitants du Glacis d’ailleurs. Ensuite, il y a eu la crise covid où l’on a vu qu’il était possible, lorsqu’il y avait une volonté des pouvoirs publics de mettre tout le monde à l’abri. Il n’y avait plus personne dans la rue ou presque. Aujourd’hui, on compte environ un millier de personnes dehors à Strasbourg. »
Un chiffre corroboré par Floriane Varieras, adjointe à la maire de Strasbourg en charge des solidarités, qui confirme début octobre qu’environ « 800 personnes distinctes ont appelé le 115 en une semaine ».
Au mois de septembre, le 115 dénombrait ainsi 7 300 appels par semaine (une personne pouvant appeler plusieurs fois) avec un taux de décrochage de 26%, contre 3 900 appels par semaine un an auparavant, avec un taux de décrochage alors de 70%.
Comment en est-on arrivé là ? Nicolas Fuchs avance l’hypothèse d’un « problème de fluidité dans les parcours permettant de passer de l’hébergement d’urgence au logement » et une « volonté des pouvoirs public de faire le tri en fonction des situations, de l’existence ou non de titres de séjours ».
Nicolas Fuchs estime qu’il faut environ trois semaines à une famille pour entrer dans le circuit de la demande d’asile. Un délai pendant lequel les gens dorment souvent dehors, aux côtés d’autres victimes de ce système congestionné.
La cour d’appel de Colmar a débouté, mercredi 11 octobre, l’ancien patron Pierre Schmitt. Le dirigeant demandait un sursis pour les liquidations des sociétés Emanuel Lang et Philéa et pour la reprise par une partie des salariés de l’entreprise Velcorex sous forme de coopérative.
Nouveau revers pour Pierre Schmitt, figure du textile alsacien. Celui qui rêvait de relancer la filière dans la région, à la tête d’un groupe portant son nom, a été débouté par la cour d’appel de Colmar mercredi 11 octobre, alors qu’il demandait un sursis exécutoire pour les décisions prises concernant ses entreprises.
Après un redressement judiciaire début juin, la chambre commerciale du tribunal de Mulhouse avait prononcé la liquidation des sociétés Emanuel Lang et Philéa, tout en donnant son aval au projet de reprise des salariés de Velcorex le 28 septembre.
Pierre Schmitt à droite au contrôle qualité de Velcorex. Photo : Pierre Pauma / Rue89 Strasbourg
Parmi les 85 anciens employés, 52 co-dirigeront une société coopérative de production (Scop) créée pour reprendre l’entreprise de tissus de Saint-Amarin. Pierre Schmitt avait souhaité empêcher cette reprise, estimant que Velcorex n’est pas viable sans Philéa et Emanuel Lang.
Pierre Schmitt n’a pas réussi à convaincre la Cour qu’il pourrait réunir des fonds suffisants pour financer la poursuite de l’activité du groupe textile. Les deux entreprises d’Hirsingue seront liquidées, une soixantaine d’employés perdent leur emploi.
Caroline Zorn, élue municipale, métropolitaine et avocate, sera la tête de liste du Parti pirate pour les élections européennes en mai 2024.
Déjà porte-parole nationale du Parti pirate (PP), Caroline Zorn prendra la tête de la liste française présentée aux élections européennes au nom de son mouvement. Avocate au barreau de Strasbourg, elle sera présentée aux militants du Parti pirate, lors d’un congrès national de lancement de campagne, du 14 au 15 octobre à Marseille.
Conseillère déléguée en charge du numérique à la Ville de Strasbourg et vice-présidente à l’Enseignement supérieur et au numérique à l’Eurométropole, elle est l’une des rares élues du Parti pirate en France, une formation qui peine à se faire une place dans le paysage politique. En Alsace, le maire de Wintzenheim-Kochersberg, Alain North, est également membre du Parti pirate.
La conseillère déléguée en charge du numérique, Caroline Zorn. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg
Le Parti pirate s’est construit en 2007 en Suède, en opposition aux premières mesures restreignant les libertés sur Internet, et notamment le droit des marques. Le mouvement a ensuite évolué pour étoffer son programme à tous les segments politiques, autour des valeurs de liberté, de transparence et de partage.
Lors des élections européennes de 2019, le Parti pirate n’avait obtenu que 0,14% des voix en France – 1 406 voix en Alsace – et n’avait donc envoyé aucun élu français au Parlement européen. Le Parti pirate dispose de quatre eurodéputés : un Allemand et trois Tchèques.
Trois surveillants de la maison d’arrêt de Strasbourg étaient jugés mardi 10 octobre pour violence en réunion et faux en écriture publique. L’audience a longuement porté sur la confiance que l’institution judiciaire pouvait avoir vis-à-vis des gardiens.
« Nous nous basons sur vos écrits pour prendre des décisions. Alors qu’est-ce qu’on fait si ce n’est pas la vérité ? » La charge vient du procureur adjoint Alexandre Chevrier. Mardi 10 octobre, trois surveillants comparaissent devant le tribunal correctionnel de Strasbourg. Ali et Maxime (les prénoms des gardiens de prison ont été modifiés) sont poursuivis pour violence aggravée ayant entrainé une interruption totale de travail de moins de huit jours. En février, un détenu a fini « couvert de bleus et la cheville cassée », selon les termes de son avocat, après son arrivée à la Maison d’arrêt de Strasbourg.
Maxime comparaît aussi pour faux en écriture publique. Sa collègue Eva est poursuivie pour complicité de faux. Cette deuxième accusation occupera une bonne partie des débats dans une salle bondée.
Mardi 10 octobre, trois surveillants de la maison d’arrêt de Strasbourg comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Strasbourg. Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc
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Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Le Collectif judéo-arabe et citoyen pour la Palestine avait appelé à un rassemblement vendredi 13 octobre en soutien à la Palestine. Il a été interdit par la préfecture du Bas-Rhin dans la soirée de jeudi.
Après les attaques meurtrières du Hamas en Israël et la réplique de l’État juif contre les Palestiniens, le « Collectif judéo arabe et citoyen pour la Palestine » organise un rassemblement de soutien aux victimes palestiniennes vendredi 13 octobre à 17h30, place Kléber à Strasbourg.
Intitulée « Halte au feu et aux massacres, rassemblement pour la Palestine », d’autres associations signent cet appel au rassemblement : le NPA, l’Union juive française pour la paix, le collectif Justice et Libertés et l’Association des travailleurs maghrébins de France.
Manifestation contre les frappes Israéliennes contre la Palestine – Strasbourg, samedi 15 mai 2021. (Photo PF / Rue89 Strasbourg / Cc)Photo : PF / Rue89 Strasbourg
« C’est Israël la puissance colonisatrice »
La porte-parole du collectif, Perrine Olff-Rastegar, explique qu’il n’existe pas de distinction parmi les victimes de ce conflit :
« Nous déplorons toutes les victimes civiles sans en privilégier aucune. Mais nous voulons aussi rappeler qu’Israël est la puissance colonisatrice qui impose un blocus inhumain à Gaza. En outre, Israël soutient une colonisation de peuplement sur les terres palestiniennes ».
Après les raids du Hamas en Israël samedi 7 et dimanche 8 octobre qui ont fait plus de 800 morts parmi la population civile, le gouvernement de Benjamin Netanyahou a annoncé un « blocus total » de Gaza, en coupant les approvisionnements en eau, en électricité et en gaz. En outre, le territoire de 365 km² peuplé de deux millions d’habitants est régulièrement bombardé depuis samedi, laissant craindre une catastrophe humanitaire.
L’association Alsace Nature a déposé lundi 9 octobre un référé suspension à l’encontre de l’arrêté préfectoral autorisant les travaux de confinement des 42 000 tonnes de déchets toxiques de Stocamine, sous la nappe phréatique.
La préfecture du Haut-Rhin a publié le 28 septembre un arrêté préfectoral autorisant « la prolongation pour une durée illimitée, de l’autorisation à la société des mines de potasses d’alsace (MDPA) de stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux non radioactifs sur le territoire de la commune de Wittelsheim ». Cela doit permettre de débuter les travaux de confinement définitif de Stocamine, à grands coups de béton, des 42 000 tonnes de déchets toxiques situés sous la nappe phréatique.
Lundi 9 octobre, Alsace Nature a déposé une requête en référé suspension contre cet arrêté préfectoral. L’objectif étant d’empêcher le début des travaux. L’association demande l’extraction des déchets. Au terme d’une longue bataille juridique, elle avait déjà réussi à annuler un premier arrêté d’autorisation des travaux de confinement en 2021, en obtenant l’annulation d’un arrêté préfectoral du 23 mars 2017. C’est la procédure qui avait contraint l’État à produire ce nouvel arrêté.
Une nouvelle bataille juridique
Cette requête en référé suspension de 95 pages rédigée par Me François Zind, avocat d’Alsace Nature, dénonce la « violation du principe constitutionnel de participation effective du public ». Il estime que « l’information donnée au public est à considérer tout à la fois comme inexacte et insincère, et par voie de corrélation, incomplète et non pertinente » :
« Le fait d’affirmer que la date de 2027 serait la date au-delà de laquelle les conditions de sécurité ne sont plus réunies pour procéder au déstockage en raison de la convergence des galeries est une déclaration mensongère portant sur des faits substantiels : alors que 98% des observations émises lors de l’enquête publique sont défavorables au projet d’enfouissement définitif, le fait d’imputer à cette date des conséquences fausses a nécessairement influencé le public et l’administration. »
Extrait de la requête en référé suspension d’Alsace Nature
Alsace Nature lance une nouvelle bataille juridique pour empêcher les travaux de Stocamine. (Photo Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg)Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg
Me Zind relève également des « erreurs grossières d’appréciation des possibilités réelles de déstockage compte tenu des techniques actuellement disponibles » ou encore le « non respect des générations futures », qui risquent de voir leur ressource en eau potable contaminée par les déchets toxiques. Pour Alsace Nature, l’enfouissement définitif des déchets contrevient à l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui impose aux États l’obligation de protéger « la vie et la santé humaine contre des dangers qui les menacent », notamment des pollutions, y compris pour les générations futures.
Des sénateurs alsaciens formulent un recours gracieux
L’association environnementaliste remarque enfin que l’autorité décisionnaire (la préfecture), est aussi bénéficiaire de l’autorisation sollicitée en qualité d’actionnaire à 100% du pétitionnaire : l’État détient les MDPA. Cela crée une potentialité de conflit d’intérêt non conforme à la directive 2014/52/UE du Parlement européen selon Alsace Nature, notamment en ce qui concerne les études menées pour justifier le confinement des déchets.
Me Zind demande donc au tribunal administratif de transmettre le dossier à la Cour de justice de l’Union européenne. À défaut, Alsace Nature demande aux juges administratifs d’enjoindre les Mines de potasse d’Alsace à « maintenir l’ensemble des galeries en état afin de garantir » la possibilité de sortir les déchets. L’audience se tiendra jeudi 2 novembre à 14h au tribunal administratif de Strasbourg.
Parallèlement, la sénatrice alsacienne Sabine Drexler (LR) a initié un recours gracieux contre l’arrêté préfectoral du 28 septembre pour demander le renouvellement du cuvelage du puit d’accès à la mine afin de protéger la nappe phréatique d’un dysfonctionnement de ce dernier.
Elle demande également que des forages pour pomper l’eau polluée « soient réalisés immédiatement », et pas comme prévu, lorsqu’on constera que la nappe sera polluée « en surface, donc quand il sera trop tard ». Les sénateurs Jacques Fernique (EE-LV), Claude Kern (UDI), Christian Klinger (LR), Laurence Muller-Bronn (LR), André Reichardt (LR) et Elsa Schalck (LR) se sont associés au recours. Sur les neuf sénateurs alsaciens, deux n’ont pas signé le recours : Patricia Schillinger (Renaissance) et Ludovic Haye (Renaissance).
Le Racing est en grande difficulté en ce début de saison 2023-2024. Durant l’été, le club a vendu ses joueurs capables de mener le jeu sans en recruter d’autres. Ces incohérences correspondent à ce que craignait la Fédération des supporters avec le rachat du club par le multipropriétaire BlueCo.
Le public ne demandait qu’à s’embraser. Chaque action, même anodine, créait une impressionnante ferveur dans le stade de la Meinau. Mais les supporters du Racing n’ont pas pu exulter vendredi 6 octobre face à Nantes, qui s’est imposé 2 buts à 1. L’équipe strasbourgeoise a semblé impuissante, incapable de se projeter vers l’avant, de percuter, de créer des occasions de but. Une sensation déjà perçue la semaine précédente contre Lens, qui avait alors battu le Racing 1 à 0.
Début septembre, à la toute fin du mercato estival (période où les clubs de football peuvent acheter et vendre des joueurs), le Racing a vendu son meilleur joueur, le milieu de terrain Jeanricner Bellegarde, au club de Wolverhampton. Morgan Sanson, prêté par Aston Villa, également très percutant au milieu, était parti quelques semaines plus tôt vers l’OGC Nice. En janvier 2023, le milieu offensif Adrien Thomasson s’était engagé au Racing club de Lens.
Plus de 25 000 personnes étaient présentes pour assister à la défaite contre Nantes. (Photo remise)Photo : Fédération des supporters du Racing club de Strasbourg / doc remis
Plus de 55 millions d’euros dépensés
En toute logique, les dirigeants du club alsacien auraient dû profiter du mercato pour recruter des milieux de terrain. Mais le Racing club de Strasbourg (RCSA) a été racheté par le groupe américain BlueCo, déjà propriétaire du Chelsea Football club. L’objectif de cette manœuvre était selon Marc Keller, président du RCSA, d’augmenter la puissance financière du club afin d’être capable de jouer le haut du classement en Ligue 1.
Sauf que malgré les 55 millions d’euros dépensés par BlueCo, aucun accord avec un nouveau milieu de terrain en capacité de mener le jeu n’a été trouvé. Les attaquants Emmanuel Emegha, Dilane Bakwa et Angelo Gabriel, les défenseurs Junior Mwanga et Abakar Sylla… Tous sont des footballeurs prometteurs âgés de 20 ans. Mais pour façonner une équipe solide, BlueCo devait aussi chercher des joueurs expérimentés, d’autant plus depuis les départs de Habib Diallo et Alexander Djiku cet été. Seule nouvelle tête au milieu : Jessy Deminguet, 25 ans, mais l’accord avec Caen, son ancien club, avait été finalisé en février 2023, avant l’arrivée de BlueCo.
Le Racing club de Strasbourg est 11e du classement de Ligue 1 début octobre, un résultat qui s’explique en grande partie grâce à des victoires engrangées lorsque Jeanricner Bellegarde était encore présent. On voit mal désormais comment les bleus et blancs peuvent se ressaisir, à moins de changer radicalement d’organisation sur le terrain. Ou d’attendre le mercato hivernal en janvier.
Les supporters interrogent le projet du club. Photo : remise
« Nous avons décidé de travailler sur l’avenir »
Loïc Désiré, responsable recrutement du Racing depuis 2016, décrit à Rue89 Strasbourg la logique derrière le mercato estival :
« Nous avions la saison passée une moyenne d’âge assez élevée, 28 ans et demi, avec une équipe en fin de cycle. Il faut reconstruire et nous avons décidé de travailler sur l’avenir, en recrutant des jeunes joueurs à fort potentiel. Il faut simplement leur laisser du temps, et laisser aussi le temps aux plus anciens de devenir des leaders. Djiku, par exemple, l’est véritablement devenu la saison dernière. […]
Nous devons progresser dans le contenu c’est vrai, et nous le ferons. Il faut que tout se mette en place. Rien ne se fait en un jour, le Racing est bien placé pour le savoir, lui qui, il y a onze ans seulement, était encore en CFA 2 (cinquième division, aujourd’hui appelé National 3, NDLR). Il faut beaucoup de travail, de la confiance et un peu de patience. »
Les associations de supporters opposées à la multipropriété
Mais chez les supporters strasbourgeois chevronnés, l’expérience de changements de propriétaires qui ont nui au Racing crée une grande méfiance. « Effectif rajeuni, expérience appauvrie : quel est le projet ? », interrogeait le groupe de supporters des Ultra Boys 90 (UB 90) sur une banderole lors du match contre Nantes, constatant l’impuissance des joueurs strasbourgeois. Dès juin, les Ultras distribuaient un tract hostile au rachat du club par BlueCo :
« Il n’est pas imaginable que le Racing devienne une sorte de sous-club ou filiale, dépendant d’un autre club. […] Lorsqu’un club est racheté par un propriétaire de club plus “huppé”, les moyens sont investis dans le grand club et le sous-club ne ramasse que les miettes, ou des joueurs de seconde zone. Prenez l’exemple de Troyes, qui appartient à City Group (également propriétaire de Manchester City, NDLR) : une franche réussite, aux dépens de Troyes… »
Le club de Troyes, racheté en 2020, est descendu en Ligue 2 pour la saison 2023-2024, alors que Manchester City a été sacré champion d’Europe en juin. Des joueurs remplaçants à Manchester viennent évoluer sous les couleurs de Troyes. Les supporters troyens considèrent que les décisions prises par le nouveau propriétaire sont responsables de la descente de leur équipe. Du côté de Strasbourg, toutes ces jeunes recrues jouent-elles à la Meinau simplement pour se former avant d’aller jouer à Chelsea plus tard ? Si c’était le cas, BlueCo ne s’y prendrait pas autrement.
Les UB 90, comme de nombreux ultras, sont opposés au modèle de la multipropriété. (Photo remise)Photo : document remis
Le Racing est-il un vivier de joueurs pour Chelsea ?
La fédération des supporters craint que le RCSA n’ait plus de projet sportif indépendant et fasse des choix sportifs incohérents à cause du modèle de la multipropriété. « Le Racing doit suivre sa propre ambition sportive. Ce n’est pas un centre de recyclage qui nourrit l’ambition d’un autre club. » Ces mots ont été prononcés par Philippe Wolff, président de la Fédération des supporters interrogé par Rue89 Strasbourg début juin.
Le modèle de la multipropriété prend de l’ampleur en France : huit clubs, dont Strasbourg, appartiennent à des groupes qui possèdent au minimum deux clubs en cette saison 2023-2024. Interviewé par So Foot fin juin, Loïc Ravenel, chercheur au Centre international d’études du sport (CIES), analyse quelles sont les raisons qui poussent des investisseurs à s’établir en France :
« Il y a beaucoup de formation de joueurs. C’est une manière d’accéder à un important vivier de footballeurs dans un pays où les clubs sont assez sûrs, au sens où il y a du contrôle en France (une commission indépendante est chargée de surveiller les comptes des clubs, NDLR), les clubs font moins faillite qu’ailleurs. Est-ce que les propriétaires américains ne voient pas la Ligue 1 comme une ligue mineure ? Est-ce que ce n’est pas une solution pour eux d’avoir des clubs satellites pour faire jouer leurs joueurs prometteurs et les récupérer après dans une ligue majeure qu’est la Premier League ? »
Les supporters de Nantes ont soutenu les Strasbourgeois avec une banderole dénonçant la multipropriété le 6 octobre au stade de la Meinau. Photo : remise
Une lettre ouverte destinée à Marc Keller
De nombreux clubs de basket aux Etats-Unis fonctionnent ainsi. Les supporters alsaciens avertis ont bien compris cela. À chaque match, les ultras strasbourgeois déploient des banderoles opposées au modèle de la multipropriété. Dans la tribune des supporters de l’équipe visiteuse également, les Nantais ont arboré une banderole en soutien aux Strasbourgeois le 6 octobre. « La multipropriété est un fléau qui finira par tuer les clubs et leur identité. »
La Fédération des supporters du Racing a publié une lettre ouverte destinée au président Marc Keller mardi 10 octobre. Elle s’inquiète de voir le club alsacien devenir « un centre de post-formation et une pièce secondaire d’un business global ». Les fans demandent des éléments concrets et rassurants et disent être toujours dans l’attente d’une rencontre avec BlueCo.
Environ 600 personnes étaient réunies devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg lundi soir, pour exprimer leur indignation après les attaques du Hamas contre Israël au cours du week-end.
« Je ne peux pas répondre, je n’arrive pas à parler depuis deux jours. » Parmi les quelque 600 participants au rassemblement de soutien à Israël lundi soir devant le siège du Conseil de l’Europe, l’émotion était palpable. Au lendemain d’un week-end apocalyptique, qui a vu le Hamas faire plus de 800 morts et 2 600 blessés en Israël, plusieurs familles juives sont traumatisées. La plupart se sont déjà réunies dimanche soir devant la grande synagogue de Strasbourg, à l’appel du consistoire israélite du Bas-Rhin, et prévoient de le faire chaque soir, tant que les otages pris par le Hamas ne seront pas libérés.
Marc, un juif strasbourgeois de 70 ans, a de la famille en Israël et des amis au sud du pays :
« Samedi, je suis resté scotché à la télévision, à zapper parmi les chaînes d’information. Je n’arrivais pas à m’arrêter. Ça a commencé par un sentiment de sidération, puis il y a eu comme une gradation dans l’horreur. J’ai appelé des amis, dont un qui avait sa fille à la rave party Supernova… Fort heureusement, elle a pu s’échapper. »
Marc espère des appels à l’apaisement et pas d’amalgames Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc
Établie à six kilomètres de la bande de Gaza dans le désert du Néguev, cette rave-party a été ciblée par le Hamas, qui a massacré 260 festivaliers sur place. Pour Marc, ce cauchemar était impensable :
« Comme tout le monde, je vivais dans un mythe d’infaillibilité de l’État d’Israël… Je pensais que rien ne pouvait échapper au Mossad (les services secrets israéliens, NDLR), que Tsahal (l’armée israélienne, NDLR) ne pouvait être mise en défaut. »
Par peur, de nombreux manifestants ne souhaitent pas être pris en photo à visage découvert. Photo : GK / Rue89 Strasbourg / ccPhoto : GK / Rue89 Strasbourg / ccPhoto : GK / Rue89 Strasbourg / ccPhoto : GK / Rue89 Strasbourg / cc
Marc s’affiche sans haine, avant les prises de parole :
« J’attends de l’apaisement à présent. J’espère que les élus et ceux qui s’exprimeront sauront faire la différence entre les Musulmans, les Arabes et le Hamas. »
Devant une banderole « Solidarité avec Israël – Jérusalem », Pierre Haas, délégué régional du Conseil représentatif des institutions juives (Crif) a appelé l’Union européenne à considérer l’ensemble du Hamas comme une organisation terroriste et ses responsables comme des criminels de guerre.
Pierre Haas a appelé l’Europe à considérer le Hamas comme un mouvement terroriste Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc
Malgré une sono poussive, Thierry Roos, président de l’association France – Israël, a rapproché les combats d’Israël de ceux pour les valeurs européennes et démocratiques :
« Le Hamas est la petite sœur de Daech, il se revendique d’un islamisme qui s’attaque à Israël comme l’État islamique s’est attaqué à la France au Bataclan, ou Al Qaïda aux États-Unis le 11-Septembre. Dans les jours qui viennent, il ne faudra pas céder à la propagande victimaire de l’État islamiste de Gaza. »
L’ancien élu de droite en a profité pour faire huer les partis La France insoumise (LFI) et du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), jugés trop relativistes dans leur analyse du conflit.
Une minute de silence à la mémoire des victimes Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc
Les prises de parole se sont conclues par La Marseillaise et la Hatikva, l’hymne d’Israël. Au moment de la dispersion, Valérie, 52 ans, qui se définit comme juive, sioniste (mouvement politique prônant la construction d’un État juif en Palestine) et strasbourgeoise, résume :
« Quand il s’est agi, 50 ans avant la Shoah, de créer une terre pour que les juifs soient à l’abri, c’est la terre d’Israël qui a été choisie. Mais aujourd’hui, peut-on encore dire que les juifs sont à l’abri en Israël ? »
Selon un bilan établi lundi soir, au moins 687 Palestiniens ont été tués par les bombardements de l’armée israélienne dans la bande de Gaza et plus de 3 700 ont été blessés depuis samedi.