La programmation de la Fête de la musique accole des groupes locaux qui tournent depuis des années à d’autres plus récents, dont les premiers morceaux ne sont pas encore disponibles. Quelques raisons d’aller y promener une oreille ou deux.
Comme à chaque 21 juin, le centre-ville de Strasbourg va se couvrir de scènes éphémères, afin d’accueillir dignement les artistes qui se produiront à la Fête de la musique. La Ville a mis en place trois espaces dotés d’une programmation soutenue par la commune. Une dizaine d’autres scènes « partenaires » seront également installées, gérées par des associations.
La grande scène, place Kléber, annulée
18h : Un « Just Dance » géant est programmé, sur le modèle du jeu vidéo d’Ubisoft consistant à imiter des chorégraphies. Cette heure de gym tonique en rythme se déroulera sous la houlette du danseur « Of Hugo », trois fois finaliste aux championnats nationaux de Just Dance.
19h : Maeva 20h05 : Amoure
Belle occasion de découvrir ce groupe strasbourgeois de pop française, à mi chemin entre Feu Chatterton et La Femme. Avec ses compositions efficaces et ses textes contemporains, les morceaux d’Amoure sont calibrés pour être diffusés sur toutes les radios. Ambiance garantie place Kléber.
21h10 : The One Armed Man
Changement d’ambiance avec The One Armed Man, un groupe de rock strasbourgeois beaucoup plus sombre et profond, que Rue89 Strasbourg vous a présenté il y a dix ans. Avec ses compositions ultra-conformes aux canons du rock, dotées de textes en anglais soutenus par la voix rauque de Pierre Vasseur, le groupe qui réunit Colin Schaub à la batterie, Alex Barth à la basse et Stéphane Bonacci à la guitare vient de publier son second album sobrement intitulé « #2 ». Headbanging garantie place Kléber, avec peut-être quelques pogos en prime…
22h15 : Lyre le temps
On ne présente plus Lyre le temps. Le groupe représente le swing strasbourgeois sur toutes les scènes européennes depuis 10 ans. Voir nos précédents articles sur ce groupe minutieux, précis aux influences croisées et au rendu millimétré.
Place Gutenberg (programmation déplacée sur la place Saint Thomas)
18h : Zimmer90
Il faudra se presser tôt pour profiter du trio allemand Zimmer90, sorte de groupe façon Polo & Pan, à l’allemande. Trente ans plus tôt, on aurait pu parler de boys band germanique ; de nos jours, on parlera plutôt d’électro-pop européenne « sucrée ». Quoiqu’il en soit, ce sera parfait pour démarrer la soirée avec 30°C à l’ombre…
18h45 : Lüssi
Après 45 minutes de rythmes calibrés et chaloupés, il sera intéressant de voir comment Lüssi va poursuivre le set. Toute nouvelle sur la scène alsacienne, mais avec une voix et une maîtrise qui forcent l’admiration, grâce notamment à la musicalité épurée de ses compositions, elle saura emporter le public strasbourgeois, qu’elle rencontre pour la première fois.
19h30 : Let us dream
Seul en scène, Let Us Dream propose du pop folk en anglais.
20h15 : Pao du kima
Toujours invisible et inaudible sur les plateformes, il faudra saisir cette opportunité pour écouter la pop sucrée de la strasbourgeoise Pao du Kima, et découvrir son univers cousu de délicatesse et de puissance féminine.
21h : Seamer
Ce jeune groupe alsacien a été vu à Paye ton Noël ou au Blue note café. Très vocal, ce groupe propose un mix étonnant de hip hop mâtiné de sonorités jazz.
21h45 : Jiulia Via
La place Gutenberg sera décidément la place dédiée aux femmes avec cette troisième artiste vocale. Son univers folk et naturel ne se déploie qu’en concert pour l’instant, mais un premier album est attendu dans les prochains mois.
Il faudra se presser place Broglie pour aller à la rencontre de ce groupe poétique et ensoleillé qu’est Las Baklavas. Constituée de cinq femmes chanteuses et instrumentistes (violon, basse, accordéon , clarinette et alto) et d’un homme à la batterie, la formation explore principalement les répertoires traditionnels des Balkans et de l’Amérique du sud pour proposer des périples sonores délicats.
22h30 : Contre Meute (rock)
Place Saint-Thomas
La Ville de Strasbourg propose plusieurs ateliers musicaux aux plus jeunes place Saint-Thomas :
14h : Atelier par Bougrr, un duo de voleurs de chansons,
15h45 : Atelier No Limit Orchestra
18h : concert de Bougrr
19h05 : concert de l’école de musique Saint-Thomas
Les scènes associatives
Place Saint-Pierre-le-Jeune : Radio Ylla (musiques du monde)
Place Saint-Étienne : Carbone 14 (électro)
Place des Meuniers : Tropic Groove (musiques des Caraïbes)
Place du Marché-Gayot : St’artbourg (pop rock DJ)
Place Broglie – Opéra du Rhin : Unity Sound (électro)
Place du Temple-Neuf : Collectif WIR (DJ)
Square Louise-Weiss : Antipod Brothers Sound (hip-hop)
Place Saint-Nicolas-aux-Ondes : Radio France (pop rock)
Place du Marché-aux-Cochons-de-Lait : Rock in place (rock)
Place de Zurich : Full Moons (électro)
Autres scènes
Campus de l’Esplanade
Le service culturel de l’Université de Strasbourg deux concerts :
18h30 – 19h15 – Duo Lazô avec Laura Phelut, mezzo-soprano et Zoé Schade, piano. Mélodies françaises de Gabriel Fauré, Henri Duprac, Ernest Chausson, Claude Debussy, Déodat De Séverac, Reynaldo Hahn, Maurice Ravel, Francis Poulenc et Karol Beffa.
19h15 – 20h30 – Quatuor Furioso avec aux trombones Étienne Agard, Mathéo Mazillo, Mattéo Morize et Kiichi Tanizawa. Reprises de musiques de film dont James Bond, Aladdin, le Château Ambulant et Pirates des Caraïbes.
Maison Mimir (18 rue Praechter, Krutenau)
Malgré l’incendie qui a ravagé sa partie historique, la Maison Mimir accueille une série de concerts dans la cour la plus solidaire de la Krutenau.
13h -16h open mix16h -18h Becker (Hip Hop – Funk – Roots)
18h -19h Koon (House)
19h -20h Utopic Sound (Dub)
20h -21h Momo (Drum And Bass)
21h -22h Tekotak (Tekno)
22h – minuit TAC Hifi (Dub – Stepper)
À l’appel d’une intersyndicale de la fonction publique hospitalière, une première grève a été annoncée pour mardi 20 juin à 13h pour l’ensemble du personnel des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Un autre préavis a été déposé dans un service de l’hôpital de Hautepierre pour le jeudi 22 juin.
« On a déjà 300 lits de fermés au quotidien. On va encore fermer combien de lits ? » Secrétaire du syndicat CGT, Pierre Wach décrit la situation des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS) avec pessimisme. Rejoint par les formations syndicales Sud, FO et CFTC, le syndicaliste a déposé un préavis de grève pour le mardi 20 juin à partir de 13h. L’intersyndicale appelle à manifester devant les urgences du Nouvel hôpital civil (NHC). Le lieu est symbolique. Il incarne l’un de ces services en souffrance de l’hôpital public, comme l’explique Pierre Wach :
« Demain on va dire stop à la maltraitance institutionnelle pour les professionnels de santé et les patients. Attendre des heures et des heures devant les urgences, c’est être maltraité. Attendre des heures sur un brancard à 80 ans, c’est de la maltraitance, qui se répercute sur nos professionnels de santé, y compris les cadres, qui font ce qu’ils peuvent. »
Le SAS ne passe pas
À l’hôpital public strasbourgeois, la grève doit aussi permettre aux forces syndicales de mettre la pression sur la direction de l’hôpital et le ministère de la Santé. L’annonce du ministre François Braun concernant le SAS pour soulager les urgences (lire notre article sur le projet strasbourgeois) a fait réagir les syndicats des HUS. Dans un mail que nous avons pu consulter, le directeur général des HUS Michael Galy admet que les moyens humains manquent encore pour mettre en place le dispositif : « Je vous confirme, en plein accord avec les autorités de tutelle, que la date de démarrage du SAS envisagée est fin septembre ou début octobre, si les conditions de fonctionnement sont réunies. »
Malgré cette réponse de la direction, la colère de Pierre Wach reste entière face à l’inconséquence du ministre François Braun : « Il a mis le directeur des HUS devant le fait accompli. Mais ses annonces ont un effet. Cet été, les gens vont appeler le 15 comme si le SAS avait déjà été mis en place… »
« Il faut effacer la dette de l’hôpital »
« Vous avez un système hospitalier qui devient fou, continue le syndicaliste CGT, les professionnels de santé ne peuvent plus avoir trois semaines de congés de suite. Et même quand ils prennent deux semaines, on leur demande s’ils peuvent rester, au cas où… »
Pierre Wach énumère les trois principales revendications de l’intersyndicale à Strasbourg :
« Tout d’abord, les professionnels de santé doivent avoir droit au respect de leurs congés et au respect de leur vie privée. Il faut arrêter de rappeler les soignants sur leurs repos ou congés, sinon les derniers motivés vont se barrer.
Ensuite, il faut que l’Agence Régionale de Santé prenne acte de la situation aux urgences strasbourgeoises et de la mise en œuvre du SAS à marche forcée par notre ministre.
Enfin, il faut que l’ARS fasse entendre raison au ministre et qu’on efface la dette de l’hôpital de Strasbourg qui n’est pas responsable d’une mauvaise gestion. Il faut qu’on puisse recruter et fidéliser nos soignants en annulant la dette. Le directeur général doit donner des conditions de travail correctes mais encore faut-il que le ministère lui donne les moyens de le faire. »
Autre grève, même revendications
Les revendications sont assez proches de celles du syndicat Force Ouvrière. Le délégué Christian Prud’homme a déposé un préavis de grève concernant les personnels de « chirurgie générale hépatique endocrinienne et transplantation », à l’hôpital de Hautepierre :
« Après avoir rencontré l’équipe des infirmiers(ères) de blocs opératoires et constatant une non prise en considération de leurs conditions de travail, plus que fortement dégradées, dont l’une des principales causes est l’insuffisance de l’effectif de l’équipe. (…) Le rythme imposé en astreinte et le temps de travail effectif ne peut perdurer en l’état. Aujourd’hui, ces professionnels se voient attribuer des lignes de planning contradictoires. A ce jour, il n’a pas été trouvé de solutions permettant de revenir à un rythme cohérent, amenant une sérénité organisationnelle et leur assurant une possibilité d’organiser leur vie privée. »
Le mouvement de grève est annoncé pour la journée du jeudi 22 juin, si les réponses apportées par la direction lors d’une réunion le mardi 20 juin à 18h sont insatisfaisantes.
À chaque fois qu’une décision remet en cause la place de la voiture, les mêmes défenseurs et les mêmes craintes finissent toujours par ressurgir. De la première piétonnisation en 1972 à la future transformation de l’avenue des Vosges, retour historique sur les batailles politiques du bitume.
Banderoles, interpellations, coups médiatiques…Pas une semaine, sans qu’une actualité nourrisse la polémique. Depuis trois mois, l’équipe municipale traîne comme un boulet ses décisions sur la place de la voiture et sur le stationnement. Trois mois de guerre larvée, qui débute par l’annonce le 15 mars de la fin du trafic de transit sur l’avenue des Vosges, l’un des axes centraux de Strasbourg. Aussi l’un des plus pollués.
Trois jours plus tard, en adoptant une délibération sur la hausse substantielle du stationnement résidentiel – s’échelonnant de 15 à 30 et 40 euros suivant le niveau de revenu – la majorité écologiste jette un bidon d’essence sur le feu. Rapidement, une fronde prend forme mêlant élus d’opposition, commerçants inquiets et automobilistes frustrés. Aujourd’hui encore, la tension entre eux et la municipalité reste intacte, toujours éruptive… Mais loin d’être inédite.
En remontant un peu l’histoire politique de la voiture à Strasbourg et sa place dans l’espace public, on retrouve d’autres conflits similaires, plus ou moins violents. Si l’époque, les mentalités et les majorités changent, les clivages restent les mêmes.
Sous les (vieux) pavés, la route : la piétonisation débute avec Pierre Pflimlin
Les premières piétonisations sont presque indolores. En 1972, le maire Pierre Pflimlin opère en deux temps : il ferme la circulation des voitures sur les rues étroites jouxtant la Cathédrale, la rue du Maroquin et la place du Marché-aux-Cochons-de-Lait. Puis, en 1975, il stoppe le passage sur la rue Mercière, la rue des Orfèvres et la rue des Hallebardes. Excessivement passantes, peu adaptée à la circulation des voitures, la fermeture de ces rues aux automobilistes ne fait pas de vague, même si quelques commerçants expriment déjà leurs inquiétudes. En compensation, le parking souterrain de Gutenberg ouvre en 1976.
En 1977, cette politique de piétonnisation s’étend à une partie de la Petite-France. « À l’époque, il y avait encore de la production dans ce secteur », se souvient le président de l’association des Amis du vieux Strasbourg, Olivier Ohresser. À l’évocation de cette période, il retombe en enfance :
« J’étais petit, mais je me souviens de la chocolaterie Schaal, au bord de l’Ill. L’odeur de chocolat parfumait le quartier, on le sentait tous après l’école. Avant la piétonnisation, il y avait quelques usines comme ça, qui maintenaient leurs activités dans la Petite-France. »
La piétonnisation avortée de la Grande-Île
Pour aussi accentuer sa politique de valorisation du centre-ville, Pierre Pflimlin propose, dès 1972, un plan de développement du centre-ville visant à piétonniser progressivement l’ensemble de la Grande-Île. Devant son conseil municipal, il défend sa vision : « Le noyau urbain est assez restreint. On peut le traverser à pied en un quart d’heure : ce n’est pas énorme. Il n’est donc pas absurde d’imaginer que ce noyau urbain tout entier soit livré aux piétons ». Lors d’une autre séance, l’ancien maire est plus cinglant : « Tout de même, les Strasbourgeois ne sont pas tous des culs-de-jatte ! »
Dans l’essai « Géopolitique de Strasbourg : permanences et mutations du paysage politique depuis 1871 », les chercheurs Dominique Badariotti, Léon Strauss et Richard Kleinschmager évoquent une période de débats âpres, où « maints conseils tournaient à la joute oratoire sur le sujet ». Après l’expérimentation d’un secteur piétonnier temporaire, sur quatre week-ends, l’Association des commerçants s’oppose à la poursuite de l’expérience. Agacé, le maire décide la piétonnisation de la rue Mercière en 1975, sans aller plus loin.
Catherine Trautmann : « J’ai eu droit aux insultes et aux engueulades »
Après l’unique mandat de son successeur Marcel Rudloff, l’élection inattendue de Catherine Trautmann à la mairie représente un petit cataclysme pour les mobilités. Portant à bout de bras un projet de construction du tram, elle assume de réduire drastiquement le trafic routier au centre-ville. Dès 1992, elle piétonnise la rue des Francs-Bourgeois et la rue des Grandes-Arcades. Cette dernière voie est à l’époque l’un des axes principaux de la ville, puisqu’elle permet de traverser d’une traite la Grande Île, du nord au sud. Conséquence immédiate : plus aucune voiture ne traverse la place Kléber, située entre les deux rues.
« Le jour même, lorsque j’ai coupé la circulation sur la place, j’ai eu droit aux insultes et aux engueulades », se remémore Catherine Trautmann, avec une pointe d’amertume.
« Contre moi, la droite faisait son possible, en faisant signer des pétitions au maximum de monde, jusqu’à leurs propres grands-parents. L’Automobile club était viscéralement opposé à ma politique tout au long de mon mandat, comme la chambre de commerce locale. »
« Effectivement, à l’époque nous avions une communauté de membres focalisés sur la voiture », reconnaît timidement Céline Kasler, directrice des politiques publiques au sein de « Mobilité club France » – le nouveau nom de « l’Automobile club ». D’un ton très policé, elle explique que le Mobilité club se positionne toujours contre les « (décisions) politiques opposant les modes de déplacements ». Même prudence lexicale pour Jean-Luc Heimburger, président de la Chambre de commerce et d’industrie d’Alsace depuis 2016 :
« On garde un rôle neutre puisqu’on représente l’État. On ne fait pas de politique. Mais on est obligé de réagir aux décisions qui sont défavorables aux entreprises. On ne voulait pas décourager les consommateurs extérieurs au centre-ville, ou les personnes âgées par exemple. »
Les petites victoires du piéton : Roland Ries applique la méthode douce
Après le départ de Catherine Trautmann pour le ministère de la Culture en 1997, son premier adjoint Roland Ries reprend les rênes de la ville. Plus effacé que la maire précédente, il évite les conflits ouverts durant les deux mandats et demi qu’il exerce (1997-2000 et 2008-2020). De fait, les aménagements qu’il met en place représentent aussi des changements moins radicaux sur les mobilités.
Un cas se démarque tout de même : la transformation du quai des Bateliers. Sa piétonnisation, définitivement achevée en 2019, avait provoqué une réaction épidermique des petits commerçants du secteur. « Petits », mais organisés et vindicatifs.
Dès l’annonce du projet, en 2016, certains d’entre eux collent des affiches alertant sur les risques que la fin du trafic ferait courir aux petits commerces. La présidente de « l’Association des commerçants du quai », Micheline Christophe, prophétisait à l’époque dans notre espace de commentaires que « ce projet met en péril des petits commerçants qui vont devoir supporter deux ans de travaux et un isolement total in fine. »
D'axe de circulation automobile à promenade piétonne ultra-attractive
« Même les commerçants opposés s’y retrouvent aujourd’hui. »
Jean-Luc Heimburger minore : « À l’époque, on manifeste pour dire qu’on ne peut pas fermer un axe aussi important sans voir les conséquences pour le quartier ». Sa réponse provoque l’hilarité chez Alain Jund (EELV), vice-président de l’Eurométropole chargé des transports, ayant lui-même milité en 2014 pour la fermeture du quai aux voitures.
« C’était beaucoup plus virulent qu’ils le disent. Je me souviens de réunions très agitées, notamment à l’église Saint-Guillaume, où les représentants des commerçants surjouaient l’indignation. Ils assuraient qu’on allait tuer le petit commerce ».
Mais Roland Ries et son équipe temporisent, restent diplomates. L’édile expérimente plusieurs modalités : il instaure d’abord une zone de rencontre, entre piétons et cyclistes, jusqu’au printemps 2019. Quelques mois plus tard, pour permettre l’installation des animations estivales, la voie redevient temporairement piétonne. Finalement, elle le reste définitivement. Une méthode sinueuse, qui finit par avoir raison de Jean-Luc Heimburger :
« Alain Fontanel (ancien premier adjoint) a écouté nos revendications, en testant une option (ouverte à la circulation des voitures sur certains créneaux horaires, NDLR) pendant une période. Puis quand le quai des Bateliers est redevenu piéton, il a fallu reconnaître que la promenade marchait plutôt bien, on n’a pas contesté. Même les commerçants opposés s’y retrouvent aujourd’hui. »
« Troisième révolution » : Jeanne Barseghian exporte la piétonisation hors du centre-ville
Perçus comme hostiles à la voiture, l’arrivée au pouvoir en 2020 d’une majorité dominée par les écologistes ne pouvait qu’inquiéter les fervents conducteurs. Trois ans plus tard, leurs craintes se concrétisent avec l’annonce de la fin du trafic de transit sur l’avenue des Vosges, mais aussi sur une portion de la route de Bischwiller à Schiltigheim, ou encore devant le parvis de la gare. Contrairement aux précédentes étapes entrainant un recul de la voiture en ville, cette phase concerne des zones situés hors de l’hypercentre.
« Lorsqu’on a découvert ces mesures, c’était la stupéfaction », fulmine Jean-Philippe Maurer (LR), élu d’opposition au sein du conseil municipal. Déjà hostile à la transformation du quai des Bateliers, il est aussi diamétralement opposé aux projets du passage du tram nord (vers Schiltigheim) sur l’avenue des Vosges.
« C’est une rupture, un changement majeur… Mais vraiment, ça ne se justifiait pas. Contrairement aux autres piétonnisations, qui étaient presque toutes sur la Grande Île, celle-ci touche à une zone éloignée, dans un lieu où on ne se promène pas. En fait, c’est surtout une manière d’afficher leur volonté de changer le fonctionnement de la ville. On s’oppose à leur vision. »
En face, Alain Jund assume la volonté de la Ville de poursuivre la piétonnisation du centre. « La transformation de l’espace public ne peut pas être réservé au centre-ville, ne serait-ce que par équité. » Cette décision, fortement décriée par une partie des automobilistes, est-elle comparable aux épisodes houleux du passé ? Alain Jund y voit une continuité :
« La légitimité de la première piétonisation, c’était le tourisme. Pour la deuxième, c’était le passage du tram. Avec cette troisième révolution que nous portons, les causes sont mêlées. Nous voulons redonner du sens à ce quartier, en donnant envie de s’y promener, tout en facilitant la circulation du tram. »
Opposante déclarée au passage du tram nord par l’avenue des Vosges, Catherine Trautmann goûte peu les comparaisons avec son propre mandat : « J’ai pu lire ça dans la presse… Et ça n’a rien à voir. (…) Il y avait à l’époque une vraie démarche d’écoute et de pédagogie. On a accompagné et bien expliqué comment fonctionnent les trams, avec un vrai dispositif d’explication. »
Au-delà des questions de méthode ou de personnel politique, une autre différence apparaît nettement avec le passé : la mise en avant des enjeux écologiques. La question de la qualité de l’air et la lutte contre les maladies respiratoires induites par la pollution sont régulièrement mises en avant par la majorité écologiste, comme des éléments justifiant la diminution des voitures.
Le premier adjoint Syamak Agha Babaei reprenait ces impératifs pour justifer (en partie) les récentes hausses du prix du stationnement et l’extension d’une zone payante au Neudorf, rappelant que « les plus pauvres sont les premiers à souffrir de problèmes respiratoires liés à la pollution des voitures. » Reste que la majorité a récemment lâché du lest, en revoyant sa copie sur les tarifs du stationnement : ils seront moins élevés que prévu sur une partie du Neudorf, et plus faible qu’aujourd’hui sur le sud de l’avenue des Vosges à partir de 2024.
Arrivée à mi-mandat, la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, débute une tournée de rencontres directes avec des habitants. Sans protocole, la maire est interpellée sur de nombreux sujets techniques mais espère rappeler à cette occasion sa vision de la ville.
Une cinquantaine d’habitants du quartier Gare de Strasbourg étaient réunis square Saint-Jean samedi matin pour prendre « un café avec Jeanne Barseghian ». À mi-mandat, la maire écologiste de Strasbourg tient à défendre elle-même sa politique auprès des habitants : extension du tram vers l’ouest et vers le nord, végétalisation, hausse du stationnement et recul de la voiture en ville… Autant de sujets qui ont crispé plus d’un électeur.
Dans son introduction, la maire en profite donc pour rappeler sa vision d’une ville plus agréable, plus verte et où les flux de transit seraient maîtrisés. Après ce petit laïus pro-domo, elle se met à la disposition des habitants présents, des personnes plutôt âgées en majorité, quelques jeunes actifs et des habitués de la politique locale.
La litanie des soucis
Gérante d’un commerce boulevard de Lyon, une habitante demande des assurances quant aux indemnisations qu’elle attend suite à des travaux municipaux. Jeanne Barseghian écoute, puis transmets aux services de la direction des territoires, présente également. Un autre habitant, un chibani, vient avec une pile de documents détaillant des hausses de loyers impossibles à payer. La maire lui propose d’envoyer tout ça par mail… L’homme, qui avait mis un costume et une cravate malgré la chaleur, repart sans solution. Une dame interpelle sur son logement insalubre : relogée en attendant dans une résidence senior, elle y passe toute sa retraite… Pour chaque problème, Jeanne Barseghian redirige vers son cabinet ou les services de la Ville de Strasbourg même lorsque les habitants lui précisent que plusieurs courriers sont restés sans réponse.
Stationnement et sécurité vite amenés
« Pourquoi vous faites payer les transports en commun aux vieux », interpelle alors Roger, 72 ans : « les transports sont gratuits pour les jeunes, mais pour les vieux, on leur augmente le tarif. » Enfin une question politique ! Jeanne Barseghian prend son temps pour rappeler les hausses des coûts de la CTS et que la tarification a été revue pour être « plus juste et plus solidaire ». L’argumentaire est bien rôdé mais Roger s’éloigne sans être convaincu.
La sécurité au quartier Gare, qui avait fait l’objet d’une partie de ping-pong institutionnel entre la maire et la préfète à l’été 2022, arrive à la sixième interpellation, de la part d’un propriétaire-bailleur. Jeanne Barseghian répond par l’augmentation des patrouilles de policiers municipaux, la mise en place d’une équipe de médiateurs et de l’éco-brigade… « Tout ça c’est du charabia, moi je veux voir des actes », répond-t-il. La cheffe du cabinet de la maire décide d’écourter l’échange et d’organiser les tours de parole.
Manuel et Philippe, quadragénaires du quartier, regardent la maire se débattre avec leurs voisins. Ils sont là « en soutien », comme l’explique Manuel : « Les aménagements qui sont promis au quartier vont dans le sens de notre mode de vie. J’espère qu’elle ira jusqu’au bout. » Une autre habitante se plaint des nuisances sonores du Wagon Souk : « En vingt années de présence, je n’ai jamais appelé la police, mais là, ils abusent. » Jeanne Barseghian répond que le problème est identifié et qu’un « serrage de vis » allait être opéré auprès du lieu alternatif et festif de la rue du Rempart. Les « dépôts sauvages » d’un restaurant près de la Gare ont aussi fait l’objet d’un signalement.
Deux heures plus tard, Jeanne Barseghian prend congé des quelques habitants encore présents. Satisfaite d’avoir pu détailler sa politique directement, elle résume : « On a lancé tous les projets que nous avions annoncés. On entre maintenant dans une phase de concrétisation. Notre enjeu désormais est de tenir le calendrier. » Sinon, il faudra expliquer ce qui a raté et ce sera encore plus compliqué.
Trois à quatre fois par an depuis 1995, Pumpernickel secoue la petite scène politique de Wissembourg. Dans ce royaume hors du temps où jamais rien ne dépasse, la ligne éditoriale caustique et farouche de cet irrégulomadaire est fermement tenue par Antoine Michon, qui assume le rôle d’écolo jamais content de service.
Quand il a sorti le premier numéro de Pumpernickel, quatre pages A4 en septembre 1995, Antoine Michon voulait surtout régler ses comptes. Candidat malheureux à de multiples élections locales, il avait fini par quitter les Verts deux ans plus tôt, ne supportant plus les querelles d’égos ni les jeux de pouvoir qui s’y nouaient. Mais voir Pierre Bertrand (RPR puis UMP) réélu maire dès le premier tour des élections municipales de 1995 pour un troisième mandat l’a convaincu de reprendre la politique, sous une autre forme.
Antoine Michon n’a rien perdu de son mordant
« Je trouvais cette réélection tellement ridicule que j’ai voulu tourner le spectacle en dérision », se remémore Antoine Michon. 99 numéros plus tard, il n’a rien perdu de son mordant. Un article de la 100e édition, datée de mai 2023, sur la municipalité de Wissembourg est titré ainsi : « Bilan de mi-mandat : Quel bilan ? Quel mandat ? »
Un peu radical, un peu dur, partial ? Antoine Michon assume ses marottes, comme le vélo ou le musée Westercamp. Malgré trois municipalités différentes, aucune ne trouve grâce dans sa plume :
« Entre ceux qui y sont et ceux qui s’y voient, c’est toujours le même cirque et rien ne bouge. Au début, j’allais assister aux conseils municipaux, mais tout est tellement verrouillé que ça n’a absolument aucun intérêt. Mais je continue d’écrire surtout parce que je me marre bien. Chaque numéro est une forme de thérapie : je peux raconter ce que je veux et au moins, personne ne m’interrompt. »
Antoine Michon a bien tenté d’être constructif : dans le numéro 65, une série d’idées avaient été proposées aux candidats alors en campagne électorale. Bilan de cette générosité intellectuelle : aucune idée reprise, par aucun candidat. Depuis, il a repris le fil de la critique systématique.
Une plainte du maire en 2003 et beaucoup de soutien
Pumpernickel, du nom d’un petit personnage de la mythologie locale, a toutefois fâché tout rouge le roi de la contrée en 2003. Le maire d’alors, Pierre Bertrand, a porté plainte en diffamation contre Antoine Michon et obtenu gain de cause. L’affaire lui aura coûté 6 000€, surtout en frais d’avocat de la partie adverse, et laissé un goût amer :
« Depuis cette époque, j’ai adopté un « style allusif » comme disent mes lecteurs… Les protagonistes ne sont plus nommés mais ce n’est pas grave. Tout le monde s’y retrouve très bien. Je ne veux plus d’emmerdes. »
À cette époque, Pumpernickel a bien failli tirer sa révérence, mais un élan de solidarité a permis de collecter la somme, lors d’une fête dans la cour du domicile d’Antoine Michon :
« On m’a souvent mis en garde : « à force de critiquer tout le monde, tu finiras seul. » Mais ce jour-là, j’ai compris que je n’étais pas seul, et que des centaines de personnes étaient prêtes à me soutenir. C’est finalement l’inverse qui s’est produit : je n’ai jamais eu autant de soutien. »
Un média rédigé sur le temps libre d’un professeur à la retraite
Pour autant, Antoine Michon n’a jamais voulu structurer son média. Tout juste existe-t-il une « association des amis de Pumpernickel » dont les statuts précisent qu’elle ne peut recevoir de subvention d’aucune sorte. Ancien professeur de technologie à la retraite, Antoine Michon écrit sur son temps libre. Il prend environ une journée par page et imprime sur ses fonds propres, 200€ pour 325 exemplaires de chaque numéro de 8 à 12 pages, et 150€ de frais d’affranchissement pour ceux qui le reçoivent à domicile. Pas de caisse, pas de paiement en ligne : les Wissembourgeois glissent un billet à Antoine « pour ton journal » lorsqu’ils le croisent en ville ou au marché.
Depuis quelques temps, il a été rejoint par Jean-Yves Dousset, qui illustre les pages et permet d’initier « une discussion de rédaction, ce qui est très appréciable, on se relit l’un l’autre avant publication… » Une collaboration qui tient du miracle, Antoine Michon avouant à demi-mot que les pages de Pumpernickel ne sont guères ouvertes aux contributions extérieures. Les lutins grincheux restent rares dans la contrée…
Le rectorat a annoncé la fermeture d’une classe de maternelle à l’école Bauernhof d’Eckbolsheim pour la rentrée de septembre 2023. Les parents d’élèves se mobilisent contre cette décision et appellent à un rassemblement devant l’établissement lundi 19 juin.
Le rectorat a pris la décision de fermer l’une des cinq classes en maternelle à l’école Bauernhof d’Eckbolsheim pour la rentrée de septembre 2023. « D’après nos estimations, il y aura 112 élèves dans cet établissement, ce qui correspond à quatre classes. Le seuil pour avoir cinq classes est de 118 élèves, » explique le rectorat. Il manquerait donc six élèves au total pour arriver au seuil permettant le maintien de la cinquième classe. C’est une classe de grande section qui devrait être supprimée.
« Les enfants ont besoin de disponibilité »
L’annonce ne passe pas auprès de certaines familles, qui y voient une dégradation des conditions d’apprentissage de leurs enfants, comme le dénonce Aline Le Nestour, représentante des parents d’élèves de l’association La Parent’aise :
« À cet âge, les enfants ont besoin de beaucoup d’attention et de disponibilité. Cette fermeture va directement toucher leur quotidien. Ils seront dans des classes surchargées. Comme il n’y aura plus que quatre classes de monolingue, la directrice va passer de deux à un jour de décharge pour ses tâches administratives, ce qui va ajouter de la tension dans l’établissement.
Et dans le cas où un enseignant est absent, on peut facilement imaginer le scénario catastrophe où le rectorat ne trouve pas tout de suite un remplaçant, et où 28 élèves devront être répartis dans les trois classes restantes. »
La situation sera réévaluée en août
Les parents d’élèves appellent à un rassemblement lundi 19 juin à 8h30 devant l’école d’Eckbolsheim pour protester contre la fermeture de cette classe. Ils proposeront alors la signature d’une pétition. Dans un tract, ils indiquent que de nouveaux logements sont en construction dans la commune d’Eckbolsheim, et que cela aboutira probablement à une hausse des effectifs dans l’établissement : « Le mardi 20 juin 2023, une instance (du rectorat de Strasbourg, NDLR) se réunira et il sera encore temps de faire remonter nos revendications. » Le rectorat confirme que d’ici le mois d’août, comme pour les autres décisions de fermeture de classe, « la situation sera réévaluée en fonction des prévisions d’inscription ».
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Il n’aura donc fallu que quelques semaines pour que les familles vivant sous les tentes du camp de l’Étoile soient contraintes d’en partir. Ce jeudi 15 juin, le juge administratif ordonne leur expulsion en urgence, après une assignation en justice de la Ville pour occupation « sans droit ni titre » de la place de l’Étoile.
La Ville a-t-elle été contrainte par l’État d’assigner les sans-abris de la place de l’Étoile devant le tribunal administratif ? C’est en tout cas l’argumentaire déployé par son avocat à la barre. Saisie selon une procédure en référé, la juridiction administrative a décidé, jeudi 15 juin, de donner raison à la Ville. Les occupants ont huit jours pour libérer l’espace public. À défaut de quoi, la Ville pourra « faire procéder à leur expulsion […] au besoin avec le concours de la force publique ».
La veille, une trentaine de sans-abris ont patiemment attendu sur les bancs du tribunal administratif de Strasbourg. Après un courrier de la préfecture du Bas-Rhin aux services de la Ville, le 25 mai, cette dernière a saisi le juge administratif pour lui demander d’ordonner l’expulsion. Vendredi 9 juin, les habitants désignés par le terme « occupants sans droit ni titre » ont appris leur convocation.
Au cours des débats, une question revient perpétuellement, sur la responsabilité politique de l’expulsion : quelle institution est responsable pour les conditions de vie précaires de ces exilés ? Qui doit désormais s’occuper d’eux ?
Promesse de collaboration entre Ville et préfecture
À la barre du tribunal administratif, Me Olivier Maetz plaidait la contrainte : « La préfecture n’a pas laissé le choix aux élus, elle a rappelé le précédent de 2022 et invité à ce que la Ville saisisse le tribunal ». Avant d’étayer sa demande d’expulsion, le conseil de la collectivité revient sur les obligations de l’État, en matière d’hébergement d’urgence. Il précise que Strasbourg se prépare avec d’autres villes à attaquer l’État en justice pour son inaction en la matière – une annonce déjà brandie en décembre 2022, pas encore suivie d’action.
Comme pour justifier de son désir de bien faire, la Ville promet de se mettre en relation avec les services de l’État afin de trouver aux sans-abris des solutions d’hébergement. « La préfète du Bas-Rhin a garanti dans son courrier que ses services se chargeront de l’évaluation des situations et de proposer des toits », poursuit le conseil avant de détailler, en toute fin d’audience, les nombreuses actions effectuées par la Ville sur le camp en 2022. Elle vient par ailleurs d’y installer des toilettes et des points d’eau.
Urgente, nécessaire et utile, l’évacuation ?
Pendant ce temps, les familles sans-abri regardent les échanges dans une salle comble. Les enfants semblent trouver le temps long. Régulièrement, le président du tribunal administratif rappelle le but de l’audience du jour : est-il urgent, nécessaire et utile d’évacuer le camp de l’Étoile ? Tant Me Maetz que les quatre avocats chargés de la défense des occupants extrapolent pour y répondre, faisant référence à la Convention européenne des droits de l’homme, aux jurisprudences du Conseil d’État ou à des déclarations de Jeanne Barseghian sur son compte Twitter.
« C’est divertissant, mais je ne vois pas le rapport. Les droits de migrants sont effectivement fondamentaux, mais nous ne sommes pas là pour discuter de ça, et en plus que voulez-vous qu’on fasse ? Ce ne sont pas les compétences du tribunal aujourd’hui », tranche soudain le président.
Ironie du calendrier, l’audience a lieu en plein milieu des célébrations de la semaine des réfugiés, organisée par la Ville. Le même jour, Jeanne Barseghian et son adjointe aux solidarités Floriane Varieras célébraient l’ouverture de la première rencontre politique de l’accueil, organisée par l’Alliance nationale des villes et territoires accueillants (ANVITA) dont l’édile est co-présidente.
« Expulser revient à déplacer le problème, pas à le régler »
Si la joute verbale les concerne, Armant, Ahmad, Kledis et tous les autres écoutent incrédules les plaidoiries des avocats en robe. À aucun moment dans cette procédure, leur avis est demandé – une spécificité des procédures administratives, essentiellement basées sur des écrits produits par les parties. Pour les représenter, Me Léa Hebrard, Me Oriane Andreini, Me Steven Airiau et Me Gabriella Carraud ont passé 48 heures avec les familles.
« Ce qu’on essaye de vous dire, c’est que le délai de cinq jours (demandé par la Ville, ndlr) pour évacuer la place ne permettra pas de trouver des solutions adaptées pour ces personnes et aura un effet contre productif. S’ils sont expulsés comme ça, vous vous retrouverez avec la même audience, dans ce même tribunal, dans plusieurs semaines. Car ils reviendront Place de l’Étoile. Expulser d’ici cinq jours revient à déplacer le problème, pas à le régler. »
Non seulement les avocats des familles estiment qu’il n’y a pas d’urgence à évacuer la place, mais ils martèlent que la Ville a – en tant que commune et selon une disposition du droit local – une obligation de loger les « indigents ». Ils arguent que la municipalité aurait dû prévoir en amont avec la préfecture des solutions alternatives.
« Qui nous dit que vos services vont effectivement communiquer ? Nous n’avons aucune certitude ! Vous n’avez produit aucun élément en ce sens ! »
Éviter le ping-pong juridique
En sous-titre des tirades, on devine la teneur politique des débats. D’un côté, les avocats des occupants tentent de faire avouer à la Ville sa part de responsabilité. De l’autre, Me Maetz renvoie ce devoir sur l’État, piochant dans le code de l’action sociale et des familles.
En 2022, Jeanne Barseghian a été contrainte de demander l’expulsion du camp. Pendant plusieurs mois, la maire écologiste disait se refuser à une telle action. Pour elle, sa responsabilité n’étant pas selon elle, en tant que collectivité, d’héberger ces personnes. La préfecture a finalement gagné : le 6 décembre 2022, le tribunal administratif a obligé la maire à faire évacuer le camp.
Dans l’ordonnance rendue le 15 juin, Xavier Faessel précise qu’il n’a pas le pouvoir d’ordonner à l’administration d’héberger les personnes.
Subtilités juridiques et galipettes verbales n’auront pas réglé les lendemains des familles. Cette audience rapide semble plutôt signer le désir de ne pas reproduire un ping-pong juridique opposant la maire à l’État durant des mois. Au détriment, peut-être, des idéaux écolos.
La Collectivité européenne d’Alsace a annoncé jeudi 15 juin qu’un nouveau collège sera construit rue Jean Mentelin à Koenigshoffen, à destination des élèves de l’ouest strasbourgeois. Sa livraison est prévue pour 2027.
Un skatepark, des terrains de tennis à proximité, du matériel sportif en libre accès… Le futur collège ouest sera axé sur les pratiques sportives et accueillera 500 élèves selon Nicolas Matt, vice-président de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA), en charge de la construction et de l’équipement des collèges.
L’élu départemental a annoncé ce 15 juin que l’établissement sera construit rue Jean Mentelin, une voie perpendiculaire à la route des romains à Koenighsoffen, à proximité de la Maison des sports de la CeA.
Ouverture prévue en 2027
L’objectif est notamment de désengorger les collèges Hans Arp, Jacques Twinger et Sophie Germain, situés dans les quartiers de l’ouest de Strasbourg, à savoir respectivement l’Elsau, Koenigshoffen et Cronenbourg. En mai dernier, Rue89 Strasbourg publiait un article au sujet de l’explosion récurrente de pétards dans l’enceinte du collège Sophie Germain, avec des conséquences sur la santé physique et psychique de certains professeurs qui réclament une baisse d’effectif des élèves. Ce que devrait permettre la création du collège ouest. Nicolas Matt ajoute que l’établissement sera doté d’une cantine produisant « des repas équilibrés ».
L’ouverture de l’établissement était d’abord prévue pour 2026. La CeA planifie désormais la livraison du bâtiment en 2027.
Avec le projet d’enfouissement des déchets de Stocamine, de nombreuses incertitudes persistent concernant l’impact sur l’eau potable ou la capacité des générations futures à surveiller le site.
« Il y a toujours le risque d’une erreur humaine, ou de la survenue d’événements qu’on n’attendait pas », résume sobrement Thierry De Larochelambert, chercheur au CNRS à Belfort, notamment spécialiste de la suret . . .
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La nappe phréatique du Rhin supérieur s’étend de Bâle à Mayence, traversant toute l’Alsace. Elle contient entre 65 et 80 milliards de mètres cubes d’eau. Selon l’Aprona, elle alimente au minimum 5,6 millions de personnes en eau potable.
Une gigantesque masse d’eau circule lentement dans des roches poreuses sous nos pieds. La nappe phréatique du Rhin supérieur s’étend sur environ 300 kilomètres, de la ville suisse de Bâle, jusqu’à Mayence, en Allemagne en passant par Strasbourg. Cet aquifère traverse l’Alsace entière. « Sa particularité est le volume d’eau qu’il contient : entre 65 et 80 milliards de mètres cube, dont 35 milliards en Alsace », expose Victor Haumesser, responsable communication de l’Association pour la protection de la nappe phréatique de la plaine d’Alsace (APRONA).
Cela fait d’elle la plus importante nappe phréatique d’Europe occidentale. En France, la deuxième plus grande réserve d’eau souterraine se trouve en Beauce, au sud de Paris, avec 20 milliards de mètres cubes, pour une étendue de 9 500 kilomètres carrés. En termes de surface, c’est davantage que la nappe rhénane, d’une superficie de 9 000 kilomètres carrés.
« On ne peut pas se baigner dedans »
« Mais une nappe phréatique, c’est en trois dimensions. Celle du Rhin supérieur est particulièrement perméable et profonde, elle a une épaisseur moyenne de 80 mètres, c’est pour ça qu’elle a une telle capacité », expose Victor Haumesser. D’après Bastien Delaunay, animateur du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) de la nappe de Beauce, cette dernière a également « une épaisseur moyenne d’environ 80 mètres, mais elle est composée d’une dizaine de couches géologiques de calcaire dont certaines sont peu perméables ». Et contiennent donc peu d’eau.
La nappe d’Alsace est constituée d’alluvions rhénanes. Ces alluvions se sont formés durant plus de deux millions d’années, à mesure que l’eau du Rhin a transporté des sables et des galets provenant des Alpes et du Jura. Ce processus a créé progressivement une épaisse couche perméable et gorgée d’eau, délimitée par une strate géologique imperméable en profondeur. « Pour se représenter à quoi ça ressemble, il faut prendre un seau et y mélanger du sable, du gravier et de l’eau. On ne peut pas se baigner dedans », décrit Victor Haumesser.
La profondeur de la nappe varie beaucoup. Elle peut être affleurante dans certaines zones, c’est le cas au nord de Strasbourg par exemple, où se trouver à 400 mètres de profondeur au niveau d’Heidelberg en Allemagne.
Au moins 5,6 millions de personnes alimentées en eau potable
La réserve d’eau souterraine la plus proche ayant potentiellement une plus grande capacité que la nappe rhénane se trouve en Ukraine, dans le bassin du Dniepr, d’après l’Aprona. « C’est pour ça qu’on précise qu’il s’agit de la plus grande d’Europe occidentale, pour être sûrs », commente Victor Haumesser.
La nappe est alimentée par la pluie qui ruisselle jusqu’à l’aquifère, l’eau des rivières vosgiennes et du Rhin qui s’infiltre, et les apports des nappes phréatiques affleurantes qui accompagnent les cours d’eau voisins comme la Doller, la Thur ou la Fecht. Une fois dans le sol, l’eau de la nappe circule dans le même sens que le Rhin, du sud vers le nord, à une vitesse excessivement lente de un à trois mètres par jour. En comparaison, l’eau du Rhin s’écoule à un ou deux mètres par seconde.
Cette ressource en eau est massivement exploitée par les humains. Selon l’Aprona, entre sept et onze millions de personnes vivent sur le territoire concerné par la nappe rhénane, qui assure 80% des besoins en eau potable dans la zone. Au minimum 5,6 millions de personnes ont donc de l’eau de la nappe phréatique du Rhin supérieur qui coule quand elles ouvrent leur robinet. Les données de l’Aprona montrent pourtant que la production d’eau potable ne représentait que 30% des usages suite à un prélèvement en 2020.
Une nappe très utilisée… Et très polluée
Cette année là, 44% des prélèvements étaient liés à l’industrie. « C’est majoritairement pour refroidir des centrales thermiques, donc l’eau est ensuite relâchée dans le milieu en bon état », explique Victor Haumesser. 26% des prélèvements ont été réalisés pour l’irrigation agricole. Victor Haumesser indique que cette consommation varie selon les conditions météorologiques :
« Les prélèvements pour l’agriculture ont lieu à un moment précis, pendant l’été, en période de sécheresse. Ils ont donc un fort impact sur le niveau de la nappe dans les moments de tension. Une grosse partie de cette eau s’évapore. Contrairement à l’industrie, l’agriculture consomme presque toute l’eau prélevée, celle-ci n’est plus utilisable ensuite. Avec les sécheresses à répétition, la nappe devient plus vulnérable dans certains secteurs, notamment sur le piémont des Vosges et dans le Grand Ried. »
En 2019, la nappe phréatique avait ainsi atteint des niveaux très bas autour de Sélestat. L’été 2022 a été particulièrement rude, avec les niveaux les plus bas jamais enregistrés dans le Grand Ried. « Les impacts sur la biodiversité sont potentiellement dramatiques : quelques centimètres de variation dans ces secteurs peuvent affaiblir les écosystèmes, voir mener à leur destruction », détaille Victor Haumesser.
Outre les prélèvements excessifs, la pollution représente une menace grave pour la nappe phréatique d’Alsace. En novembre 2018, l’Aprona et ses équivalents suisse et allemand avaient publié une étude dévoilant que les seuils de potabilité étaient dépassés sur 44% des points d’eau analysés dans la nappe. Les scientifiques avaient répertorié 137 pesticides ou molécules dérivées en Alsace.
Les normes dépassées pour les pesticides
En août 2022, Rue89 Strasbourg révélait que les normes de concentration de certains pesticides étaient dépassées dans l’eau potable d’un quart des Alsaciens. Le 21 juillet 2021, la préfecture du Bas-Rhin a dû publier un arrêté dérogatoire afin de permettre à la communauté de communes de la Basse-Zorn, qui regroupe notamment Hoerdt et Weyersheim, de continuer à distribuer une eau non-conforme à cause des pesticides. Et ce pour une durée de trois ans.
« La nappe phréatique est une ressource vitale, qui subit de très nombreuses pressions. Il y a les pesticides utilisés par les agriculteurs évidemment, mais aussi ceux qui sont utilisés par les particuliers dans leur jardin, et les rejets industriels », résume Victor Haumesser. Alors que des réglementations radicales contre l’utilisation des pesticides semblent encore loin d’arriver, l’Aprona prévoit la publication d’un nouveau rapport d’ampleur sur la qualité de la nappe phréatique d’Alsace en 2025.
Mardi 13 mai, une enquête conjointe des médias La Vie, La Croix et Famille Chrétienne révèle que des viols et des agressions sexuelles auraient été commis entre 2013 et 2022 au seins des Missions étrangères de Paris. Évêque auxiliaire à Strasbourg, Mgr Gilles Reithinger est accusé de ne pas avoir dénoncé des faits d’agression sexuelle.
Au détour d’une grande enquête des médias La Croix, La Vie et Famille chrétienne, la réputation du diocèse de Strasbourg est indirectement atteinte. Parmi plusieurs affaires, les journalistes révèlent que l’évêque de La Rochelle et de Saintes, Mgr Georges Colomb, est visé par une enquête préliminaire pour « tentative de viol ». L’enquête a été ouverte le 24 mai par le Parquet de Paris suite à un signalement de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref) et des MEP (Missions étrangères de Paris). Mgr Colomb était « supérieur général » des MEP, au moment des faits.
L’article révèle que la victime s’était confiée à Mgr Gilles Reithinger, aujourd’hui évêque auxiliaire de Strasbourg, qui n’aurait pas alerté la justice. Il nie avoir fait preuve de laxisme.
« Sa position hiérarchique a noyé l’idée que ça puisse être mal placé »
Les faits présumés remontent aux années 2010, lorsque Nicolas (prénom modifié), jeune Strasbourgeois, logeait dans la maison mère des MEP à Paris (VIIe) au 128 rue du Bac. Là bas, il a retrouvé son ami du lycée, Gilles Reithinger, le vicaire général de l’époque. C’est aussi à cet endroit que Nicolas fait la connaissance de Georges Colomb, qui occupait le poste de supérieur général des MEP. Dans l’hebdomadaire chrétien, il raconte :
« À chaque passage, je toquais au bureau de Georges Colomb, le supérieur général, que j’avais appris à connaître. S’il était disponible, on partageait un moment autour d’un bon whisky, c’était convivial. J’avais une réelle estime pour cet homme et une relation de confiance. C’était aussi gratifiant d’être reçu ainsi par le supérieur ».
Mais un matin, en 2013, alors que Nicolas aurait été invité par Georges Colomb pour boire un café dans son appartement personnel, celui-ci lui aurait proposé un « massage ». Il explique au journal chrétien avoir accepté la proposition, notamment car « sa position hiérarchique a noyé complètement l’idée même que cela puisse être quelque chose de mal placé ».
L’agression aurait eu lieu alors que Nicolas était allongé sur le ventre, torse nu. Georges Colomb aurait alors « baissé d’un coup sec son pantalon ». La Vie a recueilli son témoignage :
« Il a plongé sa main entre mes fesses… J’ai bondi et je suis parti en courant. (…) Je ne pouvais me laver, étant sur un salon professionnel. J’ai passé des heures ainsi, à continuellement revivre les événements du matin… Non, vraiment, ce n’est pas ce que je voulais »
Gilles Reithinger, évêque auxiliaire de Strasbourg, aurait couvert les faits
Nicolas se serait alors confié à Gilles Reithinger, qui en aurait informé le nonce de l’époque, Mgr Luigi Ventura (rappelé à Rome en 2019 après des faits d’agressions sexuelles pour lesquels il a été condamné). Mais il ignore si celui-ci avait engagé une enquête canonique (enquête interne à l’Eglise).
À l’époque, Gilles Reithinger n’a pas fait de signalement à la justice. Il plaide face au journaliste qui l’interroge que Nicolas lui aurait simplement parlé d’une proposition de massage, estimant que les faits ne correspondaient pas à une agression sexuelle. Interrogé par La Vie, il s’explique :
« Il me dit que Georges Colomb lui a proposé un massage, qu’au bout d’un moment il aurait décliné sa proposition, la qualifiant d’indécente, et qu’il serait parti. Il ne me parle pas d’agression ou d’infraction. Je l’ai encouragé à aller voir les autorités, car je n’étais pas à même de qualifier les choses. Ce que j’ai retenu, c’est qu’il s’est senti très mal à l’aise et qu’il était très secoué après ».
Suite aux révélations, l’évêque Georges Colomb a demandé sa mise en retrait le temps de l’enquête. Il continue de nier les faits qui lui sont reprochés.
Des femmes dénoncent l’absence de protection efficace contre leurs ex-conjoints violents ou accusés d’agression sexuelle. Les ordonnances de protection décidées par la justice se révèlent inutiles, sans effet sur leur sécurité physique ou psychique.
« Je ne sais pas si je vais porter plainte cette fois. » Sur la terrasse d’un café strasbourgeois, Joséphine semble dépitée. Sa voiture a une fois de plus été rayée, volontairement pense-t-elle. Impossible d’en avoir la preuve formelle, mais ses soupçons . . .
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Maylis Gillig a porté plainte en mars 2021 contre son oncle, qui l’a violée pendant trois ans alors qu’elle était mineure. Le parquet de Strasbourg a perdu le dossier de Maylis pendant 18 mois. Un silence insoutenable pour celle qui pensait trouver écoute et réparation auprès du système judiciaire.
« C’est comme si on m’avait invisibilisée à nouveau. » Maylis Gillig a 48 ans. Elle a porté plainte en mars 2021 contre son oncle, qui l’a violée pendant trois ans lorsqu’elle était mineure, entre . . .
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Mercredi 7 juin, les bureaux de l’incinérateur de Strasbourg ont été perquisitionnés. L’opération de police a duré toute la journée, entre recherche de documents et saisies de téléphones.
« Il y avait une dizaine de policiers en civil avec le brassard police. Ils se sont installés sous une tonnelle. L’opération a duré toute la journée. » Grégoire (le prénom a été modifié) se souvient de cette journée de travail exceptionnelle à l’incinérateur de Strasbourg, mercredi 7 juin. Ses coll . . .
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