Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Mort de Nahel et émeutes : ce que les élus de Strasbourg en disent

Mort de Nahel et émeutes : ce que les élus de Strasbourg en disent

Alors que le drame de Nanterre s’est brutalement imposé dans l’actualité strasbourgeoise depuis mardi, les élus de Strasbourg ont pris la parole pour qualifier ces événements. Voici une collection des propos publiés.

Jeanne Barseghian, maire (EE-LV) de Strasbourg

La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian s’est rendue vendredi matin à Cronenbourg et au Neuhof pour se rendre compte par elle-même des dégâts subis après deux nuits d’émeutes. Pour la maire écologiste, « aucune violence n’est acceptable » déclare-t-elle dans un communiqué :

« Je condamne avec la plus grande fermeté les dégradations commises, les voitures et les bâtiments incendiés, les forces de l’ordre et les pompiers pris pour cible. Si je comprends l’émotion vive, la colère et l’indignation qui traversent le pays suite au décès du jeune Nahel, en revanche, aucune violence n’est acceptable. Le calme doit revenir. Je réitère mon appel à l’apaisement, à manifester pacifiquement soutien et solidarité aux proches de Nahel. L’enquête en cours doit permettre de faire la lumière sur les circonstances de la mort de ce jeune homme à Nanterre. La justice sera rendue par l’institution judicaire. »

Syamak Agha Babaei, premier adjoint à la maire de Strasbourg

Plus politique, Syamak Agha Babaei ignore les dégradations et voit dans cette « révolte, une lumière crue sur les maux du pays : les inégalités, les discriminations raciales et le mépris envers les classes populaires et racisées (c’est à dire victime de racisme, NDLR) ». Dans un post publié sur Facebook, le premier adjoint voit des « responsabilités nombreuses et partagées » :

« L’allègement du cadre légal d’usage des armes à feux sous le gouvernement Cazeneuve, la répression par les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron du mouvement des Gilets jaunes, des mouvements écologistes et du mouvement contre la réforme des retraites racontent le même récit d’une longue marche vers une démocratie illibérale. L’abandon des quartiers populaires et l’accroissement des inégalités, fruit d’une absence criante de moyens des politiques d’égalité sur le plan national, ne peuvent qu’embraser la situation. Un racisme décomplexé ouvertement exprimé sur les antennes par des responsables politiques et médiatiques rend possible sur le terrain les pires crimes. »

Pour Syamak Agha Babaei, ce drame ne produira aucune leçon sans « un réexamen de l’histoire collective de notre pays » :

« Examiner l’histoire coloniale, écrire et documenter le racisme, la combattre sous toutes ses formes. La première lutte est celle contre les inégalités et l’injustice criante ; la seule qui vaille : celle qui se fixe pour objectif de donner une place équitable à chacune et chacun dans notre pays, quelque soit son quartier, son origine ethnique, sa religion, ses orientations. Une lutte collective pour l’émancipation. »

Catherine Trautmann (PS), ancienne maire de Strasbourg

Pour l’ancienne maire de Strasbourg Catherine Trautmann (PS), « les violences et dégâts causés cette nuit à Strasbourg sur les lieux de vie de tous les Strasbourgeois, sont inacceptables » et « ne servent en rien le combat pour la vérité et la justice ». Dans un communiqué, elle déclare :

« L’émotion légitime doit pouvoir s’exprimer pacifiquement, l’apaisement et le retour au calme sont une nécessité pour que vérité et justice soient faites sur la mort de Nahel et la responsabilité du policier. Oui la colère doit être entendue, mais elle ne doit pas se transformer en violence. Tous les enfants de la République ont droit à la justice. À aucun moment, la violence ne peut, ne fera et ne remplacera la justice. Les violences et les destructions ne font qu’ajouter la peine à la colère pour les habitants qui en sont les victimes. »

Pierre Jakubowicz (Horizon), conseiller municipal

Avec le groupe des élus macronistes au conseil municipal, Pierre Jakubowicz commence par adresser son « soutien aux habitants, agents et forces de l’ordre et de secours qui ont eu à faire face à ces violences. » S’il « comprend et partage la douleur face à la mort du jeune Nahel », « rien ne peut justifier la violence ». Un travers qu’auraient commis, selon lui, Syamak Agha Babaei et Emmanuel Fernandes (voir plus loin).

Jean-Philippe Vetter (LR), conseiller municipal

Le conseiller municipal d’opposition Jean-Philippe Vetter (Les Républicains) rappelle d’abord avec les élus de son groupe que « les mineurs, dont certains très jeunes, qui s’adonnent à ces graves méfaits, n’ont rien à faire dans les rues en pleine nuit et qu’ils sont sous la responsabilité de leurs parents » puis il apporte son soutien… « aux forces de l’ordre et aux services de secours qui remplissent leurs missions dans des conditions extrêmement difficiles ». En troisième position vient l’expression d’une « solidarité aux habitants de nos quartiers, qui subissent la double peine de voir leurs quartiers dégradés et de se voir assimilés à des délinquants avec lesquels ils n’ont rien en commun. »

Le texte a une quatrième pensée pour les « commerçants et professionnels contraints de fermer boutique ou d’interrompre leurs activités pour leur sécurité, celle de leurs clients ou de leur personnel ». Cette hiérarchie ne l’empêche pas d’appeler ses collègues de gauche à éviter « la récupération politique ». Les propos de Syamak Agha Babaei sont pour lui « inconséquents, voire dangereux ».

Frédéric Bierry (LR), président de la Collectivité d’Alsace

Frédéric Bierry, président (Les Républicains) de la Collectivité d’Alsace n’évoque pas le drame de Nanterre dans son communiqué. Il se dit « consterné et triste que des individus viennent dégrader les lieux d’éducation » et « condamne fermement les violences qui ont touché deux collèges » :

« Aucune cause, aucun combat ne justifient la dégradation d’une école de la République. La vidéosurveillance a été efficace et les images ont été transmises à la procureure de la République pour l’enquête. »

Sandra Regol (EE-LV), députée de Strasbourg – 1

Sur Twitter, la députée (EE-LV) de Strasbourg centre est en colère. Sandra Regol s’insurge contre les « appels à la paix qui rajoutent de la violence à la violence » :

« Cette colère est structurée par des années de déni de ces inégalités, de ces violences. Appeler au calme ne constitue pas une réponse suffisante car les mêmes mots sont utilisés depuis des années pour faire taire les voix qui dénoncent cet état de fait, proposent des moyens d’action… et sont toujours appelées à rester “calmes” face à la violence subie, à la fois directe, sociale et économique, taxés de “déciviliser” la France par leur “sauvagerie”. Il faut le dire, le rappeler, le marteler : les politiques sécuritaires sont une impasse, elles accentuent les inégalités et génèrent des violences sans apporter de solutions pour la sûreté de toutes et tous. Il est temps de reprendre le travail global, à partir de la mission première de la police : être au service de la population, toute la population, sans distinction. Les solutions sont sur la table : IGPN indépendante, récépissés, formation accrue des agents, sensibilisation aux luttes contre les discriminations, cesser de promouvoir les agents violents (avec leurs collègues, avec la population), police de proximité, révision de la loi de 2017… »

Emmanuel Fernandes (LFI), député de Strasbourg – 2

Le député (France insoumise) du sud de Strasbourg et d’Illkirch-Graffenstaden indique d’emblée qu’il y a « un problème avec la police » dans une interview à France Bleu Alsace. Dans un communiqué, Emmanuel Fernandes confirme :

« Après deux jeunes tués par des policiers poursuivis pour homicides volontaires (À Angoulême, un jeune de 19 ans a été tué en tentant de fuir une interpellation, NDLR), le lien de confiance entre l’institution policière et une partie des habitants est détruit. Il faut réformer la police nationale : la doctrine de l’emploi de la force doit être revue, allonger, améliorer et renforcer la formation des policiers, refonder le code de déontologie, instaurer le récépissé de contrôle d’identité, supprimer l’IGPN pour le remplacer par un organe de contrôle indépendant et abroger l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, mis en place en 2017 par Bernard Cazeneuve, qui a occasionné une hausse dramatique des personnes tuées suite à des refus d’obtempérer. »

Le député LFI place les dégradations au second plan en les déplorant. Il propose la « démission de Gérald Darmanin » en « geste d’apaisement. » Selon le député, le ministre de l’Intérieur a favorisé ce « divorce entre la police et une partie importante de la population, en refusant d’admettre, et même en attisant par ses propos, les problèmes structurels qui traversent la police comme la montée du racisme. » Emmanuel Fernandes forme en outre le voeu que le gouvernement ne se lance pas dans une « surenchère guerrière avec des unités spéciales telles que la BRI, le Raid ou le GIGN. »

Bruno Studer (Ren), député de Strasbourg – 3

Le député (Renaissance) de Strasbourg-3, quartiers nord de Strasbourg et communes du nord de l’agglomération, a envoyé un simple « communiqué de soutien aux forces de l’ordre ». Bruno Studer n’a aucun mot sur les événements de Nanterre et assène :

« Les récentes nuits de violences ont engendré des actes d’une rare brutalité perpétrés par des individus parfois très jeunes. Il est essentiel de souligner que ces actes sont absolument inacceptables et injustifiables. Ils abîment la France, ils abîment nos villes. En ces heures difficiles, il est primordial de témoigner notre soutien indéfectible aux forces de l’ordre. Ces hommes et ces femmes courageux s’efforcent de protéger notre sécurité et de préserver nos biens communs. Leur dévouement et leur engagement méritent notre plus profond respect. »

Vitrines brisées et cache cache avec la police vendredi, des personnes rassemblées en soirée malgré l’interdiction

Vitrines brisées et cache cache avec la police vendredi, des personnes rassemblées en soirée malgré l’interdiction

Trois jours après la mort du jeune Nahel, tué à Nanterre par un policier, des violences urbaines se sont déroulées en plein après-midi au centre-ville de Strasbourg ce vendredi. Le rassemblement annoncé ce soir a été interdit par la préfecture du Bas-Rhin. Sa dispersion s’est déroulée dans le calme.

Les manifestants ont été complètement dispersés. Ce qui met fin à notre compte-rendu en direct des événements pour ce soir. Merci à tous de l’avoir suivi, vous avez été plus de 3 000 personnes connectées au même moment.

La préfecture du Bas-Rhin a annoncé sur Facebook que les forces de l’ordre avaient arrêté 33 personnes aujourd’hui, « suite aux actes de vandalisme. »

Les manifestants ont été séparés en petits groupes de quelques dizaines de personnes. Certains d’entre eux sont suivis par les forces de l’ordre, et s’en prennent à quelques vitrines en passant.

Une partie des manifestants sont évacués par les rues du centre-ville, suivis par les forces de l’ordre.

Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Les personnes présentes quittent la place Kléber par les sorties ouest.

Les policiers procèdent à l’évacuation de la place Kléber.

Les forces de l’ordre reçoivent d’importants renforts, alors que les manifestants refusent de se disperser malgré les sommations.

L’ordre de dispersion est donné par les forces de l’ordre. Les manifestants répondent par des slogans comme « Justice for Nahel ».

Thérapeuthe de 28 ans et métisse, une manifestante se déclare « très concernée » par le drame de mardi :

« Nahel, c’était un humain. C’est la moindre des choses de venir manifester. Ça me semble légitime aussi. Là, c’était la fois de trop, c’est plus possible, ça doit s’arrêter. Ils ne peuvent pas tuer des gens sans aucune raison. »

Quelques personnes commencent à arriver place Kléber, malgré le filtrage policier.

La place Kléber est toujours vide de manifestants. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Ouassim Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Ouassim vient d’Hautepierre. Collégien, il passe en troisième en septembre :

« On manifeste contre le comportement des policiers, pour aider la famille à Nahel. Les policiers en ce moment ils abusent. Un jeune homme est mort encore aujourd’hui. (Une personne participant aux manifestations est tombé du toit d’un supermarché, il est en état de mort cérébrale, NDLR). On manifeste pour qu’il y ait des réformes dans la police, contre les contrôles abusifs des policiers. Moi même je me fais souvent contrôler, deux ou trois fois par an. Ça fait peur quand on voit ce qui est arrivé à Nahel. »

Une cinquantaine de personnes, en petits groupes épars, ont tout de même bravé l’interdiction place Kléber.

Un collégien de Lingolsheim indique :

« Nous on est là parce qu’on veut se révolter. Ça peut plus passer ce genre d’événement. Nahel s’est fait tirer dessus. Il a rien demandé. C’est une injustice monsieur. On va se battre ce soir, c’est obligé, sinon ça ne marchera pas. Ils comprennent pas si on marche tranquillement. »

Un important déploiement de forces de l’ordre attend de pied ferme les personnes qui répondraient à l’appel au rassemblement place Kléber.

Le magasin Apple Store place Kléber, précédemment pillé, est désormais gardé par des policiers.

Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

La préfecture du Bas-Rhin a publié trois arrêtés, reconduisant les mesures contre le transports de substances inflammables, autorisant l’emploi de drones par les forces de l’ordre mais surtout interdisant toute manifestation dans un centre-ville interdit. Le rassemblement prévu ce soir place Kléber est donc de facto interdit.

Nous reprenons le compte-rendu en direct des événements, avec notamment le suivi du rassemblement annoncé place Kléber, en protestation du décès du jeune Nahel, tué par un policier mercredi à Nanterre lors d’un contrôle routier. Thibault Vetter est sur place.

La situation semble se calmer dans le centre-ville. Ce compte-rendu réalisé en direct par Thibault Vetter et Pierre France est mis en pause.

Les vitrines du magasin Lacoste, rue des Hallebardes, ont été vandalisées.

Le centre-ville se barricade, place Kléber et place de l’Homme-de-Fer, les gaz lacrymogènes rendent l’air irrespirable.

Scènes récurrentes ou des jeunes hostiles aux policiers les pourchassent tout en évitant d’être arrêtés…

(vidéo TV / Rue89 Strasbourg / cc)

Ambiance inédite au centre-ville, entre bandes d’émeutiers cherchant à piller des magasins et à échapper à la police, policiers qui leur courent après, et des passants qui se retrouvent au milieu, sidérés. Certains jeunes, dont une majorité de mineurs, crient « la police est violente, la police tue… »

Les vitres des Galeries Lafayette ont été vandalisées Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Des émeutiers sont de retour place Kléber, la police fait usage de gaz lacrymogène au milieu des passants venus profiter du premier vendredi des soldes…

D’autres pillages ont lieu rue du Marché.

Un nouvel attroupement s’est formé devant les Halles, où des jeunes ont dégradé un véhicule de police.

Il a été dispersé à coups de gaz lacrymogène.

Les policiers sont en faction devant les Halles qui sont toujours fermées au public Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Les policiers vont d’une place à l’autre, cherchent à distinguer les émeutiers de la population générale et procèdent régulièrement à des arrestations en pleine rue. Plusieurs détonations se font entendre. Ambiance électrique en ville…

Les policiers se dotent d’unités motorisées pour poursuivre les émeutiers.

L’Opéra du Rhin a également été la cible de dégradations sérieuses sur sa façade.

Les émeutiers ont disparu, des policiers gardent désormais l’entrée de l’Apple store.

Une petite bande s’est attaquée aux vitres de l’Apple store de Strasbourg, place Kléber. L’une d’elle s’est brisée et a permis à quelques un d’entre eux de pénétrer dans le magasin.

Après les émeutes, des habitants médusés : « On comprend la colère mais pas les écoles incendiées »

Après les émeutes, des habitants médusés : « On comprend la colère mais pas les écoles incendiées »

Dans les quartiers Hautepierre et Cronenbourg, des établissements scolaires ont été attaqués dans la nuit du jeudi 29 au vendredi 30 juin. Au lendemain de ces événements, des riverains déplorent être les premières victimes des incendies et autres dégradations.

Il est une heure du matin, vendredi 30 juin. À la sortie de l’hôpital de Hautepierre, trois jeunes observent l’avenue de Dante, à distance des échauffourées. Un peu plus tôt, une vingtaine de personnes ont tiré plusieurs mortiers au milieu de la rue. Une bande tout de noir vêtue a soudainement trainé des barrières de chantier jusqu’au milieu de la voie. Immobilisées, les voitures freinent l’arrivée des forces de l’ordre. Quatre camionnettes de CRS finissent par accéder à la station par les voies de tram. Le calme revient. Pour un temps seulement : « C’est que le début, prévoit l’un des gamins, hier, ça a fini vers 5 heures du matin. »

Les collèges de Hautepierre et Cronenbourg attaqués

Face à ces scènes d’émeutes, la petite bande est partagée. Un autre jeune collégien s’exprime : « Ils ont tué un mineur. On comprend la colère. Mais ça sert à quoi de s’attaquer aux voitures des familles qui vivent ici ? » Son ami renchérit en sortant son téléphone. Il ouvre Snapchat pour montrer une vidéo tournée un peu plus tôt devant le collège Erasme. Des cocktails molotov ont été lancés sur l’établissement. Le jeune à vélo commente : « Il y a eu des appels sur les réseaux. Les plus fous ont donné rendez-vous près de la médiathèque. Il y a eu des incendies à Sophie Germain aussi (et à l’école Marguerite Perey, dans le quartier Cronenbourg, NDLR). »

Le lendemain matin, les habitants d’Hautepierre semblent hagards en attendant le tram dans des stations détruites. « Ça fait peur », lâche Catherine (le prénom a été modifié) avant de prendre la ligne A. Un peu plus loin, Olga (le prénom a été modifié) témoigne de son incompréhension : « La justice, ce n’est pas comme ça qu’ils vont la trouver. C’est nous les premières victimes de ce bordel. » À quelques pas, une entrée du centre commercial de Hautepierre est condamnée. Une passante s’emporte en voyant les traces d’incendie et les portes automatiques défoncées : « Ils nous font chier avec leurs conneries… » Plusieurs personnes s’arrêtent pour prendre une photo.

Entrée condamnée du centre commercial de Hautepierre. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« Ce n’est pas comme ça qu’on rend justice au petit »

Dans le quartier voisin de Cronenbourg, Mustapha a la gorge serrée en ce lendemain d’émeutes. On lui avait dit de déplacer sa voiture dans la nuit. Il s’était exécuté. En vain. Il est 9h. Une boisson énergisante à la main, l’habitant semble en proie à une immense tristesse face à sa Renault Espace calcinée : « Pourquoi faire tout ça ? Tout casser ne fera pas revenir le jeune qui est mort… »

Six véhicules incendiées dans le quartier Cronenbourg dans la nuit du 29 au 30 juin. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

À quelques pas, Sibel et Sanaa passent à côté d’une dizaine de véhicules incendiés après avoir cherché leurs enfants à l’école et au collège. Sibel exprime sa colère :

« C’est débile de s’attaquer aux écoles. C’est pas comme ça qu’on rend justice au petit. Ça nous pénalise. C’est injuste pour nous. Il y a des familles qui ont travaillé plusieurs années pour avoir des voitures qui ont été brûlées cette nuit. Ça touche des vies. »

À quelques pas, Sibel et Sanaa passent à côté d’une dizaine de véhicules incendiés après avoir cherché leurs enfants à l’école et au collège. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

La réaction est similaire du côté de Sanaa, une autre habitante du quartier :

« Les jeunes doivent comprendre que c’est pas comme ça qu’on va régler le problème. Ce policier doit être puni, c’est très important, il a ôté une vie. Il faut aussi revoir la formation des forces de l’ordre, il y a quelque chose qui ne va pas. On peut faire des manifestations, avoir des revendications. »

« Quand je sors, j’ai peur de me faire contrôler »

Un peu plus loin, une quinzaine de personnes font la queue devant le local des Restos du coeur. Un habitant de l’Elsau espère un retour au calme rapide :

« Il n’y a pas eu trop d’emmerdements dans notre quartier. Bien sûr, suite à la mort de cet adolescent, on compatit avec la famille et on comprend la colère de la jeunesse, mais pas les écoles incendiées. Je demande aux jeunes de se calmer. Les biens publics comme les écoles et les mairies de quartiers, cela nous cause du tort à nous même de les détruire. Ce n’est pas en détruisant ça qu’on va améliorer la chose, on cause encore plus de problèmes. »

Une quinzaine de personnes attendant devant le local de Cronenbourg des Restos du coeur. Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc

Zeyad, lycéen de Cronenbourg, témoigne de ces scènes de violence inédites pour lui :

« Je comprends cette colère. Depuis longtemps, on en a marre de ces tensions avec la police. Personnellement quand je sors, j’ai peur de me faire contrôler et de me faire passer à tabac. Moi je me fais contrôler régulièrement. J’ai des amis qui se sont faits taper par des policiers. Si je ne suis pas avec ma mère ou ma petite sœur, ça peut vite être dangereux. Et quand on voit que plus de 50% des policiers votent à l’extrême droite, ça donne pas envie. Cette nuit, ce ne sont pas les bonnes cibles qui ont été visées. La colère est légitime mais il faudrait mettre toute l’énergie sur les décisions politiques, les manifestations, les bonnes actions. Là c’est se mettre dans le mal soi-même, tout seul. »

Mort de Nahel : troisième nuit de violences urbaines à Cronenbourg et au Neuhof

Mort de Nahel : troisième nuit de violences urbaines à Cronenbourg et au Neuhof

La nuit de jeudi 29 à vendredi 30 juin a été émaillée de nombreuses atteintes aux biens et aux bâtiments dans les quartiers de Cronenbourg et du Neuhof. Face à ces émeutes, la préfecture a déployé le Raid et le Peloton d’intervention de la gendarmerie ainsi qu’un hélicoptère de surveillance.

Comme lors de la nuit précédente, une série d’atteintes aux biens et aux bâtiments ont eu lieu dans la nuit du jeudi 29 au vendredi 30 juin à Strasbourg, deux jours après la mort du jeune Nahel, tué mardi par un policier après un refus d’obtempérer à Nanterre.

Plus de 70 véhicules ont été incendiés dans la nuit Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc

Selon un bilan communiqué vendredi matin par la préfecture du Bas-Rhin, aucun blessé n’est à déplorer mais 74 véhicules ont été incendiés et deux établissements scolaires à Cronenbourg ont subi des « dégâts significatifs » malgré le déploiement des forces d’intervention de la police nationale (Raid) et de la gendarmerie (Psig). Un hélicoptère équipé d’une caméra thermique a également été déployé.

Le collège Sophie Germain a été la cible d’une tentative d’intrusion et d’incendie, rapidement contrée par l’arrivée des policiers, selon des éléments recueillis sur place vendredi matin. L’établissement a été fermé, au moins pour la journée de vendredi 30 juin.

Devant l’école élémentaire Paul Langevin de Cronenbourg, les parkings ont été visés par les émeutiers.

L’école Marguerite Perey, dans le même quartier, a également été la cible d’engins incendiaires, les dégâts très importants se sont propagés à l’intérieur du bâtiment, la bibliothèque a été détruite ainsi que la salle d’activités. L’établissement scolaire est fermé, pour une durée indéterminée.

Selon Nadia Zourgui, ajointe à la maire de Strasbourg en charge de la tranquillité publique, le dispositif Caravanage est en cours de démontage. Cette piscine, installée pour les enfants du quartier dans la cour de l’école Perey depuis le 19 juin, coûte plus de 100 000€. Les agents de sécurité ont exercé leur droit de retrait durant la nuit de jeudi à vendredi. Elle sera déplacée vers l’espace K, dans le quartier Gare.

La maire de Strasbourg (au centre) et la préfète du Bas-Rhin (à gauche) se sont rendues sur place vendredi matin. À l’arrière plan, la piscine mobile qui sera démontée prématurément Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

La préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, regrette que les dégradations aient été plus importantes dans la nuit de jeudi à vendredi que la veille :

« On découvre encore des dégâts ce matin. Les habitants des quartiers touchés ont droit à la sécurité. Nous allons établir un nouveau dispositif pour le week-end. »

Dans un communiqué, Jeanne Barseghian a condamné « avec la plus grande fermeté » les dégradations commises :

« Si je comprends l’émotion vive, la colère et l’indignation qui traversent le pays suite au décès du jeune Nahel, en revanche, aucune violence n’est acceptable. Le calme doit revenir. Je réitère mon appel à l’apaisement, à manifester pacifiquement soutien et solidarité aux proches de Nahel. L’enquête en cours doit permettre de faire la lumière sur les circonstances de la mort de ce jeune homme à Nanterre. »

À Hautepierre, le collège Érasme a également été ciblé et le centre commercial a été victime d’une tentative d’intrusion.

La régie de quartier du bailleur Ophéa ainsi que la mairie de quartier Neuhof-Meinau ont aussi été la cible de dégradations.

« Vosges alternatives » : une série d’été en huit reportages sur la vie militante en zone rurale

« Vosges alternatives » : une série d’été en huit reportages sur la vie militante en zone rurale

Une maison autonome en énergie construite en chantier participatif, un maraîchage bio et des légumes vendus à bas prix, une communauté néo-rurale qui porte un mode de vie alternatif… Cet été, les journalistes de Rue89 Strasbourg racontent les militantismes progressistes dans les Vosges.

L’idée de cette série a émergé vers la fin du mouvement contre la réforme des retraites. Une mobilisation, historique à Strasbourg, a essaimé partout en France, dans de plus petites villes, parfois même en espace rural. Le passage en force du gouvernement a d’abord poussé des millions de personnes dans la rue. Mais la rigidité de l’extrême-centre macroniste et son incapacité au compromis ont épuisé les mobilisés. Et maintenant ? Face au vide laissé par l’essoufflement du mouvement social, Rue89 Strasbourg a décidé de sortir de sa ville pour explorer d’autres formes de militantisme en milieu rural.

Mathieu Munch devant sa maison en terre-paille, construite en chantier participatif. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg / cc

Depuis plusieurs années, des projets alternatifs de maraîchage, d’habitation autonome ou de communauté réunie par un mode de vie plus durable émergent dans les Vosges. Du 7 juillet au 25 août, Rue89 Strasbourg publiera chaque vendredi un nouveau reportage autour de ce militantisme en espace rural, de La Grande-Fosse à Meisenthal en passant par Saint-Dié-des-Vosges, Liederschiedt et Langenberg.

Financez la médiatisation des initiatives méconnues

Cette série d’été représente un investissement conséquent pour la rédaction locale indépendante que nous sommes. Chaque article coûte entre 200 et 400 euros de salaire (selon qu’un photographe professionnel ait été sollicité ou non). À cela s’ajoutent les frais de transport pour nous rendre dans les Vosges et alentours. Au total, les dépenses sur ces huit reportages vosgiens devraient atteindre 3 000 euros.

C’est pour cette raison que cette série d’été 2023 ne sera pas totalement libre d’accès. Pour nous permettre de financer ce projet fidèle à nos engagements en faveur des démarches militantes écologistes, nous avons décidé de réserver les quatre derniers reportages de « Vosges alternatives » à nos abonnés. Pour rappel, l’abonnement à Rue89 Strasbourg est à seulement cinq euros par mois, ou cinquante euros par an, et sans engagement. En participant au financement d’une rédaction indépendante et engagée, vous permettez à de nombreuses alternatives au capitalisme de bénéficier d’une médiatisation qu’elles n’auraient sans doute pas eue.

Jusqu’au 31 août, bénéficiez d’un premier mois d’abonnement à un euro, sans engagement, avec le code de réduction « altvosges ».

Les stolpersteine s’étendent aux oubliés de l’annexion de l’Alsace

Les stolpersteine s’étendent aux oubliés de l’annexion de l’Alsace

Série « Des pavés dans les mémoires » (3/3) Certains groupes de victimes de l’idéologie nazie ou du régime de Vichy ont longtemps été absents des récits mémoriels nationaux ou régionaux. La pose de stolpersteine permet d’inscrire dans l’espace public ces persécutions, tout en rendant hommage à des trajectoires individuelles. 

C’est une photo de famille spéciale pour les Meckes. En ce samedi de mai, trois générations sont réunies sur une place à Gries. Le soleil tape : on se prend par les épaules et on sourit à l’objectif. Ce n’est pas facile de réunir dans le cadre cette famille nombreuse et ce qui les rassemble aujourd’hui. Accroupis au sol, ils surplombent quatre pavés où sont gravés leur nom de famille. Y est gravé aussi le destin tragique de quatre de leurs aïeux arrêtés en 1941 en Alsace, expulsés par les Allemands en France : bringuebalés de l’Indre à Thonon, puis dans divers camps d’internement du Sud-Ouest. 

Henri Meckes a été prénommé en hommage au Henri persécuté en 1941. Photo : SW / Rue89 Strasbourg / cc

Sur les quatre, seul l’un d’eux, Henri, parviendra à s’enfuir. Frédéric, son père, Catherine et Pierre – sa sœur et son frère, mourront eux aussi internés au Barcarès et à Saliers en 1941. C’est un autre Henri, 42 ans en 2023, qui a retracé patiemment l’histoire de sa famille (le Henri en souvenir duquel il a été prénommé est son arrière grand-père). Les Meckes font partie de la communauté yéniche, des nomades et semi-nomades présents en Alsace depuis des siècles et qui vivent également en Allemagne, en Suisse et en Autriche. La culture yéniche est riche, notamment la musique réputée, la langue se rapproche des différents parlers germaniques comme l’alsacien mais aussi le yiddish. 

Arrêtés par les nazis, internés par la France

Pour les nazis, ce sont des « Zigeuner » (tsiganes), et comme l’ensemble de ces populations, ils font l’objet d’une politique de déportation et d’extermination systématique. En 1941, les quatre Meckes sont arrêtés à Gries par la police allemande, expulsés vers la France avec plus de 70 personnes. À l’époque, ces communautés connaissent aussi des persécutions par le régime de Vichy. Ils sont internés dans des camps, peu survivent aux terribles conditions de vie. Pour Henri Meckes qui a fouillé dans les archives, retrouver les traces des siens a été capital : 

« Aujourd’hui, on a rendu hommage à nos ancêtres qui ont été persécutés durant cette dure période. Je me sens fier et honoré, ils ont vécu une expérience très difficile. Pour moi, poser ces pavés est un signe de respect pour dire qu’on ne les a pas oubliés. C’est aussi une façon de montrer qu’on n’oublie pas non plus d’où on vient. »

Les stolpersteine ou pavés de mémoire ont été créés dans les années 90 par un artiste allemand : Gunter Demnig. L’idée est de commémorer le souvenir des victimes du nazisme en marquant leur ancien domicile ou lieu de travail par des cubes de béton recouverts d’une plaque de laiton, avec une inscription qui honore leur mémoire. Aujourd’hui 100 000 pavés ont été posés en Europe. En France le projet a mis plus longtemps à démarrer (lire les épisodes 1 et 2 de cette série). 

Longues et minutieuses recherches

Henri Meckes a effectué seul ses recherches, elles ont été longues et minutieuses, mais le père de trois enfants est parvenu à combler les silences familiaux : « on n’en parlait pas, C’est une mauvaise période que les anciens ne préfèrent pas évoquer. Mais nous qui sommes un peu plus jeunes, nous voulons faire savoir ce qu’il s’est passé ». Le choix de Gries s’est imposé, la famille Meckes y résidait et le maire de la ville est aussi le patron d’Henri. L’association Stolpersteine France a porté le projet, comme l’explique Christophe Woehrlé, son président : 

« L’Holocauste des tsiganes, c’est le Samudaripen. Qu’il n’y ait pas beaucoup de commémoration pour les yéniches alors qu’ils sont vraiment partie intégrante de notre culture alsacienne interroge. Ce qui est très important à Gries, c’est qu’on a posé des stolpersteine pour des gens qui sont morts dans des camps français. Ces lieux qui nous font voyager aujourd’hui étaient des lieux de morts et de torture. »

Les stolpersteine permettent de transmettre une mémoire, malgré les silences Photo : SW / Rue89 Strasbourg / cc

À partir des années 40, de 3 à 6 000 personnes identifiées comme « nomades » ont été internées et leurs biens spoliés. Les décès se comptent par centaines. La loi française sur l’internement n’a été abolie qu’en 1946. Les recherches manquent sur cette part sombre de l’histoire de France qui n’a été reconnue officiellement qu’en 2016 par le président d’alors, François Hollande. La pose de ces pavés est essentielle pour aider à la prise de conscience selon Henri Meckes : 

« C’est aussi une image du passé de la France. Le régime de Vichy nous considérait comme des asociaux, des indésirables… Nous avons été persécutés et mis dans des camps car on ne vivait pas comme les autres, en roulotte. Ça ne correspondait pas aux Français qu’ils voulaient. »

L’holocauste yéniche largement ignoré

La cérémonie est rythmée par les chansons yéniches douces amères de Manou, le groupe de Mano Trapp, lui-même issu de cette communauté. Un des morceaux traditionnels qu’il interprète accompagné d’un violoncelle et d’une guitare demande aux enfants de se méfier des soldats et de leur chiens qui vont venir les prendre pour les séparer de leurs parents. Mano Trapp qui vit en Allemagne n’a pas hésité à venir quand il a été sollicité par Henri. Pour lui, en plus d’un hommage, c’est un moyen de faire connaître la culture yéniche :

« Il est arrivé à mon arrière grand-père quelque chose de similaire à ce qui est arrivé aux membres de la famille Meckes. C’est important de rendre hommage aux victimes du national socialisme. De nombreux yéniches ont été déportés, stérilisés de force. C’est une histoire très triste et qui n’a pas encore été entièrement traitée. »

Cette histoire méconnue, minorée ou mise sous le tapis, est aussi le ferment de discriminations qui perdurent aujourd’hui selon Henri Meckes. En Alsace, comme ailleurs, les préjugés qui entourent les yéniches, les « vanniers », les gens du voyage en général, qu’ils soient nomades ou sédentaires, sont très prégnants :  

« La discrimination est toujours forte. On est toujours mal vus. Dans la recherche de logement ou de travail, on ne sera pas prioritaires. Ce genre de cérémonie éclaire ce qu’on a subi. On est des Français à part entière et on mérite d’être respectés, sans être stigmatisés. »

Mano Trapp et son groupe Manou à Gries Photo : SW / Rue89 Strasbourg / cc

Des recherches personnelles comme celles entreprises par Henri Meckes, les efforts d’associations et une volonté politique locale (puisque l’autorisation de la mairie est nécessaire pour implanter des stolpersteine) permettent de combler les omissions et de contrer les dénis des récits nationaux et locaux. C’est l’intérêt des pavés de mémoire qui mettent en avant des trajectoires individuelles, estime Régis Schlagdenhauffen, maître de conférence à l’École des Hautes études en sciences sociales (EHESS) : 

« Avec les pavés, on a affaire à des personnes peu ou pas connues, ce ne sont pas des grands noms de la Résistance. Or l’entreprise des nazis était bien de réduire au silence et au néant des individus, notamment dans les camps de concentration. Les gens n’avaient plus de noms, ils n’étaient plus que des numéros. Cela a donc beaucoup de sens de planter ces pavés là où elles ont vécu. Cet objet permet aussi d’inscrire cette mémoire pour une longue période. »

Les silences autour des homosexuels persécutés

Le chercheur a beaucoup travaillé sur les mobilisations pour la mémoire des personnes persécutées pour homosexualité lors de la seconde guerre mondiale. Si en Allemagne il existe plusieurs pavés (une centaine environ) qui commémorent des personnes déportées pour cette raison, ce n’est pas encore le cas en France. Mais en 2024, Strasbourg installera deux pavés en souvenir d’un couple d’hommes, Josef M. et Eugen E., arrêtés et condamnés pour cette raison. 

Cette initiative est née des recherches de Frédéric Stroh, lors de son doctorat en histoire à l’Université de Strasbourg. Alors qu’il étudie : « la répression judiciaire de l’homosexualité masculine sous le nazisme », et compare le pays de Bade à l’Alsace annexée, il découvre que le Troisième reich a exporté le cadre répressif allemand qui criminalise les relations entre hommes jugées « contre nature ».

Parmi ceux qui vont tomber sous le coup du paragraphe 175, Josef M. et Eugen E. Le premier est policier badois, le second un comptable strasbourgeois. Dénoncés, ils sont arrêtés et jugés. Josef M est condamné pour « débauche contre-nature continue » et exécuté en 1942. Eugen E. est condamné à deux ans de prison. Il est emprisonné à Mulhouse puis interné au camp de Schirmeck. 

À Freiburg, une stolpersteine rend hommage à Erich Mäder. Condamné et déporté en vertu du paragraphe 175, assassiné au camp de concentration de Ravensbrück le 17 mai 1941 Photo : James Steakley / Wikimedia commons / cc

Le chercheur associé à l’unistra contacte alors Stolpersteine 67, qui avait déjà un objectif en ce sens. Les associations Les OubliéEs de la mémoire et Festigays sont aussi partie prenantes. Les deux pavés seront posés à proximité de la place Kléber. Un symbole fort selon Frédéric Stroh : 

« C’est important car ils ont vécu ensemble place Kléber et parce que c’est un endroit central de Strasbourg, cela permettra à un plus grand nombre de personnes d’être au courant. On a touché à l’intime de ces hommes, à leur vie amoureuse. Cela compte de leur rendre hommage et de les réhabiliter alors qu’à l’époque, ils ont été publiquement diffamés, illégalement condamnés et sont morts. »

Des groupes minoritaires et stigmatisés

L’historien a retrouvé la trace de 371 personnes, tous des hommes, arrêtés pour cette raison. Considérée par les nazis comme une partie du Reich, le statut de l’Alsace et de la Moselle diffère du reste de la France. Les hommes y sont soit poursuivis, soit envoyés en France de l’intérieur, soit encore au camp de Schirmeck : 

« Les chiffres ne sont pas exhaustifs, mais les logiques sont bien avérées : l’Alsace était un cas particulier, les nazis ont réprimé l’homosexualité en Allemagne mais pas en France ni par exemple en Pologne. Pendant longtemps, ces cas n’ont pas intéressé. La mémoire de l’annexion alsacienne fait une large part aux incorporés de force mais prend peu en compte l’expérience des tsiganes, des handicapés, des témoins de Jéhovah, etc. » 

Frédéric Stroh parle des « oubliés de l’annexion », un terme qui fait écho au nom choisi par une association basée à Paris, Les oubliéEs de la mémoire. Ses militants ont œuvré depuis 2003 pour que le souvenir des déportés en raison de leur homosexualité soit associé aux commémorations et travaille à l’installation d’un mémorial national. Cette idée a été portée par Jean Le Bitoux, militant homosexuel très engagé (1961-2010) qui a co-écrit les mémoires de Pierre Seel, alsacien homosexuel arrêté, torturé et interné à Schirmeck. Grâce au travail de l’association, il a été reconnu comme déporté en 1994.

50 ans après, lourds secrets de famille

Pourquoi les cas de déportés homosexuels connus sont-ils si peu évoqués en France, voire niés ? Ibéa Atondi de Cointet, secrétaire nationale des OubliéEs de la mémoire, identifie plusieurs raisons à ce tabou qui demeure : 

« En dehors des régions sous contrôle allemand, la plupart de ces déportés l’ont été en raison du droit commun ou « indésirable » comme ceux ou celles qui contrevenaient aux mœurs. Leur nombre et les trajectoires sont encore difficiles à retracer. Une autre raison est institutionnelle : il a fallu attendre 1995 pour que l’État français reconnaisse ses crimes et sa responsabilité dans la déportation. La dépénalisation de l’homosexualité ne date que de 1981, il était difficile d’évoquer cette question dans le débat public avant cela. » 

Le domicile de Pierre Seel, déporté alsacien flanque du triangle rose à Mulhouse Photo : SW / Rue89 Strasbourg / cc

En plus de cette appartenance à un groupe minoritaire et stigmatisé, Frédéric Stroh identifie une autre explication : 

« La Mémoire des déportés homosexuels existe peu dans les mémoires familiales, souvent parce qu’ils n’ont pas d’enfants mais aussi parce que l’homosexualité d’un membre était ignorée dans la famille. C’est pour cette raison qu’ils n’ont pas forcément parlé après guerre, or il est plus compliqué de construire une mémoire publique s’il n’existe pas de mémoire familiale. »

Frédéric Stroh a tenté de retrouver des parents et des descendants indirects du couple. Du côté de Josef M., exécuté en 1942, ses recherches ont été infructueuses. À sa sortie du camp de Schirmeck, Eugen E. s’est installé dans un village alsacien. Il est mort en 2004 sans avoir raconté son histoire à sa famille. Le jeune historien va prochainement les rencontrer pour leur proposer de les associer à la pose des deux pavés en 2024. 

Mort de Nahel : un appel à un rassemblement vendredi soir à Strasbourg

Mort de Nahel : un appel à un rassemblement vendredi soir à Strasbourg

Après le meurtre de Nahel à Nanterre par un policier mardi, des appels à mobilisation surgissent sur les réseaux sociaux. L’un d’eux appelle à des rassemblements dans plusieurs villes vendredi 30 juin « contre le racisme, les crimes et les violences policières ». A Strasbourg, le rassemblement est prévu place Kléber. Dans un arrêté publié vendredi, la préfecture a interdit tout rassemblement ou défilé.

Un policier a tué Nahel, 17 ans, d’un tir à bout portant, pour un délit routier à Nanterre, mardi 27 juin. Pour protester contre ce meurtre, la page Instagram lepeupleunifr a publié un visuel appelant à des rassemblements dans les principales villes françaises, vendredi 30 juin à 20h, « contre le racisme, les crimes et les violences policières ». L’un d’eux est fixé place Kléber à Strasbourg.

Rassemblement jeudi 29 juin place Kléber suite au meurtre de Nahel, 17 ans, par un policier Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Compte-tenu des poursuites qui peuvent être engagées, et qui le sont de plus en plus souvent, contre les organisateurs de rassemblements lorsqu’ils dégénèrent en émeutes, les appels deviennent de plus en plus régulièrement anonymes, masqués derrière des comptes de réseaux sociaux. Le compte lepeupleunifr existe depuis juin 2019, avec des publications d’opposition au gouvernement.

Résumé des événements en vidéo (vidéo Le Monde / Youtube)

Suite à cet appel et aux incidents qui ont émaillé la nuit de mercredi 28 à jeudi 29 juin à Strasbourg, la préfecture du Bas-Rhin a pris un arrêté interdisant le transport d’explosifs, de carburant ou de tout produit inflammable mais aussi de « tout objet pouvant servir d’arme par destination » (c’est à dire à peu près tous les objets) durant la nuit du jeudi 29 au vendredi 30 juin. La Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) a dévié certaines lignes de bus et supprimé des arrêts sur certaines lignes de tram durant la même nuit (voir le détail).

Le périmètre d’exclusion de toute manifestation dans la nuit de vendredi à samedi Photo : carte Préfecture du Bas-Rhin

Mise à jour. Dans la journée de vendredi, la préfecture du Bas-Rhin a publié trois arrêtés. Le premier pour reconduire les mesures ci-dessous à la nuit de vendredi à samedi, un second pour autoriser l’emploi de drones de surveillance et un troisième pour interdire toute manifestation dans un périmètre élargi du centre-ville. Le rassemblement prévu ce vendredi soir est donc interdit, ce qui permettra aux forces de l’ordre de le disperser immédiatement.

Après la crise, l’Association des résidents de l’Esplanade élit un président de continuité

Après la crise, l’Association des résidents de l’Esplanade élit un président de continuité

Étienne Fleury a été élu président de l’Association des résidents de l’Esplanade. Ancien trésorier, son élection promet une continuité de l’action engagée par la nouvelle équipe depuis 2021.

Plus d’une centaine de personnes se sont déplacées mercredi soir pour participer à l’assemblée générale de l’Association des résidents de l’Esplanade (Ares), occupant toutes les chaises disponibles de la grande salle d’accueil du centre socio-culturel rue d’Ankara. Présent parmi le public . . .

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Des places pour voir Les Algues Vertes au cinéma

Des places pour voir Les Algues Vertes au cinéma

Les cinémas Star invitent dix lectrices et lecteurs de Rue89 Strasbourg à une projection spéciale de Les Algues Vertes, mercredi 5 juillet à 20h, en présence du réalisateur Marc Jolivet.

Le pitch

À la suite de morts suspectes, Inès Léraud, jeune journaliste, décide de s’installer en Bretagne pour enquêter sur le phénomène des algues vertes. À travers ses rencontres, elle découvre la fabrique du silence qui entoure ce désastre écologique et social. Face aux pressions, parviendra-t-elle à faire triompher la vérité ?

Ce film est une adaptation des Algues vertes – l’histoire interdite, la bande dessinée d’Inès Léraud et de Pierre Van Hove, elle-même tirée de l’enquête menée par Inès Léraud sur le scandale des algues vertes en Bretagne. Rue89 Strasbourg avait reçu Inès Léraud dans le cadre d’une soirée sur l’investigation locale à l’occasion de notre dixième anniversaire.

Les cinémas Star organisent une projection spéciale, en présence du réalisateur Pierre Jolivet mercredi 5 juillet à 20h au cinéma Star Saint-Exupéry.

La bande annonce

La bande annonce « Les algues vertes » (vidéo Haut et Court / Youtube)

Le concours

Concours avec tirage au sort vendredi 30 juin à 17 heures. Seules les gagnantes et les gagnants seront prévenus.

Vendredi, une petite fête pour penser le quartier gare de Schiltigheim

Vendredi, une petite fête pour penser le quartier gare de Schiltigheim

Vendredi 30 juin, un collectif d’associations organise une soirée festive pour réfléchir au devenir de la gare de Bischheim et de Schiltigheim.

Faire de la politique en buvant un petit coup et en dansant un peu… C’est la bonne idée pour vendredi 30 juin à partir de 17h d’un collectif d’associations (dont la Fédération nationale des usagers des transports, Mon train j’y tiens…) et de riverains mobilisés autour d’une « charte revendicative » pour de meilleurs transports en commun à Schiltigheim, Bischheim et Hoenheim.

Alors que le Réseau express métropolitain européen (Reme) structure l’offre de transports au nord de Strasbourg et transforme la gare de Schiltigheim en « hub », ce collectif demande « davantage de trains régionaux pour se déplacer, une ligne de bus desservant directement la gare, un accès des deux côtés de la voie ferrée par un passe-quartier souterrain, un lieu aménagé, sécurisé où il fait bon vivre et rendant des services de tous ordres ».

Le collectif se mobilise en revanche contre le pôle de maintenance des trains régionaux à Schiltigheim, en faisant valoir les nuisances olfactives et sonores que cette activité génère près des habitations. Une décision sur l’implantation finale de ce centre doit prochainement être prise par la Région Grand Est, qui trouve que le centre technique de la SNCF est une bonne option.

Le collectif propose de réenchanter les transports en commun au nord de l’agglomération… Photo : doc remis

Programme

    À partir de 17h : Échanges avec les collectifs et associations présentes avec des stands d’informations À 18h30 : Présentation de la charte revendicative et dialogue avec les autorités publiques en charge des dossiers : SNCF, Région Grand Est, Eurométropole, municipalités de Bischheim et de Schiltigheim À partir de 19h : repas avec tartes flambées par le Restaurant du Chemin de fer et « concert « animation dansante » de l’orchestre Chrysalide.

Fin des tarifs réglementés du gaz : à Strasbourg, aucun concurrent pour éviter un abonnement plus cher

Fin des tarifs réglementés du gaz : à Strasbourg, aucun concurrent pour éviter un abonnement plus cher

Dès samedi 1er juillet, les tarifs règlementés du gaz naturel disparaîtront en France. À Strasbourg, 50 000 ménages verront leur facture augmenter, sans possibilité de trouver une offre équivalente ni de faire jouer la concurrence entre fournisseurs.

En avril 2023, 50 000 ménages strasbourgeois ont reçu un courrier du fournisseur Électricité de Strasbourg (ÉS). Ils ont alors appris que leur contrat « basculera » au 1er juillet 2023. Avec la loi Énergie-Climat de 2019 et pour se mettre en règle avec une directive européenne de 2017, les contrats de gaz dont les prix sont fixés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) vont disparaître. Ce sont des abonnements souscrits avant novembre 2019 chez ÉS, indexés sur les tarifs réglementés de vente – par exemple ceux intitulés « Tarif réglementé C+ ».

50 000 foyers vont changer de tarif

Exit donc les prix plafonds contraignants décidés par l’autorité indépendante. Désormais, pour la partie variable de la facture de gaz, seul le marché déterminera le prix du kilowattheure (kWh). La Commission de régulation continuera de déterminer des tarifs « de référence » mais ils n’obligeront en rien les fournisseurs. Selon l’autorité, ces informations ont simplement pour but « d’apporter de la transparence en matière de formation des prix des offres proposées, et de l’information aux consommateurs ».

À Strasbourg, tous les ménages concernés par ce changement de règlementation sont des clients d’ÉS. Les abonnés du fournisseur Ekwateur, unique concurrent à l’entreprise historique de distribution, n’ont jamais bénéficié de tarifs réglementés.

Un changement, beaucoup d’incompréhensions

Quel que soit le contrat choisi pour la suite, celui-ci est composé de deux parts : une fixe (l’abonnement, qui correspond aux coûts de réseau et d’acheminement…) et une qui dépend de la consommation réelle (kilowattheures consommés).

« Peu de clients comprennent vraiment ce que tout ça veut dire », souffle Daniel Bonnot, vice-président de l’association Consommation logement cadre de vie (CLCV). Même écho pour l’UFC Que choisir 67 et son bénévole en charge des questions d’énergie, Philippe Fussler : « C’est technique le gaz, avec toutes les taxes, les parties fixes, les variables, l’abonnement, la consommation… ».

Par défaut, la « bascule »

Par défaut, les clients ÉS dont le contrat s’éteint au 1er juillet souscriront automatiquement à une offre « de bascule », sans démarche à effectuer. Résiliable sans délai et reconduit tacitement tous les ans, le contrat propose un tarif indexé sur les prix du marché. Dans le courrier reçu par les clients, il est indiqué que le kilowattheure coûtera, en principe, 0,087 euros – contre 0,074 en mars et avril 2023. L’augmentation du kilowattheure atteint ainsi près de 18%. ÉS précise que le prix est amené à varier.

Du côté de la part fixe du contrat, l’abonnement sera aussi plus cher avec une augmentation moyenne de 59% au 1er juillet, selon l’Union française des consommateurs (UFC) Que Choisir du Bas-Rhin. Ainsi un client qui payait 44,2 euros hors taxes pour deux mois d’abonnement s’est vu proposer un abonnement à 37,32 euros par mois dès juillet. Sans possibilité, donc, de contester cette hausse.

Un abonnement plus cher

Contacté, ÉS explique que les tarifs proposés dans cette offre « bascule » sont indexés sur les recommandations nationales d’avril et qu’ils seront adaptés, au 1er juillet, selon les nouvelles publications de la CRÉ. « Un gage de sérieux », précise la communication de l’entreprise en réponse aux questions de Rue89 Strasbourg. 

Philippe Fussler, bénévole à l’UFC que choisir 67, nuance :

« ÉS n’a aucune contrainte légale de se conformer aux recommandations de la CRÉ. Si nous voulions mener une action contre le prix de l’abonnement que nous trouvons abusif, je ne sais pas devant quelle juridiction elle serait recevable. C’est très incertain. »

En ce moment, les prix du gaz baissent (-12,5% entre mars et avril 2023). ÉS estime que l’augmentation du prix de l’abonnement est compensée par cette baisse du coût du kilowattheure. Pourtant, l’UFC Que Choisir a une lecture plus critique des prix annoncés :

« Selon nos calculs, les petits consommateurs de gaz (6 000 kWh/an) paieront 13% en plus malgré la baisse des prix du marché. Le coût de l’abonnement ne sera pas compensé pour eux. Pour les consommateurs moyens (10 000 kWh/an), l’augmentation sera de 5,5%. À partir de 16 000 kWh/an, le prix s’équilibre et les plus gros consommateurs auront une facture plus petite. C’est contre-intuitif, il faudrait que l’on incite à consommer mois. Là c’est l’inverse. »

Une offre fixe onéreuse mais plus prévisible

S’ils veulent choisir un contrat autre que celui proposé automatiquement par ÉS, les Strasbourgeois auront deux possibilités pour déterminer le mode de calcul de leur budget gaz. La première est une offre à « prix fixe », souvent plus chère mais plus prévisible. Il en existe quatre à Strasbourg, selon le comparateur d’offres de gaz sur le site du médiateur de l’énergie. « C’est ce qu’on recommande à terme aux clients qui veulent avoir de la visibilité sur les dépenses liées au gaz pendant un à trois ans », explique Daniel Bonnot, de la CLCV. Le prix fixé dépend de l’estimation de consommation du gaz (chauffage, eau, cuisson…).

Ces offres, proposées par Ekwateur et ÉS, ont souvent un prix par kilowattheure légèrement plus élevé que le prix réel du marché, mais ne varient pas en cas de grosse augmentation de ce prix. Les variations sont en effet absorbées par le fournisseur, qui assume le risque lié aux variations du prix du marché. Un contrat plus cher donc, mais plus sûr.

C’est pour cette raison que l’UFC Que Choisir 67 conseille de bien étudier ce type de contrats. « En ce moment, les prix du kilowattheure sont bas, c’est donc le moment d’en profiter avant que les fournisseurs augmentent leurs tarifs », précise Philippe Fussel.

Un contrat basé sur le marché, volatile

La deuxième type de contrat d’ÉS est indexé sur les prix du marché. Chaque mois, le fournisseur fixe les prix par kilowattheure en plus du coût de l’abonnement, qui reste fixe. La CLCV conseille de « s’attacher à la sécurité contractuelle plutôt qu’au gain tarifaire » et donc de bien réfléchir avant de baser son choix sur des prix qui paraissent, par moment, plus avantageux. Ces tarifs sont directement liés au marché du gaz naturel et donc, volatiles. Ainsi sur l’année 2022, le prix moyen du mégawattheure de gaz a augmenté de 107% par rapport à la moyenne en 2021.

Comme le précise la communication d’ÉS, « personne ne peut prédire quelle sera la tendance pour les mois à venir sur le marché du gaz ». Philippe Fussler, de l’UFC Que Choisir 67, précise :

« Si une banque fait faillite, si on se met à produire de l’électricité dans des centrales à gaz, si un conflit armé éclate… Tout ça influence le prix, comme celui de l’essence. Sauf que l’essence, on voit le prix à la pompe. Pour le gaz, on le voit juste sur sa facture une fois qu’on en a déjà consommé. »

À Strasbourg, pas de concurrence entre fournisseurs

En théorie, cette libéralisation du marché doit permettre de faire baisser les prix aux consommateurs, selon la théorie que l’ouverture à la concurrence aurait mécaniquement cet effet. Mais à Strasbourg, pas de concurrence. ÉS dispose d’un « quasi-monopole de fait », estime Daniel Bonnot. Pour le code postal 67 000, ÉS et Ekwateur sont les seuls fournisseurs de gaz disponibles. L’un est une entreprise locale de distribution, historique, l’autre un nouvel entrant cumulant environ mille abonnés à Strasbourg. 

Dans d’autres parties du Bas-Rhin, à Sélestat ou Saverne par exemple, les clients ont le choix « jusqu’à 30 fournisseurs différents », assure Philippe Fussler. Pour l’UFC Que choisir 67, tant l’absence de concurrence que le grand nombre de fournisseurs sont problématiques. « À Saverne, ils ne comprennent plus rien à entre tout ce qu’ils peuvent choisir. C’est pour ça que les associations de consommateurs sont mobilisées sur la question », estime-t-il.

Peu de probabilité pour l’ouverture à la concurrence

Interrogé sur la probabilité d’une plus grande concurrence entre fournisseurs dans les années à venir, Philippe Fussler semble dubitatif :

« Avec la crise sur le gaz, certains opérateurs sont sortis du marché. Ils proposaient des offres fixes et se sont retrouvés coincés à acheter le gaz bien plus cher qu’ils ne le vendaient. Aujourd’hui, ces sociétés hésitent à revenir. Je crains que dans les années à venir, seule la loi du marché conditionnera les prix des clients. »

D’autant plus que le coût de gestion est particulièrement élevé à Strasbourg, comme l’explique Julien Tchernia, co-fondateur du fournisseur d’Ekwateur :

« Ce qui est compliqué à Strasbourg, c’est le coût du réseau qui est plus élevé que dans d’autre secteurs en France. En tant que fournisseur, nous achetons du gaz pour le revendre à nos clients, mais nous devons payer l’utilisation des tuyaux. Plus la personne habite loin du gazoduc, plus le coût sera élevé. Nous discutons en ce moment avec la CRÉ et les gestionnaires du réseau pour résoudre ce problème. D’ici là, Strasbourg n’est pas une zone dans laquelle nous allons faire de la pub par exemple. »

La concurrence pourrait-elle prendre à Strasbourg ? Peu probable selon les deux associations de consommateurs interrogées par Rue89 Strasbourg. En attendant, la CLCV et l’UFC Que Choisir invitent les Strasbourgeois et Strasbourgeoises à les contacter s’ils ont des questions relatives à leur contrats de fourniture de gaz. Les interrogations doivent être nombreuses : à l’agence d’ÉS située rue des bonnes gens à Strasbourg, mercredi 28 juin, il fallait attendre près de deux semaines pour obtenir un rendez-vous avec son fournisseur de gaz…

L’incinérateur « Sénerval est un vrai chemin de croix » : l’Eurométropole se réveille

L’incinérateur « Sénerval est un vrai chemin de croix » : l’Eurométropole se réveille

Motion de soutien aux salariés, embauche d’un chef de projet et lancement d’études… La Ville et l’Eurométropole de Strasbourg multiplient les actions pour reprendre le contrôle d’un incinérateur à la dérive depuis près d’une décennie.

Lundi 26 juin, fin d’après-midi. En conseil municipal, l’adjointe à la maire Hulliya Turan (PCF) dresse un sombre tableau de la délégation de service public concernant l’incinérateur de Strasbourg : « De nombreuses alertes ont été émises, pointant du doigt (…) la présence de cendres cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques et d’amiante. » L’élue évoque aussi l’inspection de la Dreal en janvier 2022, et ces cendres toxiques présentes partout dans l’installation, l’amende de 10 000 euros qui s’en est suivie, mais aussi une enquête judiciaire en cours et une perquisition menée en juin. Elle termine la lecture de la motion du groupe « Pour la justice sociale et l’écologie populaire » :

« Le conseil municipal de la ville de Strasbourg affirme son soutien aux salariés qui revendiquent de meilleures conditions de travail et défendent leur santé (…) et enfin demande à l’Eurométropole d’explorer différents scénarios prospectifs pour l’avenir du site, y compris des hypothèses de fin de contrat. »

Lors du conseil du 28 juin 2023, l’Eurométropole entame la réflexion sur l’avenir de son incinérateur. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« On pense avoir réglé un problème, un autre arrive »

Cette fois, l’incinérateur est bien de retour dans le débat politique. Jean-Philippe Maurer, conseiller municipal d’opposition (LR) s’en désole :

« J’ai l’impression que ce dossier Sénerval est un vrai chemin de croix. À peine on pense avoir réglé un problème, un autre arrive. C’est presque désespérant de recommencer presque tous les deux ans ce dossier. »

Du côté des soutiens de la majorité présidentielle, même position, exprimée par le conseiller municipal Renaissance Nicolas Matt. La motion présentée par Hülliya Turan sera votée à l’unanimité des voix exprimées. Seuls les socialistes, menés par Catherine Trautmann, s’abstiennent en revendiquant la première alerte sur le dossier.

Depuis les révélations de Rue89 Strasbourg et la diffusion d’un reportage au journal télévisé de France2, l’Eurométropole a entamé un nouveau rapport avec Sénerval, filiale du groupe Séché et délégataire de service public jusqu’en 2030. Un document confidentiel, auquel Rue89 Strasbourg a pu accéder, révèle le suivi rapproché de l’EMS sur son incinérateur. En décembre 2022, en février 2023 et en mai 2023, des visites sur site de la part d’élus et des réunions ont eu lieu entre la présidence de l’Eurométropole et la direction de l’entreprise.

Une source syndicale confirme à Rue89 Strasbourg les effets bénéfiques de cette surveillance renforcée par l’Eurométropole : « Comme ils s’attendent à des visites surprises, maintenant la direction est hyper vigilante sur le port des équipements de protection quand des cendres sont évacuées. » Résultat : les derniers contrôles sur place n’ont révélé aucune anomalie. Le 2 février, la médecine du travail n’a pas identifié de risque supplémentaire face à l’exposition aux cendres. Quelques jours plus tard, une inspection de la Dreal mettait fin à la mise en demeure concernant la présence de résidus d’épuration à l’air libre dans l’usine. Fin mars, un agent de la Dreets n’observait plus aucun problème dans l’exposition des salariés sous-traitants aux mêmes cendres cancérigènes.

Plus de 30 millions d’euros de travaux

Dans une délibération prévue pour le conseil du 28 juin, l’EMS prévoit d’embaucher un chef de projet pour une durée de trois ans au service « collecte et valorisation des déchets ». La personne recrutée sera chargée d’élaborer et de conduire « les opérations de rénovation partielle du bâti et de travaux sur le process de l’unité » mais aussi de contribuer « à la réflexion sur l’évolution du site et de son mode de gestion. »

Car l’Eurométropole envisage d’importants travaux au sein de l’Unité de valorisation énergétique (UVE), la désignation officielle de l’incinérateur. En conseil ce mercredi 28 juin, les élus métropolitains voteront aussi la commande de plusieurs études qui permettront de chiffrer le montant des investissements nécessaires. Un premier audit estimé à près de 180 000 euros concerne l’état du bâti et les rejets polluants de l’incinérateur. Selon les teneurs en mercure ou en dioxine révélés, la collectivité devra investir entre 13 et 25 millions d’euros pour améliorer le système de traitement des rejets gazeux et aqueux de son installation. Cet axe d’intervention s’inscrit notamment dans la mise aux normes qui évoluent en matière de pollution.

Chaque mois d’arrêt coûte 4,5 millions d’euros à l’EMS

Révélée dès le redémarrage de l’incinérateur en septembre 2019, la dégradation avancée de nombreux poteaux en béton de l’usine doit être traitée grâce à des travaux estimés à 8 millions d’euros. Une étude est en cours de finalisation pour disposer des solutions techniques envisageables et des méthodologies d’intervention. Dans un calendrier de l’EMS, plusieurs arrêts de ligne sont prévus sur une période de six mois environ, en plus d’un arrêt de l’UVE envisagé pour deux mois.

Il s’agit pour la collectivité de minimiser les coûts qui peuvent exploser si l’usine doit cesser son activité trop longtemps. Chaque mois d’arrêt coûte 4,5 millions d’euros, entre détournements des déchets (à 180 euros la tonne détournée) et indemnisation de l’exploitant (56 000 euros par jour). Une commission de conciliation doit rendre un avis d’ici la fin de l’année 2023 concernant le niveau de responsabilité de la collectivité et de l’exploitant quant aux travaux de consolidation du béton.

Un dernier chantier de 2,5 millions d’euros doit avoir lieu pour démanteler le système du traitement des fumées de la ligne 4, à l’arrêt depuis 2016. Il a ainsi fallu près de sept ans pour mettre fin à un risque d’accident lié à l’usure de pièces inutilisées. Une pièce de près d’une tonne avait ainsi chuté dans l’usine en septembre 2022.

Fin de la délégation en 2030

Une seconde étude portera sur le nombre de tonnes de déchets à traiter pour l’Eurométropole de Strasbourg entre 2030 et 2050. Elle complètera l’information des élus appelés à faire des choix politiques sur le devenir de l’UVE en 2025. La collectivité et ses services devront ensuite concrétiser deux décisions cruciales pour l’avenir de l’incinérateur.

Le premier choix concerne l’exploitation de l’usine d’incinération. En 2030, l’EMS devra renouveler la délégation de service public pour l’incinérateur. Or il semble peu probable que le groupe Séché souhaite poursuivre l’exploitation de l’UVE de Strasbourg. Les résultats nets du délégataire n’ont été positifs que qu’en 2011 et 2018. Ils ont même plongé à -14,3 millions d’euros en 2021. Et il n’existe que cinq exploitants d’UVE en France (Veolia, Suez, Paprec-Tiru, Urbaser Environnement et Séché Environnement). Et si personne ne souhaitait se lancer dans cette galère ?

Faut-il une nouvelle usine ?

La seconde décision de taille porte sur l'avenir du bâtiment de l'incinérateur. Selon l'état de vétusté constaté par les études et en fonction du nombre de tonnes de déchets à incinérer entre 2030 et 2050, l'EMS doit envisager la construction d'une nouvelle usine. Un chantier estimé à "300 millions d'euros de construction et des dizaines de millions d'euros de démantèlement" par la vice-présidence en charge de la gestion des déchets, Fabienne Baas, lors d'une conférence de presse mardi 27 juin. Dans un rapport commandé par l'ancien président de l'Eurométropole Robert Herrmann en 2016, le ministère des Finances évaluait plutôt le coût d'une construction neuve à 421,3 millions d'euros."

Interrogé sur la situation de l'incinérateur, Robert Herrmann défend son choix d'un désamiantage à près de 200 millions d'euros, frais de détournement et de traitement des déchets dans d'autres usines inclus :

"Nous avons choisi la sécurité des salariés en réalisant ces travaux. Bien sûr, on s'interrogeait déjà sur la nécessité de reconstruire une usine. Mais il était inenvisageable de reconstruire un incinérateur tant que son coût n'était pas amorti."

"De grands groupes n'auraient pas eu ce genre de difficultés"

Robert Herrmann se montre aussi critique de la délégation par le groupe Séché et affirme :

"Je m’étais interrogé si on ne pouvait pas casser la DSP à l’époque. Mais les juristes disaient que la collectivité prendrait un risque juridique et financier tout en supportant les mêmes coûts de réparation. Je trouve insupportable le traitement des personnels qu’il y a eu dans ce groupe. Il y a certainement une part de paternalisme dans la gestion, mêlé à un mode de fonctionnement qui ne me paraît pas de bon aloi. De grands groupes n’auraient pas eu ce genre de difficultés. Vu de l’extérieur aujourd’hui, ma tendance serait plutôt d’aller vers un gros groupe."

Contacté, le groupe Séché n'a pas donné suite à notre demande d'interview concernant notamment ses projets pour l'incinérateur après 2030.

Au Conseil de l’Eurométropole, présentation des comptes, tram Ouest et vente du Racing

Au Conseil de l’Eurométropole, présentation des comptes, tram Ouest et vente du Racing

Le conseil de l’Eurométropole du mercredi 28 juin traitera principalement des comptes de l’intercommunalité pour l’année 2022. Très attendue, la délibération sur l’avancement du projet de tram Ouest sera également présentée dans l’hémicycle.

Juste avant la pause estivale, l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) fait le point sur ses finances. L’ensemble des dépenses et des recettes de l’année 2022 feront l’objet d’un débat et d’un vote au cours du conseil de l’EMS de ce mercredi 28 juin. Comme lors du conseil municipal deux jours plus tôt, l’opposition en profitera pour tacler la gestion de la métropole par sa présidente, Pia Imbs (SE) et son vice-président en charge des finances, Syamak Agha Babaei.

Parmi les autres points importants, les conseillers eurométropolitains aborderont également l’avancement du tram Ouest qui doit rejoindre Wolfisheim. Si le tracé n’est pas l’objet du débat, l’EMS doit encore préciser les aménagements qui précèdent l’arrivée du tram. Autre sujet qui s’invite dans l’ordre du jour, la vente du Racing club de Strasbourg au consortium américain BlueCo fera également l’objet d’un débat animé au détour d’une délibération concernant le Racing.

Retour sur les finances de l’EMS

L’Eurométropole doit faire approuver ses comptes avant le 30 juin 2023 par son conseil. À l’instar de la Ville de Strasbourg, elle entamera donc sa séance par une présentation succincte de ses réalisations budgétaires. En substance, les dépenses réelles de l’Eurométropole pour son fonctionnement s’élèvent à environ 760 millions d’euros pour 802 millions d’euros de recettes en 2022.

De gauche à droite, le vice-président en charge des finances Syamak Agha Babaei et la présidente de l’EMS, Pia Imbs. Photo : Abdesslam Mirdass/Rue89 Strasbourg

Concernant les dépenses d’investissements réalisées par l’EMS, elles sont d’environ 345 millions d’euros, pour 327 millions d’euros de recettes. Comme avec le budget de la Ville lundi, c’est à nouveau Syamak Agha Babaei qui se chargera de donner du sens à ces montants, en réexpliquant les priorités de la collectivité en matière d’investissement public.

Avancement du tram Ouest

Lors du conseil municipal du 26 juin, les élus d’opposition sceptiques sur le projet s’étaient abstenus de débattre trop longuement de l’extension du tram vers l’Ouest, pour en parler plutôt lors de cette séance de l’Eurométropole. Avec cette délibération numéro sept, le vice-président chargé des mobilités, Alain Jund (EE-LV) présentera le résultat de l’enquête publique.

Le vice-président chargé des mobilités, Alain Jund. Photo : Abdesslam Mirdass/ Rue89 Strasbourg

Cette dernière rend un avis favorable au tracé retenu mais avec trois réserves, auxquelles l’Eurométropole apportera ses réponses. L’une concerne un chemin d’accès piéton entre la station « Eckbolsheim » et le Zénith, l’autre préconise de ne pas faire basculer une portion de la route des Romains en voirie à un sens, et la dernière concerne l’emplacement de la station Térence. En dehors du dernier point, l’EMS annonce qu’elle suivra les préconisations de l’enquête. Vendredi, l’exécutif demandera formellement à la préfète du Bas-Rhin de déclarer le projet d’utilité publique, pour entamer les travaux au plus vite.

Avant cela, les élus socialistes de l’opposition voudront faire entendre leurs désaccords dans l’hémicycle. Deux jours plus tôt, en conseil municipal, le groupe socialiste s’était abstenu de voter une délibération concernant le tram Ouest, mettant en avant les interrogations qu’ils portent sur les aménagements qui entourent le tram. Ils entendent bien refaire le débat au cours de cette séance.

Racing club de Strasbourg et alimentation territoriale

Autre sujet brûlant au programme : la vente du RCSA. Certes, le sujet n’est pas du tout inscrit à l’ordre du jour, mais pourrait être évoqué par le truchement de la délibération 34, intitulée « Convention d’occupation du stade de la Meinau, etc. ». Une délibération classique, mais bien commode pour digresser sur le rachat de l’équipe locale par un fonds américain.

En prime, les élus communistes ont déjà déposé une question d’actualité sur le sujet, questionnant le choix de l’EMS de payer 160 millions d’euros pour financer les travaux d’extension du stade la Meinau, alors qu’un consortium richissime – BlueCo – s’est porté acquéreur du club.

L’élue en charge de la politique agricole métropolitaine, et maire de Breuschwickersheim, Doris Ternoy. Photo : Abdesslam Mirdass/Rue89 Strasbourg

Enfin, l’Eurométropole présentera sa « stratégie alimentaire territoriale ». L’occasion pour la vice-présidente en charge des questions agricoles, Doris Ternoy d’insister sur les actions soutenues au cours de l’année 2022, comme le lancement d’un dispositif de tri séparé des déchets alimentaires, ou la deuxième édition des Rendez-vous de l’alimentation.

Rassemblement de soutien aux Soulèvements de la Terre mercredi 28 juin

Rassemblement de soutien aux Soulèvements de la Terre mercredi 28 juin

À Strasbourg et à Colmar, des rassemblements de soutien aux Soulèvements de la Terre sont organisés mercredi 28 juin à 19h devant les préfectures pour dénoncer « les pressions de l’Etat sur les mouvements écologistes et sociaux ».

Mercredi 28 juin à 19h, un deuxième rassemblement à l’appel « des ami.e.s des Soulèvements de la Terre » est organisé devant les préfectures de Strasbourg et de Colmar, suite à la volonté du gouvernement de dissoudre ce collectif d’organisations écologistes. Le précédent appel avait réuni plus de trois cents personnes à Strasbourg et une cinquantaine à Colmar. 

Soutenir les militants et « dénoncer la pression de l’Etat »

Le premier rassemblement avait réuni des militants et sympathisants écologistes. Cette fois, le rassemblement comportera également des membres de la Confédération paysanne d’Alsace selon Bruno Dalpra, militant écologiste strasbourgeois :

« L’objectif est de renouveler notre soutien aux Soulèvements de la Terre mais également pour dénoncer la pression de l’Etat sur tous les mouvements écologiques et sociaux. » 

Le rassemblement du 21 juin a réuni plus de trois cents personnes à Strasbourg. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Mercredi 28 juin, huit militants impliqués dans les manifestations d’opposition aux méga-bassines de Sainte-Soline ont été convoqués par les gendarmes « au motif qu’ils auraient organisé ou participé à l’une ou l’autre des deux grandes manifestations à Sainte-Soline ». Des rassemblements similaires sont prévus devant les six gendarmeries en question. Bruno Dalpra, qui soutient le mouvement avec « les ami.e.s des Soulèvements de la Terre », souhaite également attirer l’attention sur la répression qui vise les autres organisations sociales et écologistes en France :

« D’autres associations comme Attac sont dans le viseur des autorités, par rapport à diverses actions en lien avec le mouvement contre la réforme des retraites. L’État tente de régler ses comptes avec le mouvement social et écologiste et le rassemblement de mercredi sera l’occasion d’apporter notre soutien à tous militants criminalisés pour leur engagement. »

Les salariés de Knauf industries en grève vendredi contre la fermeture de l’usine de Rhinau

Les salariés de Knauf industries en grève vendredi contre la fermeture de l’usine de Rhinau

La direction de Knauf industries a annoncé mardi qu’elle planifie de fermer quatre sites de production en France, dont l’usine de pièces techniques de Rhinau. Près de 30 employés alsaciens sont menacés de licenciement. Ils seront en grève vendredi 30 juin.

« J’ai rejoins cette entreprise il y a 7 ans. C’est une petite usine de 27 salariés, les gens se connaissent, c’est humain. » Thierry Froehlich, chef d’atelier à l’usine Knauf de Rhinau et membre du comité social et économique, est encore sonné quelques heures après l’annonce de sa direction, lundi 26 juin, qui souhaite fermer le site en janvier 2024.

Après avoir accroché des banderoles devant l’usine jeudi, les salariés annoncent qu’ils seront en grève vendredi 30 juin : « Tout le monde va participer. L’équipe du matin sera devant l’usine dés 7 heures, et les équipes de l’après-midi et de la nuit viendront pour un rassemblement de tous les employés à 13h », assure Thierry Froehlich. La grève est prévue uniquement pour vendredi, « jusqu’à nouvel ordre », précise t-il.

L’usine Knauf située à Rhinau emploie 27 salariés. Photo : google street view

Sur place, les employés produisent des pièces techniques en polystyrène et polypropylène expansés à destination de l’industrie automobile, ou de la fabrication de chauffe-eau par exemple. Selon Thierry Froehlich, les salariés de l’usine de Rhinau sont unanimement opposés à cette fermeture :

« C’est la stupéfaction. Tout le monde est fâché. On nous parlait d’investissements dans l’usine, de nouveaux projets. On travaille même le samedi matin pour honorer les commandes. On a vraiment l’impression qu’ils nous ont caché ce projet pour qu’on continue à travailler. »

Des raisons floues

De son côté, la direction de Knauf industries, basée à Wolfgantzen près de Neuf Brisach, met en avant une baisse de son chiffre d’affaires dans un communiqué :

« Le résultat d’exploitation s’est fortement dégradé en 2022. Depuis le début de l’année [2023], la baisse du chiffre d’affaires s’est encore accentuée. […] La pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine, les coûts élevés de l’énergie et des matières premières, les changements dans les habitudes des consommateurs ont contribué à la situation actuelle. […] Dans ce contexte, Knauf industries n’a d’autre choix que d’envisager la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). »

Selon ses bilans comptables, le résultat d’exploitation s’est soldé par une perte de 11 059€ en 2021, après une perte du même ordre en 2020. Le plan évoqué par le groupe alsacien prévoit d’autres fermetures :

« [Le plan de sauvegarde de l’emploi] impliquerait la fermeture de 4 sites de production (Pithiviers (45), Duclair (76), Rhinau (67), Saint-Sauveur d’Aunis (17) ainsi que la transformation d’un site à Vendargues (34) en plateforme logistique). 123 emplois seraient directement menacés. Les activités de production de ces sites seraient redéployées vers 10 autres sites de Knauf Industries en France, ce qui conduirait à la création de 52 postes. »

Les salariés de Knauf industries ont accroché une banderole et des tee-shirts devant leur usine. Photo : remise

« Nous ferons tout pour garder nos emplois »

Les salariés du site Knauf de Pithiviers, dans le Loiret, également menacés de licenciements économiques, sont en grève depuis ce mardi 27 juin. Thierry Froehlich indique qu’une réunion avec la direction doit avoir lieu vendredi :

« S’ils ne reculent pas, nous organiserons probablement des grèves dans la foulée. Nous ferons tout pour maintenir l’activité ici et garder nos emplois. »

#Rhinau

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