L’offre des vélos en libre service de l’Eurométropole évolue dès cet été. Ils seront plus chers, plus techniques et seront disponibles dans toutes les communes de l’EMS. Des changements critiqués par l’opposition.
« Nous allons avoir une grande diversité de vélos ! Des classiques, mais aussi trois fois plus de vélos à assistance électrique (de 400 à 1 200), 150 vélos cargos, et puis des vélos pour les personnes à mobilité réduite. Nous aurons à terme près de 6 000 vélos (au lieu de 5 000 aujourd’hui, NDLR) ! » Fier et heureux, Alain Jund s’emballe presque lorsqu’il parle de la nouvelle délégation de service public (DSP) signée en mars avec l’entreprise Strasbourg mobilités pour la gestion de la flotte des Vél’hop. L’opérateur et gestionnaire des vélos en libre service de la ville – déjà aux manettes depuis 2012 – garde la main sur ce service jusqu’en 2030. Dès le 1er août, il y a du changement au programme, à commencer par une nette hausse des tarifs.
De 84€ à 108€ pour un an
La grille de tarifs évolue, avec notamment la fin des tarifs progressifs selon l’âge. Exit le tarif spécifique pour les moins de 26 ans. Désormais, il n’y a plus qu’un seul tarif pour les adultes et un seul pour les enfants.
Pour la location d’un Vél’hop classique, on passe donc à 108€ pour un an contre 84€ jusqu’à présent (soit une hausse de 28%). Les vélos électriques seront au tarif mensuel de 56€.
Les étudiants conservent un tarif préférentiel (48€ pour une location de 10 mois). De même pour les personnes dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 6 358€. Ces dernières bénéficieront d’un demi-tarif (54€ par an pour la location du vélo classique).
Pour les jeunes de moins de 26 ans, et qui ne sont pas étudiants, le tarif passe de 68€ à 108€ pour une location d’un an, soit 63% d’augmentation.
« C’est un tarif juste », mais pas pour toutes les bourses
Interrogé sur cette brutale hausse des prix dans une période de forte inflation, Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole chargé notamment des politiques cyclables, se justifie :
« Cette hausse s’explique parce qu’il y a un redéploiement du nombre de vélos et une nette amélioration de leur qualité, notamment avec les vélos cargos et les vélos électriques. 108€ par an, ça fait 9€ par mois, pour avoir un vélo qui peut être garé systématiquement, réparé facilement. C’est un tarif qui, de notre point de vue, est juste. Et puis ça reste moins cher que beaucoup d’autres modes de déplacement. »
Pour Pierre Jakubowicz, conseiller municipal membre du groupe des Centristes et progressistes, cette hausse des tarifs est « contre-intuitive » dans le contexte actuel :
« En pleine inflation, la Ville décide d’augmenter les tarifs CTS et les tarifs Vél’hop ? On nous dit qu’il faut tout faire pour inciter les gens à aller vers des mobilités douces, on augmente aussi les prix de stationnement, mais on supprime les réductions pour les moins de 26 ans, et on augmente pour tout le monde ! Ces augmentations ne sont pas anodines. »
Alain Jund tient aussi à rappeler que la délégation de service public coûte 2,2 millions d’euros par an à l’EMS. Le vice-président en charge des politiques cyclables assure par ailleurs que ce « réajustement des tarifs » n’avait pas été fait depuis 2019.
Des stations qui ferment à Strasbourg, d’autres qui ouvrent partout dans l’EMS
Autre grande nouveauté du Vél’hop version 2023 : une offre disponible dans toute l’Eurométropole avec au total 38 stations automatiques (au lieu de 20 aujourd’hui) qui seront réparties sur toute l’EMS (et non plus seulement Strasbourg). Dès l’automne, 600 vélos – mécaniques uniquement – seront disponibles dans treize communes de la première et deuxième couronne. Mais chaque vélo devra revenir à sa station d’origine.
Strasbourg Mobilités a également signé un partenariat avec La Poste : à partir du 15 août, il sera possible de louer un Vél’hop dans 16 bureaux de poste répartis sur 12 communes (Vendenheim, Mundolsheim, Oberhausbergen, Eckbolsheim, Holtzheim, Bischheim, Schiltigheim, Lingolsheim, Ostwald, Illkirch, Fegersheim) et dans plusieurs quartiers strasbourgeois (Robertsau, Port du Rhin, Meinau, Neuhof et Koenigshoffen).
Enfin, dans les communes où il n’y aura pas de bureau de poste partenaire, ni de station automatique, il y aura « des agences mobiles ». Alain Jund explique le principe : « Vél’hop fera la tournée des marchés et des plus petites communes comme Osthoffen ou Eschau, et un petit camion viendra avec du stock pour proposer des vélos en location. Par exemple tous les 15 jours ».
En revanche, à Strasbourg, trois agences Vel’hop (sur quatre) vont fermer. Celle de la rue d’Or, à côté de la Porte de l’hôpital, celle de l’Université et celle de Koenigshoffen (qui a déjà fermé). L’agence de Schiltigheim va également fermer et sera remplacée par un point de location, qui donne une offre plus restreinte au service.
Bilan des courses : il restera l’agence centrale de la gare – qui devrait s’agrandir – et une agence éphémère qui sera présente sur le campus de l’Université, du 28 août au 13 octobre.
« Équité territoriale » versus « abandon de service public dans les quartiers »
Pour le vice-président de l’EMS, le but de ce changement de l’offre géographique Vél’hop, c’était de « répartir l’usage de ce vélo en libre service, équitablement, sur tout le territoire ». Et pourquoi fermer les agences strasbourgeoises ?
« À Schiltigheim, il y avait moins de quatre personnes par jour qui louaient un vélo, et à Koenigshoffen, c’était moins de deux personnes. Alors que dans ces deux stations, il y avait un salarié à plein temps. Ce n’est pas du service public, si ce service bénéficie à trop peu de personnes. »
Mais Alain Jund l’assure, « entre l’agence centrale de la gare, les agences mobiles un peu partout et les 16 bureaux de poste, toutes les communes de l’EMS et tous les quartiers de Strasbourg auront un point d’accès au service Vél’hop. »
Là encore, pour Pierre Jakubowicz, la municipalité fait fausse route. Il dénonce une « régression du service » :
« Ce n’est pas de l’équité territoriale que de fermer trois agences sur quatre à Strasbourg ! J’entends dire qu’elles ne marchaient pas. Mais à l’heure où l’on parle de désertification des quartiers de Strasbourg avec de moins en moins de service public, avec les émeutes récentes qui prouvent que ces habitants en ont marre d’être mis de côté, et on continue ? Quel est le symbole quand on ferme toutes ces implantations humaines, pour les remplacer par des bornes automatiques, et concentrer les vrais services humains dans le centre ? »
L’élu – lui même utilisateur du Vél’hop – imagine déjà les complications pour certains usagers privés de leurs anciennes boutiques, comme ceux habitant Koenigshoffen par exemple. « Quand ils auront un problème avec leur Vél’hop, ils devront venir jusque dans le centre avec leur vélo cassé ? Et comment, en tram ? En dehors des horaires où on interdit aux gens de monter avec leur vélo ? »
Le Vel’hop : « Une mise en selle dans un écosystème du vélo »
La municipalité et l’opposition s’écharpent sur la façon de considérer le service Vel’hop dans son ensemble. Alain Jund défend le vélo en libre-service alsacien comme faisant partie « d’un grand tout, un écosystème du vélo » à Strasbourg. Il parle ainsi de « toutes les autres actions que nous menons pour que les vélos soient accessibles au plus grand nombre » :
« Il y a par exemple plus d’une douzaine de bourses aux vélos chaque année, où des milliers de vélos sont achetés ou vendus, avec des vieux vélos utilisés, récupérés, remis en état et dans la circulation. Nous avons également six ateliers d’auto-réparation de vélo, sans oublier les primes de l’EMS pour les particuliers qui achètent des vélos à assistance électrique ou des cargos ! »
Alain Jund glisse ainsi fièrement que plus de 6 000 vélos à assistance électrique ont été subventionnés par l’EMS depuis le 1er janvier 2021 (l’EMS donne entre 300 et 500 euros de prime en fonction des revenus).
Objectif : 20% de déplacements à vélo en 2030
Toutes ces actions, associées au Vél’hop, font partie de la politique de la « mise en selle » avancée par la Ville. « Le but, c’est d’encourager la pratique du vélo, continue Alain Jund, de donner envie aux usagers d’acheter leur propre vélo après. Là, ils pourront tester un vélo cargo, ou un vélo électrique avant d’en acheter un. Le but n’est pas qu’ils gardent leur Vél’hop pendant cinq ans. Ni d’avoir le même système qu’à Paris, qui coûte dix fois plus cher à la collectivité. »
Pierre Jakubowicz lui, critique vertement cette politique de la « mise en selle » : « Ça ne fonctionne pas comme ça, on le sait. Tant que Strasbourg restera la capitale du vol de vélo, les Strasbourgeois n’achèteront pas plus de vélo. Et rien que pour ça, le Vél’hop c’est bien, parce que personne ne vous le vole. Mais là on va payer plus cher, et sans boutique pour réparer. Ça n’a pas de sens. »
D’après Camille Janton, présidente de Strasbourg Mobilités, 11% des déplacements sur l’agglomération s’effectuent à vélo aujourd’hui. « L’objectif de la collectivité, c’est d’atteindre les 20% en 2030. »