Le bien nommé festival Contre Temps revient aux beaux jours et se fait chasser par la pluie. La programmation 2023 assure les chaleurs, est-ce que la météo va suivre ? Un match à suivre du 8 au 18 juin.
Comme à chaque fois que les chaleurs reviennent à Strasbourg, le festival Contre Temps s’empare d’une série de lieux nocturnes strasbourgeois pour accoler aux températures des notes toutes aussi perchées. C’est à se demander si le soleil lui-même n’attend pas la prog de Contre Temps pour se dévoiler. Avec ses six temps forts, ses rendez-vous à l’air libre ou dans l’écrin des navettes Batorama, une cinquantaine d’artistes invités dans une douzaine de lieux, Contre Temps a de quoi réchauffer l’ambiance.
Prenons par exemple la soirée d’ouverture, Zeitgest Freedom Energy Exchange jeudi 8 juin à la Péniche mécanique, un bon condensé de la proposition du festival : du groove, de l’electro, des rythmes et beaucoup de talents combinés pour un cocktail à la fois efficace et déroutant…
Dès le lendemain, Contre Temps fait venir aux studios du Rhin – pas l’endroit le plus évident de Strasbourg – Shanti Céleste, une DJ britannique qui ravit les amateurs de house dans toute l’Europe. La soirée débute d’ailleurs à 23h, histoire que tout le monde tienne jusqu’à 5h puisqu’elle sera accompagnée des DJ Alex Kassian (dance, trance) et Aramis (plutôt trance).
Une deuxième soirée clubbing est proposée au même endroit le lendemain, aux mêmes horaires, avec cette fois Aroop Roy (afrobeat, jazz), Dicky Disco (deep house) et le DJ résident de Contre Temps, de l’electro-scène strasbourgeois, c’est à dire l’incontournable Tal Stef (disco house).
Défier la météo aux Pelouses sonores
Le week-end suivant, il faut se noter les Pelouses électroniques avec une série de DJ locaux et régionaux gratuits dans l’après-midi du samedi 17 juin au Jardin des Deux-Rives et des groupes electro, dont la strasbourgeoise Lexy Walt en concert durant l’après-midi du dimanche 18 juin. Ces dates seront évidemment reportées en raison de soudains orages, d’une alerte aux vents forts ou d’une autre impéritie météorologique, comme il est de tradition depuis 2004. Une soirée clubbing est prévue avec les filles du collectif Wom.X au Molodoï, lieu qui ne connaît pas d’autre météo que la moiteur tropicale.
Le grand final du festival se déroulera à nouveau dans l’enceinte du Maillon au Wacken, un lieu très apprécié depuis son existence puisqu’il permet de proposer deux dancefloors : l’un plutôt techno avec Mister Natasha, Rukka, Mor Elian, Ben Sims et Pix 314 et l’autre plutôt house avec Makar, Nemoy, Demuja et Ivan Smagghe.
Notre partenaire Mediapart organise une version strasbourgeoise de son festival, à l’occasion des quinze ans du média d’investigation, samedi 17 juin au Phare citadelle. Au programme : tables-rondes avec des journalistes de Mediapart, la rédaction de Rue89 Strasbourg a également été invitée pour évoquer des sujets locaux.
Pour célébrer ses quinze années d’existence et de révélations, le média d’investigations Mediapart sera à Strasbourg, au Phare citadelle, samedi 17 juin de 14h à 18h après être passé par Rouen, Nantes, Montpellier et Marseille.
Partenaire de Rue89 Strasbourg depuis novembre 2020, Mediapart a permis de conforter notre indépendance, grâce à une collaboration éditoriale solide et qui prend de multiples formes. Les deux rédactions ont parfois collaboré sur le même sujet, comme par exemple à propos du harcèlement sexiste à l’association Deaf Rock : détecté par MusicToo, le sujet a été traité entre Paris et Strasbourg avec Lénaïg Bregoux de Médiapart et Maud de Carpentier de Rue89 Strasbourg. Mais la coopération la plus fréquente n’est pas toujours visible, les journalistes de Rue89 Strasbourg échangent régulièrement avec celles et ceux de Mediapart notamment sur les violences sexistes et sexuelles, sur l’extrême-droite ou sur l’environnement… En outre, Mediapart reprend plusieurs fois par mois des sujets de Rue89 Strasbourg pour les proposer à son audience, ce qui permet à nos articles et aux lanceurs d’alerte alsaciens d’obtenir beaucoup plus d’impact.
Samedi, Mediapart propose au public strasbourgeois des stands, des tables-rondes avec ses journalistes, des rencontres et une librairie dédiée aux ouvrages des journalistes ou en lien avec les thèmes traités par le média. Les journalistes de Rue89 Strasbourg seront également présents tout au long de cette journée, qui s’achèvera par une soirée festive préparée par l’équipe du Phare citadelle.
Quatre tables-rondes pour débattre
14h – Retraites, inflation : quel espace pour les colères sociales ? Echangez avec Dan Israel et Khedidja Zerouali, journalistes au pôle social de Mediapart
15h – Montée de l’extrême droite : que fait la gauche ? Avec Mathieu Dejean, Pauline Graulle et Christophe Gueugneau, journalistes au pôle politique de Mediapart,
16h – Haine ordinaire et extrême droitisation du débat public Avec David Perrotin, journaliste au pôle société de Mediapart, Khedidja Zerouali, journaliste au pôle social de Mediapart, Christophe Gueugneau, journaliste au pôle politique de Mediapart et Guillaume Krempp, journaliste à Rue89 Strasbourg
17h – Mettre la lumière sur les risque au travail : l’exemple du dossier de l’incinérateur Sénerval Guillaume Krempp, journaliste à Rue89 Strasbourg, Dan Israel, responsable du pôle social de Mediapart, Michaël Flores-Longo, ancien salarié de Sénerval, Mathieu Schneider, délégué syndical CGT de Sénerval et Atef Labben, ancien délégué syndical CGT de Sénerval.
En soirée, l’équipe du Phare citadelle propose un concert du Nom del duo à partir de 19h, une rencontre entre Marisol, théâtreuse venue d’Ecatepec en périphérie de Mexico, et Dom’, bassiste troyen, suivi d’un DJ set.
Du 6 au 10 juin, le festival des arts scéniques émergents, Démostratif, revient sur le campus de l’université de Strasbourg pour une sixième édition. Théâtre, concerts, danse, marionnettes… Parmi les 33 propositions gratuites, cinq ont particulièrement retenu notre attention.
Au festival Démostratif, après le temps de la révolte en 2022 est venu celui de la mutation. Il se déroulera entre le village installé sur le campus de l’Esplanade, la salle évolution dans le bâtiment du Portique et celle de la Pokop, du 6 au 10 juin. Pour cette sixième édition, intitulée Étranges mutations, 118 artistes étudiants, jeunes diplômés, sortants d’écoles nationales ou de conservatoire sont invités à performer pendant cinq jours. Un temps fort pour la scène émergente strasbourgeoise et nationale.
L’occasion de proposer des regards uniques et décalés sur notre monde et d’ouvrir de nouvelles perspectives. Tout un programme, affirme Sacha Vilmar, directeur artistique :
« J’invente les règles du jeu, je travestis la réalité, je déforme les limites, je m’assois sur les idées reçues. Muter pour se battre contre la prétendue évidence des choses. Voilà mon motif. C’est aussi celui de cette sixième édition qui donne dans l’étrange et désacralise les changements. »
À la rencontre de Mathilde Segonds, artiste associée
Tous les ans, le festival met en valeur un ou une artiste complice qui participe à la programmation et propose ses spectacles. Cette année, c’est la dramaturge Mathilde Segonds qui occupe cette place.
Passée par le département d’Écriture dramatique de l’ENSATT, à Lyon, elle travaille à l’articulation des arts visuels, du spectacle vivant et de l’écriture. Depuis 2019, elle fait partie d’une compagnie de butô (danse originaire du Japon), Anima Fact, en tant que dramaturge et danseuse.
Autour du thème de l’édition, elle a écrit pour l’occasion Pas Touche, une pièce de théâtre spatial mise en scène par Sacha Vilmar et présentée le 10 juin à 14h, puis à 18h30, place des Orphelins. Une œuvre pour deux comédiennes qui se démarque de sa production habituelle :
« La place importante pour la recherche et l’expérimentation donnée par ce festival ainsi que la bienveillance de l’équipe ont créé pour moi un écrin rêvé pour inventer une histoire dans un genre que je n’avais pas encore exploré : celui de la science-fiction. J’ai voulu me projeter dans le futur à l’autre bout de la galaxie. Qu’est-ce qui viendra après nous ? Où en sera l’humanité dans des centaines d’années ? À l’heure où nous perdons espoir dans la préservation de notre planète, j’ai voulu imaginer quelque chose de plutôt drôle concernant l’avenir de notre espèce. »
Trois autres de ses textes seront également mis à l’honneur lors de de lectures. Le 7 juin à 19h30, elle présentera La Tête, suivi de 17h30 Lunettes, histoires d’un homme qui voit sa tête absorbée à l’intérieur de son corps et d’une femme cherchant ses lunettes, collées à son visage.
S’attaquant aux problématiques de la catastrophe écologique, Paysage projette les spectateurs dans un futur proche, alors qu’une catastrophe vient de recouvrir le ciel d’un épais nuage noir qui empêche la lumière du soleil de passer au travers. Alors que la vie est en danger et que la situation réveille les pires défauts des hommes, deux jeunes, Bulle et Yeen se rencontrent. Ils tombent amoureux et partent à la recherche d’une solution face à cet effondrement. À partir de 12 ans.
Intervention tutorielle : comment se décapitaliser
Vendredi soir à 18h30, dans le Magic Mirror installé sur le campus de l’esplanade, Enora Tuauden Bource et Izypt, de la compagnie LBOLP, proposeront aux spectateurs de suivre une conférence pour répondre à la grande question : « Comment se décapitaliser? ». Images et vidéos à l’appui, munis de micros, les performeurs tenteront d’y répondre en s’encrant dans notre contexte historique, social, artistique et technologique.
Au temps de la bergère Juliette
La Compagnie Désorientée, venue de Vauchonvilliers, s’engage à mettre en lumière ce qui nous entoure mais qui a été invisibilisé. Cette fois, les deux interprètes et metteuses en scène Elsa Ballenghien et Sixtine Mony s’attaquent au monde agricole et interprètent le témoignage de Gabriel Mony, agriculteur de profession. Cette pièce de théâtre accessible à partir de 5 ans retrace une année de travail à la ferme, de la bergerie remplie de moutons aux champs.
Jouée le samedi à 15h, dans les jardins de la Pokop, elle s’attardera sur la mutation de cet univers et interrogera les conséquences sur les bêtes et les agriculteurs.
Du cirque et de la poésie avec Nous, la forêt – ou comment se planter
Présenté par la compagnie Kif Kif, le samedi soir à 20h, ce spectacle a été conçu à la lisière du théâtre, du cirque et de la mise en musique. Sur scène, deux grands enfants à la ressemblance certaine cherchent à se planter au pied d’un arbre.
Animés par un jardinier musicien, « ils poussent et se repoussent, se font de l’ombre et s’enracinent à deux ». Une métaphore des liens de complicité, étroitement liés à la rivalité d’une fratrie ? Un changement de perspective entre humour et tendresse dans tous les cas. À partir de six ans.
Des concerts en soirée
En soirée, le festival sera également rythmé par des concerts et DJ sets. Chipo, le rappeur à perruque hétéro, viendra ambiancer le village du festival lors de la dernière soirée du festival. Entre rap et pop, il remet en question la masculinité hégémonique en musique.
En deuxième partie de soirée, le collectif Wom.x, militant pour plus de femmes et de minorités de genre dans la pratique du DJing, proposera un set pour transformer le Magic Mirror en véritable boîte de nuit. Un bar servant des bières locales, des food trucks, une librairie éphémère et des transats accueilleront les curieux sous les arbres du campus pendant tout le festival.
« Les Strasbourgeoises et Strasbourgeois engagés », un podcast de Rue89 Strasbourg. Dans cette série de portraits sonores, des militants racontent leur engagement, leur parcours. Quatorzième épisode avec Pierre Tryleski, médecin généraliste installé depuis 34 ans à la cité de l’Ill.
En 1988, un jeune docteur ouvre un cabinet à la cité de l’Ill. Il découvre alors un quartier populaire, ses problématiques sanitaires et sociales, ses réseaux de solidarités et se prend rapidement d’affection pour ses nouveaux patients. Médecin du quotidien, Pierre Tryleski, est conscient qu’il a un rôle à jouer dans la vie de la cité.
Une Maison de santé dans un quartier menacé par la désertification médicale
Ainsi, face au manque de praticiens dans ce bassin de population, il n’aura de cesse de rassembler autour de lui. D’abord deux généralistes, puis trois, puis quatre. Enfin, en 2014, c’est l’ouverture de la Maison urbaine de santé de l’Ill qui rassemble différents professionnels de santé. En plus des quatre médecins généralistes, les habitants peuvent également bénéficier de consultations de kinésithérapeute, d’orthophoniste, de sage-femme, de dentiste et d’infirmier.
« J’ai cherché à faire venir ici d’autres compétences qui viennent s’articuler avec ce que je sais faire. Je ne pense pas qu’un médecin existe seul, c’est un mythe. »
En 2022, l’Agence régionale de santé du Grand Est publiait une cartographie de l’accès aux soins qui plaçait trois quartiers strasbourgeois en zone d’intervention prioritaire. Si la cité de l’Ill ne fait pas partie de ces quartiers comparables à des déserts médicaux, la situation n’y est pas parfaite pour autant.
« À la cité de l’Ill, on a six médecins, mais ils vieillissent. La densité en généralistes, en infirmiers, en médecins spécialistes se réduit. Si nous ne sommes pas encore concernés par cette problématique de désert médical, c’est une menace. »
Pierre Tryleski, médecin généraliste installé depuis 34 ans à la cité de l’Ill.
Des patients de plus en plus pauvres, et des pathologies qui évoluent
En 34 ans d’exercice, Pierre Tryleski a vu les problèmes de santé du quartier évoluer. À ses débuts, le médecin constatait de gros problèmes sur la dentition des enfants, aujourd’hui, il alerte sur l’isolement des personnes âgées.
Depuis quelques années, il observe un nombre grandissant de patients âgés, handicapés, bloqués dans leur logement, renonçant aux soins en raisons de difficultés financières.
« Quand on est jeune, on se dit que demain sera mieux, que les choses changeront. Il y a des choses qui se sont bien améliorées, c’est vrai, mais la misère est toujours là. »
Vendredi 2 juin, la préfecture du Bas-Rhin a annoncé l’utilisation de drones pour surveiller la manifestation du 6 juin. À Strasbourg, le recours à cette technologie de surveillance est inédit dans un contexte de mobilisation sociale.
Selon l’arrêté préfectoral du 2 juin, 8 000 personnes sont attendues lors de la manifestation contre la réforme des retraites, entre 14h et 17h. Le texte fait référence à des faits « graves de violence de destruction et de dégradations », à des « blocages, feux de poubelles, vitrines brisées et taguées » lors de la manifestation du 17 mars ainsi qu’aux « quinze fonctionnaires de police blessés » depuis le début du mouvement.
La préfète explique également que des « individus connus pour leurs actions radicales et violentes » seront probablement parmi les manifestants. Ces différents éléments ainsi que la longueur du parcours prévu de la manifestation justifient selon elle le recours à la surveillance aérienne. Notamment, la « vision grand angle » permise par les drones qui permettraient de « préserver l’intégrité physique » des personnels policiers déployés le jour même.
« Pas de dispositif moins intrusif »
Depuis un décret du 19 avril, les représentants de l’État dans les départements ont le pouvoir d’autoriser les policiers nationaux et certains autres corps des forces de l’ordre à utiliser la captation d’images à l’aide de drones. Plusieurs associations ont contesté la légalité de cet acte en arguant qu’il n’était pas assez précis quant aux conditions justifiant l’usage de ces drones.
Le 24 mai 2023, le Conseil d’État a rejeté la demande de suspension du décret en estimant qu’il appartenait aux tribunaux administratifs de juger de la légalité des arrêtés préfectoraux, au cas par cas. Il précise que le décret du 19 avril prévoit six cas dans lesquels les drones sont justifiés, selon la loi qui les autorise.
Le fait qu’il « n’existe pas de dispositif moins intrusif permettant de parvenir aux mêmes fins » est l’une de ces conditions. Elle est écrite de la sorte dans l’arrêté pris par Josiane Chevalier vendredi 2 juin.
Les zones concernées par le survol du drone sont celles du parcours déclaré par les organisateurs ainsi que les lieux du centre-ville où « les atteintes sont susceptibles de se produire ».
Dans l’émission Complément d’enquête diffusée jeudi 1er juin, le médecin urgentiste Sébastien Harscoat a filmé son quotidien pendant un mois aux urgences du Nouvel hôpital civil, révélant le débordement régulier du service. Le documentaire révèle aussi la situation inchangée du Samu malgré l’affaire Naomi Musenga.
Dans le documentaire Complément d’enquête diffusé jeudi 1er juin sur France 2, le médecin strasbourgeois va plus loin encore dans son rôle de lanceur d’alerte. Face au refus de la direction hospitalière d’autoriser le tournage au sein des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS), l’urgentiste a décidé de filmer ses propres images. « Jour après jour, il filme un hôpital au bord de l’implosion », commente une journaliste de France Télévision.
« Qu’est-ce que je fais ? Je lui donne sa chance ? »
Grâce à l’engagement de Sébastien Harscoat, il est possible d’observer en images et en son le quotidien d’un service d’urgences débordé. Un jour, il prévient le Samu qu’il est impossible d’accueillir des patients supplémentaires. L’autre, il filme les ambulances en attente devant l’entrée des urgences avant d’évoquer un patient resté sur un brancard pendant sept jours. Entre deux personnes âgées souffrantes, le Dr Harscoat se demande, face au manque de place : « Qu’est-ce que je fais ? Je lui donne sa chance ? Je lui donne pas sa chance ? »
La suite de l’émission Complément d’enquête révèle des échanges par mail au sein des urgences de l’hôpital strasbourgeois entre le 9 mars et le 19 avril. Des situations de débordement y sont décrites quasi-quotidiennement : « Point de situation – service plein », « capacité d’accueil prévisible dépassée », « pas de possibilité de prise en charge de nouveaux patients dans des conditions sûres » ou encore « des patients en attente d’hospitalisation depuis trois jours en médecine ou en gériatrie ». Le documentaire met des chiffres sur le manque de moyen du service : un soir apparemment banal, l’équipe des urgences doit prendre en charge deux fois plus de patients que de places. « Il va finir par y avoir des morts », affirme Sébastien Harscoat lors d’un appel téléphonique auprès de la directrice de garde.
Après l’affaire Naomi Musenga, une situation inchangée au Samu
Fin mars 2022, Rue89 Strasbourg révélait le décès d’un patient aux urgences strasbourgeoises le 17 mars 2022. Le médecin Sébastien Harscoat attribuait cette mort au manque de personnel et de lits d’hospitalisation. Complément d’enquête s’attarde sur un second décès suspect, survenu en août 2022 aux urgences du NHC. L’émission d’investigation révèle un rapport interne de la veille indiquant que le service faisait face à un taux de remplissage de ses lits de 168% et que le personnel paramédical se sentait alors « en danger ».
« J’ai une attitude de personne qui fait de l’abattage. (…) Il est difficile de faire ce travail sans formation mais lorsqu’on en parle, c’est toujours la même réponse, il y a manque de moyens, en particulier un manque de personnel. »
Deux salariés ont accepté de témoigner anonymement de leurs conditions de travail, toujours extrêmement dégradés. L’un travaille actuellement pour le Samu sans le diplôme présenté comme obligatoire par la ministre de la Santé de l’époque, et l’autre indique : « On est beaucoup à être épuisés moralement. Je suis sur le point de tout lâcher. » Selon un rapport du Comité des conditions de travail (CHSCT) de novembre 2021 sur les risques psychosociaux au Samu, 97% des opérateurs ont l’impression de ne pas avoir les moyens de travailler correctement.
Le Service d’aide médicale d’urgence (Samu) du Bas-Rhin espère proposer un nouveau service d’écoute, afin de traiter directement les problèmes médicaux non urgents et impliquer la médecine de ville dans les soins non programmés.
Prochainement, les patients bas-rhinois qui appelleront le 15 passeront par le SAS (Service d’accès aux soins). Ils pourront directement bénéficier de conseils médicaux ou être pris en charge par un médecin en téléconsultation. Ce service permettra également d’obtenir un rendez-vous chez un médecin de ville dans les 48 heures, pour les cas pressants mais non vitaux.
L’impératif de désengorger les urgences
Ce nouveau dispositif vise à désengorger les urgences hospitalières, régulièrement surchargées surtout pendant la période estivale. Treize régions ont expérimenté le SAS lors d’une phase pilote en 2021, le ministère de la Santé espère une généralisation à toute la France avant la fin de l’année.
Accessible 24h/24 et 7j/7, ce dispositif doit « s’articuler avec la médecine de ville » explique Céline Dugast, directrice générale adjointe aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS). Une plateforme numérique nationale SAS doit permettre d’orienter rapidement les patients vers un médecin libéral lorsqu’une prise en charge hospitalière n’est pas nécessaire.
Les Assistants de régulation médicale (ARM) sont les premiers à décrocher les appels adressés au 15. Ce sont elles et eux qui doivent orienter les patients vers l’une des deux filières : urgences ou médecine générale (voir le document ci-dessous). Les patients sans caractère d’urgence seront ensuite pris en charge par les Opérateurs de soins non programmés (OSNP) qui pourront les mettre en lien avec des médecins régulateurs libéraux. Ces derniers ont pour rôle de les diriger vers des professionnels de santé en prenant rendez-vous en cabinet médical, téléconsultation ou en visite à domicile. « Le but est de mieux répartir le nombre d’appels », explique Céline Dugast.
Des conditions de mise en œuvre critiquées
Alors que la mise en place du SAS dans le Bas-Rhin est souhaitée pour cet été par la direction des HUS, il reste encore à caler de nombreux protocoles avec la médecine de ville pour que le SAS soit effectif et les syndicats demandent de nouvelles embauches afin de faire face au surcroît de travail.
Une opératrice ARM de 38 ans espère que les médecins de ville seront plus mobilisés qu’actuellement dans le traitement des urgences :
« On a déjà la plateforme Entr’Actes qui permet de mettre en lien rapidement des patients avec des médecins. Mais il n’y a que SOS Médecins qui joue le jeu. Les médecins de ville n’ont plus de place et ne prennent plus de nouveaux patients, donc ils ne se connectent pas sur la plateforme ».
Suite à l’annonce de déploiement du ministère des Solidarités et de la Santé, le syndicat CGT des HUS a dénoncé dans un communiqué de presse le risque d’une « perte de chance pour le patient » si le SAS devait se mettre en place avec un effectif constant : « le temps passé à répondre aux appels du SAS se répercute sur le temps de décrocher sur les autres lignes y compris celle dédiée aux urgences, » alerte-t-il.
Les urgences du Bas-Rhin opèrent déjà le numéro 116 117 (un médecin) afin d’orienter rapidement les personnes sans disponibilité auprès de leur médecin traitant lorsqu’un problème de santé survient. Le numéro est opérationnel tous les jours de 8h à 20h.
Le 18 mai 2020, Frédéric, 45 ans, responsable de l’agence de Bischheim Alsace habitat, s’est suicidé. Son épouse Élisabeth veut libérer la parole sur le harcèlement subi par de nombreux salariés du bailleur social.
« Plus on sera nombreux à parler, moins il y aura de silence qui mènent à ces gestes. » Pour Élisabeth, le témoignage est difficile. Les mots contournent toujours le détail du drame. En début d’après-midi, jeudi 25 mai, elle ouvre une pochette grise et parcourt les documents li . . .
Accédez à nos enquêtes et révélations exclusivesSoutenez une rédaction locale qui appartient à ses journalistesMaintenez une vigie citoyenne sur les pouvoirs locaux
Vendredi 2 et samedi 3 juin, Alsace réseau neutre, Hackstub et YunoHost célébrent 10 années d’éducation populaire et militante au numérique à la Semencerie et au Molodoï.
Ces trois associations strasbourgeoises ne sont guère connues en dehors des cercles liés au numérique, critiques des technologies ou vigilants quant aux libertés publiques. Et pourtant, depuis plus de dix ans, elles documentent et proposent pour certaines d’entre elles des alternatives pour s’affranchir des modèles marchands et privés en informatique et sur Internet.
Alsace réseau neutre (ARN) s’est historiquement fondée sur la promesse d’une infrastructure publique partagée pour acheminer et utiliser Internet. Aujourd’hui, l’association propose des accès à l’Internet via la fibre de Rosace et se présente comme « une Amap du numérique ». Hackstub propose régulièrement des conférences et des ateliers pour permettre aux Strasbourgeois de comprendre les enjeux liés au numérique, voire de s’approprier des connaissances pour éviter d’être utilisé, « marchandisé », dans cet écosystème. YunoHost est un service d’auto-hébergement de services (mail, calendrier, stockage…) né en Alsace.
Des logiciels libres partout
Les membres de ces associations œuvrent en faveur des logiciels libres, des sources ouvertes et des protocoles neutres. C’est un peu technique, mais en très résumé ils militent pour les libertés publiques, le partage, dans un secteur dominé par des géants privés et marchands comme Microsoft, Google ou Apple.
Rien d’étonnant donc de retrouver dans le programme de ces « Noces d’Étain » à la Semencerie des ateliers pour démonter un ordinateur ou simuler l’affichage d’une page web, une borne d’arcade branchée sur des jeux rétros, la découverte de logiciels libres, des moyens de lutter contre la vidéosurveillance (dans la rue) ou la cybersurveillance (sur le web), etc. Autant de savoir-faire que tout humain du XXIe siècle devrait posséder et pourtant bien peu connus.
Samedi en soirée, les trois associations investissent la scène du Molodoï avec des « artistes de live-coding venant de toute la France » : Papírové Houby (aka Cécile F. Dabo, de Strasbourg), Azertype, Bisou Magique, Strass, Evil Pony, Crash Server et Veine. Une compilation de talents rare à Strasbourg.
Presque cinq mois après le début du mouvement contre la réforme des retraites, l’intersyndicale appelle à une journée de mobilisation mardi 6 juin, deux jours avant un possible vote des députés sur une abrogation de cette réforme. La manifestation strasbourgeoise partira à 14h de l’avenue de la Liberté.
Le 6 juin marquera la quatorzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, un mouvement social qui dure depuis janvier et qui a rassemblé à Strasbourg près de 20 000 manifestants à plusieurs reprises. L’intersyndicale, toujours constituée de treize organisations de salariés et de défense de la jeunesse, « appelle les député.es à voter, le 8 juin prochain, la proposition de loi transpartisane abrogeant la réforme des retraites pour permettre enfin une sortie de crise ».
À Strasbourg, le rendez-vous du départ de la manifestation est fixé à 14h, avenue de la Liberté, pour le même parcours que lors des précédentes journées de mobilisation : le cortège arpentera la place Broglie, la place de l’Homme de Fer, la rue de la Division Leclerc, la place d’Austerlitz, le quai des Pêcheurs, puis retournera avenue de la Liberté.
« Aux prochaines élections, nous rappellerons les positions des députés sur les retraites »
Laurent Feisthauer, secrétaire départemental de la CGT, assure que si la réforme des retraites est maintenue, le gouvernement ne doit pas s’attendre à un retour à la normale. « Nous continuerons d’organiser des comités d’accueil pour les ministres », promet-il. D’après lui, les organisations syndicales font pression sur les députés « qui sont censés nous représenter, pour qu’ils entendent la revendication d’une large majorité des Français et qu’ils votent l’abrogation de la réforme le 8 juin » :
« Nous nous sommes rassemblés devant les permanences de Stéphanie Kochert (Horizons et apparentés, NDLR) à Wissembourg le 31 mai et de Vincent Thiébaut (Horizons et apparentés, NDLR) à Haguenau le 1er juin. Aux prochaines élections, nous rappellerons les positions des députés sur les retraites. Ils sont prévenus. »
Au niveau national, les organisations syndicales affichent une volonté de rester unies, afin de passer à l’offensive sur les conditions de travail, en présentant de manière commune des propositions. Dans son appel à manifester, l’intersyndicale évoque certaines de ses revendications, qui portent sur les salaires, « l’égalité Femme-Homme », ou encore les seniors :
« Pour les seniors il y a nécessité à mettre en place de réels dispositifs de reconversion, des retraites progressives. Pour la pénibilité et les risques professionnels, la totalité des critères de pénibilité supprimés en 2017 doivent être réintroduits pour permettre de vrais départs anticipés. Pour protéger la santé des salarié.es, les commissions de santé sécurité et conditions de travail doivent être obligatoires dans les entreprises de 50 salariés et plus, avec des droits et des moyens renforcés. »
Perturbations limitées
La mobilisation risque de ne pas avoir d’effet sur le réseau ferroviaire : la SNCF prévoit une « circulation normale sur l’ensemble de l’Alsace. » Certains cantines scolaires de Strasbourg devraient également rester ouvertes durant cette journée de mobilisation, contrairement aux précédentes qui avaient provoqué la fermeture de l’ensemble des services de restauration scolaires.
Concernant la circulation des transports publics, la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) anticipe une baisse de fréquence sur les lignes de tram A, C, D et E. Même prévision pour une douzaine de lignes de bus. Les détails des perturbations dans les transports urbains sont à retrouver sur le site de la CTS.
Pour l’élection présidentielle turque, les forces de gauche de la diaspora n’ont pas réussi à peser à Strasbourg, malgré une campagne s’adressant aux Franco-Turcs de toutes tendances, nationaliste, islamiste ou encore laïque. Au bureau de vote de Strasbourg, leur candidat n’a obtenu que 29,69% des voix au second tour ce 29 mai.
Ça commence par la note aiguë d’une notification. Les écrans s’allument sur les portables, la nouvelle tombe : Recep Tayyip Erdoğan (AKP) a été réélu, ce dimanche 29 mai . . .
Cet article fait partie de l’édition abonnés. Pour lire la suite, profitez d’une offre découverte à 1€.
Récemment nommée à la tête du Théâtre national de Strasbourg, Caroline Guiela Nguyen, autrice et metteuse en scène, a réalisé la programmation du TNS à partir de janvier 2024. Les spectacles porteront notamment sur des récits d’immigrés.
Caroline Guiela Nguyen est la nouvelle directrice du Théâtre national de Strasbourg. Autrice et metteuse en scène, elle a réalisé sa formation au TNS avant de s’en éloigner pendant plus de dix ans. Sur proposition de Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, le Président de la République Emmanuel Macron a décidé de la nommer pour un mandat de 5 ans à la tête du seul des six théâtres nationaux qui n’est pas localisé à Paris.
À cause d’une nomination tardive, elle n’a pas pu confectionner l’entièreté de la saison 2023-2024 qui reprendra en octobre 2023. Les six premiers spectacles seront donc encore proposés par Stanislas Nordey, le directeur sortant. Les treize suivants, à partir de janvier 2024, sont programmés par Caroline Guiela Nguyen.
« Le TNS va être emmené sur des chemins différents, et c’est tant mieux ! »
« Le TNS va être emmené sur des chemins différents, et c’est tant mieux ! J’ai passé de magnifiques années dans ses murs, mais les théâtres ne nous appartiennent pas, il est important pour les publics d’avoir du sang neuf. Je souhaite beaucoup de bonheur à Caroline Guiela Nguyen, qui est une artiste engagée, honnête, soucieuse du public et des récits. »
Caroline G. Nguyen se prête pour la première fois à l’exercice de la programmation. « C’est un moment émouvant. J’ai l’occasion de mettre en valeur des personnes qui comptent à mes yeux et dont j’ai envie de montrer le travail », explique-t-elle, en annonçant des changements, tout en soulignant les « jolies cohérences » qu’il y a dans cette saison 2023-2024 réalisée à deux.
Les deux artistes partagent effectivement une même attention pour l’ouverture aux différents publics et une affection pour le théâtre contemporain véhiculant des messages politiques. Preuve en est le premier spectacle proposé par Caroline Guiela Nguyen, du 9 au 13 janvier prochain, intitulé Le Iench. Ce texte d’Eva Doumbia retrace le quotidien d’un jeune garçon d’origine malienne victime de violences policières. Il a remporté le prix des lycéens Bernard-Marie Koltès du TNS en 2022, décerné par des lycéens.
Nouveaux artistes, mélange des arts et des cultures
Cette nouvelle saison sera une période de transition. Si tous les spectacles sont désormais connus, Caroline G. Nguyen n’a pas encore pu planifier l’intégralité de son projet à cause de son arrivée tardive. L’identité graphique du TNS restera la même pendant encore une année et les à-côtés comme la Traversée de l’été (programme estival itinérant et gratuit) ou le prix des lycéens Bernard-Marie Koltes sont suspendus. La nouvelle directrice reviendra plus en détails sur son projet en septembre : « Pour le moment, je souhaite d’abord le présenter aux équipes du TNS », conclut-elle.
De grands axes se dégagent tout de même de ses premiers choix artistiques. Fini les artistes associés mis en place par son prédécesseur. Une large majorité des artistes présents dans la programmation, tant sur scène que du côté de la mise en scène ou de l’écriture, viendront pour la première fois au TNS.
De nouvelles voix s’élèveront notamment pour témoigner de cultures multiples. Sultan Ulutas, qui a grandi à Istanbul, présentera à partir du 23 janvier le spectacle La Langue de mon père, dont elle est l’autrice. En s’inspirant de sa propre histoire, elle revient sur le parcours d’une jeune femme tout juste arrivée en France, fille d’une mère turque et d’un père kurde. Elle décide d’apprendre la langue de son père, dont la pratique a longtemps été illégale en Turquie. Du 20 au 24 février, le texte d’Adama Diop Fajar ou l’odyssée de l’homme qui rêvait d’être poète sera présenté. Il s’agit du parcours initiatique d’un jeune poète sénégalais en quête d’identité.
D’Alençon au Vietnam en passant par Mumbaï et la Turquie
Ce mélange des langues est des cultures est aussi présent dans les œuvres de Caroline G. Nguyen dont deux seront présentées dans la saison. Saigon, joué du 19 au 26 mars, réuni des acteurs français et vietnamiens dans un décor de restaurant vietnamien où se croisent des histoires d’amour, de famille et d’exil. Sa seconde pièce, Lacrima, fera voyager les spectateurs d’Alençon à Mumbaï à la rencontre d’ouvrier et de couturières qui œuvrent tous sur la commande exceptionnelle d’une maison de haute couture parisienne.
La musique, la danse et même le cirque rencontreront le théâtre dans plusieurs spectacles. Il y sera également question du rapport à la norme, de la place des femmes, du travail de mémoire et de transmission.
Les adieux de Stanislas Nordey
Après neuf ans à la direction du TNS, Stanislas Nordey proposera six derniers spectacles. On le retrouvera une fois en tant que metteur en scène, avec l’adaptation du texte de Christine Angot sur l’inceste, Le Voyage dans l’Est, du 28 novembre au 8 décembre. Il se chargera d’interpréter un dernier seul en scène, mis en scène par Christophe Perton, où il reprendra les réflexions qui semblent étrangement actuelles du philosophe-poète et disciple d’Epicure, Lucrèce, dans Évangile de la nature.
Mais le premier rendez-vous à ne pas manquer est l’ouverture de la saison, du 4 au 14 octobre, avec La Tendresse. La pièce s’interroge sur « la construction du masculin d’hier et d’aujourd’hui » et l’héritage reçu par la jeune génération. Huit jeunes hommes, acteurs, danseurs et interprètes s’empareront des mots de Lisa Guez, Kevin Keiss ou encore Alice Zeniter pour questionner avec humour leurs espoirs, leurs contradictions et leurs colères.
Accédez à nos enquêtes et révélations exclusivesSoutenez une rédaction locale qui appartient à ses journalistesMaintenez une vigie citoyenne sur les pouvoirs locaux
Interpellé par deux collectifs sur les risques du lycée 4.0, le président de la Région Grand Est Franck Leroy exclut toute évaluation du dispositif et considère que les remontées de terrain sont satisfaisantes.
Fin mai, les collectifs de parents d’élèves et d’enseignants Nous, Personne et CoLINE ont adressé une lettre ouverte à Franck Leroy, président de la Région Grand Est (Horizons, majorité présidentielle). Ils y réclament une « évaluation indépendante de l’impact pédagogique, sanitaire et écologique » du dispositif lycée 4.0, qui a doté tous les lycéens d’un ordinateur utilisable en salle de classe à partir de 2019.
Jeudi 25 mai, Franck Leroy a balayé cette possibilité en une lettre de sept paragraphes, estimant que l’utilisation généralisée du numérique en classe de lycée est bénéfique pour les lycéens. L’élu se félicite de cette mise en place pendant la période covid et vante une stratégie régionale « qui a fait ses preuves ». Il affirme qu’une évaluation du dispositif « impartiale, (…) se fait en temps réel et en permanence », à travers des rencontres régulières avec les syndicats de proviseurs, les adjoints-administrateurs et les parents d’élèves, en plus des « remontées quotidiennes » des citoyens de la région.
« Nous ne sommes pas habilités à mener une étude de ce type »
Comme le déplorait la conseillère régionale EE-LV Caroline Reys auprès de Rue89 Strasbourg, Franck Leroy estime que la Région n’est pas responsable des implications pédagogiques du numérique au lycée. Il laisse cette responsabilité à l’Éducation Nationale : « Nous mettons à disposition l’outil, en aucun cas nous émettons une contrainte pédagogique (…) Nous ne sommes pas habilités à mener une étude de ce type », poursuit-il dans son courrier où il précise que chaque conseil d’administration des lycées a validé le dispositif.
Aucune trace des impacts sanitaires et écologiques
Dans sa réponse écrite, le président de la Région ne fait aucune allusion aux impacts sanitaires décrits dans un avis du Conseil supérieur des programmes en juin 2022. « Troubles de la vue, de l’attention, du sommeil, de la mémoire, du langage, du comportement, passivité intellectuelle et perte de capacités fonctionnelles, jusqu’à des pathologies graves d’ordre psychologique et psychiatrique », liste le collectif CoLINE.
Aucune allusion non plus au « coût écologique et énergétique » de la généralisation du numérique. Dans sa réponse à Franck Leroy, le collectif Nous, Personne réitère sa demande :
« Nous réclamons que la Région publie au plus vite tous les chiffres permettant d’estimer l’impact écologique de son dispositif « 4.0 » : nombre d’ordinateurs achetés à HP, quantification des matières premières, combustibles, produits chimiques et ressources en eau consommés pour les produire et pour les transporter ; estimation de la consommation d’énergie occasionnée chaque année (des terminaux aux data centers) ; traduction en termes de déchets ; explications sur le traitement et le devenir des déchets, non recyclés. »
Le 29 mai, les collectifs ont dénoncé la réponse du président, déplorant un « choix irresponsable », des « pratiques pédagogiques bouleversées » et un « argument purement gestionnaire et totalement insignifiant ». Après la manifestation du 26 mai et une rencontre avec des élus régionaux EE-LV, un organisateur de la manifestation se dit déterminé « à continuer la lutte » jusqu’à obtenir les évaluations demandées.
Le 17 mars, la cour d’appel de Colmar a condamné l’assureur pour avoir licencié sans motif recevable l’un de ses employés. Le lanceur d’alerte avait signalé un risque d’explosion à la Coopérative agricole céréalière d’Ottmarsheim.
Étienne (le prénom a été modifié) avait été embauché en 2015 en tant qu’ »inspecteur vérificateur risques industriels » par la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles du Grand Est, plus connue sous le nom de Groupama Grand Est. Son travail : se déplacer sur les sites des clients de l’assureur, principalement des exploitations agricoles et industrielles, pour y vérifier deux choses. D’abord, les règles de solvabilité du contrat : est-ce que Groupama peut continuer d’assurer le client si une catastrophe survenait ? Il devait ensuite s’assurer que tous les risques étaient bien anticipés par le client. Si non, Étienne était censé donner des conseils afin d’éviter ces risques.
Un inspecteur qui alerte à trois reprises son employeur
En juillet 2017, l’inspecteur de risques industriels découvre qu’une entreprise de travaux agricoles située en Côte-d’Or en est à son troisième incendie, dont deux en un an. Des incendies qui sont survenus malgré des préconisations répétées de l’assureur à l’exploitation en question. Étienne émet des doutes sur les circonstances de l’incident et signale ses soupçons à son employeur. Mais Groupama Grand Est ne fait rien.
Toujours en juillet 2017, Étienne visite le site de la CAC (Coopérative agricole céréalière) d’Ottmarsheim, près de Mulhouse. Au cours de cette inspection, selon les mots de la cour d’appel de Colmar, « il aurait identifié onze infractions à la réglementation en matière d’incendie, d’explosion et de protection des salariés ainsi qu’un risque d’incendie majeur dans ce site de stockage d’engrais situé à 800 mètres de la commune d’Ottmarsheim, à 200 mètres d’une usine chimique et à 13 kilomètres de la centrale nucléaire de Fessenheim. »
De retour de cette visite, Étienne établit un plan de recommandations que Groupama Grand Est refuse de transmettre à la CAC d’Ottmarsheim. Il alerte par la suite son supérieur, à deux reprises, de ces risques d’explosion non pris en compte par l’assureur.
Ignoré par Groupama Grand Est, Étienne se tourne vers les institutions, puis les médias
Devant le silence et l’inaction de son employeur, Étienne décide d’abord d’écrire à l’Association anti-corruption (AAC) en janvier 2018 pour dénoncer des faits de fraude fiscale et d’abus de bien social dans l’affaire de l’exploitation agricole aux trois incendies en Côte d’Or. Selon un document que Rue89 Strasbourg a pu consulter, Groupama Grand Est aurait continué d’assurer cette société, malgré les alertes.
Quelques mois plus tard, voyant que ses alertes ne sont pas prises au sérieux concernant la CAC d’Ottmarsheim, Étienne décide de contacter l’Autorité de sûreté nucléaire car il craint une réaction en chaîne si une explosion survient à la CAC. Il signale aussi la situation à la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) et au Service de défense, de sûreté et d’intelligence économique.
« Un lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, (…) ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. »
Article 6 de la loi du 8-9 décembre 2016.
Six semaines plus tard, licencié pour faute lourde
Le 9 novembre 2018, soit un mois et demi après la parution de l’enquête mettant en cause Groupama Grand Est et la CAC d’Ottmarsheim, Étienne est convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.
Enfin, le 10 décembre 2018, comme l’indique l’arrêt de la cour d’appel de Colmar :
« Groupama Grand Est notifie à (Étienne) son licenciement pour faute lourde. L’employeur motive le licenciement en expliquant que le salarié a abusé sciemment du statut et des prérogatives de lanceur d’alerte en instrumentalisant des informations confidentielles auxquelles il avait eu accès dans l’exercice de ses fonctions dans l’intention de nuire à l’entreprise et à ses représentants. »
Selon l’employeur d’Étienne, le salarié aurait agi de la sorte car « il n’avait pas bénéficié d’une augmentation salariale pour l’année 2018 du fait de l’insuffisance de ses performances individuelles et d’importants manquements dans ses postures professionnelles envers ses collègues de travail et les assurés en 2016 et 2017. »
Le statut de lanceur d’alerte reconnu mais pas pour le signalement sur la CAC
Les conditions pour obtenir le statut de lanceur d’alerte sont complexes. Selon les juges de Colmar, le signalement d’Étienne portant sur les possibles conséquences d’une explosion d’engrais stockés sur le site de la CAC relève bien « d’une menace ou d’un préjudice grave pour l’intérêt général », mais – et là est la nuance – comme « ce risque ne concerne pas son employeur mais un client de son employeur », le salarié ne peut bénéficier des dispositions de l’article.
En revanche, Étienne a obtenu le statut de lanceur d’alerte sur le volet bourguignon de l’affaire, car il dénonçait des faits pouvant être qualifiés de « fraude fiscale et abus de bien social » de la part de son employeur. Il bénéficie donc d’une protection à ce titre.
Conclusion finale des juges : le licenciement est nul. Et le statut de lanceur d’alerte est bien reconnu à Étienne. Groupama Grand Est a été condamnée à lui verser 18 638 euros de dommages et intérêts pour son licenciement.
Contacté, l’assureur refuse de commenter l’affaire et informe se pourvoir en cassation. De son côté, Étienne n’a pas souhaité non plus répondre à nos questions.
Au-delà des sempiternelles réponses négatives à nos demandes d’information, la préfecture a retiré Rue89 Strasbourg de la liste d’envoi des communiqués de presse fin septembre 2022. Interrogée à l’issue d’une conférence de presse, la préfète Josiane Chevalier dénonce un traitement inéquitable de la part de Rue89 Strasbourg, tout en promettant de renouer le lien.
« Il n’a pas été réservé de suite favorable à votre demande. » Les journalistes de Rue89 Strasbourg connaissent cette réponse de la préfecture du Bas-Rhin par cœur. À chaque demande d’information envoyée au service communication des services de l’Etat, c’est le même retour : négatif, sans explication. Depuis mi-2021, le dialogue est rompu entre notre média d’investigation locale et l’institution représentante de l’État dans la région.
Aucune réponse puis aucun communiqué
Depuis janvier 2022, notre journaliste Thibault Vetter compte ainsi 18 sollicitations écrites et restées sans réponse de la part de la communication préfectorale. Sur huit demandes presse, Pierre France n’a obtenu qu’une seule réponse de la préfecture. Pour Maud de Carpentier, depuis septembre 2022, aucune réponse du service communication malgré trois demandes. De même pour Camille Balzinger, qui n’a jamais obtenu de renseignements malgré quatre sollicitations en 2022 et en 2023.
Fin septembre 2022, la préfecture du Bas-Rhin a carrément décidé de boycotter l’unique média d’investigation indépendant d’Alsace, en retirant Rue89 Strasbourg de la liste des destinataires de ses communiqués et invitations de presse. Rue89 Strasbourg ne fait guère le relais de l’activité préfectorale, mais lorsque la préfecture communique sur le Grand contournement ouest, les catastrophes naturelles ou les vigilances canicule ou autres plans grand froid, c’est plus gênant.
Un obstacle de taille pour notre travail
Le boycott préfectoral est d’autant plus néfaste à notre travail qu’il contamine les administrations décentralisées de l’Etat, du moins celles qui estiment devoir transmettre toutes les demandes presse à la préfecture. Ainsi lorsque notre journaliste stagiaire Axelle Auvray a travaillé sur la pollution de l’eau par les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) n’a pas pu répondre sur son rôle, sa vigilance et son plan d’action, sur une question majeure de pollution affectant le grand public, en raison du silence imposé par la préfecture du Bas-Rhin…
Plus récemment, mercredi 24 mai, notre journaliste Camille Balzinger a couvert l’évacuation du squat Bourgogne dans le quartier de la Meinau. Peu après 6h, face à un cordon de forces de l’ordre, elle a été interdite d’accès au bâtiment. Un gendarme lui a indiqué que « Rue89 Strasbourg n’était pas autorisé à passer le cordon des forces de l’ordre », alors que d’autres journalistes étaient autorisés à pénétrer le squat. Il a fallu toute la ruse de notre consœur pour contourner quelques buissons et cette désolante interdiction.
Un boycott sans explication
À plusieurs reprises, par téléphone, nous avons tenté d’obtenir des explications sur cette situation ubuesque où une institution d’État choisit de mettre à l’écart un média d’information. Sans résultat. La direction de la communication renvoyait vers la préfète et conseillait d’échanger avec elle à l’issue d’une conférence de presse. La démarche étant d’autant plus compliquée que nous ne recevons plus les invitations à ces conférences de presse…
Mais au-delà de cet obstacle pratique, ce conseil nous gênait d’un point de vue déontologique : devons-nous rencontrer la préfète pour lui demander de mettre fin au boycott ? Si Josiane Chevalier avait des reproches à faire à un article ou l’autre, n’était-ce pas à elle ou son service communication de nous solliciter pour échanger sur le sujet ?
Un ancien agent de la préfecture a accepté de répondre à nos questions sur cette stratégie de la préfète. Ce dernier n’est pas étonné de ce boycott :
« Josiane Chevalier n’aime pas du tout être critiquée. Donc les enquêtes à la Médiapart, elle déteste. C’est une préfète qui attend des journalistes qu’ils écoutent lors des conférences de presse et transmettent le discours de la préfecture. Au-delà de son rapport aux journalistes, c’est une préfète qui se permet des sorties très politiques, contre la maire de Strasbourg notamment. Je pense que c’est lié à des consignes du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui a lancé une guerre de communication contre les municipalités écologistes. »
Depuis 2020 effectivement, Josiane Chevalier est plusieurs fois entrée en conflit avec la municipalité strasbourgeoise, notamment lors des critiques du ministre de l’Intérieur sur le financement de la mosquée Eyyub Sultan.
Josiane Chevalier : « On souhaite avoir quelque chose de plus équilibré »
Jeudi 25 mai, Rue89 Strasbourg s’est rendu à l’hôtel préfectoral à l’occasion d’une conférence de presse sur le Service national universel (SNU). Autorisés à pénétrer l’enceinte du bâtiment historique, nous avons demandé à la préfète pourquoi elle refusait de travailler avec Rue89 Strasbourg. La représentante de l’Etat a accepté de saisir cette occasion pour s’expliquer :
« Rue89 Strasbourg n’a pas toujours été correct avec nous, nous n’avons pas été traités de manière équitable. Je prends le cas du camp de l’Étoile qui n’est plus un sujet puisque le tribunal administratif a tranché en faveur de l’Etat. Je me fais épingler par des titres qui ne sont pas acceptables alors que, la preuve, j’étais dans mon droit. Il y a eu des choses comme ça, notamment au sujet des migrants, laisser croire que l’État ne fait rien alors que c’est l’État qui finance l’essentiel des dépenses. Nous ce qu’on souhaite, c’est avoir quelque chose de plus équilibré. Si on trouve des choses plus équilibrées, moi j’ai pas de souci. »
Au cours d’un échange d’une dizaine de minutes, Josiane Chevalier a nié avoir donné des consignes d’interdiction spécifiques à Rue89 Strasbourg lors de l’opération d’évacuation du squat de la veille. Affirmant agir pour protéger les fonctionnaires, elle rappelle que ses services et ceux de l’Etat « ne sont pas là pour se faire matraquer » et précise :
« Il y a eu des excès de la part de Rue89 Strasbourg, je dois marquer le coup. (…) Sur les sujets polémiques, je n’ai pas la même liberté de parole qu’un élu, je dois communiquer de façon équilibrée. Jamais je ne chasserai un journaliste mais je parle à qui je veux, et je communique de la manière dont je le souhaite… Et d’ailleurs je communique beaucoup par les réseaux sociaux. »
Josiane Chevalier a néanmoins considéré que cet échange avait permis « une explication » et « considère que le lien est renoué » avec Rue89 Strasbourg. Espérons le, car depuis plus d’un an, notre liste de questions à adresser à l’Etat n’a cessé de s’allonger…