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« Faites du bruit pour Sarah ! C’est la première fois qu’elle a le courage de prendre un putain de micro ! » Jeudi 25 mai, sur la terrasse de l’Orée 85 à la Meinau, une ovation achève de pousser l’artiste sur le devant de la scène. Hochements de tête sur le beat. Une mesure, deux mesures et c’est parti. D’abord discrète, la voix de Sarah Afifi gagne en puissance à chaque vers rapé en direction d’un public conquis. Marque les accents, la mesure. Met en mouvement les mains, puis le corps tout entier. Libère l’interprétation.
Ce jeudi soir, ils et elles sont une cinquantaine à s’être déplacées pour soutenir l’open mic organisé par le collectif Incisifves. Si l’évènement est ouvert à toutes et à tous, la scène, elle, est réservée aux femmes et aux personnes intersexes, non-binaires, transgenres ou agenres, encore largement sous-représentés dans le monde de la musique et du spectacle vivant. Selon les chiffres du Centre national de la musique, seules 14% des artistes programmées dans les 90 principaux festivals de musiques actuelles étaient des femmes en 2019, 80% des scènes de musiques actuelles étaient dirigées par des hommes au 1er janvier 2021, et seuls 29% des titres les plus diffusés en radio et en télévision ont mis en avant une voix à tonalité féminine en 2021.
Le collectif Incisifves est né du constat de ces inégalités. « C’était il y a presque un an », retrace Emma Mellado, 30 ans, l’une des chevilles ouvrières du projet :
« Un soir, après le travail, autour d’une pizza, nous avons commencé à parler de tous les freins qui touchent les personnes “sexisées” (voir glossaire en fin d’article) dans ce secteur : le manque de représentation, la fatigue d’évoluer dans un monde dont les réseaux sont essentiellement masculins, la difficulté à s’y imposer en tant que femme ou personne trans, agenre, non binaire. D’y porter des projets qui nous sont chers en devant sans cesse se justifier de ce qu’ils pourraient être trop militants. Nous avons discuté de tout ça pendant plus de deux heures. À la fin, la pizza était froide et tout le monde était énervé. Alors, on s’est dit que la prochaine fois, on se verrait pour parler de toutes les choses incroyables que font les personnes que nous connaissons. Nous avions envie de créer un espace d’entraide et de liens. Quelque chose de cool qui réponde à nos besoins. »
Après quelques échanges de mails, une réunion est organisée à la Maison Bleue en octobre 2022. Elle réunit une cinquantaine d’acteurs et d’actrices du spectacle vivant. Emma Mellado se souvient :
« Nous avons mis une grosse boite au milieu de la table et demandé aux personnes présentes d’y déposer un papier avec leurs besoins, leurs envies, leurs compétences et ce qu’elles se sentaient en mesure de faire dans le collectif. »
Côté besoins, les réponses font écho à ce que cette ancienne chargée de production et d’accompagnement d’artistes avait pu constater dans sa pratique professionnelle : du lien, des rencontres, des encouragements, des ateliers pour développer sa pratique et des espaces, en « mixité choisie ». Autant d’outils que le collectif s’est attelé à créer.
Depuis janvier, Incisifves organise en effet des ateliers d’apprentissage – animés par des personnes du collectif pour aider les autres à « monter en compétence » – des discussions à thème comme « que signifie faire carrière dans le monde artistique ? » ou « Comment lutter contre le syndrome de l’imposteur ? », des cafés informels et depuis mai, des événements publics. Premier d’entre eux : une jam session, organisée à l’Orée 85 en avril, plutôt destinée aux instrumentistes.
L’open mic de ce jeudi soir est le second. Orienté vers les chanteurs et chanteuses, auteurs et autrices, rappeurs et rappeuses. « La prochaine étape, cela va être de proposer des espaces de pratique en mixité choisie, sans public », annonce Emma Mellado.
Objectif de cette riche programmation : mettre en route un cercle de soutien et d’entraide des artistes victimes de sexisme. « L’idée, c’est simplement d’encourager les femmes et minorités de genre dans leur pratique artistique, poursuit la jeune femme. Quelle qu’elle soit. » Près d’un an après son lancement, le collectif fédère selon Emma Mellado :
« J’ai été surprise de voir l’engouement autour du projet. Cela veut dire qu’il y avait un réel besoin. Notamment, celui de se rendre compte que tout ce que l’on vit relève d’un problème systémique, et non de problèmes individuels. »
Deux textes plus tard, Sarah Afifi se glisse à nouveau dans le public sous un tonnerre d’applaudissements. « Ce n’est pas la première fois que tu interprétais un texte, c’est pas possible, la taquine Simon en passant. Franchement, c’était vraiment super. Très fluide et bien écrit ». « Merci beaucoup », répond simplement la jeune femme qui ne peut pas faire deux pas sans de nouvelles félicitations. « J’écris depuis plus de 20 ans, mais c’est la première fois que je présentais mes textes à un public », détaille cette Alsacienne de 39 ans. Impensable, pour elle, de se jeter à l’eau dans un open mic classique. « Ici, on est beaucoup à se connaître. C’est une communauté pleine de bienveillance. On est là pour s’encourager. »
Sur scène, un nouveau set guitare voix se prépare. Louise Garance jette un coup d’œil aux branchements et vérifie les niveaux de son. Chanteuse et musicienne depuis plus de dix ans, l’artiste a acquis de nombreuses compétences au fil du temps :
« J’ai beaucoup évolué dans des groupes, dans des projets musicaux essentiellement masculins où j’étais souvent la seule femme. Assez naturellement, je me suis retrouvée à gérer beaucoup de choses : la direction artistique, la communication, le booking, la coordination… C’était une forme de charge mentale. Mais je crois que je le voyais comme ma valeur ajoutée. Comme si être simplement chanteuse n’était pas suffisant. Comme si j’avais besoin de m’investir davantage pour me sentir à ma place. »
Au fil du temps, « j’étais en permanence sous pression. Si je ne m’occupais pas de tout ça, j’avais la sensation que les choses n’avançaient pas. Ces aspects logistiques finissaient par prendre toute la place et je ne me définissais même plus comme chanteuse ou musicienne, » poursuit-elle.
Être sur tous les fronts s’est toutefois révélé formateur. « Avant de rejoindre Incisifves, je ne m’étais pas rendue compte de toutes les compétences que j’avais acquises. Ici, on me remercie pour le travail que je fais, quel qu’il soit. » Intégrer le collectif lui a également permis de constater les similitudes entre son vécu et celui d’autres artistes.
C’est désormais au tour de Clair et de Julia Lamidieu d’occuper la scène. Lui à la guitare classique, elle, au micro pour un texte drolatique et poétique intitulé « Le Cul bordé de nouilles ». Chanteur, artiste, producteur et compositeur, Clair a rejoint le collectif après une pause dans le milieu de la musique :
« J’y ai tout de suite ressenti un espace d’entraide qui m’a permis de dire ce que je n’osais pas exprimer jusque-là. Cela m’a aussi permis de reprendre plaisir à faire des jams, à jouer avec des gens. Dans les jams classiques, c’est un peu la lutte entre les participants pour prendre toute la place, musicalement. On peut facilement y être confronté au syndrome de l’imposteur, ne pas se sentir légitime. »
Au sein d’Incisifves, l’artiste explique avoir trouvé « une famille ». Homme transgenre, Clair a transitionné (voir le glossaire ci-dessous) l’année dernière :
« Avant, il y avait beaucoup de moments où je ne trouvais pas ma place. Quand tu es une femme dans le milieu de la musique, l’on remet constamment en cause ton talent et tes compétences. Typiquement, c’est le technicien qui vient te voir pour te demander : “ta guitare, tu sais la brancher ?” Tu te retrouves à t’excuser tout le temps. »
Avant son coming out trans, Clair s’est aussi questionné sur son apparence :
« Je me suis posé la question de savoir si je devais me mettre à porter des crop tops pour mettre ma musique en avant. Ce n’est pas normal. Un mec ne va jamais se poser ce genre de questions. »
Autrice, compositrice et interprète, Maugane Ginger dresse le même constat. « Il y a beaucoup de paternalisme dans le monde de la musique. Beaucoup de petites blagues sexistes faites aux femmes, toujours sur le ton de l’humour. » Elle aussi, reconnaît avoir évolué dans un monde essentiellement masculin ces vingt dernières années. Qu’il s’agisse de ses projets musicaux ou des réseaux de travail construits à partir de ses études, masculins, eux-aussi.
Construire des espaces d’entraide, d’échange et de pratique en « mixité choisie » comme Incisifves n’a pas toujours été bien compris par l’entourage de ses membres.
« Certains d’entre nous ne peuvent pas dire qu’ils sont membres du collectif parce que cela pourrait mettre un frein à leur carrière », détaille Emma Mellado qui se souvient également de messages acides sur les réseaux sociaux à l’annonce de leur jam, en avril, selon lesquels « le niveau allait être moins bon parce qu’il n’y aurait que des femmes » ou que ce type d’événement « menaçait l’universalisme et les valeurs républicaines. » Et ce, même si l’événement est ouvert à tous et toutes, contrairement à la scène.
« On a lu des réactions d’hommes qui demandaient pourquoi ils viendraient s’ils ne pouvaient pas jouer, poursuit la jeune femme. Peut-être, pour écouter de la musique, comme c’est le cas avec les autres Jams ou nous allons tous et toutes régulièrement, sans forcément participer. » Hors de l’entre-soi masculin, ces espaces en mixité choisie sont nécessaires pour les membres d’Incisifves. Mais Maugane de relever : « C’est fatiguant de devoir répéter encore et encore aux hommes que ce qu’on fait là n’est pas contre eux, mais pour nous. »
Cette fois, c’est officiel : « Par décret du président de la République en date du 24 mai 2023, est agréée la démission présentée par Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg. » La phrase a été publiée dans le Journal officiel de la République française car, pour que la démission de l’archevêque de Strasbourg présentée le 20 avril soit effective, il fallait que le pape, et le président de la République, l’acceptent en même temps, selon des règles héritées du Concordat toujours en vigueur en Alsace – Moselle (voir ici le récit de cette démission mouvementée, faisant suite à une visite apostolique en juin 2022).
Le siège épiscopal est pour l’instant vacant. Selon Le Figaro, Mgr Philippe Ballot, archevêque de Metz, est nommé administrateur apostolique pour gérer les affaires courantes. C’est le pape qui doit désormais choisir un successeur, et le proposer à la présidence de la République sub secreto, pour validation.
« Mon fils n’arrête pas de me demander à quoi ça sert, ces ordinateurs à l’école ». Audrey Vinel est co-fondatrice du collectif CoLiNE, qui a appelé avec le collectif Nous, Personne, à manifester devant le siège de la Région Grand Est vendredi 26 mai – jour de tenue de la commission plénière. En cause, les ordinateurs dont sont équipés tous les lycéens depuis 2019, gratuitement.
« Ça aurait pu être un outil complémentaire intéressant », poursuit la mère de famille. Désormais, seul l’ordinateur fait office de manuel, d’agenda et de carnet de correspondance. « Pendant les cours, certains élèves jouent en ligne ou regardent des séries, l’écran nuit à l’apprentissage », poursuit Audrey Vinel, qui milite pour une évaluation du dispositif par les personnes concernées – professeurs, chefs d’établissements et lycéens.
En juin 2022, le Conseil supérieur des programmes (CSP) a émis un avis sur la contribution du numérique à la transmission des savoirs et à l’amélioration des pratiques pédagogiques. Il note que « des études confirment que la courbe de l’augmentation du temps d’utilisation suit celle de la baisse des résultats scolaires ». Il alerte également sur l’exposition prolongée aux écrans qui « contrarient » les rythmes biologiques des enfants, peut être une source de solitude, ou avoir des impacts sur la vue, l’attention ou le sommeil des jeunes.
« Quand un projet est un échec, il faut avoir le courage de se raviser et de faire marche arrière », tranche Audrey Vinel. « Le lycée 4.0 est une forme de maltraitance pour nos jeunes, il serait temps de sortir de l’idéologie de la modernité et de les écouter », conclut elle.
Sur les dalles blanches du parvis de la Région Grand Est, les prises de paroles s’enchaînent dès midi, tirées d’une lettre envoyée aux 169 élus régionaux par les militants. Au micro, Jean-Luc Quilling, professeur au lycée Marie Curie :
« Quel est le projet de société dont nous voulons pour nos enfants ? Nos élus prônent un conformisme plutôt que le confort pour les élèves. Nous voulons une évaluation par des experts indépendants du dispositif lycée 4.0. Car nos enfants ne sont pas des cobayes. »
Des témoignages anonymes de lycéens et lycéennes, enregistrés par les collectifs, sont diffusés sur l’enceinte des manifestants. « On n’apprend rien, on ne discute plus » ; « La moitié du temps, je joue à des jeux en ligne pendant les cours », entend-t-on à plein volume.
Sur place Ferdinand, 18 ans, confirme les dires des élèves interrogés. Il est en terminale au lycée Marie Curie. Pendant les confinements, il a bien vu l’utilité des ordinateurs pour continuer à suivre les cours. Mais il regrette que leur usage perdure :
« Quand on est au fond de la classe, c’est frappant : on voit sur tous les écrans que seules deux ou trois personnes, sur trente, sont effectivement en train de faire les exercices demandés par le professeur. La plupart jouent, regardent des séries, consultent leurs mails… Ça me déconcentre, tous ces écrans. En plus, personne ne nous a jamais appris à bien utiliser nos ordinateurs. On a juste eu une formation technique pour nous apprendre le copier / coller, mais c’est tout. »
Les performances s’enchaînent devant les manifestants. Une jeune fille habillée de blanc se tient debout, entourée de plusieurs adultes qui tournent avec des fils tout autour d’elle. Un spectacle intitulé « Jeunesse Accablée ».
Un peu en retrait, Michel observe. Il est professeurs de lettres modernes au lycée Marie Curie. Dans sa classe, aucun ordinateur n’est autorisé :
« Je ne suis pas contre le numérique, mais contre cette obligation : on nous impose les ordinateurs et le numérique. J’aurais aimé, pour la rentrée 2023, faire acheter des manuels papier à mes élèves. Mais je n’ai pas le droit, donc pas le choix, mon chef d’établissement a dit non. Pourtant, ce sont les élèves qui me le demandent. »
Pour le professeur, le lycée 4.0 est une occasion manquée d’intégrer un outil intéressant pour créer une pédagogie plus complète :
« C’est plus facile pour communiquer avec eux lorsqu’on leur donne des devoirs, s’ils ont des questions. Je peux leur donner les fichiers des cours lorsqu’on les a finis pour qu’ils puissent avoir une version complète, quelle que soit leur capacité à prendre des notes. L’ordinateur peut aussi avoir du bon, mais il doit être un outil complémentaire. »
Cependant, le professeur est formel : les élèves sont toujours demandeurs de cours et font toujours confiance à leurs enseignants. Selon lui les contenus en ligne ne viennent pas concurrencer les apprentissages dispensés au lycée. « C’est rassurant, quand même, de savoir qu’on sert encore à quelque chose », glisse Michel en souriant.
Un groupe de lycéennes arrive sur la scène improvisée et annonce un spectacle de danse, intitulé « relier les gens ». La musique embaume le parvis de la Région. Vers 13 heures, Caroline Reys, conseillère régionale (EE-LV) sort à la rencontre des manifestants :
« Depuis le début de l’expérimentation, en 2018, nous demandons une évaluation du dispositif lycée 4.0. Lorsque je demande cette évaluation, on me répond qu’il s’agit de questions pédagogiques qui relèvent du rectorat. Aujourd’hui, nous voulons connaître le coût environnemental et l’impact sanitaire, notamment sur la santé mentale des jeunes. C’est une étude que nous pourrions mener dans le cadre du Plan santé environnement 4, par exemple. »
Enseignante à la retraite, Caroline Reys considère que les écrans dans les classes constituent une « intrusion » dans la pédagogie et créent une dépendance des professeurs à la technologie. « Cette dépendance numérique fait partie des problématiques de santé mentale », abonde-t-elle.
Caroline Reys insiste, le lycée 4.0 renforce les inégalités :
« Il y a les élèves dont la famille a les capacités de leur proposer autre chose que les écrans. Des sorties en nature, des activités culturelles, par exemple. Et il y a celles où les élèves sont devant un écran toute la journée, mais aussi toute la soirée et les week-ends. Ça participe au clivage social. »
Ferdinand aussi constate que le numérique peut créer des inégalités. Par exemple, lorsque l’écran de son ordinateur s’est cassé, le réparateur de son lycée lui a conseillé d’aller voir ailleurs. Facture totale pour réparer son outil d’apprentissage : 140 euros. « Normalement il y a des prêts le temps que les ordinateurs soient réparé, mais on ne sait pas trop comment ça fonctionne », poursuit Philippe, un parent d’élève.
À ses côtés, Fabienne acquiesce. Elle avoue acheter des livres papier à ses enfants lycéens pour qu’ils puissent réviser autre part que face à un écran. « C’est à mes frais. Même s’il existe des bourses aux livres, ça reste cher », poursuit-elle, admettant que « c’est un petit budget ».
Elle s’inquiète de ne pas savoir ce que font ses adolescents dans leur chambre, lorsqu’ils prétendent travailler :
« Avec le tout numérique, ils utilisent l’ordinateur pour tout. Donc en tant que parent c’est très compliqué de savoir s’ils font leurs devoirs ou s’ils regardent une série. On sous-estime tellement le temps qu’ils passent en ligne, ça fait presque peur. C’est aussi source de conflit dans la famille et ça nuit aux temps qu’on pourrait passer ensemble. »
Ce sont désormais les professeurs qui occupent la scène en béton aux pieds de la Région. À l’aide de citations réelles tirées de situations vécues, ils composent une improvisation intitulée « Conseil de classe à distance ».
Lors des différents tours de paroles, le sujet de l’environnement revient souvent parmi les préoccupations des parents et des professeurs. Pour Audrey Vinel, cette double injonction est insoutenable :
« On dit aux jeunes qu’il faut être responsable vis-à-vis de l’écologie tout en les forçant à utiliser des ordinateurs. C’est une injonction contradictoire, d’autant plus qu’ils ne sont pas formés aux bonnes pratiques. Ça revient à vouloir apprendre à quelqu’un à nager en le poussant dans l’eau. »
Marie abonde. Les ordinateurs de ses enfants n’ont duré que les trois ans du lycée :
« Ça fait comme s’il était normal de jeter un ordinateur après trois ans, comme si ce n’était pas grave. Mais il faut entamer une vraie réflexion sur la provenance des matériaux qui composent les machines, ce sont des terres rares. À aucun moment, il n’est dit que toutes ces connexions participent au réchauffement du climat »
Dès 13 heures 30, des sandwichs sont distribués. Les manifestants continuent les performances, jusqu’à lire la lettre qu’un enseignant adresse à Jean Rottner, ancien président de la Région ayant généralisé le dispositif dans le Grand Est.
Après un dernier échange avec des élues EE-LV de l’opposition, les militants se dispersent vers 14h. « On comprend bien que les élus mobilisés sont impuissants, c’est pour ça que nos collectifs doivent continuer de faire leur travail d’alerte », affirme Jean-Luc Quilling, toujours déterminé.
« Le moment est venu de concevoir une gare qui rayonne à 360 degrés. » Dans une salle au sous-sol de l’école d’architecture, vendredi 26 mai, la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian (EE-LV) a introduit la présentation de la future gare de Strasbourg. Une transformation jugée nécessaire par le vice-président de l’Eurométropole en charge des mobilités Alain Jund (EE-LV), du fait de la hausse de la fréquentation de l’établissement, en lien avec le Réseau express métropolitain européen (Reme) : ce sont d’ores et déjà près de 60 000 personnes qui passent chaque jour de la semaine par la gare. Selon Alain Jund, entre 6 et 8 000 usagers quotidiens supplémentaires fréquenteront la gare SNCF dans les prochaines années.
La maire écologiste a entamé son annonce par un aménagement à l’arrière de la gare SNCF. Dans ce secteur, au niveau de la rue du Rempart, un parking en silo de 800 places de voitures doit être construit. Il sera accessible depuis l’ex-autoroute devenue M35 et donnera accès à la gare par une passerelle en hauteur. « Nous visons l’accès par l’arrière de la gare, a complété l’élue EE-LV, c’est la teneur des discussions que nous avons en ce moment avec SNCF immobilier, réseau et gares et connexions. »
La place de la gare connaîtra aussi une transformation importante. Le parking souterrain sera réservé aux vélos. Cette initiative fait partie d’un projet plus global visant à mettre fin à la circulation automobile sur le devant de la gare de Strasbourg. Jeanne Barseghian justifie cette décision par les modes de transport utilisés par les usagers de la gare :
« 90% des usagers de la gare viennent par des modes alternatifs à la voiture. 52% des usagers de la gare viennent en tram ou en bus. 9% des usagers viennent à vélo. 10% des usagers prennent leur voiture, dont 6% de gens qui sont passagers et n’ont donc pas besoin de parking. Au final, seul 4% des usagers ont besoin d’un stationnement voiture pour prendre le train. Or on est dans une congestion quotidienne de la gare, avec une file circulaire de voitures constante. Il faut de l’ambition pour les 96% des gens qui n’ont pas des réponses satisfaisantes alors qu’elles ont des modes de transport décarbonés. Les arceaux à vélo sont plus que pleins, les trottoirs sont étroits sur les boulevards, ce qui n’est pas pratique pour les valises. »
Le boulevard du Président-Wilson sera réaménagé pour permettre une circulation plus confortable et sécurisée aux cyclistes et aux piétons. D’un côté du tram, une piste cyclable à double sens et un trottoir plus large seront construits. De l’autre côté, la circulation sera réservée aux bus de la ligne G. Plus en amont, la circulation par le tunnel de la rue Wodli sera mise à sens unique pour réserver l’actuel petit tunnel aux vélos et aux piétons.
La circulation automobile vers la gare par le boulevard de Metz cessera aussi avec cette transformation annoncée par la municipalité écologiste. La fin du boulevard de Metz devra permettre le retournement du tramway. L’arrêt de tramway de la ligne E est prévu au niveau de l’ancienne antenne du Crédit Agricole, place de la Gare.
Au cours de la réunion publique, le vice-président de l’Eurométropole en charge des mobilités Alain Jund a rappelé des annonces précédentes autour du projet de tram vers le nord de l’agglomération, plus particulièrement Schiltigheim. La place de Haguenau sera transformée en un parc de 16 hectares. De même, la gare routière de la place des Halles, derrière le centre commercial, sera supprimée pour être transformée en jardin.
Le calendrier annoncé reste flou sur les échéances de ces différents aménagements. La fin des études du projet global est annoncée pour l’année 2024. L’enquête publique devrait se dérouler entre mai et septembre 2024 pour obtenir une déclaration d’utilité publique en octobre 2024. La fin des travaux est annoncée pour la fin de l’année 2027 ou au début de l’année 2028. Président de l’association des usagers des transports en commun Astus, François Giordani a du mal à croire à la concrétisation de cette gare à 360 degrés, un serpent de mer de la politique municipale strasbourgeoise : « Cela fait trente ans qu’on en parle de cette gare. J’espère bien ne pas être mort avant que ça se fasse. »
Ils sont sept – cinq enseignants, deux parents d’élèves – assis dos à une énorme banderole blanche, où l’on peut lire écrit en grosses lettres noires et rouges : « Stop aux absences non remplacées des enseignant.e.s ». Les membres du Collectif éducation 67 ont organisé une conférence de presse, ce vendredi 26 mai, pour informer sur la situation qu’il juge alarmiste des non-remplacements d’enseignants dans l’Éducation nationale.
Original dans sa structure, ce collectif rassemble à la fois des représentants des syndicats d’enseignants, mais aussi une petite dizaine d’associations de parents d’élèves. « Nous travaillons ensemble sur cette question qui nous concerne tous : l’éducation de nos enfants », martèle Pierre Friedelmeyer de la FSU-SNUipp67.
Les parents qui lisent ces lignes le savent : un enseignant non remplacé impacte toute la famille. De l’enfant qui va se retrouver balloté d’une classe à l’autre, au parent à qui l’école demande gentiment de garder – « si possible » – son enfant à la maison, pour ne pas surcharger les classes des autres enseignants.
Les enseignants connaissent bien, eux aussi, les répercussions de ces absences, affirme Yannick Lefébure, directeur d’école et secrétaire départemental du syndicat SNUDI-FO67 :
« Pour l’instant, le système tient, comme à l’hôpital. Parce que les enseignants savent que leur métier est important, ils vont jusqu’au bout. Et lorsqu’ils finissent par craquer et qu’ils s’arrêtent, ils portent une culpabilité, ils se disent : ”Je m’arrête, je laisse ma classe sans rien.” Nous avons notre conscience professionnelle. »
Pourtant, le Collectif éducation 67 insiste : il n’y a pas un nombre d’absents si élevé, chez les enseignants du premier degré dans l’Académie de Strasbourg. D’après les données 2020 – 2021, moins d’un enseignant sur deux a été en arrêt maladie ordinaire depuis 4 ans. Et pour une majorité d’entre eux (41,3% en 2020) il s’agit d’un congé maladie ordinaire (seulement 1,3% de congé long).
Enseignants comme parents d’élèves ont donc du mal à comprendre comment ces absences peuvent ne pas être remplacées. Surtout lorsqu’elles sont prévisibles, comme les congés maternité, paternité ou d’adoption.
D’emblée, Emmanuelle Artiguebieille de l’APEPA (Association des parents d’élèves de l’enseignement public en Alsace) prévient le collectif ne cible pas les enseignants eux mêmes :
« Nous ne mettons pas la pression sur les enseignants absents. Nous ne sommes pas dans une vindicte contre eux ! Le problème est systémique. Nous avons simplement des témoignages de parents, très souvent des femmes, pour qui ces absences non remplacées ont des conséquences importantes. Il faut que ça cesse. »
Les témoignages dont parle la représentante de l’association ont été reçus dans le cadre l’opération « QR Code », lancée en décembre 2021 par le Collectif éducation 67. Le but était de permettre aux parents d’envoyer un mail d’alerte au recteur, au DASEN (Directeur académique des services de l’éducation nationale) mais aussi aux élus, dès qu’un enseignant n’est pas remplacé.
Depuis le 27 février 2023, 99 alertes ont été envoyées, accompagnées de plusieurs témoignages édifiants, lus par le syndicaliste Pierre Friedelmeyer (FNU-SNUipp67) lors de la conférence :
« Témoignage 1 : L’absence de l’enseignante de mon fils, en CM2, va durer six semaines. Elle était prévue et anticipée. Mais rien n’a été organisé. Comment est-ce possible ?
Témoignage 2 : Ma fille est en section bilingue et ses deux enseignants sont absents. On nous dit qu’il va y avoir des remplaçants, mais le jour J : personne. On les case dans des classes où on leur demande de ne pas déranger. On les met au fond, avec un livre. Ma fille n’est pas allée en cours depuis un mois.
Témoignage 3 : J’ai dû démissionner à cause des absences non remplacées des enseignants de mes enfants. Nous ne savons jamais si le remplaçant du remplaçant sera là. »
Son collègue, Yannick Lefébure de FO reprend la parole et enchaîne d’un, ton vindicatif :
« L’institution ment aux familles, ment aux enfants ! Non, il n’y a pas de continuité de service public dans ces cas-là. Et faire peser cette culpabilité sur les familles, à qui on demande de garder les enfants à la maison, sous prétexte de perturber les autres classes, ça n’est pas possible. Oui, c’est sûr que pour les collègues qui se retrouvent avec des enfants en plus, c’est compliqué, mais alors quelle est la solution ? Il faut des moyens supplémentaires, c’est tout. »
À présent, le Collectif éducation 67 se donne pour objectif d’alerter sur les chiffres dérisoires des remplacements dans l’Académie de Strasbourg.
Aujourd’hui, ils sont 411 remplaçants sur le Bas-Rhin en 2022/2023, pour 5 850 enseignants, répartis dans 748 écoles (soit 1 remplaçant pour un peu plus de 14 enseignants). « Ce qui fait à peine un remplaçant pour deux écoles ! C’est largement insuffisant », lâche Agathe Konieczka, du syndicat FSU-SNUipp67. Pour l’enseignante, elle-même remplaçante, la situation devient dramatique : « Il faudrait un remplaçant pour dix enseignants, soit 200 de plus qu’aujourd’hui. »
Tous les représentants syndicaux, là encore, sont unanimes : le souci date de l’ère Sarkozy, où la décision a été prise de supprimer des postes dans l’Éducation nationale. Et depuis, les effectifs de remplaçants ne cessent de fondre. « Sous Sarkozy, on a fermé plus de 100 postes! » martèle Didier Charrié, enseignant depuis 1989 et représentant de l’UNSA. « Ce sont ces postes là qui nous manque aujourd’hui ! » Dans le Bas-Rhin, les postes de remplaçants diminuent chaque année un peu plus : ils étaient 416 en 2020, 414 en 2021, 411 en 2022.
L’autre combat des syndicats, c’est la lutte contre l’arrivée sur le département d’une application informatique censée gérer les remplacements. L’application Andjaro, déjà testée dans quelques départements dans le Lot et dans la Somme depuis mai 2021, a donc débarquée dans le Bas-Rhin depuis mai. Agathe Konieczka (FSU-SNUipp67) raconte son désarroi :
« Jusqu’ici, tout passait par la secrétaire de circonscription, qui connaît les remplaçants, leurs particularités, qui a ses enfants à déposer avant d’aller à l’école, qui est mobile, qui peut aller dans tel secteur etc. Il y a un lien humain, entre celui qui donne un ordre, et celui qui réceptionne, qui peut faire état de ses peurs, ses choix, ses réalités. Avec cette appli, il n’y a plus d’humain. Le remplaçant reçoit son ordre de mission par mail. Il ne peut rien répondre, ni contester. »
L’argument avancé par l’Éducation nationale serait « organisationnel », et permettrait « d’améliorer la gestion des remplaçants ». Yannick Lefébure s’insurge contre l’argument :
« On nous fait le même coup qu’à l’hôpital : c’est juste mal organisé ! Donc on réorganise, et là, l’argent public va à une société privée et non à l’école publique ! On a d’ailleurs essayé de savoir combien ça coûtait, et le Rectorat ne veut pas nous répondre là-dessus. »
Pour les représentants des parents d’élèves présents, c’est la réponse des institutions qui semble exaspérer le plus. Emmanuelle Artiguebieille dénonce un « discours lénifiant insupportable » et la « cécité totale des institutions. » Pour cette maman, les absences mènent à une « course à l’échalote » entre les parents, qui tentent de défendre chacun leur établissement.
« En fonction des problèmes dans telle ou telle école, des collectifs se montent, ils font des actions, des grèves, font venir la presse. Et hop, le rectorat nomme un remplaçant pour calmer la colère. Le collectif est content. Mais en fait, le remplaçant qu’on a pris pour venir à l’école de la Musau par exemple l’an dernier, et bien on l’a pris au Neufeld ! C’est délirant comme système. »
Parents d’élèves comme enseignants semblent ne plus attendre grand chose de la part de l’État. Et s’interrogent sur les modalités de la rentrée 2023, que le ministre Pap Ndiaye a pourtant promis « meilleure que celle de 2022 ».
À 36 ans, il avait décidé de se lancer dans une reconversion professionnelle. Après cinq années en tant qu’aide-soignant à l’Établissement public de santé d’Alsace du nord (Epsan), un hôpital psychiatrique, V. avait repris ses études pour devenir infirmier. À la rentrée de septembre 2022, il s’était inscrit à l’Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) de Brumath, en première année, et vivait dans le « Home infirmier », une résidence qui appartient à l’Epsan où sont logés les étudiants qui en ont besoin.
Mardi 23 mai, en début d’après-midi, V. a été retrouvé mort dans sa chambre, une lettre à ses côtés comme l’ont indiqué les Dernières nouvelles d’Alsace mercredi. Un choc pour les 120 étudiants de cet institut de formation, toutes promos confondues, qui ont appris la nouvelle par les voix de la directrice des soins de l’Epsan et par la directrice adjointe de l’école d’infirmiers.
En fin d’après-midi, Yasmine Sammour, la directrice de l’Epsan, a également envoyé un mail à tous les élèves et à tous les agents de l’hôpital psychiatrique :
« Nous avons la douleur de vous annoncer le décès au Home infirmier d’un étudiant de notre IFSI découvert dans sa chambre (…). Cet évènement dramatique touche durement tous les étudiants de l’IFSI et de l’IFAS (Institut de formation pour aide soignant, NDLR), la direction des écoles mais aussi l’ensemble de l’équipe pédagogique. Elle bouleverse à nouveau l’ensemble de la communauté hospitalière, et nous avons une pensée particulière pour ses collègues. »
« Bouleverse à nouveau », car depuis décembre 2021, c’est le quatrième suicide d’un agent hospitalier ou d’un professionnel du soin, qui frappe l’établissement. Après une psychologue retrouvée pendue près de chez elle en décembre 2021, c’est Sébastien S., 54 ans, qui a été retrouvé dans son bureau en janvier 2023. Il s’était pendu lui aussi. Depuis ce décès, l’établissement fait l’objet d’une enquête de l’inspection du travail et de la gendarmerie de Brumath. Début avril, Sandra L., une animatrice de l’Unité de soins longue durée (USLD – La Source) s’est également suicidée chez elle.
Mais Yasmine Sammour tient à distinguer tous ces faits et insiste :
« Attention, ici, il s’agit d’un étudiant qui n’était pas en exercice professionnel, donc les conditions de travail n’ont rien à voir avec le drame. Je tiens à insister là-dessus afin d’éviter tout amalgame : ce n’est pas comme la situation de l’infirmier du travail en janvier. »
Certes, mais V. avait tout de même travaillé de 2018 à 2022, en tant qu’aide-soignant à l’Epsan. D’abord dans une unité de Brumath, puis dans une unité fermée pour adultes, sur le site de Cronenbourg à partir de 2020. Une unité réputée difficile, selon plusieurs soignants interrogés.
Sa reconversion était par ailleurs financée par l’Epsan. Une année à l’IFSI coûte en moyenne 8 000 euros (8 200 euros pour la rentrée 2021 / 2022). Une somme et un soutien qui peuvent générer des tensions et un stress important pour un étudiant.
Selon Yasmine Sammour, directrice de l’Epsan depuis octobre 2022, l’étudiant en reconversion « avait sollicité l’école d’infirmières parce qu’il n’allait pas très bien ». Le jeune homme était suivi au niveau pédagogique par un référent.
« Nous lui avions demandé s’il était accompagné par un psychologue, il nous avait assuré que oui. » Cette demande de soutien, Yasmine Sammour explique qu’elle était assez récente, puisque « les derniers échanges dataient d’il y a quelques jours, mais évidemment personne ne pouvait imaginer qu’il allait passer à l’acte », confie la directrice.
La direction de l’Epsan explique également que V. était en instance de séparation et qu’il était père d’une petite fille.
Interrogée sur des pressions qui auraient été exercées sur les étudiants de l’IFSI après l’annonce du décès de V. selon France 3 Alsace, Yasmine Sammour déclare :
« Je ne comprends pas ces accusations. Mercredi, en effet, devant toutes les promotions, nous avons précisé qu’ils avaient leur liberté d’expression mais nous leur avons également demandé un peu de discrétion. Nous n’avons évidemment pas parlé de secret professionnel, ce qui n’a aucun sens puisqu’ils ne sont pas encore professionnels. C’est simplement par respect pour la famille. Nous n’avons demandé à personne de se taire. On leur a simplement dit de faire attention à ce qu’ils disaient sur les réseaux sociaux. Peut être que ça a été mal compris par les étudiants. »
Après discussions internes entre enseignants et direction, il a été décidé de maintenir le planning des cours des étudiants cette semaine, « mais de l’alléger », précise encore Yasmine Sammour. Un accompagnement psychologique est également proposé aux étudiants ou aux professionnels de l’Epsan qui en feraient la demande. Deux temps de recueillement sont prévus, vendredi 26 et mardi 30 mai. Selon Yasmine Sammour, les gendarmes de Brumath ont été saisis de l’enquête.
« La révolution sera la floraison de l’humanité comme l’amour est la floraison du cœur », écrivait Louise Michel, écrivaine et militante anarchiste au dix-neuvième siècle. En prenant cette citation pour thème, les militants du Parti communiste français (PCF) du Bas-Rhin ont décidé de célébrer le renouveau des luttes et le printemps lors de cette nouvelle édition de la fête de l’Humanité 67.
Elle se déroulera cette fois-ci au centre culturel Marcel Marceau de Neudorf, le samedi 3 juin à partir de 11h, jusque dans la soirée. La journée sera rythmée par des débats, des concerts, le traditionnel meeting et des ateliers pour petits et grands, en intérieur et en extérieur.
Déclinaison de sa grande sœur parisienne qui tiendra cette année sa 88e édition, la fête strasbourgeoise a eu lieu à trois reprises depuis 2017. Ce sera la première fois cette année que les deux fêtes ont lieu consécutivement. Le rendez-vous se réinstalle donc durablement, souligne fièrement Hülliya Turan, secrétaire départementale du PCF 67 :
« Cet événement permet de proposer une vraie fête populaire, tout en alimentant la réflexion autour de sujets de société qui nous concernent tous, comme l’urgence climatique ou l’occupation de l’espace public. Si elle est à destination de toutes et tous, cette fête est aussi l’occasion pour les militants de se retrouver dans la bonne humeur. »
La journée s’ouvrira avec un premier débat intitulé « À qui appartient l’espace public ? » L’occasion de revenir sur les problématiques du stationnement et de la cohabitation des voitures, des vélos et des piétons, alors que la municipalité écologiste de Strasbourg, à laquelle participent les élus communistes, a voté une augmentation des tarifs de stationnement. Des représentants associatifs, comme Pierre Peloux de Strasbourg à Vélo, seront présents.
Le deuxième débat aura lieu à 16h15, pour aborder l’éternel sujet de l’union des gauches et tenter de répondre à la question : « Face à la politique de Macron, comment la gauche peut-elle conquérir le pouvoir ? » Le porte-parole du PCF, Ian Brossat, le député LFI Emmanuel Fernandes, le député PS Dominique Potier ainsi que la députée (EE-LV) de Strasbourg Sandra Regol participeront à cette discussion animée par un journaliste de l’Humanité. Il sera question de la mobilisation sur les retraites, de la bataille « dans la rue et dans les urnes » et des élections européennes qui auront lieu dans un an.
Cette diversité d’acteurs est importante pour les organisateurs, précise Antoine Splet, élu communiste à Schiltigheim :
« Comme lors des précédentes éditions, nous avons souhaité que des membres des différentes organisations de gauche et écologistes soient présents, afin de pouvoir amener des débats de fond avec des éléments contradictoires. Ces échanges sont nécessaires pour pouvoir avancer collectivement. »
Autre étape obligée dans toutes les fêtes de l’Huma, le meeting. Cette année, c’est Ian Brossat qui s’en chargera à 17h45. Hülliya Turan et des acteurs et actrices du mouvement social local prendront aussi la parole.
Ludovic Torbey, visage de la chaîne Youtube Osons Causer, originaire du quartier de la Meinau, et son collègue Stéphane Lambert, seront également présents. Co-auteurs du livre Osons comprendre. L’avenir de l’énergie, ils aborderont le sujet du nucléaire en se demandant si nos sociétés peuvent s’en passer face à l’urgence climatique. « Ce sera l’occasion d’évoquer aussi les préconisations du sixième rapport du GIEC sorti le 20 mars », ajoute Hülliya Turan.
La fin de journée sera dédiée à la musique, avec Vladimir Spoutnik en première partie. À partir de 19h, il jouera son « Bingo Karaokéké », autrement dit une grande loterie de la chanson ringarde.
À partir de 20h30, le groupe Sidi Wacho viendra faire danser les participants avec son hip-hop engagé, festif et internationaliste, entre rap, accordéon et trompette. Tout au long de la journée, d’autres musiciens se produiront, comme le Prolet Tanz Klub, groupe phare de la CGT qui a accompagné la mobilisation contre la réforme des retraites (voir notre article).
Des stands tenus par une quinzaine d’associations féministes, antiracistes ou encore LGBT+ accueilleront les visiteurs. L’un d’eux sera réservé au journal l’Humanité. Des ateliers artistiques, des jeux en bois et, nouveauté cette année, des animations sportives, seront également proposés afin de coller le plus rigoureusement possible à l’imagerie d’une kermesse accessible en famille.
22 structures et associations strasbourgeoises ont décidé de se fédérer sous le nom de Collectif contre la précarité Strasbourg-Eurométropole. Pour son lancement, elles invitent à un « rassemblement solidaire » samedi 27 mai, à 11 heures sur le parvis de la gare de Strasbourg.
L’occasion pour les strasbourgeois et strasbourgeoises de venir à la rencontre d’associations nationales (Caritas, le Secours populaire, Médecins du monde) et locales (Alt, association l’Ilot, la Cloche). Toutes œuvrent dans la lutte contre la précarité, à travers l’accès à l’hébergement d’urgence, l’aide alimentaire ou l’accès au soin par exemple.
Dans un communiqué publié le 22 mai 2023 sur la page Facebook du collectif, les organisations détaillent leurs axes d’action contre la précarité. En unissant leurs voix, elles aspirent à « alerter les pouvoirs publics et les citoyens sur la situation des personnes à la rue notamment, être force de proposition et associées aux orientations définies ».
Gabrielle Clar, de l’association Abribus, est l’une des porte-paroles du collectif :
« L’état de la précarité à Strasbourg est catastrophique. Elle explose littéralement. Ce collectif a pour vocation de rassembler les acteurs de terrain pour s’échanger des informations et constituer des plaidoyer communs. Les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités. Si les personnes hébergées dans des hôtels avaient accès à une cuisine par exemple, elles n’auraient pas besoin de l’aide des maraudes pour se nourrir. »
Le Collectif contre la précarité Strasbourg-Eurométropole se base sur une charte à laquelle les structures adhérent. Six piliers y sont exposés : droit au logement et hébergement d’urgence ; accès à l’alimentation, à l’eau et à l’hygiène ; accès aux droits sociaux ; droit à la santé ; droit à l’épanouissement du corps et de l’esprit ; droit à la parole et à la participation.
Chacun de ces axes est normalement assuré par différentes institutions comme la préfecture (l’État), la Ville ou l’Eurométropole.
Gabrielle Clar précise :
« Le but n’est pas de taper sur une institution en particulier. Plutôt, nous voulons que notre voix porte auprès d’elles et si 20 associations disent la même chose, ça pèse plus qu’une seule. C’est un projet à long terme, nous ne prétendons pas proposer des solutions immédiates. »
Les expertises des structures permettent une approche transversale des enjeux liés à la précarité :
« Nous travaillons tous avec le même public, à des moments différents, c’est pour ça que notre collaboration est intéressante. Ça nous permet de nous rencontrer quelle que soit la taille de la structure et de mettre en commun nos observations. »
La Vie a interviewé Luc Ravel, archevêque de Strasbourg, dans un café parisien, un mois après l’annonce de sa démission qui prendra effet prochainement. Dans un long entretien publié le 22 mai, l’ancien chanoine régulier de Saint-Victor donne au journal chrétien sa lecture des évènements.
« Depuis juin 2022, je me suis senti ébranlé intérieurement », commence t-il. Cette période concorde avec l’organisation d’une enquête ordonnée par le Vatican, qui souhaitait faire la lumière sur des accusations concernant ses méthodes de management, jugées brutales par certains collaborateurs.
Quelques semaines plus tôt, fin mai 2022, Luc Ravel avait suspendu de ses fonctions l’économe diocésain (personne chargée d’administrer les biens de l’Église) Jacques Bourrier, « en raison d’un comportement incompatible avec l’exercice de celles-ci, en particulier le dénigrement de l’autorité », justifie-t-il à La Vie. En février 2023, le pape a demandé à l’archevêque de Strasbourg de démissionner. Ce dernier n’a annoncé sa renonciation que deux mois plus tard, le 20 avril.
Questionné sur ce que le Vatican lui reproche précisément, Luc Ravel répond :
« Le fond du problème a toujours été la gouvernance. C’est la raison pour laquelle le Pape demande ma démission. En particulier, cette difficulté que j’aurais avec des prêtres, qui sont terrorisés par ma façon de traiter les abus. “Vous en faites trop”, m’a-t-il dit. »
Il glisse que « beaucoup » de ses amis, « notamment juristes, s’interrogent sur le système d’audit interne » à l’Église. De son côté, il « s’incline » et « essaye d’acquérir la paix ».
Pour sa défense, l’archevêque explique donc l’hostilité du Vatican par un trop fort engagement de sa part contre les abus sexuels dans l’Église. Pour préserver la réputation d’un prêtre agresseur, il avait pourtant refusé de rendre publique sa suspension, prenant le risque que le pédophile récidive en célébrant dans une autre paroisse.
Dans l’hebdomadaire chrétien, Luc Ravel affirme :
« Le contact direct avec les personnes victimes m’a érodé. J’ai été décapé par la douleur et le mystère du mal. Je confesse que j’aurais dû me faire davantage accompagner personnellement, y compris sur le plan psychologique. »
Des collaborateurs lui reprochent « une indifférence à leur égard, voire une cessation brutale de contact », rappelle La Vie. Luc Ravel répond : « Si c’est leur ressenti, cela doit être vrai, même si ma porte a toujours été ouverte à mes collaborateurs. » Sur l’identité de son successeur, Luc Ravel garde le silence.
Un important dispositif constitué d’un escadron de gendarmerie, d’une demi-unité de CRS ainsi que d’officiers de la police aux frontières se déploie à 6h, autour des 23, 25 et 27 rue de Bourgogne, mercredi 24 mai. L’opération d’évacuation de cet immeuble squatté au moins depuis décembre 2021 par des personnes sans-abri se déroule dans le calme (voir tous nos articles sur le squat). Il ne reste plus qu’une trentaine de personnes dans le bâtiment.
Avec la menace de l’expulsion, une partie des occupants ont déménagé vers le squat Sarlat, au Neuhof. Selon plusieurs habitants, certains sont retournés dans la rue. En situation administrative irrégulière, ils craignaient d’être arrêtés pendant l’opération. Des policiers se postent devant les trois entrées de l’immeuble pendant que d’autres pénètrent à l’intérieur. Puis les occupants sortent au compte goutte chargés de sacs remplis d’affaires.
Vers 8h30, sur le banc de l’arrêt de bus en face du squat désormais inaccessible, Luka se demande s’il va pouvoir récupérer ses affaires. Originaire de Géorgie, le jeune homme de 18 ans et sa mère y ont vécu un an et demi. Après une blessure lors d’un match de rugby, il a été opéré du genou le 22 mai et n’a pas pu aider sa mère à porter les sacs contenant leurs affaires avant l’expulsion :
« On savait depuis quelques jours que la police allait venir. On nous a proposé un hébergement temporaire pour étudier notre situation administrative, mais nous sommes en attente de régularisation. Aller là-bas nous fait peur, donc nous avons préféré partir et risquer de dormir à la rue. Il faut juste qu’on puisse récupérer nos affaires. »
La procédure d’expulsion est demandée par le propriétaire, le bailleur In’li. Depuis une décision judiciaire de novembre 2022, tout le squat peut être expulsé. En tout, six jugements ont permis à In’li de demander à l’État le « concours de la force publique » pour assister l’huissier dans la procédure d’expulsion, comme le précise un communiqué de la préfecture du Bas-Rhin du 24 mai.
Sur place, le secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, Mathieu Duhamel, explique que plusieurs orientations sont proposées à ces personnes :
« Nous orientons 18 personnes vers un gymnase pour permettre aux services de l’État d’étudier leurs situations administratives. C’est une solution temporaire. Certains habitants ont été identifiés comme étant particulièrement vulnérables en amont par Médecins du monde et sont orientés vers l’hôtel des routiers, une structure adaptée et gérée par l’association Coallia. »
Sur place, certains occupants ont le fameux courrier de Médecin du monde. Depuis janvier 2023, l’association effectue des diagnostics médico-sociaux pour établir la vulnérabilité des occupants. Un critère crucial dans l’attribution de logements d’urgence par l’État à travers le 115, numéro d’appel d’urgence, ou par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) lorsque les personnes sont en procédure de demande d’asile.
Alexei, 37 ans, attend qu’une petite camionnette vienne le chercher. Il a une lettre de l’association et le sourire aux lèvres :
« Je ne sais pas où ils vont m’emmener mais j’ai pu prendre mes affaires. J’ai vécu deux ans ici. Je suis originaire de Lettonie, donc je n’ai pas à craindre d’être expulsé de France. S’ils ont une solution pour moi, je la prends avec plaisir. »
Paata est moins enthousiaste. À travers une application de traduction, il explique en géorgien qu’il va aller, lui aussi, à l’hôtel des routiers. Avec ses cheveux grisonnants et ses trois cabas pleins de toutes ses affaires et médicaments, il semble perdu au milieu des policiers :
« Ça faisait trois mois que j’étais là, juste après qu’on me dise que ma prise en charge par le centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA) s’arrêtait. On m’a dit que je devais prendre un bus, mais je ne sais pas lequel. Je suis tout seul ici, je n’ai pas de famille. Mais j’ai une carte de séjour. »
Une petite vingtaine de personnes comme Alexei et Paata est finalement directement prise en charge par Coallia et amenée à l’hôtel des routiers via une petite camionnette affrétée par la structure.
En amont de la matinée de démantèlement, l’Agence régionale de santé (ARS) a pris en charge 17 habitants « spécialement vulnérables » et leur entourage, ce qui représente 42 personnes en tout. Cela explique aussi le faible nombre de personnes présentes dans le bâtiment au moment de l’évacuation.
Bijou (le prénom a été modifié), 35 ans, a décidé de partir deux jours avant le démantèlement. En France depuis six ans, la mère de famille attend toujours d’être régularisée et n’a pas vu sa fille depuis le même nombre d’années :
« J’ai préféré partir de chez moi avant l’arrivée de la police. J’ai peur que ma présence dans le squat joue contre moi dans la procédure de régularisation. Je veux être une citoyenne modèle, n’être inscrite à aucun registre de la police ou de la gendarmerie. »
La veille au soir, Bijou a dormi dans un parc, dans le froid. Une association pour laquelle elle est bénévole a accepté de garder ses affaires. Elle continuera de dormir dans la rue ou dans des cages d’escaliers jusqu’à être logée ou trouver une autre place en squat.
Autour du cordon de sécurité, les passants et militants s’amassent. « Y’a plus de police que de squatteurs, ça me semble un peu gros », glisse une voisine. Hülliya Turan, adjointe à la maire en charge de l’éducation, regrette de ne pas pouvoir passer le cordon de police pour se rendre à l’entrée des immeubles expulsés.
Un peu plus loin, Maurice (le prénom a été modifié) regarde avec nostalgie les policiers vider l’immeuble. Il y a vécu 27 ans, avant d’être relogé dans un autre bâtiment par le même bailleur social, en vue de la destruction de l’édifice :
« J’habitais encore rue de Bourgogne quand les premiers sans-papiers sont arrivés. Ça se passait très bien avec eux, ils étaient très gentils. Je suis arrivé en France il y a 45 ans, c’était pas la même chose. Il y avait du travail, des logements, je pense que c’était plus facile à l’époque pour avoir une carte de séjour. Eux, on ne leur donne presque rien. »
Tonio, porte parole du collectif D’ailleurs nous sommes d’ici 67 (DNSI67), est présent pour « montrer sa solidarité ». Si l’expulsion se passe calmement, c’est l’après qui inquiète le militant. « Que vont devenir tous ces gens », soupire-t-il.
Selon Germain Mignot, lui aussi militant et élu au conseil municipal, certaines des personnes évacuées le jour même vers le gymnase ne se verront pas proposer d’hébergement pérenne :
« C’est une situation très anxiogène pour les familles et les personnes. Celles qui vont avoir leurs situations étudiées par les services de l’État vont très certainement finir à la rue à nouveau, ou dans d’autres squats. Je pense que l’opération aurait pu être plus ambitieuse et s’assurer de reloger tout le monde, autre part que dans un gymnase. »
De son côté, le député LFI Emanuel Fernandes estime dans un communiqué que « le site aurait pu être évacué beaucoup plus tôt, […] sans recours à la justice et à la force publique, en proposant une solution pérenne et adaptée à chacune et à chacun ».
Vers 9 heures, des camions de déménagement s’engagent sur le parking. « Pendant deux mois, les personnes pourront nous solliciter pour récupérer leurs affaires laissées sur place aujourd’hui », précise Mathieu Duhamel.
Alors que le bus conduisant les 17 personnes au gymnase est parti, les forces de l’ordre restent en poste. Elles assurent la sécurisation du site jusqu’à ce que toutes les affaires soient sorties. « Une compagnie de sécurité privée prendra la suite, ils poseront aussi des portes blindées et ce genre de choses pour éviter que les gens reviennent », poursuit le responsable du dispositif de sécurisation du site.
Avant de partir, Mathieu Duhamel salue les salariés et bénévoles de Médecins du monde dont il souligne la qualité du travail. Ne restent plus que quelques passants, étonnés par les camionnettes bleu marines de la gendarmerie.
« La situation de crise durable dans laquelle se trouve votre structure m’apparaît éminemment problématique et révèle d’importantes carences dans la prévention des risques psychosociaux et du harcèlement moral. » Ce constat, dramatique, se trouve dans une lettre de . . .
Une partie des matériaux de construction des bâtiments du nouveau quartier d’affaires Archipel 2, à côté du Wacken à Strasbourg, sera acheminée par voie fluviale. Une volonté de l’Eurométropole, en collaboration avec les Voies navigables de France (VNF) et confiée au groupe alsacien Fehr.
Le groupe basé à Reichshoffen va créer une centrale à béton automatisée, alimentée en matières premières grâce à deux péniches. Cette solution permettra, selon l’Eurométropole, d’éviter la rotation de 4 000 camions malaxeurs par an pendant toute la durée des travaux. L’opération participe à une « logistique urbaine durable et décarbonée », dont le principe a été adopté par le conseil eurométropolitain du 12 mai.
Les élus municipaux et métropolitains espèrent faire d’Archipel 2 un quartier modèle, alliant mixité sociale, accessibilité aux vélos, piétons et transports en communs, transition énergétique et espaces verts. En mars 2021, deux banques ont renoncé à s’y implanter. La municipalité écologiste et l’exécutif métropolitain ont alors détaillé leur souhait d’en faire « un vrai lieu de promenade ».
La centrale à béton doit être opérationnelle début octobre, selon les estimations de Franck Fehr, chargé de développement du groupe Fehr. La convention signée avec l’Eurométropole et les Voies navigables de France prévoit une expérimentation de deux ans, renouvelable en cas de retard des travaux. Le groupe alsacien de plus de 700 salariés va investir trois millions d’euros pour ce projet.
Le béton sera créé sur site, puis conduit de la centrale jusqu’aux pieds des chantiers en camion. Pour le moment, l’entreprise ne sait pas quelle quantité de matière première elle sera amenée à faire transiter jusqu’à la centrale, explique Franck Fehr :
« Nous tablons sur 15 000 m3 en deux ans, soit plus de 34 000 tonnes de matière première. Une péniche va plus lentement qu’un camion, mais elle transporte huit fois plus de quantité, soit 220 tonnes de granulat (un composant du béton, NDLR). »
Le groupe possède déjà deux péniches qu’il utilise pour ses autres chantiers. L’investissement dans la centrale à béton ne fait pas peur à l’entreprise, promet Franck Fehr :
« Pour nous, c’est un peu un prototype, un chantier-laboratoire. On espère réaliser d’importantes économies sur le transport. On s’est également fixé comme objectif que le bruit généré par la centrale ne dépasse pas celui d’une voiture thermique, afin de ne pas gêner le voisinage. »
Les entreprises chargées de construire les bâtiments d’Archipel 2 ne seront pas obligées de se fournir en béton via cette centrale. « On ne peut pas le leur imposer, en raison de la libre concurrence », explique Anne-Marie Jean, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg en charge de l’économie durable. Franck Fehr n’est cependant pas inquiet :
« On ne sait pas encore quelle part de marché nous aurons mais ça sera plus simple pour les entreprises de se fournir auprès de notre centrale grâce à un guichet automatique qui permettra de distribuer automatiquement le béton aux clients. De plus, nous prévoyons de proposer un béton au prix du marché. »
Dans l’œil d’Ivanhoé, ça ressemble à une bonne blague. Posté devant le gymnase du Port du Rhin, l’ado de 16 ans est hilare en voyant débarquer une vingtaine de cadres, sapés en chemise ou en costume, dans son quartier. En moins d’une demi-heure, l’équipe a déjà déployé ses stands et dégainé ses schémas directeurs. Implacable. Tous s’activent avec sérieux pour la tenue d’une « réunion-forum » lundi 22 mai, pour présenter aux habitants du Port du Rhin les grands projets urbains en cours depuis deux ans dans leur quartier.
« On va faire le point de ce qui a avancé. Et aussi sur ce qui a eu du retard, puisqu’il y en a. » Après un bref discours, la maire Jeanne Barseghian invite les participants à se diriger vers les stands disposés dans le gymnase de l’école du Rhin. Plutôt qu’un long exposé laborieux, la municipalité a fait le choix original d’inciter à des échanges en petits comités avec les acteurs impliqués dans la métamorphose du Port du Rhin.
On y retrouve notamment la Société publique locale (SPL) des Deux Rives, chargée d’orchestrer l’aménagement urbain, le bailleur social Ophéa, mais aussi des représentants d’autres structures implantées dans le secteur, comme l’association pour l’insertion professionnelle Drugstore et le tiers lieu Kaléidoscoop. Ne manquent que les habitants du quartier, en minorité flagrante parmi ceux venus pour les accueillir.
Avant d’achever son discours, la maire s’offre le luxe d’annoncer une bonne nouvelle : « C’est confirmé, une médiathèque ouvrira ses portes, en face du quartier historique sur l’île aux épis. » Après avoir envisagé un temps une construction sur un site le long de la voie ferrée, puis à la Coop, la maire a préféré son installation sur le site de la Cour des douanes, à proximité directe de la Cité Loucheur.
« C’est un choix qui est conforme à la cohérence urbaine et sociale du projet », résume Jean Werlen, conseiller municipal et président de la SPL Deux Rives. Le site occupera environ 550m² d’un bâtiment comprenant aussi des espaces d’habitations, à l’instar de la “Médiathèque Nord”, à Schiltigheim. Pour l’élu, l’horizon du projet reste incertain :
« On envisage le début des travaux pour la fin 2025, avec une livraison à la fin 2026 ou en 2027. Mais dans tous les cas, on souhaite que le début des travaux se fasse avant la fin du mandat. »
Parmi les dossiers importants présentés aux habitants, celui de la maison urbaine de santé, initialement programmée en 2020 et dont l’ouverture a ensuite été repoussée au premier semestre 2024, est présenté par le bailleur social Ophéa. Le quartier du Port du Rhin est considéré par l’Agence régionale de santé comme un désert médical en termes d’accès au soin. « Cette fois-ci, c’est bon », assure Julien Mattei, directeur général d’Ophéa : « Tout est prêt pour l’ouverture de la maison de santé, à la fin de l’année 2024. » Soit encore plus tard qu’annoncé précédemment.
Autre projet crucial mené par Ophéa : la rénovation des bâtiments de la cité Loucheur, concernant près de 396 logements. « Un vaste projet d’isolation thermique extérieure va être engagé », explique Julien Mattei :
« Les charges sont élevées pour les occupants de ces habitations. Et avec l’envolée des prix de l’énergie, les dépenses montent en conséquence. Nous réduirons ces coûts en reliant les logements à un réseau de chaleur, alimenté par des énergies renouvelables. »
Les travaux seront effectués entre la mi-2024 et la mi-2026. « Mais rien n’est arrêté », s’empresse de préciser le directeur général. Concernant la répercussion des travaux sur les loyers, Julien Mattei se veut rassurant. « Il y aura bien une hausse des loyers, mais en principe elle sera corrélée à la baisse des charges pour que les gens n’y perdent pas. On reste un bailleur social. » Une première série de rénovations a été réalisée en 2008 pour la réfection des toitures et des façades.
Malgré un déroulé original et des visuels pédagogiques, la partie « forum » de la réunion est un échec. En dehors de la poignée d’habitants déjà très engagés dans la vie du Port du Rhin, peu de locaux se sont déplacés pour l’occasion. Le gymnase a réuni, à l’inverse du désir municipal, un aréopage d’associatifs, de promoteurs et de travailleurs impliqués dans les projets urbains.
Quelques élus, aussi. « Si j’ai l’impression qu’il y a de l’entre-soi ? Disons qu’une bonne part des gens ici s’y connaissent quand même bien en urbanisme… », souffle discrètement une participante. Pour la maire, l’objet de la réunion est aussi de permettre « une rencontre entre tous les acteurs impliqués dans le projet », en gardant la réunion ouverte à tous les publics.
Parmi les quelques têtes originaires du quartier, les membres du conseil citoyen sont tout de même venus en nombre. « On est venus pour suivre et relancer la mairie sur certains sujets », raconte Ludovic. Installé depuis neuf ans dans les bâtiments récents, près du Pont de l’Europe, il fait partie des anciens « nouveaux » du Port du Rhin. Il dépeint un quartier toujours divisé, entre la cité Loucheur d’un côté, et les occupants des habitats plus modernes de l’autre :
« Il y a une rupture entre les deux secteurs, parce qu’on manque d’endroits où on se rencontre. C’est pour ça qu’on relance régulièrement la mairie, pour obtenir un marché sur la place de l’Hippodrome. C’est le genre de lieu où on peut se côtoyer. Mais la Ville nous dit que ce n’est pas possible pour l’instant. »
Le sujet du marché a été mis à l’ordre du jour du Conseil municipal commun entre Strasbourg et Kehl, qui s’est tenu lundi 15 mai – une semaine avant la réunion publique. « Nous sommes mobilisés sur le sujet, nous voulons faire en sorte que des producteurs allemands viennent ici », plaide Jeanne Barseghian.
Deux autres temps d’échanges se tiendront au Port du Rhin en septembre 2023, concernant l’installation d’un nouveau parc et l’ouverture d’une salle polyvalente pour le quartier.
En octobre 2019, la Chambre disciplinaire ordinale de l’Ordre des médecins a sanctionné le Dr Raphaël Moog à deux mois d’interdiction de la médecine avec sursis, à la suite du décès d’un adolescent arrivé aux urgences du Centre hospitalier de Hautepierre après une chute à vélo en 2008. Cette décision, dont Rue89 Strasbourg n’a eu connaissance qu’en mai 2023, réforme la sanction d’un an d’interdiction d’exercer la médecine, qui avait été infligée au Dr Moog en 2017 par la Chambre disciplinaire du conseil régional de l’Ordre des médecins de Bourgogne.
Ces décisions ordinales s’ajoutent au volet pénal de cette affaire (voir tous nos articles), qui s’était conclu par une peine de quinze mois de prison avec sursis prononcée par la Cour d’appel de Colmar en septembre 2016 pour « homicide involontaire par imprudence ou négligence. » En 2008, le Dr Moog avait hésité à enlever la rate de Maxime Walter, 15 ans, arrivé aux urgences du CHU après une grave chute à vélo. La situation sanitaire de l’adolescent n’avait cessé de se dégrader jusqu’à son décès, près de 48 heures plus tard.
En première instance, la Chambre disciplinaire du conseil régional de Bourgogne de l’Ordre des médecins avait considéré que le chirurgien avait « commis de graves erreurs dans la prise en charge » de Maxime Walter. La Chambre nationale ne motive pas sa décision mais Raphaël Moog avait invoqué que l’absence d’interdiction d’exercer la médecine dans la décision de la Cour d’appel empêchait la justice ordinale de prononcer une telle peine.
À l’entrée, des pirates grandeur nature. À l’intérieur, d’immenses tonneaux de bois, remplis de bonbons multicolores où les clients peuvent se servir dans des sacs de papier noirs. Clin d’œil évident aux films Pirates des Caraïbes, le concept semble séduire puisqu’entre décembre 2019 et janvier 2023, trois boutiques appartenant à la même enseigne sont apparues, toutes situées dans l’hyper-centre de Strasbourg.
La première a ouvert rue Mercière, en décembre 2019. Un an plus tard, apparaît la seconde boutique de « Pirate’s Candies », rue Gutenberg, en octobre 2020. Puis en décembre 2021, la troisième, rue de l’Outre. Cette dernière semble fermée depuis janvier 2023 selon une commerçante voisine, bien que son enregistrement administratif soit encore actif, selon le site societe.com.
Sollicitée à plusieurs reprises, Rue89 Strasbourg a cherché à comprendre comment une entreprise peut financer jusqu’à trois locaux différents dans un centre ville où chaque mètre carré se paie une petite fortune, malgré autant de commentaires négatifs de la part des consommateurs sur internet, avec parfois même des locaux fermés et des horaires incertains.
Premier élément qui frappe lorsqu’on entre dans les deux boutiques de la rue Mercière et de la rue Gutenberg : le prix des bonbons. Affichés à 3,99 euros les 100 grammes, ils sont deux fois plus chers que chez Faller, installé au centre commercial des Halles (1,95 euro les 100 grammes). Plus cher aussi que chez So Candy, une boutique située à côté de la station de tram Langstross Grand’ Rue, qui vend ses confiseries 2,49 euros les 100 grammes, sans qu’il soit possible d’y décerner une évidente différence de qualité.
Sur Google, les boutiques « Pirate’s candies » souffrent de mauvaises notes. Des clients critiquent l’attitude du personnel parfois, la qualité et le prix des bonbons souvent. Résultat, les magasins sont notés 1,3 sur 5 pour la rue Mercière (149 avis), 2,3/5 pour celle rue Gutenberg (10 avis). « Excessivement cher », « piètre qualité », « arnaque du siècle », « à fuir », « honteux », « de l’escroquerie organisée », « un piège », mais « présentation attractive », peut-on lire dans les avis. Plusieurs consommateurs déplorent des confiseries « dures » et « sèches ».
En avril 2022, un client poste avec son commentaire une photo de la boutique de la rue Gutenberg. On peut y observer des confiseries sans couvercle, à l’air libre. Chez Faller ou So Candy, les confiseries sont toutes conservées dans des contenants fermés : « Si on laisse les bonbons à l’air libre, ils sèchent et durcissent », explique simplement une vendeuse d’une boutique concurrente. Un principe de base dans la vente des confiseries donc, que l’enseigne aux trois boutiques semble pourtant ignorer.
Lors de notre passage en mars 2023 dans l’une des boutiques de « Pirate’s candies », les tonneaux étaient cette fois-ci fermés. Seuls quelques bonbons sur les étagères continuent de sécher, à l’air libre.
Autre élément étrange remarqué lors de notre enquête : impossible de connaître les horaires précis d’ouverture des boutiques. Et aucun panneau à l’entrée ne les donne. Sur place, une vendeuse du local situé rue Gutenberg refuse au début de répondre à nos questions. Le propriétaire, dit-elle, « n’est pas à Strasbourg ». Interrogée sur ces horaires, elle affirme toutefois que les boutiques sont ouvertes du lundi au jeudi inclus de 10h30 à 19h30 et que le vendredi le magasin ferme à 22h. Mais pour le samedi et le dimanche, c’est plus vague : « Je ne peux pas vous dire exactement. Mais on est ouvert toute la journée », affirme-t-elle.
Pourtant, rue Mercière, on donne d’autres informations. Martin, 24 ans, a tenté d’y travailler en février 2023. Il rentre dans la boutique et interroge la vendeuse sur les horaires :
« Elle m’a dit que les salariés travaillaient tous les jours jusqu’à minuit. Elle m’a aussi dit qu’il y avait deux créneaux possibles de travail, chaque jour. Elle était chargée de la caisse, du nettoyage et du réassort. Et elle expliquait aussi qu’ils sont parfois deux salariés à travailler en même temps. »
Les clients ne sont pas les seuls à se poser des questions sur les trois boutiques de bonbons. Rue de l’Outre, le commerce immatriculé au RCS (registre du commerce et des sociétés) en décembre 2021 n’a eu de cesse d’ouvrir et de fermer au public depuis septembre 2022, en fonction de l’affluence touristique selon une commerçante du quartier. « On se demande ce qu’il s’y passe », s’étonne cette vendeuse de prêt-à-porter qui rapporte également des fermetures successives depuis le début de l’année et le roulement du personnel y travaillant.
À louer en septembre 2022, et de nouveau en janvier 2023, le local commercial de 128 mètres carrés en pied d’immeuble est affiché au prix de 68 855 euros par an. Selon cette commerçante, la boutique aurait finalement fermé définitivement ses portes à cette date-là.
D’après le site societe.com, chaque boutique est associée à une société par actions simplifiées (SAS) différente : « Les bonbons de Strasbourg » pour la boutique de la rue Gutenberg, « Les bonbons d’Alsace » pour celle de la rue Mercière et enfin « Gourmandises strasbourgeoises » pour celle qui a fermé rue de l’Outre. Toutes ces sociétés ont en commun d’être immatriculées à Grimaud, dans le Var, et elles appartiennent à la même personne : Jean-Michel Pontet, qui en est le président.
Âgé de 54 ans, ce « chef d’entreprise » comme le présente un article du Parisien en décembre 2018, est le propriétaire depuis 2008, du château des Vives-Eaux. Le château est connu en France pour avoir accueilli l’émission de la Star Academy entre 2001 et 2008. Coût d’achat du château : 3,8 millions d’euros selon Le Parisien. À l’automne 2022, la Star Academy a d’ailleurs fait son grand retour sur TF1. Il a donc fallu rénover le château. Pas de problème pour Jean-Michel Pontet qui dévoile dans un magazine de décoration le coût de cette rénovation : 600 000 euros.
Jean-Michel Pontet est également mandataire de 23 sociétés selon infogreffe.com, le site des tribunaux de commerce, et dirigeant de 28 entreprises selon societe.com. Et il semble avoir développé une passion pour les bonbons, puisque onze de ces établissements sont liés à la vente de confiseries un peu partout en France : « Les bonbons de Carcassonne », « Les bonbons de Nice », « Les bonbons du Cap d’Agde », « Confiserie Rambuteau » à Paris, etc. Des établissements dont il faut parfois acheter le fonds de commerce, comme celui de la rue Mercière, où le chef d’entreprise varois a, là encore, déboursé 600 000 euros en décembre 2020. En revanche, aucune des trois sociétés strasbourgeoises de Jean-Michel Pontet n’affiche son bilan sur le site societe.com. On peut lire, à chaque fois, la même information comptable : « comptes non disponibles » .
Pour réussir à comprendre les implantations de ses boutiques, leur fonctionnement et le prix élevé de ses produits, Rue89 Strasbourg a tenté pendant plus de deux mois d’entrer en contact avec Jean-Michel Pontet. En déposant tout d’abord nos coordonnées dans les deux boutiques strasbourgeoises encore ouvertes, les employées refusant de communiquer l’adresse mail de leur patron ou du « chef de section » qui les gère.
Faute de réponse, nous avons tenté de joindre une autre boutique de bonbons correspondant à une autre société (dont Jean-Michel Pontet est également mandataire), à Carcassonne. Là encore, pas de réponse. Nous avons alors téléphoné au cabinet comptable d’une autre de ses sociétés. Au standard, la secrétaire explique ne pas avoir de contact à nous transmettre et ne plus travailler avec Jean-Michel Pontet depuis plusieurs années.
En épluchant les sociétés dont il est mandataire, aucune adresse mail ni numéro de téléphone associé n’est disponible au public. C’est finalement grâce à l’adresse mail de contact du château des Eaux-Vives que nous envoyons notre première demande d’interview à Jean-Michel Pontet. À deux reprises, nous l’avons également sollicité par mail à son adresse personnelle, et sur son numéro de téléphone portable. Après plus de deux mois sans réponse, la demande de contact est toujours vaine à ce jour.