Programmateur et DJ strasbourgeois, Philippe Pollaert cherche à concilier son amour des soirées et de la musique amplifiée avec les contraintes écologiques de l’époque. Après deux années d’expérimentations, il lance un financement participatif pour créer une offre de plateau technique mobile alimenté par le soleil.
De quoi a-t-on besoin pour faire la fête ? D’un peu de musique, d’un peu de bière… En tant que quadragénaire franco-allemand, Philippe Pollaert est assez pragmatique sur la question. Mais un truc le gêne cependant : pour envoyer du son, il faut du courant électrique et pour tirer des bières fraîches, idem.
De plus en plus conscient des impératifs écologiques et du catastrophique bilan carbone de n’importe quel événement festif, Philippe Pollaert, aka DJ Phil, programmateur et régisseur, a mis au point un concept de platines mobiles alimentées à l’énergie solaire :
« J’ai un système qui permet de faire tourner des platines, des enceintes, un frigo et une tireuse à bières grâce à l’énergie solaire puis sur batteries. Selon l’ensoleillement, je peux tenir six à huit heures. L’énergie n’est pas le plus gros poste d’un bilan carbone d’un festival ou d’une soirée, ce sont les déplacements liés aux artistes et aux techniciens. Donc en se limitant à des artistes locaux, plein d’événements peuvent devenir éco-responsables en utilisant ce système. »
French touch
Philippe Pollaert est un peu rêveur. Mais il est déterminé à apporter sa contribution à un effort qui serait partagé par toute la filière. Son système, développé par Mobilvolts à Séranon dans les Alpes-Maritimes avec des panneaux solaires construits par Voltec à Dingsheim-sur-Bruche, est encore expérimental. Il a été testé pendant plus d’un an avec son association, Genau. L’objectif est désormais de proposer des prestations à des événements plus importants, via une entreprise appelée We R Solar, grâce à une version plus puissante du système :
« Les fabricants d’enceintes et d’amplificateurs améliorent la consommation de leurs composants. Avec mon deuxième système, je peux tenir toute une journée avec suffisamment de son pour un millier de personnes. Pour la restauration, les traiteurs pré-cuisent aussi leurs plats, ce qui permet de consommer moins d’énergie sur place. Si on s’y met tous, on pourrait parvenir à un festival à zéro émission carbone d’ici un an ou deux. »
Pas de soutien des banques classiques
Dans cette aventure, Philippe Pollaert a mis un peu de sa poche et bénéficie du soutien de Mobilvolts, qui a fourni le premier système en prêt, dans le cadre d’un apport en industrie à l’entreprise. Pour le second système, qui coûte environ 50 000€, Philippe Pollaert négocie un emprunt auprès de banques privées et de la Banque publique d’investissements, mais il doit mettre en caution ses biens personnels. Un dossier de financement participatif a été refusé par la plateforme Okoté, qui abonde pourtant les contributions en argent public pour des projets dits « engagés ».
Dans cette galère de structuration, Philippe Pollaert a donc lancé un financement participatif classique afin de constituer sa trésorerie de départ :
« Je suis allé voir la banque dans laquelle j’ai mes deux comptes familiaux depuis 30 ans et ils n’ont même pas voulu m’ouvrir un compte de dépôt du capital de départ ! Je ne comprends pas bien pourquoi c’est si difficile, alors que mon carnet de commandes est plein pour toute la saison… C’est pourquoi j’ai lancé un petit financement participatif : l’objectif est de vendre des prestations en avance pour constituer un fonds de roulement. »
Une prestation de location oscille autour de 1 000€, sans compter le tarif du DJ. Un tarif que Philippe Pollaert estime très compétitif :
« Pour ce prix, un organisateur d’événement a toute sa technique gérée et n’a pas besoin d’autorisations administratives complexes pour se brancher sur le secteur. En outre, il peut valoriser cette éco-responsabilité dans le bilan de son événement. C’est l’avenir ! »
Le système de Philippe Pollaert sera utilisé durant tout l’été pour des animations sur la Route des vins d’Alsace, et le DJ organise également quelques événements champêtres pour danser tout en profitant du soleil couchant en Forêt-Noire.
L’Orchestre philharmonique de Strasbourg a présenté sa saison 2023 – 2024 à son public mardi. Malgré des subventions en baisse, l’institution maintient une politique visant à inclure d’autres publics que les habitués, tout en restant parmi l’élite des ensembles européens.
L’Orchestre philharmonique de Strasbourg (OPS), ce sont 110 musiciens permanents pour un budget de 13,4 millions d’euros, financé à 73% par la Ville de Strasbourg. Environ 100 000 spectateurs profitent du talent de ses artistes chaque année, conduits depuis septembre 2021 par le chef ouzbek Aziz Shokhakimov, 35 ans, une star pour la presse spécialisée.
Malgré une subvention municipale réduite de 2,5% (9,9 M€) et des coûts de personnel et structurels en hausse, l’OPS maintient le nombre de ses créations à l’identique pour sa saison 2023 – 2024, selon une présentation de sa directrice, Marie Linden, mardi 16 mai :
« L’élévation de la valeur du point d’indice des fonctionnaires est une très bonne chose, mais elle nous oblige à trouver de nouvelles ressources et à des économies. Nous avons réduit l’impression de certaines brochures et certains concerts ne seront plus doublés, afin d’éviter la location d’une journée de la salle Érasme du Palais de la musique. »
Très cher Palais de la musique
Marie Linden n’a pas souhaité s’étendre sur le sujet, mais les loyers demandés à l’OPS par Strasbourg Evénements pour ses bureaux et les salles de concerts au PMC ont semble-t-il fortement augmentés.
Présente mardi en tant que présidente de l’OPS, la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian (EE-LV) a tenu à préciser :
« Les subventions des institutions culturelles ont été baissées afin de redéployer ces moyens vers d’autres projets culturels, l’enveloppe globale reste la même. Mais Strasbourg Événement doit comprendre que l’OPS n’est pas n’importe quel client du PMC… Une solution doit être trouvée. »
Les prix des meilleures places augmentent d’un ou deux euros, jusqu’à 58€ pour une représentation de l’ensemble complet au PMC. Cependant, l’OPS maintient ses partenariats avec des plus petites salles pour des représentations de musique de chambre, notamment à l’Espace Django au Neuhof (ces concerts sont proposés au tarif unique de 3€) et à Hautepierre.
Par ailleurs, l’OPS propose plusieurs opérations visant à permettre à d’autres publics que les habitués de venir aux séances : des concerts jeune public, d’autres appelés « relax » afin d’inclure des « personnes dont le handicap peut entraîner des comportements atypiques pendant la représentation », les personnes malentendantes peuvent bénéficier de gilets sensoriels, certains concerts sont organisés à des horaires décalés, des afterwork avec collation par exemple, d’autres concerts sont proposés dans des villes d’Alsace…
Pour son concert d’ouverture de saison, jeudi 7 septembre, l’OPS propose Le Ring Sans Paroles, de Richard Wagner, précédé du Concerto pour piano n°2 de Franz Liszt. Puis un programme avec « les meilleurs musiciens et orchestres du monde », promet un brin fougueux Aziz Shokhakimov mais c’est vrai que le PMC accueillera le pianiste Daniil Trifonov en novembre pour interpréter un concerto de Sergueï Rachmaninov, l’Orchestre national de France en mars pour une symphonie de Beethoven… À noter, une direction de Marko Letonja, précédent chef de l’OPS, en février pour une soirée « Au pays des fêtes et des contes » avec le pianiste Nikolaï Lugansky.
Le trio strasbourgeois Violons barbares sort un quatrième album avec un concert au Fossé-des-Treize mardi 30 mai. Inspiré par les mythes et légendes d’Europe, le trio propose des compositions baroques et puissantes.
Fondé à Strasbourg en 2006, le trio Violons barbares est une émanation de L’Assoce piquante, une association strasbourgeoise de musiciens indépendants et du Grand ensemble de la Méditerranée (GEM). Le bulgare Dimitar Gougov, le normand Fabien Guyot et le mongol Dandarvaanchig Enkhjargal ont été réunis lors d’une tournée européenne appelée « Les routes de la soie ». Malgré leurs nombreux autres projets, ils ne se sont plus quittés et publient ce mois de mai leur quatrième album, Monsters and fantastic creatures. Une présentation au public strasbourgeois est programmée mardi 30 mai à 20h, au centre socioculturel du Fossé-des-Treize.
En 14 morceaux, le trio de cordes et percussions démontre tout son savoir-faire et travaille sa singularité dans l’univers de la world music, une classification qui ne leur convient que partiellement comme le détaille Dimitar Gougov :
« La musique de Violons barbares est partie des musiques traditionnelles du monde, mais avec des côtés pop et folk dès le début. Nous avons depuis évolué vers notre propre style, en s’appuyant à la fois sur des inspirations rock, jazz et même du métal, mais sans apport électro. Nous sommes d’ailleurs parfois programmés dans des festival de jazz et même une fois dans un festival de métal ! »
Tous les morceaux de l’album sont des compositions écrites à plusieurs mains avec des textes en six langues (français, allemand, anglais, bulgare, mongol et une inventée) et reliées par la thématique du monstre. Certains morceaux évoquent des créatures légendaires anciennes, d’autres décrivent des monstres tout à fait contemporains.
Chant mongol, morin khoor et gadulka
Côté musique, l’ensemble composé du morin khoor (un violon à deux cordes mongol) de Dandarvaanchig Enkhjargal, de la gadulka (instrument à trois cordes mélodiques et onze cordes sympathiques) de Dimitar Gougov et de la « batterie barbare » de Fabien Guyot, faite de tambours africains ou maghrébins, de saladiers ou de casseroles, produit un son immédiatement reconnaissable, parfois mélodique, parfois déroutant. Une singularité renforcée par un chant gutural d’inspiration mongole de Dandarvaanchig Enkhjargal, particulièrement impressionnant.
Entièrement piloté par ses membres, basé chez Alsace percussion à la Robertsau, le groupe gère sa production, une partie de ses tournées et une partie de sa distribution. Pour Dimitar Gougov, cette autonomie permet d’investir toutes les recettes dans le groupe :
« On s’est rapidement affranchi de la recherche d’un label, parce que je ne voulais pas confier ce travail à quelqu’un que je ne connais pas. Quant à la production, je sais déjà faire… Donc on n’a que la distribution et la diffusion en apports extérieurs. Cette organisation colle bien à nos espaces de liberté finalement. »
Festif et politique, le mois des visibilités se déroule du 17 mai au 18 juin, entre marche des fiertés, rencontres et soirées. Le thème de cette année, « Existons ! », met en avant le quotidien des personnes LGBT+.
Le mois des visibilités est l’occasion de faire la fête et de célébrer les différentes luttes menées par les personnes LGBT+. C’est aussi le moment de poursuivre le combat en mettant en lumière les discriminations qui perdurent et les initiatives qui permettent de s’y opposer. Cette année, l’événement organisé par Festigays et de nombreuses associations LGBT+ strasbourgeoises prend de l’ampleur. Plus d’une soixantaine d’événements et la célèbre marche des fiertés auront lieu du 17 mai au 18 juin. La thématique de 2023, « Existons », met en avant la vie quotidienne des personnes homosexuelles, bisexuelles, transgenres, non-binaires, asexuelles…
Cette année, un nombre particulièrement important d’événements accompagne la marche des fiertés pendant le mois des visibilités. (Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc)Photo : DL/Rue 89 Strasbourg/cc
Dans son appel à la manifestation, Festigays rappelle que les droits des personnes LGBT+ ne sont jamais acquis :
« Plus de visibilité, c’est être davantage confronté à nos opposants. C’est aussi voir naître des luttes absurdes qui veulent invisibiliser ou renier notre existence. L’actualité internationale nous montre qu’il y a une volonté d’invisibiliser les LGBTI+ : « Don’t say gay » aux USA, loi anti-représentation des LGBTI+ en Hongrie, la Russie qui cherche à taire toute mention d’existence des LGBTI+, la coupe du monde au Qatar qui supprime tout arc en ciel, l’Algérie qui veut supprimer la vente d’objet arc en ciel, etc. »
Organisateurs de Festigays
L’association Festigays organise la marche des visibilités depuis 2002. Photo : Festigays / doc remis
Célébrer les 10 ans du mariage pour tous
Une des plus grandes avancées de ces dernières années pour le quotidien des LGBT+, c’est l’autorisation du mariage entre personnes de même sexe. Une loi, votée par la ministre de la Justice Christiane Taubira sous François Hollande et qui a fêté le 17 mai ses dix ans. Jeudi 1er juin, de 20h à 21h, l’association Juin’69 dédiera au sujet un épisode de son émission Voix Queer, diffusée en direct du RBS.
Le mercredi 14 juin, à 19h, l’association Juin’69 proposera une table ronde ouverte à toutes et tous pour revenir sur les dix ans du mariage entre personnes de même sexe :
« Cette décision historique est une avancée majeure pour les droits de la communauté LGBTQIA+. Elle a marqué un tournant dans la reconnaissance des droits des personnes queer, de notre amour et de nos familles. Mais il reste encore de nombreux combats à mener, nous continuons de nous battre pour nos droits, notre liberté et notre visibilité. »
Juin’69
Le mariage pour tous a été adopté il y a dix ans, sous la présidence de François Hollande. Photo : Doc remis
D’autres temps de discussion autour du quotidien des personnes LGBT+ auront lieu, comme la conférence de l’Autre Cercle sur « la visibité ou l’invisibilité des lesbiennes au travail », le jeudi 15 juin à 19h, à la Maison des associations. La problématique de la grossophobie sera abordée lors de l’apéro spécial bears, organisé par la Communauté Intergenre Alsace Ours (CIAO), le mardi 6 juin au canapé queer.
Croyant et queer, c’est possible
Autre sujet pouvant faire partie de la vie de tous les jours des personnes queer : la religion. Cette année, l’Antenne Inclusive est particulièrement présente dans la programmation. Défendant une vision et une pratique inclusives de la religion, cette association est rattachée à la paroisse luthérienne Saint-Guillaume et accompagne de nombreuses LGBT dans la pratique de leur foi. Après la veillée de prière organisé en l’honneur de la Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie le 17 mai, l’Antenne Inclusive organise, lundi 5 juin à 18h à l’Église Saint-Guillaume, une rencontre avec Benjamin Moron-Puech, spécialiste des luttes pour les droits des minorités queers, autour du thème « Comment s’unir pour gagner en visibilité ? ». Il sera notamment question de l’interdiction des mutilations sur les enfants intersexes, de l’inscription d’un sexe neutre dans la loi et de parentalité trans.
Cette rencontre se fera en présence de Benjamin Moron-Puech, spécialiste des luttes pour les droits des minorités queers. Photo : Doc remis
Un culte inclusif, animé par des personnes queers et leurs allié·es sera proposé le samedi 17 juin à 10h, avant le départ de la marche des visibilités qui partira à 14h de la Place de l’Université où se tiendra par ailleurs le village associatif de 11h à 18h. La paroisse Saint-Guillaume accueillera aussi plusieurs spectacles en ses murs, comme l’opéra agrémenté de Pole dance, « La Serva Padrona » le mercredi 31 mai et le jeudi 1er juin à 20h.
Faire la fête grâce à la scène drag
À la fois politique, artistique et festif, la culture drag rythme ce mois de célébration avec de nombreux événements. C’est aussi l’occasion pour ces pratiquants de présenter leur art qui ne touche encore qu’un public restreint. Des drags queens locales seront présentes, mais également le nouveau groupe de drag kings, les Kings D’Oré·e·s, qui aiment questionner nos visions de la masculinité et notre rapport au genre. Pour découvrir leurs performances, rendez-vous à l’Orée85 pour un goûter drag le dimanche 11 juin (horaire à confirmer).
Festif et politique, le drag permet notamment de parler des discriminations. Ici, le Marquis de grognasse (un des fondateurs des Kings D’Oré·e·s) dénonce la grossophobie. Photo : Alizée Chebboub-Courtin / Rue89 Strasbourg
Les trois autres maisons strasbourgeoises de drags seront présentes, notamment pour animer des bingos le week-end du 27 mai. Nöxïmä Marley présentera la cinquième édition de sa soirée de lips-sync au Canapé queer le jeudi 1er juin à 21h30. La House of diamonds performera le 17 juin lors de sa soirée post-pride à la Grenze, à partir de 17h. Le lendemain à 12h, la House du Coven proposera un brunch animé au Quino.
Série « Des pavés dans les mémoires » (2/3). Les poses des Stolpersteine ou pavés de mémoire sont de plus en plus nombreuses en France, mais ces commémorations sont parfois critiquées. Plusieurs villes comme Mulhouse ou Paris y sont même opposées. Si certains évoquent le respect des victimes, d’autres raisons s’apparentent plus à un refus de regarder en face un passé qui dérange.
Les gestes sont assurés et précis : le pavé est inséré dans le macadam de la rue Herder, près de l’Orangerie. Un coup de maillet pour bien l’enfoncer, puis une brosse pour enlever terre et poussière. Dans un silence pesant d’émotion, l’assemblée suit cette opération non autorisée dans certaines communes en France. Un coup de chiffon ensuite. La plaque de laiton brille, faisant ressortir un nom, « Marc Blum ». Des larmes sont essuyées sur les visages graves.
Nicole, 97 ans, est aujourd’hui entourée de ses enfants, petits enfants et arrières petits-enfants. Elle a vécu dans cette maison et n’a pas oublié les années heureuses, avant la fuite pour échapper aux nazis. Marc Blum était son grand frère, jeune étudiant en chimie, mort en déportation en 1944 à l’âge de 23 ans. Une des nièces de Nicole prend la parole :
« La vraie mort c’est l’oubli. Nous, on n’a jamais oublié. Désormais, les gens de la rue Herder, et tous les Strasbourgeois, ne pourront plus oublier que Marc Blum a vécu ici. »
100 000 pavés posés en Europe
Chemise en jean, chapeau marron aux larges bords, c’est Gunther Demnig lui-même qui a planté le pavé ce mardi 25 avril. L’artiste allemand a lancé ce projet des pavés de mémoire, ou Stolpersteine, dans les années 90. L’idée est de commémorer le souvenir des victimes du nazisme en marquant leur ancien domicile, lieu de travail ou d’études par des cubes de béton recouverts d’une plaque de laiton, avec une inscription qui honore leur mémoire.
En tout, environ 100 000 pavés ont été posés à travers l’Europe. Gunther Demnig ne les a pas installés tous, mais il aime à faire le déplacement parfois pour faire grandir « le mémorial décentralisé le plus important d’Europe ». En plus de la famille ce jour là, des membres de l’association Stolpersteine 67 sont présents, ainsi qu’un étudiant en histoire qui a retracé le parcours de Marc Blum et pris contact avec sa famille, et enfin des habitants actuels de l’immeuble, associés aussi à la cérémonie et heureux d’y prendre part.
L’artiste allemand Gunter Demnig pose le pavé en mémoire de Marc Blum, strasbourgeois juif déporté et assassiné en 1943 à l’âge de 23 ans. Photo : SW / Rue89 Strasbourg
Oppositions diverses
Si les pavés de mémoire sont de plus en plus nombreux, le projet ne fait pas toujours l’unanimité. Les résistances peuvent être diverses et ne s’expriment pas toujours frontalement. En Alsace et ailleurs, Stolpersteine 67 et Stolpersteine France, les deux associations qui ont repris le flambeau en France, ont été confrontées à toutes sortes de réactions. Richard Aboaf, membre de Stolpersteine 67, se souvient :
« À Barr, au départ, deux conseillers municipaux d’extrême droite se sont opposés à l’installation, avant de se rétracter. Il arrive aussi que les maisons devant lesquelles les pavés sont installés aient été spoliées à des Juifs, et ceux qui y habitent ne veulent pas se confronter à cette histoire, cela a été le cas à Stuttgart par exemple. Enfin, parfois il y a d’abord un refus, comme un Allemand qui habite au quartier des XV dans une maison devant laquelle nous souhaitons installer un pavé de mémoire… Mais en parlementant, on arrive à convaincre. La pose devrait avoir lieu en juin. »
Normalement, l’avis des résidents n’est pas requis. Contrairement à celui de la municipalité, car le pavé s’implante dans le domaine public. Christophe Woerlé, de l’association Stolpersteine France, soupire en faisant la revue des arguments qu’on a pu lui opposer :
« On m’a objecté à La Baule que poser des plaques pour des Juifs serait inconstitutionnel et une rupture du principe de laïcité. Dans une mairie parisienne j’ai entendu “encore les Juifs?” , qu’il fallait passer autre chose, et qu’on parlait assez de la Shoah comme ça. »
« Les Juifs n’ont pas disparu de France »
L’enseignant poursuit : « C’est bien la preuve que ces pavés font encore “stolpre” (trébucher en alsacien, qui se dit stolpern en allemand, NDLR). » En France, l’exemple le plus marquant est celui de Paris. Le professeur d’histoire de 54 ans fait partie du groupe à l’origine d’une pétition demandant à la capitale française d’accepter ce mode de commémoration. La réponse par mail de la municipalité reçue par l’association en septembre 2020 lui paraît « lunaire » :
« Les Stolpersteine ne sont pas adaptés au travail de mémoire parisien. Les Juifs n’ont pas disparu de France, ils sont encore présents. Les Stolpersteine renvoient une image qui ne convient pas à la France, où 75% des Juifs ont survécu. »
Le nom de Marc Blum est désormais inscrit dans la rue où il a vécu avant d’être déporté. Photo : SW / Rue89 Strasbourg
Des arguments chiffrés auxquels certains opposent les plus de 37 000 Juifs, Français ou non, arrêtés et déportés dans la capitale, recensés par Serge Klarsfeld, soit environ la moitié des déportations sur l’ensemble du territoire. Le nombre de pavés pourrait donc être très important.
Un passé dur à confronter
Régis Schlagdenhauffen est chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il a beaucoup travaillé sur la mémoire de l’Holocauste, notamment en Alsace et en Allemagne, et s’énerve de cette hypocrisie :
« En effet, il y a énormément de victimes en France car le régime de Vichy a non seulement collaboré mais a fait encore plus que ce que demandaient les nazis. Il y a quelquefois encore des problèmes à se confronter à cette histoire. Cet argument serait valable en Allemagne, pourtant c’est là que les pavés sont les plus nombreux. »
L’héritage de l’Alsace en la matière, annexée, n’est pas des plus simples à confronter, il a longtemps été délicat de regarder cette histoire en face, et le travail des historiens se poursuit. À noter que les deux associations pionnières en France dans la pose des Stolpersteine sont toutes les deux alsaciennes. Même si le passage de flambeau est tardif, est-ce la proximité de l’Allemagne qui l’explique ?
Ne pas marcher sur les morts
Parfois, les réticences émanent aussi des communautés dont sont issues les victimes. Par exemple, le consistoire juif du Bas Rhin s’opposait avant 2017 à ces poses. Selon l’actuel grand rabbin de Strasbourg, Harold Abraham Weill, le consistoire y voyait une commémoration inappropriée : le fait de planter ses pavés par terre, d’avoir des noms de déportés au niveau du sol peut heurter. Les plaques commémoratives sont susceptibles d’être piétinées, par inattention ou à dessein, voire souillées. La municipalité de Roland Ries ne voulait pas aller à l’encontre des représentants de la communauté.
Le rabbin Harold Abraham Weill a pris la parole pendant la cérémonie de pose d’un pavé en mémoire d’Alfred Thimmesh, mort à Mauthausen en 1944. Photo : SW / Rue89 Strasbourg
Harold Abraham Weill a pour sa part été tout de suite intéressé par le projet lorsqu’il lui a été présenté. La voix est ouverte à la pose de Stolpersteine depuis sa nomination en 2017. Le jeune rabbin a d’abord tenu à se prononcer d’un point de vue religieux :
« Ce pavé n’est ni une pierre tombale, ni une sépulture, donc le fait qu’il soit au sol ne pose pas de problème du point de vue rabbinique. D’ailleurs, le symbole, de taille modeste, me paraît plutôt en phase avec nos traditions qui sont dans la sobriété quand il s’agit de cimetières. Beaucoup des victimes des nazis n’ont pas du tout de sépulture, d’un point de vue personnel, le fait d’inscrire leur nom dans le sol, qui touche au patrimoine intime de la ville, ça me parle. »
Harold Abraham Weill ne prétend pas s’exprimer au nom de tous les fidèles : « Il n’y a pas d’objet parfait pour exprimer la mémoire. » Le grand rabbin de Strasbourg comprend ceux qui pensent que la pose au sol n’est pas appropriée, ou que les dimensions de l’objet ne sont pas à la hauteur du souvenir dû : « Mais les oppositions qui invoquent des raisons religieuses n’ont pas lieu d’être. »
Pas de pavés à Mulhouse
À Mulhouse, l’autre grande ville alsacienne, les Stolpersteine n’ont pas droit de cité. Paul Quin, adjoint chargé des cultes et du devoir de mémoire explique que la ville préfère d’autres formes de commémoration :
Les pavés sont dispersés, de plus il ne nous apparaît pas respectueux et approprié que l’on puisse marcher sur les noms de ces victimes. Nous nous sommes renseignés auprès de la communauté juive et du consistoire et nous avons voulu tenir compte de leurs objections. »
Le fait que Gunter Demnig soit allemand, que son père ait été membre du parti national socialiste, et ait sauté en parachute sur Guernica, laisse aussi circonspects certains. Le grand rabbin Harold Weill balaie cet argument :
« Je ne m’intéresse pas à son histoire personnelle, est ce que c’est une forme de thérapie pour lui de sillonner l’Europe avec cette démarche ? Ça ne me concerne pas. Je ne veux pas rentrer là dedans, sinon c’est sans fin… »
Des élèves en visite au camp du Struthof. Photo : SW / Rue 89 Strasbourg
Concurrence de la mémoire
À Strasbourg, les premiers pavés ont été posés pour des Juifs déportés qui n’avaient pas de descendants. Autrement, les familles sont systématiquement consultées et associées. Le rabbin Weill a appris que son père avait entamé des démarches pour la pose de Stolpersteine à Mackenheim pour sa tante, son mari et leur fille, déportés à Auschwitz.
Moins dicible, pointe aussi une forme de compétition quand il s’agit d’évoquer cette mémoire de l’Holocauste. Plusieurs témoignages recueillis regrettent l’opposition ferme de la fondation Klarsfeld. Cette structure fondée en 2000, poursuite du combat de Beate et Serge Klarsfeld, est à l’origine des mémoriaux de Paris et Drancy. Elle appuie beaucoup de projets, mais rejette les Stolpersteine, et dicte l’attitude de certaines municipalités, regrette Christophe Woehrlé :
À Paris la mairie suit ce que veut la Fondation. Les seules poses de pavés ont eu lieu sur le domaine privé. Le mémorial au centre de Paris est invoqué comme lieu de mémoire suffisant. Nice et Lyon refusent également au prétexte qu’il existe déjà des monuments… Mais les pavés viennent en complément et pas en concurrence d’autres monuments. »
Dans le troisième épisode, Rue89 Strasbourg racontera que les Stolpersteine entendent aussi rappeler le souvenir des Yéniches, des handicapés, ou encore des homosexuels, aussi victimes de la barbarie nazie.
Pendant trois jours, le jeune artiste strasbourgeois Artemile expose ses tableaux entre impressionnisme et culture urbaine à la galerie M5 à Strasbourg. Un vernissage est programmé le vendredi 19 mai à 18 heures.
Dans son petit appartement du quartier des Contades, Artemile accueille chaleureusement. Aux murs, ses peintures imposantes créent une ambiance sombre. « C’est ici que je peins », explique-t-il en désignant un chevalet simple. À 20 ans, l’étudiant en licence d’arts plastiques est suivi par plus de 17 000 personnes sur Instagram. Les 19, 20 et 21 mai, l’artiste originaire de Colmar expose une sélection de tableaux à la galerie M5 à Strasbourg.
« Je n’ai pas envie de me limiter »
Peinture à l’huile, acrylique, gouache, bombe aérosol, photographie… Artemile touche à tous les supports artistiques :
« Je me cherche encore. Je suis jeune et que je n’ai pas envie de me limiter. Même si on commence à reconnaître mon travail, je sais que c’est encore très varié. J’expérimente. »
Lorsqu’Artemile peint, c’est debout et en musique. Il écoute de tout et aussi du rap français, qu’il traduit en dessin. Sur ses tableaux, les paysages côtoient ses rappeurs préférés dans un style emprunté aux impressionnistes. « J’aime beaucoup Monet et PNL », sourit le jeune homme.
L’étudiant peint dans son appartement et stock ses toiles dans un petit coin. « Je ne peux pas faire de tableaux trop grands car je ne saurais pas où les mettre », avoue-t-il. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc
Il a déjà composé des pochettes d’albums pour Dosseh ou La Pépite :
« Quand j’écoute de la musique, c’est comme si j’imaginais des couleurs dans sa tête. C’est exactement ce que j’essaie de retranscrire lorsque je fais une pochette. Et surtout, je veux que mon image parle à tout le monde. »
Symboles du rap, technique de Van Gogh
À la croisée des mondes et des époques, Artemile utilise les visages du rap et les techniques de Van Gogh. Il mélange ses couleurs à même la toile et joue avec la peinture, sa texture, sa transparence, son mouvement. Une vraie matérialité qu’il ne retrouve pas dans le numérique ou la photo.
Sur ce tableau, le rappeur Zamdane est représenté sur une barque accompagné d’une silhouette symbolisant les migrants qui décèdent dans la mer Méditerranée, anonymes. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc
Artemile a appris à dessiner avant de savoir écrire. Pourtant, ses parents ne sont « pas doués » en art. Au fil de visites au musée et de croquis de dinosaures sur les bancs de l’école, le Colmarien s’initie aux arts plastiques en autodidacte jusqu’à prendre une option au lycée. Dès lors, il sait qu’il veut travailler avec sa passion. Mais pas forcément en tant qu’artiste. Peut-être en tant que prof :
« Je veux pouvoir garder ma liberté de créer quand j’en ai envie, de travailler seulement sur les projets qui m’intéressent. C’est très étrange la créativité, parfois je passe toute la journée à peindre et d’autres fois je n’ai aucune inspiration pendant six mois. Si ça reste ma passion ça ne posera pas de problème. Alors que si je cherche à en vivre, j’ai peur de devoir faire des choses qui ne m’intéressent pas. »
Sur les réseaux sociaux ou dans sa communication, Artemile tient à son anonymat et insiste pour que son visage n’apparaisse pas. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc
Faire cohabiter les imaginaires
Artemile dit ne pas avoir d’idole. « J’aime les oeuvres, pas forcément les gens derrière », précise-t-il. Sur les réseaux sociaux où il partage son travail, son visage n’apparaît jamais pour que le public se concentre sur ce qu’il peint :
« Pour moi, la peinture, c’est personnel. Je ne pense jamais aux gens qui vont voir ce que je fais. Mon seul but est de faire se rencontrer les mondes. Celui de la peinture peut être un peu élitiste et le rap reste une sous-culture. Les imaginaires sont différents et j’aime les faire cohabiter. »
Pour sa première exposition strasbourgeoise, Artemile tient à attirer un public jeune à travers les réseaux sociaux tout autant qu’un public plus habitué aux galeries d’art.
Pour la deuxième fois lundi 15 mai, la gendarmerie du Bas-Rhin a pu utiliser un drone lors d’une opération de contrôle routier contre les « rodéos urbains », à Strasbourg et Geispolsheim. Un nouvel outil de répression permis par la loi mais déjà contesté dans d’autres départements.
Par deux arrêtés, les 2 et 12 mai 2023, la préfecture du Bas-Rhin a autorisé la gendarmerie à utiliser des drones lors d’opérations de contrôles routiers ciblant les « rodéos urbains », à Geispolsheim et à Strasbourg. Si cet outil de surveillance est autorisé depuis un décret d’application du ministère de l’Intérieur du 19 avril 2023, plusieurs collectifs contestent depuis mai sa légalité devant le Conseil d’État.
Des drones pour « la sécurité des personnes »
Pour justifier le recours au drone, la préfète invoque à chaque fois la « sécurité de l’opération de lutte contre les rodéos urbains […] afin de prévenir les atteintes à la sécurité des personnes et des biens ». Elle précise dans ses arrêtés le périmètre concerné par la surveillance ainsi que la plage horaire sur laquelle le drone sera déployé.
La loi du 24 janvier 2022 fixant l’usage des drones – appelés « aéronefs » – liste plusieurs motifs pouvant justifier l’emploi de ces appareils par les forces de l’ordre : prévention d’actes terroristes, « maintien » de l’ordre public en contexte de manifestation, régulation des flux de transport, ou la surveillance des frontières.
Sur le site du constructeur, les spécificités techniques des drones déployés sont bien détaillées. On y trouve une multitude d’informations, allant de la précision des prises de vues (au centimètre près, avec un zoom x32) jusqu’à leur autonomie de vol.
Les drones permettent facilement d’identifier les personnes présentes dans les cortèges Photo : Clara Sapienza / FlickR / cc
« C’est comme s’ils ne savaient plus maintenir l’ordre sans drone »
Me Vincent Souty, avocat au barreau de Rouen, a plaidé deux recours contre des arrêtés préfectoraux similaires. L’un permettant l’utilisation de drones pour la manifestation du 1er mai, l’autre pour un rassemblement contre un projet autoroutier du 5 au 8 mai, dans l’Eure :
« L’usage par les forces de l’ordre de ces moyens doit être en dernier recours. Comme l’a dit le Conseil constitutionnel, il faut que leur utilisation soit une nécessité absolue pour atteindre le but poursuivi. C’est à l’administration de démontrer qu’il n’y a aucun autre moyen d’assurer la sécurité publique. »
Le juge administratif déclare illégal l’arrêté pris pour la manifestation des 5 au 8 mai. En rappelant que l’usage des drones porte atteinte à la vie privée et peut enregistrer des images à l’insu des personnes. Il précise que son usage doit être « justifié et strictement nécessaire à la finalité poursuivie », c’est-à-dire, au maintien de l’ordre.
Pour Me Souty, les drones ont plutôt tendance à être utilisés par défaut :
« Depuis fin avril, c’est la folie. Tous les départements qui possèdent des drones y ont massivement recours. C’est comme si les préfectures ne savaient plus faire du maintien de l’ordre sans utiliser ces outils. »
Une loi partiellement censurée par le Conseil constitutionnel
En janvier 2022, le Conseil constitutionnel a partiellement censuré la loi votée par l’Assemblée nationale. Comme le résume ici Amnesty international, il interdit l’utilisation d’aéronef par la police municipale, la soumet à autorisation systématique du préfet et réitère l’obligation pour ce dernier de s’assurer qu’aucun moyen moins « intrusif » ne peut remplir le même but que les drones.
Dans un avis du 23 avril 2023, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) préconise de mettre en place une « doctrine d’emploi » des aéronefs et du traitement des images qu’ils enregistreront. Me Souty précise :
« Les drones ne sont pas obligés d’enregistrer tout au long de leur utilisation. Les images peuvent a priori être conservées sept jours. Si une infraction est constatée, on ne sait pas exactement combien de temps elles seront conservées, car elles peuvent basculer dans d’autres fichiers de police. »
« On a l’impression que les préfectures autorisent les drones pour le tout-venant »
Mercredi 17 mai, plusieurs organisations parmi lesquelles la Quadrature du net, l’Association de défense des libertés constitutionnelles (ADELICO) et le Syndicat des avocats de France ont été entendues par le Conseil d’État. Elles contestent la validité du décret d’application du ministère de l’Intérieur.
Jean-Baptiste Soufron est l’un des avocats qui portent la démarche :
« Ce ne sont pas les drones que nous contestons, mais les conditions légales d’application dont semble se passer le ministère de l’Intérieur. On a l’impression que les préfectures autorisent les drones pour le tout venant. Ce n’est pas ce que prévoit la loi. De même, nous n’avons aucun moyen de savoir ce qu’ils font des images. »
Dans la requête publiée par la Quadrature du net, l’organisation conteste la légalité du décret et argue qu’il contrevient aux normes européennes en matière de protection des données personnelles « sensibles ».
Le Conseil d’État a été saisi en référé, et sa décision pourrait prendre « plusieurs mois », explique Me Soufron.
Depuis 2002, des déchets ultimes sont stockés sous la nappe phréatique alsacienne. Malgré sa promesse initiale, l’État français ne les a pas remontés à la surface pendant 20 ans alors que la mine se dégradait. Il a ainsi créé tout seul son argument principal pour l’enfouissement définitif : le site est détérioré, ce qui rend un déstockage dangereux.
Les déchets devaient ressortir de la mine. C’était l’engagement initial de l’État, pris dans l’arrêté préfectoral du 3 février 1997, autorisant Stocamine, une filiale de la société publique des Mines de potasse d’Alsace (MDPA), à stocker de manière réversible des déchets industriels ultimes à Wittelsheim, au nord de Mulhouse. Il s’agit du seul site en France qui a été autorisé à accueillir des déchets de « classe 0 », soit des éléments considérés comme « particulièrement dangereux ». L’État promettait alors, à la population locale, un système de stockage moderne et sécurisé.
44 000 tonnes de déchets et un incendie
Entre 1999 et 2002, 44 000 tonnes de déchets contaminés au mercure, au cyanure, à l’amiante ou encore au chrome, ont été placées dans des galeries minières creusées à 550 mètres de profondeur. Cette poubelle industrielle se situe sous la nappe phréatique d’Alsace, l’une des plus importantes réserves d’eau potable en Europe. Le 10 septembre 2002, un incendie a mis fin à l’activité de Stocamine. Ce feu maitrisé en deux mois a été initié par des déchets thermiquement instables, inflammables, notamment des produits phytosanitaires organiques, qui n’étaient pas censés être stockés dans ce centre selon l’arrêté préfectoral d’autorisation.
Depuis, des élus locaux et de nombreuses associations comme Alsace Nature ou la CLCV 68 demandent à l’État de remonter ces déchets à la surface afin d’éviter une pollution de la nappe phréatique. « À l’époque, on aurait pu tout ressortir bien plus facilement, la mine était encore en bon état, je ne m’explique pas cette longue inaction, c’est irrationnel », regrette Bruno Fuchs, député Modem du Haut-Rhin.
Exemple de fûts déformés par la convergence des terrains. Photo : MDPA / Enquête publique
Une longue période d’indécision a suivi l’incendie de 2002. Les MDPA et les gouvernements successifs ont commandité des dizaines d’expertises sur la faisabilité d’un déstockage ou sur les effets d’un confinement définitif des déchets. Malgré plusieurs études montrant la possibilité de les déstocker, une autre solution est désormais plébiscitée par le gouvernement : l’enfouissement irréversible des déchets grâce à la réalisation de barrages de béton pour éviter au maximum les contacts entre la nappe phréatique et les polluants.
Une grande inertie administrative
Face aux demandes des locaux de sortir ces éléments dangereux de la mine, l’État a temporisé pendant 20 ans. D’abord, entre 2004 et 2006, les MDPA ont prescrit de premières études qui ont conclu que le déstockage serait complexe à mettre en œuvre, comme l’indique un rapport d’information parlementaire sur Stocamine publié en 2018. Ce même rapport expose qu’en 2008, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Écologie, a créé une « mission d’expertise conjointe du Conseil général des mines, du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ainsi que de l’Inspection générale des finances. Le rapport n’a été remis que deux ans plus tard, en 2010, proposant de sortir les déchets les plus dangereux et de confiner les autres.
Dans la foulée, Jean-Louis Borloo a ordonné la constitution d’un comité de pilotage de Stocamine, composé de 13 membres, principalement des ingénieurs et des géologues. Dans son avis rendu en 2011, le comité a « préconisé le retrait partiel des déchets contenant du mercure (très dangereux pour la nappe phréatique car très solubles, NDLR) et le confinement au fond du reste », établissant à nouveau que « le retrait des colis de Stocamine est techniquement possible mais qu’il s’agirait d’un chantier complexe ».
Selon le rapport d’information parlementaire, « en décembre 2011, la ministre de l’Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet a adressé un courrier au ministre de l’Industrie François Baroin, chargé de la tutelle des MDPA, afin qu’il prenne une décision. Aucune réponse n’a cependant été apportée à la ministre de l’Écologie ».
Un déstockage partiel entre 2014 et 2017
Sous la présidence de François Hollande, les ministres de l’Écologie Delphine Batho et Ségolène Royal ont décidé d’un déstockage partiel de plus de 2 000 tonnes de déchets contaminés au mercure, considérés comme la plus grande menace pour l’eau potable. L’entreprise allemande SaarMontan a réalisé cette opération entre 2014 et 2017, plus de dix ans après l’incendie. À cette occasion, les mineurs ont dû déplacer près de 10 000 tonnes de déchets pour atteindre les colis contenant du mercure. Pour les partisans du déstockage, déplacer autant de big-bags sans les remonter à la surface était absurde.
Suite à cette opération de déstockage, à l’été 2017, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, a annoncé sa volonté de procéder au confinement définitif. Puis il a reculé en demandant une étude sur la faisabilité du déstockage intégral des colis, en dehors de ceux qui ont brûlé en 2002. C’est le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) qui s’est chargé de réaliser l’expertise et qui a conclu qu’extraire les déchets était possible mais difficile techniquement, encore une fois.
Malgré cette étude, en janvier 2019, un nouveau ministre de la Transition écologique, François de Rugy, a annoncé sa volonté de lancer l’enfouissement définitif. Puis il a également reculé en demandant, en février 2019, une nouvelle étude sur un déstockage partiel des déchets.
« J’ai repris le dossier à une étape trop avancée »
Cette expertise commandée par François de Rugy a été menée par le cabinet Antea-Tractebel, qui a comparé les coûts, les délais, les risques d’accidents et les impacts environnementaux de plusieurs scénarios allant du déstockage total au confinement de tous les colis. En 2020, Antea-Tractebel a conclu que le plus pertinent était l’enfouissement définitif sans ressortir d’autres big-bags, vu l’état du site.
Ces tergiversations ont duré deux décennies. Avec le temps pris pour réaliser ces nombreuses études, la mine s’est détériorée : les galeries se referment sur elles même bien plus vite que prévu sous l’effet de la pression des couches géologiques. Par endroits, les parois compressent les colis de déchets.
En janvier 2021, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a donc décidé une nouvelle fois d’enfouir définitivement les déchets. Contactée, elle estime avoir pris la « moins mauvaise décision » :
« J’ai repris le dossier à une étape malheureusement trop avancée. Le déstockage aurait dû être fait beaucoup plus tôt mais je ne pouvais pas changer le passé. Au départ, ces déchets n’auraient pas dû être stockés à 550 mètres de profondeur, dans un environnement instable, sous la nappe phréatique, c’était risqué. Cette situation est lamentable. Aujourd’hui, vu la dégradation avancée de la mine, même si on décide de réaliser un déstockage partiel, on ne peut retirer que 15 ou 20% des déchets, et on risque de ne pas parvenir à réaliser les barrages de béton pour protéger la nappe. »
L’entrée du site de Stocamine se trouve à Wittelsheim, près de Mulhouse. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Des liens entre Stocamine et Cigéo
Contactés pour évoquer les motivations de leurs différentes prises de position, les anciens ministres Delphine Batho, François de Rugy, Nicolas Hulot et Jean-Louis Borloo n’ont pas donné suite aux sollicitations de Rue89 Strasbourg. Ségolène Royal a conseillé de se diriger vers Alain Rollet, qui était directeur des MDPA : « C’est lui qui nous transmettait les éléments. »
L’intéressé a affirmé que « les déchets confinés à 550m de profondeur n’auront aucun impact sur la potabilité de la nappe d’Alsace ». Il est aujourd’hui membre du comité technique souterrains de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), chargé d’apporter une expertise pour la construction de Cigéo, un projet de confinement de déchets nucléaires ultimes à Bure.
« Ils n’ont jamais vraiment eu la volonté de tout ressortir », balaye Marcos Buser. Ce géologue suisse a participé au comité de pilotage de Stocamine. Il avait présidé, dans les années 90, le groupe d’expert en charge d’un déstockage de déchets réalisé avec succès en Suisse, à Sainte-Ursanne :
« Le comité d’experts de Stocamine était composé majoritairement de géologues et d’ingénieurs qui n’étaient pas compétents concernant la faisabilité d’un déstockage, ils n’étaient jamais intervenus sur une opération de ce type car c’est très rare. Pierre Berest, le président du comité, défendait le confinement dès le départ, il essayait de me convaincre. Il a ensuite travaillé sur le projet Cigéo de Bure. »
Un déstockage toujours possible pour certains experts
Effectivement, Pierre Berest et Emmanuel Ledoux, anciens experts du comité de pilotage de Stocamine, sont tous les deux devenus membres du groupe permanent d’experts pour les déchets de l’Autorité de sureté nucléaire, où ils ont travaillé sur le stockage souterrain définitif des déchets radioactifs.
On peut aussi interroger la fiabilité de l’avis rendu par le comité de pilotage de Stocamine vu que Emmanuel Ledoux et Gérard Vouille, qui en étaient membres, sont aussi les auteurs des études de sureté qui ont permis à Stocamine de commencer son activité 20 ans plus tôt… avec le résultat qu’on connait.
Pour Marcos Buser, ressortir les déchets est toujours possible en 2023. De concert, l’ingénieur de l’entreprise SaarMontan, qui était responsable de l’opération de déstockage entre 2014 et 2017, estime que les risques sont « tout à fait maîtrisables » aujourd’hui.
Une pollution inéluctable
En cas de confinement des déchets, la pollution de la nappe phréatique sera inéluctable. Les galeries contenant les big-bags se rempliront d’eau, puis cette saumure polluée remontera vers la nappe phréatique. D’après des études basées sur des modélisations mathématiques de l’Ineris et du cabinet Itasca, la pollution de la nappe phréatique sera négligeable et ne menacera pas, à terme, la potabilité de l’eau. Le processus devrait durer pendant des siècles.
Ces projections sont loin de rendre la solution du confinement acceptable et sans risque pour les partisans du déstockage, comme l’explique Daniel Reininger, chargé des problématiques liées à l’eau chez Alsace Nature :
« Et si ils se trompent, on fait comment ? À l’origine de Stocamine, l’État garantissait qu’on pourrait déstocker les déchets et que le site serait bien contrôlé. Finalement, il y a eu un incendie dans la mine à cause de déchets irréguliers et ils nous disent aujourd’hui qu’un déstockage n’est plus possible. Il est donc difficile de leur accorder de la confiance.
Leurs études sont des projections qui dépendent de nombreux facteurs. Il peut se passer des choses en souterrain qu’on n’est pas capables d’évaluer aujourd’hui, nous ne sommes pas au summum des connaissances. Et nous sommes dans une zone sismique. Le seul moyen d’être tranquilles serait de tout sortir de la mine. Donc nous devons déstocker au maximum. Confiner les déchets, c’est accepter de prendre un risque important pour les générations futures. »
L’État et les MDPA se sont aussi illustrés par des manœuvres douteuses pour précipiter le confinement des déchets. Après des recours d’Alsace Nature, en octobre 2021, la justice a annulé l’autorisation de l’enfouissement en établissant qu’il n’y avait pas de garanties financières pour la prise en charge de la surveillance illimitée du site. Quelques semaines plus tard, le gouvernement a tenté un « cavalier législatif », soit un amendement de la Loi de finances qui promettait des ressources jusqu’en 2030 à la Société des mines de potasses d’Alsace (MDPA) pour garantir finalement les capacités financières. L’acrobatie a été retoquée par le Conseil constitutionnel en décembre 2021.
Une expertise annulée
L’enquête publique pour confiner définitivement les déchets s’est terminée le 10 mai. La préfecture du Haut-Rhin a publié un arrêté autorisant les travaux en octobre. Contacté, le cabinet du nouveau ministre de la Transition écologique Christophe Béchu affirme que le confinement est aujourd’hui « la seule solution technique qui permette de garantir la qualité à très long terme de l’eau de la nappe d’Alsace ». Il ajoute avoir discuté avec France Nature Environnement et des élus locaux, qui se seraient « accordés sur la nécessité d’un confinement, qui devra être réalisé avant que la mine soit inaccessible en 2027 ». Alsace Nature nie être favorable à un enfouissement et assure continuer à demander l’extraction des déchets à l’État.
L’association dénonce aussi l’annulation par le ministère de la Transition écologique d’une étude sur la faisabilité du déstockage pendant l’été 2023, car les experts étaient favorables à la sortie des déchets. Mardi 19 septembre, Christophe Béchu a annoncé officiellement aux élus alsaciens l’imminence du début des travaux de confinement, désormais urgents selon lui pour préserver la nappe phréatique. « C’est paradoxal parce que l’argument principal de l’État, c’est de dire que le déstockage est devenu impossible. Mais il a tout fait pour procrastiner pendant 20 ans, et refuse encore aujourd’hui de voir si une extraction des déchets est possible », résume Daniel Reininger.
Alsace Nature a déposé un recours pour annuler l’arrêté préfectoral d’autorisation du confinement qui devrait passer en audience fin 2024. De son côté, Emmanuel Fernandes, député insoumis de Strasbourg, a demandé mardi 19 septembre l’ouverture d’une enquête parlementaire sur « l’attentisme des pouvoirs publics » qui laisse penser qu’ils ont « joué la montre en laissant les galeries se détériorer pour imposer » le confinement définitif.
Le ministre de la transition écologique Christophe Béchu a rencontré des élus alsaciens et des membres d’Alsace Nature pour rediscuter de l’avenir des déchets de Stocamine. S’il considère que le confinement définitif est indispensable, il a accepté de mener une nouvelle expertise sur la faisabilité d’un déstockage.
Christophe Béchu, le nouveau ministre de la Transition écologique, a réouvert la discussion sur l’avenir des déchets. Selon son cabinet, « le ministre veut pouvoir trouver une solution dans le . . .
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Stupéfiants, tabac de contrebande, contrefaçons, espèces protégées et bien culturels… Les douaniers du Bas-Rhin ont présenté mardi 16 mai 2023 le bilan de leurs saisies pour l’année 2022.
Mardi 16 mai au matin, la Direction régionale des douanes de Strasbourg a présenté le bilan des saisies de 2022 dans le Bas-Rhin. Au total, pour les stupéfiants, 68,7 kg de cannabis, 3,6 kg de cocaïne et 5,5 kg d’héroïne ont été saisis par les douaniers. « Des quantités somme toute assez modestes à l’échelle nationale », estime Sonia Delaunay, Directrice régionale des douanes de Strasbourg. Selon elle le trafic est « soutenu » et les saisies « quotidiennes ».
Une action centrée sur le tabac de contrebande
En 2022, plus de quatre tonnes de tabac de contrebande ont été saisies. « C’est l’action la plus forte de notre direction », souligne Sonia Delaunay. Les services de douanes ont notamment procédé au démantèlement d’un atelier de reconditionnement de tabac dans l’agglomération de Strasbourg en mars 2022.
Plus de trois tonnes de tabac ont alors été saisies et quatre personnes interpellées – le commanditaire, son frère et deux hommes de main. Des enquêtes sont toujours en cours sur d’autres ramifications du réseau de contrebande, selon Nha-Minh Nguyen-Thomas, cheffe de brigade à Saverne :
« Ce sont des ateliers qui se déplacent régulièrement. Ils peuvent être installés dans des hangars ou chez des particuliers, et les salariés sont souvent non déclarés ».
Vérifier la conformité des produits importés
En 2022, 13 657 articles ont été retirés du commerce pour « contrefaçon » ou « non-conformité ». Par exemple, 22 000 prises électriques d’une valeur de 50 500 euros ont fait l’objet d’un contrôle approfondi qui a révélé des risques de surtension et des problèmes de fixation.
Des défauts susceptibles de créer des départs de feu et donc des incendies. Ils ont été réexportés en Chine. En janvier 2023, ces mêmes produits ont été envoyés en France. Cette fois-ci, les tests les ont déclaré conformes.
La Direction régionale des douanes de Strasbourg expose un échantillon des saisies réalisées en 2022 dans le Bas-Rhin. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc
200 sangsues trouvées « par hasard »
Les douaniers font parfois des découvertes étonnantes. Par exemple 200 sangsues, conditionnées dans des bouteilles d’eau enrobées de film plastique à bulles, elles-mêmes dans un carton. Envoyées depuis Strasbourg pour rejoindre le nord de la France à des fins médicinales, ces sangsues, classées espèces protégées, ont été interceptées par la douane de Strasbourg un peu par « hasard ». Ou plutôt grâce au « flaire du douanier », comme l’exprime la Directrice régionale.
Sonia Delaunay, Directrice régionale des douanes de Strasbourg, a présenté le bilan des saisies lors de la conférence de presse du 16 mai. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc
Protéger le « patrimoine national »
La douane est aussi chargée de la protection des biens culturels, notamment le « patrimoine national ». En 2022, un homme qui procédait à des fouilles illégales à l’aide d’un détecteur de métaux a été interpellé par la brigade de Strasbourg-Entzheim.
Au total, 218 objets archéologiques de l’époque médiévale et 240 monnaies de l’époque gauloise et romaine, en plus d’armes et de munitions destinés à la revente, ont été découverts. Un petit trésor, explique l’inspecteur Passaseo, de la brigade de Strasbourg :
« Une pièce gauloise peut valoir entre 300 et 400 €. Une monnaie romaine peut monter jusqu’à 10 000 € ».
Les pièces seront analysées par des experts de la Drac (Direction régionale des Affaires culturelles) qui décideront ce qu’elles deviendront.
À la tête de la paroisse protestante inclusive Saint-Guillaume, le pasteur Daniel Boessenbacher est victime de menaces de mort après un spectacle sur la mort du Christ comprenant un numéro de pole dance.
« Dans les enveloppes, en lettres capitales rouges sur une feuille à carreaux, il est notamment question de “décapiter les paroissiens”. Juste avant, le corbeau évoque un « cabaret » en référence au spectacle proposé. »
Choqué tout comme les responsables de la paroisse, le pasteur Daniel Boessenbacher, revient sur le sens de son engagement avec ses paroissiens en faveur de l’inclusivité des personnes LGBT et du discours interreligieux en général.
Rue89 Strasbourg : Quelles conséquences ont eu ces menaces de mort sur la vie de votre paroisse ou sur vous-même ?
Daniel Boessenbacher : Il y a déjà eu des remous lorsque mon prédécesseur Christophe Kocher a accepté de projeter L’Exorciste dans l’église en 2014 (dans le cadre d’une séance exceptionnelle du Festival du film fantastique, NDLR). Ça a aussi fait couler beaucoup d’encre mais des menaces de mort, c’est la première fois. Les responsables de la paroisse se sont demandés s’il fallait engager un service de gardiennage pendant la Semaine sainte. Finalement on ne l’a pas fait.
Daniel Boessenbacher dans l’église Saint-Guillaume à Strasbourg Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc
Avez-vous été surpris par ces menaces de mort ?
Des paroissiens m’ont dit qu’il trouvait inapproprié un spectacle de pole dance dans une église, d’autres m’ont écrit des courriers. C’est sûr que ce n’est pas habituel dans une église mais pour les menaces de mort anonymes, je ne comprends pas trop ce qui a coincé. Est-ce que c’est toute la mise en scène liée à la mort du Christ ou seulement le numéro de pole dance ? Certains ont réagi sur le mélange entre un thème religieux et une performance artistique. Auraient-ils réagi de la même manière si le seul numéro de pole dance avait eu lieu dans l’église ? Début juin, nous recevons un opéra avec chants et danses, dont du pole dance. Je ne sais pas si ça fera moins réagir parce qu’il n’y pas de thème religieux cette fois-ci…
En juin 2022, nous avions accueilli la troupe « Les 12 travelos d’Hercules ». L’église était comble et j’avais aussi reçu des courriers pour me dire que “ça ne se faisait pas dans une église”. Mais les gens ne savent pas que pour les artistes aussi, c’était étonnant de jouer dans une église… Certains ont eu des expériences négatives avec la religion. Puis, quand ils ont vu comment ça s’est passé, ils se sont dit que c’était possible. Ça a changé leur regard sur l’église. Après, je trouve que certains ont des avis un peu restrictifs. Dans la théologie protestante, l’église en tant que telle n’est pas un lieu sacré.
Est-ce que ces menaces pourraient modifier la présence de l’antenne inclusive dans la paroisse, ou sa place dans l’église ?
Il n’est pas question d’arrêter l’antenne inclusive de Saint-Guillaume, qui est assez unique. Nous avons servi de modèle pour une paroisse genevoise et une paroisse parisienne s’inspire de notre expérience. L’antenne organise surtout une réunion mensuelle, ou une conférence.
Et ce qui est important également, c’est de travailler le dialogue interreligieux. On essaye d’avoir au moins une fois par an quelqu’un issu du judaïsme et de l’islam. Nous invitons également des personnes représentant des courants ouverts parmi ces religions, comme la communauté juive libérale de Strasbourg ou du mutazilisme, une communauté où femmes et hommes peuvent prier dans la même salle et où des femmes peuvent être imams.
Depuis la création de l’antenne inclusive il y a dix ans, est-ce que vous observez une évolution des mentalités parmi vos fidèles ?
Prenons l’exemple du Mariage pour tous. Chez les protestants, le mariage n’est pas un sacrement. À partir du moment où de nouvelles personnes se sont mariées à la mairie, des couples de même sexe, la question s’est posée de la bénédiction. À l’UEPAL (Union des églises protestantes d’Alsace-Lorraine), il n’y a pas eu de consensus en 2014. D’autres églises en France ont béni des couples homosexuels. En 2019, l’UEPAL a repris la question et les bénédictions ont été acceptées. Ça montre qu’il y a une évolution.
Dans les paroisses, j’ai eu l’occasion de parler à des fidèles opposés au mariage pour les homosexuels, mais lorsqu’ils ont découvert que leur cousin était homosexuel, ils ne voyaient plus la chose de la même manière. Après, il est probable que certains fidèles soient partis de la paroisse en raison de son engagement.
Partie en Turquie comme observatrice du scrutin présidentiel, la députée de Strasbourg Sandra Regol (EE-LV) a été renvoyée en France dès son arrivée sur le sol turc. Sur les réseaux sociaux, la nouvelle déchaîne les milieux nationalistes, turcs ou français.
L’œil fixé sur le tableau des départs de la gare de Strasbourg, Sandra Regol semble à bout de souffle. Quelques minutes de sursis avant le départ vers Gare de l’Est. « Je dois absolument être à Paris pour l’examen d’une proposition de loi sur la prévention des incendies… » Pressée par le tempo de l’Assemblée nationale, la députée EE-LV de la première circonscription du Bas-Rhin n’a pas eu le luxe de ressasser son week-end tendu en Turquie.
Partie vendredi dans la matinée pour assister à l’élection présidentielle comme observatrice du scrutin, l’élue a été retenue à son arrivée à l’aéroport d’Istanbul. Rapidement, on lui signifie son interdiction d’entrer sur le territoire et son obligation de repartir avec le premier avion, le lendemain.
La députée avait été conviée à observer des bureaux de vote dans l’est de la Turquie. Photo : Roni Gocer / Rue89 Strasbourg / cc
« Les policiers eux-mêmes étaient embêtés »
Dans son récit, tout s’enchaîne très vite. « Dès qu’on m’a installé au bureau de la police des frontières, on a demandé à prendre mes empreintes digitales », commence Sandra Regol. Elle poursuit son récit kafkaïen :
« J’ai refusé mais on m’a quand même prise en photo. Quand j’ai demandé sur quoi reposait cette interdiction, puisque je n’ai jamais eu de souci avec les autorités turques, personne n’a été en mesure de me répondre. Les policiers eux-mêmes avaient l’air embêtés. »
Après une courte nuit sur un canapé, dans une pièce vide de la police des frontières, l’élue repartira avec le premier avion en partance vers la France. Quatorze heures à peine sur le sol turc et une mission avortée :
« Le parti d’opposition (Yesil Sol Partisi, gauche écologiste et favorable aux droits des Kurdes NDLR) qui m’avait contacté espère que la présence de députés français pouvait limiter les irrégularités durant le scrutin. »
Lors de l’élection présidentielle de 2018, deux parlementaires allemand et suédois avaient été refoulés de la même manière. Une délégation du Parti communiste français, emmenée par Hülliya Turan, alors conseillère municipale de Strasbourg, s’était rendue dans deux bureaux de votes de l’est du pays, avant d’être arrêtée par la police turque et renvoyée en France. L’adjointe communiste remémore l’épisode :
« Je connais bien le pays, donc je n’avais pas d’illusions. Je savais que ce serait compliqué, mais je ne m’attendais pas du tout à une arrestation. Même ce week-end, j’ai été très surprise d’apprendre qu’une élue de l’Assemblée nationale ne peux pas mener ses observations normalement en Turquie. Ça dit quelque chose de l’opacité qui entoure cette élection… »
L’adjointe Hülliya Turan, présidente du groupe communiste au conseil municipal. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89Strasbourg / cc
Pot-pourri de commentaires orduriers
Sur les réseaux sociaux, la nouvelle semble ravir les soutiens français de Recep Tayyip Erdoğan, le président islamo-conservateur de Turquie, candidat à sa réélection. À peine Sandra Regol avait-elle fini de tweeter sur l’affaire, qu’un tombereau de commentaires insultants s’est déversé contre la députée. Çà et là, quelques emojis « tête de loup » rappellent sans subtilité l’emblème des Loups gris, une organisation paramilitaire turque d’ultradroite, proche du parti turc d’extrême droite MHP, lui-même membre de la coalition au pouvoir.
Ce weekend je devais me rendre en Turquie à l'occasion des élections. Arrivée vendredi en fin d'après-midi à Istanbul, j'ai été notifiée d'une interdiction d'accès au territoire. Gardée la nuit sur place, j'ai été renvoyée par le premier avion ce matin soit 14h plus tard #threadpic.twitter.com/QigGfvsVLi
L’élue rapporte avoir reçu également son lot de menaces par messages privés. Comme Hülliya Turan, cinq ans plus tôt :
« À la période où j’avais été arrêtée, j’avais aussi eu droit à une série de menaces. Ça ne me surprend pas que ça se reproduise. L’AKP a des réseaux actifs solides en Europe. Comme la situation est tendue pour le régime, ses soutiens aussi se tendent. »
Le directeur par intérim de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU), Didier Mutter, est visé par une plainte pour diffamation auprès de l’ordre des médecins. En cause : ses propos pour justifier l’exercice illégal de la médecine du docteur Mariano Gimenez.
Par courriel daté du 14 novembre, le chef de pôle d’imagerie interventionnelle du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Strasbourg, Afshin Gangi, a déposé une plainte pour diffamation auprès du conseil du Bas-Rhin de l’ordre des médecins. Le signalement, soutenu par . . .
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