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Abasourdis, amers, déçus… Des ouvriers licenciés de Clestra témoignent

Abasourdis, amers, déçus… Des ouvriers licenciés de Clestra témoignent

Mardi 3 octobre, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation de Clestra metal, entraînant le licenciement des 125 ouvriers du site d’Illkirch-Graffenstaden. Dégoûtés, déçus, incertains quant à leur avenir, ils témoignent.

Il est environ 15h quand la nouvelle vient de tomber pour Jean-Philippe. Dans sa maison à Vendenheim, sa femme à ses côtés, il apprend via le groupe de discussion partagé avec les autres ouvriers de Clestra qu’il va être licencié. Mardi 3 octobre, le tribunal de commerce de Paris a décidé la liquidation de l’usine de cloisons amovibles d’Illkirch-Graffenstaden. Les 125 ouvriers de Clestra metal, renommée Unterland metal cet été, sont désormais sans emploi. La direction de l’entreprise avait choisi de déposer le bilan le 27 septembre. Cette liquidation survient après trois mois de grève totale de la part des ouvriers de l’entreprise, qui dénoncent un « plan social déguisé » au sein de l’usine d’Illkirch-Graffenstaden depuis leur rachat en octobre 2022 par le groupe Jestia.

Âgé de 57 ans et ayant des soucis de santé, Jean-Philippe voit mal comment retrouver du travail quelques années avant la retraite :

« Je n’ai plus aucun projet, je ne peux plus avoir de projet. J’ai passé ma vie chez Clestra. J’ai 57 ans et logiquement je prends ma retraite à 61 ans. En plus, je suis cardiaque : chez Clestra, j’avais un poste aménagé, qui a été créé pour moi en 2011. J’avais une paie relativement correcte qui tombait tous les mois, que je n’aurai plus jamais. Maintenant, mes projets, c’est faire des formations, même si elles serviront à rien. Pour faire passer le temps, être payé par Pôle emploi. Je vais voir si c’est possible de me mettre en pré-retraite. »

Jean-Philippe à son domicile, peu après l’annonce de la liquidation judiciaire de Clestra Metal. Photo : EV / Rue89 Strasbourg / cc

Se rassembler, encore une fois

Au matin du mercredi 4 octobre, une cinquantaine d’ouvriers aux visages cernés ont l’air soucieux. Réunis depuis 10h sur le parking de l’usine Clestra, des petits groupes se sont déjà formés. Marc a 44 ans et était chez Clestra depuis maintenant 18 ans. Il fume une cigarette roulée près de sa voiture, des thermos de café en libre-service dans le coffre. « J’ai dormi trois heures à cause du stress, je n’arrive pas à me relâcher, je suis en colère », souffle-t-il.

Tout le monde se salue et certaines personnes tentent de faire des blagues pour détendre l’atmosphère : « Au moins, on a le temps de boire notre café maintenant ! » Se réunir est l’occasion pour se donner du courage et éviter de ruminer seul. Tandis que certains se confient volontiers et profitent du moment pour vider leur sac, d’autres déclinent avec pudeur, le visage fermé. « Non, je préfère pas, je peux pas là », « Si je parle, je vais être trop violent dans mes propos », se justifient-ils.

Désormais sans emploi, une cinquantaine d’ouvriers de Clestra se sont rassemblés ce mercredi 4 octobre sur le parking des anciens locaux de l’usine à Illkirch-Graffenstaden. Photo : EV / Rue89 Strasbourg / cc

Pire que la chute, l’atterrissage

De nombreux salariés s’attendaient à la liquidation de Clestra metal, au plus tard en début d’année prochaine, mais le résultat n’est pas moins amer pour ces derniers, après parfois plus de trente ans au sein de l’entreprise. Ils se retrouvent démunis, partagés entre la colère et le dégoût. Philippe, 57 ans, ouvrier chez Clestra depuis 34 ans, est sans voix :

« Jamais j’aurais imaginé qu’on puisse traiter des gens comme ils le font. C’est dingue. En neuf mois, la famille Jacot a miné 110 ans d’entreprise, sans scrupule. Ils ont tout gommé : on n’arrive pas à digérer. »

Philippe, ouvrier chez Clestra depuis 34 ans et maintenant licencié. Photo : EV / Rue89 Strasbourg / cc

La sensation de n’être que « des pions », de valoir « moins que des machines » comme l’affirme Thierry, chez Clestra depuis 17 ans, prédomine. Il se sent triste et en colère face à la reprise de l’entreprise alsacienne par Jestia, propriété de la famille Jacot, en octobre 2022 puis son dépeçage. Jestia a transféré les actifs de Clestra dans d’autres entités du groupe, et s’est débarrassé des 125 ouvriers. « Jackpot pour les Jacot », déplore Amar Ladraa, délégué syndical CGT de l’entreprise Clestra, lors de sa prise de parole.

« Comment on va faire financièrement ? »

A contrario, les problèmes financiers s’accumulent chez les anciens ouvriers de Clestra : un salaire pour un foyer de quatre personnes, des économies qui s’amenuisent, des aides nécessaires de la part de la famille… Nourredine, 55 ans dont 18 chez Clestra, a dû compter sur sa fille : « Elle a 22 ans et travaille dans des crèches et là c’est elle qui m’aide financièrement, vous imaginez ? » Au domicile de Jean-Philippe, sa femme, aide-soignante, assure l’intégralité des revenus du foyer depuis le début de la grève, avec deux enfants étudiants qui vivent encore sous le toit familial.

Thierry, ouvrier chez Clestra depuis 17 ans Photo : EV / Rue89 Strasbourg / cc

Malgré le choc, certains cherchent des idées de nouveau travail : préparateur de commandes, brancardier, la restauration… Mais les ouvriers licenciés s’attendent déjà à des salaires plus bas, sans l’ancienneté acquise chez Clestra. « Du boulot il y en a, mais quand on recommence un travail, on reprend en bas de l’échelle », assure Thierry.

Marc s’inquiète d’une paie qui sera probablement inférieure aux 1 800 euros qu’il percevait chez Clestra :

« Se retrouver avec un Smic c’est pas assez, ma vie est calquée sur ce que je gagne. Si j’ai le Smic, faudra que je change des choses comme vendre ma voiture, retrouver un appartement. »

Marc, ouvrier chez Clestra depuis 18 ans et maintenant licencié. Photo : EV / Rue89 Strasbourg / cc

D’autres ne savent pas s’ils pourront à nouveau supporter leur hiérarchie : « Est-ce qu’un jour j’aurai le courage de bosser à nouveau pour un patron ? », se demande Nourredine.

Un sentiment d’abandon partagé

Au-delà des longues années passées dans l’usine d’Illkirch-Graffenstaden, les anciens ouvriers y ont aussi laissé une partie de leur santé, rendant la situation encore plus injuste. Nourredine exprime son dégoût :

« J’ai donné ma vie ici. J’ai le dos pété, l’épaule aussi, des problèmes aux coudes, je portais 6 000 kilogrammes par jour. Regardez ce qu’on a fait pour ces gens et maintenant regardez où on est. On est des oubliés. »

Nourredine, 55 ans dont 18 chez Clestra Photo : EV / Rue89 Strasbourg / cc

« On a été lâchés par tout le monde » revient à plusieurs reprises dans la bouche des ouvriers. Philippe est amer et trouve les personnalités qui ont soutenu les ouvriers en grève bien silencieux :

« Mathilde Panot, Fabien Roussel, Sophie Binet sont venus… Des poids lourds quand même ! Ils disaient se battre pour nous et maintenant que le pire est arrivé, il n’y a plus personne. C’est maintenant qu’ils devraient intervenir ! Si on passe pas par eux pour qu’on parle de nous au niveau national, on passe par qui ? »

Se battre jusqu’au bout, malgré tout

Les anciens ouvriers sont bien décidés à négocier le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE, le plan de licenciements), un dispositif obligatoire qui détermine le niveau des indemnités et des opportunités de reclassement. « On va avoir droit au minimum, il faut être honnête. On va essayer de gonfler ça pour au moins rattraper une partie des trois mois de grève », affirme Jean-Philippe, catégorique.

« On vaut moins que des machines, on n’est que des pions. » Photo : EV / Rue89 Strasbourg / cc

Amar Ladraa appelle à rester solidaires : « Il faut garder le lien, même après le PSE. C’est important qu’on reste en contact. » Jean-Philippe affirme être inquiet quant à la fin des liens sociaux avec les autres ouvriers :

« C’est des gens qu’on ne reverra plus. On va être dispatchés à droite à gauche, on a chacun nos vies. C’est vrai qu’on a passé trois mois tous les jours ensemble. On a fait pas mal de choses et là, tout s’arrête. Donc chacun va repartir dans son coin et c’est pas évident. »

Aucun ouvrier qui a accepté de parler n’exprime de regret quant à la grève, tous affirment qu’il était nécessaire de lutter pour leurs emplois. « Être ensemble, c’est ce qui fait notre force », souffle Thierry à la fin de l’entretien avec un sourire triste.

L’ordre des médecins se joint à deux plaintes contre l’expert-psychiatre Henri Brunner

L’ordre des médecins se joint à deux plaintes contre l’expert-psychiatre Henri Brunner

[Information Rue89 Strasbourg] L’ordre des médecins du Bas-Rhin a saisi la chambre disciplinaire du Grand Est au sujet de deux plaintes contre le psychiatre Henri Brunner.

L’ordre des médecins du Bas-Rhin s’est associé à deux plaintes contre l’expert-psychiatre strasbourgeois Henri Brunner. Les dossiers ont été transmis à la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins du Grand Est au début de l’été et à la rentrée 2023. Si le juriste et les assesseurs de la chambre disciplinaire estiment qu . . .

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Mobilisation à Mulhouse contre le retour d’un prof condamné pour harcèlement sexuel

Mobilisation à Mulhouse contre le retour d’un prof condamné pour harcèlement sexuel

Un syndicat d’étudiants de Mulhouse a lancé une pétition contre le retour de Bertrand Pauvert à l’Université de Haute-Alsace. Ce professeur de droit a été condamné pour harcèlement sexuel en septembre.

Lors d’une assemblée générale mardi 3 octobre, les étudiants de l’Université de Haute-Alsace (UHA) et « d’autres établissements d’enseignement supérieur » de Mulhouse ont exprimé leur refus de voir revenir le professeur de droit public Bertrand Pauvert, condamné pour harcèlement sexuel sur un étudiant en septembre.

Dans un communiqué du 4 octobre, le syndicat étudiant Communauté solidaire des terres de l’Est (CSTE) précise :

« L’assemblée générale a débuté sur une lecture des faits reprochés par la justice à Bertrand Pauvert. L’assemblée s’est poursuivi sur des prises de paroles dont un témoignage d’un ancien étudiant de Bertrand Pauvert. Il a rappelé la difficulté qu’il a eu lui et d’autres étudiants à venir en cours à cause de ce professeur et a appelé à une réaction pour ne pas le laisser revenir. »

Pétition et blocage prévu par les étudiants

Poursuivi pour « violence sans incapacité et harcèlement sexuel lié à des propos à connotation sexuelle ou sexiste imposés de façon répétée entre janvier 2018 et octobre 2021 », Bertrand Pauvert a été condamné en première instance par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 11 juillet 2022.

Le 6 septembre, la cour d’appel de Colmar a relaxé le professeur pour 14 des 15 chefs d’accusation et l’a déclaré coupable de harcèlement sexuel sur un étudiant. Bertrand Pauvert a été condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et une interdiction d’enseigner pendant un an. Il s’est ensuite pourvu en cassation, ce qui suspend la peine.

Bertrand Pauvert, professeur de droit public à l’Université de Haute Alsace, a été condamné par la cour d’appel de Colmar pour harcèlement sexuel le 6 septembre 2023. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Annonçant la mise en ligne d’une pétition, les étudiants de l’UHA estiment que :

« Il est inimaginable que [Bertrand Pauvert] puisse recroiser d’anciennes victimes au détour d’un amphi ou d’un couloir. Sa présence à elle seule constitue un affront à toutes les victimes qui ont eu la force de témoigner et toutes les autres, silencieuses. L’interdiction d’enseignement d’un an infligé par la cour d’appel de Colmar et l’arrêt d’éloignement administratif de l’université de trois ans arrivant à leur terme le 9 octobre, les étudiants ont voulu se saisir du moment pour décider des actions à mener. »

Ils précisent également vouloir bloquer l’accès au campus où Bertrand Pauvert faisait habituellement cours.

La demande de retour reçue par l’Université

Me François Gerber est l’avocat de l’UHA, qui s’est constituée partie civile dans les procédures pénales à l’encontre de Bertrand Pauvert. Il explique la surprise de la présidence de l’établissement lorsqu’elle a reçu la demande du professeur de revenir y enseigner :

« Objectivement, beaucoup de membres de l’UHA se disaient qu’il trouverait une autre université de rattachement et demanderait sa mutation. Mais il semble vraiment vouloir revenir sur les lieux où l’infraction pour laquelle il a été condamné a été commise. »

La demande de retour en poste de Bertrand Pauvert a bien été reçue par l’université. Elle a déjà lancé une consultation obligatoire auprès de tous les départements susceptibles d’accueillir le professeur de droit public. L’avis recueilli lors de cette consultation sera transmis à la présidence de l’UHA qui décidera ensuite si elle accepte, ou non, le retour du professeur :

« Le président n’a pas l’obligation de se conformer à cet avis mais l’idée n’est pas de se mettre la collectivité enseignante à dos. »

À ce jour, aucune date n’est communiquée quand à la décision de l’UHA sur le retour de Bertrand Pauvert.

Une procédure disciplinaire en cours

Parallèlement à la consultation lancée par l’UHA, Me François Gerber rappelle qu’une procédure disciplinaire est en cours à l’encontre de Bertrand Pauvert.

« La décision de la commission disciplinaire devrait être connue avant décembre. Le délai est long et aurait déjà dû aboutir. Il faut reconnaître qu’elle n’a pas été rapide dans ce dossier mais durant cette procédure, le professeur visé peut être suspendu. »

Refuser le harcèlement, au-delà de Bertrand Pauvert

Manon Denizot, présidente du syndicat étudiant CSTE 68, estime que la réaction des étudiants va au-delà du cas Pauvert :

« Lors de l’assemblée générale, on a vu des élèves de toute l’université et pas uniquement de licence et master de droit qui se sont exprimés. Le message que j’en retiens est qu’en tant qu’étudiants, nous ne voulons pas de harceleurs sexuels dans nos établissements, qu’il s’agisse de M. Pauvert ou de n’importe qui d’autre. »

Elle admet que la date du lundi 9 octobre est symbolique et que le blocage prévu ce jour-là est d’abord un démonstration de la détermination des étudiants à empêcher, physiquement s’il le faut, le retour du professeur de droit public à l’université.

La Station se sépare d’une personne accusée de violences sexistes

La Station se sépare d’une personne accusée de violences sexistes

Après plusieurs mois d’enquête interne suite à un signalement de violences sexistes et sexuelles, l’association La Station Centre LGBTI de Strasbourg a demandé à la personne mise en cause de partir définitivement.

Le message a été publié mardi 3 octobre, en fin de journée, sur le profil Instagram de La Station. Il s’intitule, sobrement : « Conclusion de l’enquête interne ».

L’association, dédiée notamment à l’accueil des personnes LGBTi, et basée à Strasbourg depuis 13 ans, connaît une crise interne sans précédent depuis le mois de mars. En cause : des accusations de violences sexistes et sexuelles visant « une personne membre ou ayant été membre » de l’association, comme l’écrit Ouvrons les Guillemets, une association de libération de la parole sur les violences sexistes et qui a relayé en février un appel à témoins visant La Station. Suite à ces révélations, l’adjointe à la maire de Strasbourg aux solidarités, Floriane Varieras, a fait un signalement au procureur de la République.

Après trois mois d’enquête interne, menée entre avril et juillet, la conclusion est ferme : « Le conseil d’administration s’est assuré du départ définitif de la personne mise en cause par l’enquête. »

Des formations et un « travail de fond »

Accompagnée par le cabinet parisien Egaé pour ce travail, La Station assure que « l’enquête a été rigoureuse, diligente, impartiale et contradictoire ». Elle explique également que « ses résultats ne seront pas rendus publics afin de protéger l’anonymat des personnes ayant témoigné ».

Garance Coquart-Pocztar, présidente de La Station, détaille :

« Ce n’est évidemment pas une décision facile, il n’est jamais facile d’exclure quelqu’un d’un lieu mais c’était nécessaire pour protéger les personnes usagères de La Station et essayer de retrouver un cadre permettant de reprendre l’accueil. »

Les locaux de La Station LGBTI, situés rue des Écrivains à Strasbourg, sont fermés depuis le mois de mars. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc

L’association explique par ailleurs sur son compte Instagram, que « cette situation a mis en lumière la nécessité de mener un travail de fond sur la réalité des violences intracommunautaires », comme l’explique Garance Coquart-Pocztar :

« Il a d’abord fallu traiter la crise actuelle mais aussi se projeter sur l’avenir pour améliorer les choses. Nous avons envie de travailler avec des associations spécialisées sur les VSS (violences sexistes et sexuelles, NDLR) pour que nos bénévoles soient plus informés, avec des formations, des cercles de paroles et des interventions. »

L’association espère pouvoir rouvrir ses locaux, fermés depuis mars, avant la fin de l’année.

À Neudorf, les photos de Mathilde Cybulski rendent hommage aux manifestations strasbourgeoises

À Neudorf, les photos de Mathilde Cybulski rendent hommage aux manifestations strasbourgeoises

Du 7 octobre au 10 novembre, la photojournaliste strasbourgeoise Mathilde Cybulski expose une partie de ses clichés réalisés en reportage lors de manifestations au café Les Compotes à Neudorf. L’occasion de se replonger dans les mouvements sociaux des cinq dernières années.

« Sous les pavés, la rage ». Ainsi s’intitule la première exposition de la photojournaliste strasbourgeoise Mathilde Cybulski. Sur les murs du café Les Compotes, situé dans le quartier de Neudorf à Strasbourg, de grands extraits de ses reportages seront exposés au public, du 7 octobre au 10 novembre.

Des clichés qui documentent cinq années de mouvements sociaux dans les rues strasbourgeoises. Collaboratrice régulière de Rue89 Strasbourg, Mathilde Cybulski emmène les spectateurs dans la diversité des ambiances des manifestations, entre douceur et radicalité.

« S’imprégner de la colère ambiante »

Des manifestations contre la réforme des retraites à la grève des salariés de l’usine Clestra à Illkirch, difficile de rester insensible au regard de Mathilde Cybulski. Son univers contrasté et brut capture des moments de joie, de lutte et d’espoir.

« S’imprégner de la colère ambiante et restituer un petit morceau de ce tas de seum (sentiment de colère, NDLR) entremêlé d’espoir », explique-t-elle, pour décrire la sélection qu’elle dévoilera au public dès samedi 7 octobre. Caméra au poing, la photographe arpente depuis 2018 les manifestations strasbourgeoises.

Avec un regard toujours tendre sur des moments d’extrême tension, difficile parfois de dater les mouvements sociaux qu’elle documente. L’humain au centre de ses clichés reste anonyme tout en faisant appel à la symbolique très précise de celles et ceux qui luttent, à qui elle entend justement rendre hommage.

« Être là, manif après manif »

Grâce à son assiduité à toute épreuve, Mathilde Cybulski réussit à multiplier les angles et à réinventer la photographie de rue au fil des mobilisations sociales. Fumigènes, pancartes, jeux de lumière et cadres expérimentaux donnent à son travail une pertinence toujours nouvelle.

« Être là, manif après manif, tendre l’oreille, j’aime ça je crois. » À la vue de ses clichés, c’est comme si on s’y trouvait. Au-delà des images, les reportages de Mathilde Cybulski permettent d’avoir une vue d’ensemble de ces années où se sont succédées des ambiances de rues révoltées.

Le café Les Compotes est accessible aux personnes à mobilité réduite et Mathilde Cybulski sera présente lors du vernissage de son exposition, samedi 7 octobre de 10h30 à 13h.

Sarah, mère célibataire au RSA : « 15 heures de bénévolat, c’est impossible »

Sarah, mère célibataire au RSA : « 15 heures de bénévolat, c’est impossible »

L’Assemblée nationale a créé jeudi 28 septembre un « contrat d’engagement » pour contraindre les bénéficiaires du RSA à 15 heures de bénévolat par semaine. En Alsace, un dispositif similaire existe depuis 2016 mais il est peu appliqué parce que les conditions de vie des allocataires ne le permettent souvent pas.

À l’Assemblée nationale jeudi 28 septembre, les députés ont voté l’article 2 du projet de loi « plein-emploi ». Il vise à imposer 15 heures de bénévolat par semaine aux allocataires du RSA. « Les politiques devraient tester notre vie, je les mets au défi. Ça se voit qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’il se passe, nous on se bat pour survivre », lance Sarah. Cette « maman célibataire » de 25 ans est bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA). Elle est excédée par la volonté d’ajouter des contraintes aux personnes qui touchent les minima sociaux.

Ce souhait d’assortir le RSA à des obligations est depuis quelques années une obsession du parti Les Républicains (LR). Nicolas Sarkozy défendait le principe dès 2015, au nom d’une prétendue lutte contre « l’assistanat ». Et la droite alsacienne s’est particulièrement illustrée en la matière. En 2016, Éric Straumann (LR), alors président du département du Haut-Rhin, a tenté d’imposer sept heures de bénévolat hebdomadaires aux allocataires haut-rhinois du RSA.

Éric Straumann souhaitait imposer le bénévolat aux bénéficiaires du RSA dés 2016. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Entre 400 et 500 bénévoles sur 40 000 bénéficiaires du RSA en Alsace

Saisi par la préfecture dans la foulée, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que le Département ne pouvait pas imposer une activité non rétribuée en échange d’une allocation. Le dispositif d’Éric Straumann existe toujours en 2023 mais n’est pas obligatoire. Il a été étendu à toute l’Alsace lors de la fusion des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin au sein de la Collectivité d’Alsace (CeA) en janvier 2021.

Contactée par Rue89 Strasbourg, la CeA indique que sur les 39 700 bénéficiaires du RSA en Alsace, chaque année, « entre 400 et 500 personnes sont en situation effective de bénévolat » :

« Le bénévolat repose sur le volontariat des bénéficiaires. Il s’agit d’une solution d’activité parmi d’autres, comme des formations et des emplois de transition avec des structures d’insertion. »

Interrogé par France Bleu Alsace, Éric Straumann, désormais maire de Colmar, juge le système « relativement inefficace », sept ans après sa création. S’il attribue ce faible taux de participation à l’absence d’obligation, il concède qu’il ne faut pas dépasser sept heures de bénévolat dans un dispositif obligatoire : il est difficile par exemple pour les mères célibataires de faire plus.

« Je n’ai pas les moyens de payer la garde d’Ezra »

Selon un rapport de la Cour des comptes de novembre 2021, en Alsace, 54% des bénéficiaires du RSA sont des femmes. 25% des allocataires sont célibataires avec des enfants, et 25% sont en couple avec des enfants. 17% ont plus de 50 ans.

Pour Sarah, les bénéficiaires du RSA ne sont pas des personnes « fainéantes » qui doivent simplement être secouées pour s’insérer professionnellement. Après un CAP vente en alternance, commencé dès ses 14 ans, la jeune maman a perdu son emploi pendant la pandémie de Covid. Suite à une rupture, elle s’est retrouvée à élever seule son fils Ezra, qui a ajourd’hui trois ans et demi :

« Je n’ai pas les moyens de payer la garde d’Ezra, donc je m’en occupe depuis sa naissance. Pour sa première année à l’école en 2022-2023, il n’avait classe que l’après-midi, de 13h30 à 16h. Faire 15 heures de bénévolat par semaine, pour moi, c’est impossible, sinon je travaillerais, je prendrais un mi-temps. C’est d’ailleurs pour la même raison que je n’ai pas de boulot.

Quel employeur peut accepter ces contraintes horaires ? Maintenant il a classe de 8h30 à 16h. Je n’ai pas écrit que j’ai un enfant sur mon CV. Mais quand j’en parle aux patrons, ils me refusent. En décembre 2022, j’ai réussi à avoir des entretiens d’embauche dans une boulangerie et une boutique de vêtements. Ils étaient d’accord jusqu’à ce que je parle de mon fils. S’il y avait un système pour financer la garde d’enfants, il y aurait moins de personnes au RSA. »

Sarah est fatiguée d’entendre des propos stigmatisants sur les bénéficiaires du RSA. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Des conditions de vie dont « personne ne peut se satisfaire »

Même la CeA reconnaît que les freins à la participation au bénévolat « sont les mêmes que ceux de l’accès à l’emploi ». Ces freins que connaissent donc, justement, les bénéficiaires du RSA : « Les problématiques de santé, de mobilité, de logement, de pratique de la langue… »

L’article de loi sur le RSA voté par les députés jeudi 28 septembre prévoit la possibilité de ne pas réaliser ces heures de bénévolat pour les personnes qui « ont des problèmes de santé, ou un handicap » ainsi que « les parents isolés sans solution de garde d’enfants ».

Sarah vit avec 870 euros de RSA et d’Allocation logement. Elle a résilié ses abonnements internet, Netflix, Deezer et elle ne va plus à la salle de sport. La jeune femme a été obligée de se rendre aux Restos du cœur plusieurs fois et d’utiliser des chèques services pour faire ses courses. « Ils croient que ça me plaît ? », interroge-t-elle, à l’adresse de « ceux qui critiquent » les bénéficiaires du RSA : « Personne ne peut se satisfaire d’une telle situation. »

Au micro de France 3 Aquitaine, Xavier Fortinon, président socialiste du conseil départemental des Landes, a estimé que cette obligation de bénévolat ne fait que « stigmatiser un peu plus » des personnes précaires :

« Les députés de la majorité et les LR (Les Républicains, NDLR) sont persuadés que les bénéficiaires du RSA essaient de profiter du système. Je pense qu’ils ne savent pas ce que cela fait de vivre avec 500 euros par mois. »

« Nous nous battons contre ce chantage »

Marc Desplats, président de l’association de défense des droits des chômeurs ABCDE, considère que le RSA est un droit, qui ne permet même plus d’avoir l’essentiel, se loger et se nourrir. En revanche, il ne doit « être assorti d’aucune obligation » :

« Nous ne sommes pas contre le bénévolat. Beaucoup de personnes en font d’elles-mêmes, aux Restos du cœur ou au Secours populaire par exemple. Mais nous nous battons contre ce chantage qui est une réelle discrimination des chômeurs. Il y a déjà de plus en plus de contrôles qui sont effectués et mettent une forte pression sur ces personnes précaires, qui sont régulièrement menacées de suspension du RSA. »

Sarah redoute que l’obligation de faire du bénévolat crée une contrainte administrative supplémentaire :

« Je sais comment ça fonctionne. Pour les personnes qui auront des dérogations, il risque d’il y avoir des gels de RSA, même provisoires, le temps de justifier la situation. C’est une angoisse de plus. »

Marc Desplats dénonce « toutes ces pressions exercées sur des personnes, qui ont souvent un parcours de vie difficile, et qui peuvent êtres découragées ».

Un revenu universel ?

Pour Jean-Luc Gleyze, président socialiste du conseil départemental de la Gironde, « considérer le RSA et l’insertion uniquement sous l’angle de la sanction, c’est méconnaître la réalité et la complexité des parcours de vie ». Au contraire, il rappelle que des présidents de départements de gauche proposent depuis 2018 de mettre en place un revenu universel, afin de « prendre en compte la spécificité de chacun et de l’amener à une insertion sociale et professionnelle émancipatrice et épanouissante ».

« Comme n’importe qui, les bénéficiaires du RSA ont souvent des activités et des projets », abonde Marc Desplats.

Auparavant assistant de vie scolaire dans une école (AVS), Jean-Christophe, 54 ans, est au RSA depuis 2008. Il craint que le dispositif de bénévolat l’entrave dans ses activités. Le quinquagénaire décrit ses journées bien occupées :

« Je suis en deuxième année d’une licence Administration économique et sociale. Ça me permet de faire pas mal de choses. Je vais souvent à la Bibliothèque nationale universitaire, je peux y passer des heures. Et je vais au sport, à la salle de musculation où je fais du basket. À la fin de la journée, j’ai l’impression de m’être dépensé, je rentre et je pense à mon avenir. »

« Il y a la volonté de contrôler davantage les chômeurs »

Georges, 34 ans, est au RSA depuis deux ans :

« Certaines personnes peuvent le vivre comme une honte. Moi pas du tout. Je considère que je ne suis pas obligé d’avoir un emploi pour justifier mon existence. J’ai déjà eu des contrats salariés qui ne servaient à rien ou qui étaient même nocifs d’ailleurs. »

Informaticien de formation, il a choisi de démissionner et de ne pas chercher d’activité salariée pour un temps. Il revendique le droit de ne pas avoir d’emploi au moins à certaines périodes de sa vie :

« Je veux décider seul et sans contrainte de ma manière d’employer ma force de travail. Derrière cette mesure de bénévolat, il y a la volonté de contrôler encore davantage les chômeurs. »

Georges se consacre quotidiennement à ses engagements : un collectif d’entraide rattaché au syndicat de la CNT pour aider des personnes en difficulté à garder ou trouver un logement, et le bénévolat pour Les Petites roues, une association de solidarité : « Je serais attristé de devoir consacrer 15 heures par semaine à une occupation que je n’ai pas choisie, c’est du temps que je ne pourrais pas attribuer à mes activités actuelles, qui font sens pour moi. »

Anatomie du RSA : Alain, 61 ans, un cancer, un diabète et 715 euros pour vivre

Anatomie du RSA : Alain, 61 ans, un cancer, un diabète et 715 euros pour vivre

Bénéficiaires du RSA, Alain, père de famille atteint d’un cancer, Sarah, mère célibataire, et Georges, trentenaire militant, décrivent leur quotidien. Une réalité sociale brutale où le budget ne permet que de survivre.

489 euros de revenu de solidarité active (RSA) et 226 euros d’aide au logement (APL). Alain connait ces chiffres par cœur. Il compte tout. « J’ai 61 ans, ça fait 11 ans que je suis au RSA. Au début ça allait encore, mais avec l’inflation, c’est devenu impossible », constate-t-il. Dans son appartement, au troisième étage d’un petit immeuble de Cronenbourg, des posters d’Elvis Presley et Johnny Hallyday sont accrochés au mur. Alain est allé plusieurs fois à des concerts du second. Mais les temps ont changé : « Maintenant je ne fais plus rien. Je dois décliner tout ce qu’on me propose. Ah si ! Parfois ma fille ainée me paye le McDo. »

« Je creuse des dettes en permanence »

Les 715 euros d’allocations qu’il reçoit tous les mois ne comblent pas les frais d’Alain : 580 euros de loyer pour son deux-pièces du parc privé, 80 euros de gaz et d’électricité « en moyenne », 60 euros pour la box internet, l’abonnement téléphonique et la télévision, ainsi que 100 euros de courses en Allemagne. Et toutes les semaines, en donnant 2,50 euros, il peut remplir un panier équivalent à 25 euros de courses à La Caravelle, l’épicerie solidaire de Caritas. Cela fait 830 euros à dépenser pour vivre :

« Le plus important pour moi, c’est le loyer. Je le règle parce que je veux garder un toit sur la tête. Je suis condamné à jongler en ne payant pas les autres factures, le gaz, l’électricité ou internet selon les mois. Je dépense le strict minimum, mais comme je dois dépenser plus que ce que je gagne, forcément je creuse des dettes en permanence. L’année dernière, pour les rembourser, j’ai utilisé le chèque énergie et mes enfants se sont cotisés pour payer le reste. Sinon, les années précédentes, j’ai souvent demandé une aide du fonds de solidarité logement (FSL) avec une assistante sociale. »

Alain se fait à manger avec les produits qu’il achète en Allemagne et à l’épicerie solidaire La Caravelle : « Heureusement que je sais cuisiner, ça coûte moins cher. » Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Un problème de santé et tout bascule

Alain a « commencé à travailler à l’âge de 13 ans » comme forain, avant de faire de la menuiserie. Puis, la majeure partie de sa vie, il a été cariste en intérim. « J’étais comme tout le monde, je n’aurais jamais imaginé me retrouver dans une telle situation. » À 50 ans, subitement, il enchaine les coliques néphrétiques, avec des calculs dans les reins qui causent une douleur intense dans le dos et le ventre. Les médecins lui annoncent qu’il ne doit plus porter de charges de plus de 10 kilogrammes. « Plus aucun employeur ne voulait de moi. À partir de là, c’était la descente aux enfers », se souvient-il, en remuant sur sa chaise.

Alain est au RSA depuis 2012. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Dans les années qui suivent, son état de santé se dégrade. En mai 2022, il fait une biopsie et une prise de sang. On lui diagnostique un diabète de type 2 et un cancer : « pancréas et intestin grêle », liste-t-il, lapidaire : « J’ai du mal à me déplacer maintenant, je suis très faible. Quand je monte les escaliers de mon immeuble, je fais deux pauses. Le chirurgien m’a dit qu’il n’y aura pas d’amélioration. »

Alain désigne des boites de médicaments posées sur un meuble, « des antidépresseurs, des myorelaxants, des antidouleurs ». « Ça m’attaque le moral et m’emmène tout doucement vers la déprime », résume t-il, avec pudeur, avant de prendre une bouffée de cigarette. « C’est mon seul vice, j’ai commencé à 13 ans », glisse l’habitant de Cronenbourg, un sourire en coin.

« Le RSA ne me permet pas de vivre »

Pour respirer, le sexagénaire a demandé l’allocation adulte handicapé de 971 euros après une opération de son système digestif en juin 2022. Mais cette dernière lui a été refusée quelques mois plus tard : « Ils ont considéré que je n’étais handicapé qu’à 35%, ce qui ne suffit pas. Il faut atteindre 80% de handicap pour y prétendre », explique Alain. Il est dans l’attente du résultat d’une nouvelle demande. En attendant, il se démène pour survivre entre maladies sévères et soucis financiers.

Dans le cadre du projet de loi « plein emploi », l’Assemblée nationale a voté jeudi 28 septembre une mesure qui conditionne l’obtention du RSA à une quinzaine d’heures de bénévolat. Le gouvernement s’est allié aux députés du parti Les Républicains pour faire passer cette vieille obsession de droite portée par Nicolas Sarkozy depuis 2015 : assortir le RSA d’obligations au nom de la lutte contre « l’assistanat ». Le vote final de la loi « plein-emploi » est prévu le 10 octobre.

Alain ne se sent pas concerné : « Comment voulez-vous que je fasse du bénévolat ? Ils ne se rendent pas compte de comment on vit. » Le père de famille ne regarde plus la télévision. Il exprime sa colère contre les politiques qui montrent du doigt les bénéficiaires du RSA :

« Quand je vois ce qu’ils peuvent dire aux informations, ça me hérisse le poil. Je n’ai pas choisi d’être malade et cela peut arriver à n’importe qui. Je n’ai jamais rechigné à la tâche, j’ai travaillé pendant 37 ans. Le RSA est une aberration, c’est ma seule solution mais il ne me permet pas de vivre. J’échangerai ma place avec celle d’une personne en bonne santé qui travaille sans aucune hésitation. »

Alain a commencé à travailler « à l’âge de 13 ans ». Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Sarah, mère célibataire au RSA

Pour Sarah, mère célibataire de 25 ans (lire son témoignage), ces discours stigmatisants ne passent plus :

« On nous prend pour des fainéants qui sont contents d’avoir 500 euros par mois. Je paye le loyer et ensuite, avec ce qu’il me reste, je peux juste mourir chez moi. J’ai résilié mes abonnements Netflix, Deezer et internet. Et en plus de ça, je dois subir les remarques des gens qui jugent les personnes au RSA alors que je me démène comme je peux. »

Avec Ezra, son fils de trois ans et demi, Sarah habite dans un petit appartement du quartier Laiterie. À 14 ans elle a commencé son CAP vente et a travaillé jusqu’à ses 21 ans pour Promod, en intérim avec l’agence Manpower et à la boulangerie Woerlé. En 2020, l’année du confinement contre le Covid, elle a perdu son emploi et rompu avec son copain. Sarah s’est retrouvée seule avec Ezra.

« Aucun employeur ne veut de moi, j’ai trop de contraintes horaires avec mon enfant. Quand le RSA, les APL et la pension alimentaire ne suffisent pas, je fais des ménages au noir pour payer les courses et les charges », souffle-t-elle, en donnant un morceau de chocolat à son fils pour le goûter : « Je veux qu’il ne manque de rien. »

Les Restos du cœur et les chèques services

Sarah dénonce les variations du montant de son RSA, qui change sans qu’elle n’ait d’explications :

« Au début il était à presque 500 euros, mais depuis cet été il est passé à 372 euros. Quand on demande à la CAF pourquoi, ils ne répondent pas. C’est hyper violent parce que le budget est déjà très serré. Je suis obligée d’aller aux Restos du cœur et j’ai eu 200 euros de chèques services pour faire les courses après une demande chez une assistante sociale. Je n’ai pas le choix. »

Dernière solution trouvée en septembre : un CAP pâtisserie avec une alternance à l’hypermarché Auchan de Hautepierre, qui devrait enfin lui permettre de toucher un salaire début octobre. Mais si Sarah peut se permettre cette formation, c’est parce que son oncle s’occupe de son fils pendant son absence.

Sarah est mère célibataire depuis trois ans. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

« Pour Noël et mon anniversaire, je demande des paniers de légumes »

Georges, 34 ans, touche les minima sociaux depuis 2021. Avec 750 euros de RSA et d’APL pour 400 euros de loyer charges comprises, il lui reste 350 euros pour vivre. À Noël et son anniversaire, il demande à sa famille de lui offrir un abonnement annuel pour un panier de légumes hebdomadaire. Tout en balayant le sol de sa cuisine, il constate qu’il parvient à trouver des solutions grâce à son ancrage dans des réseaux militants :

« Je me déplace à vélo et je ne paye quasiment rien pour le réparer parce que je suis inscrit au Stick (un atelier d’autoréparation, NDLR). Je suis bénévole aux Petites roues (association de distribution alimentaire, NDLR) donc de temps en temps je mange un repas. J’ai des espaces de socialisation qui ne passent pas par la consommation, avec des groupes militants, et je vais souvent à des soirées au Molodoï quand l’entrée est à prix libre. »

Sa propriétaire ne sait pas qu’il est bénéficiaire du RSA. Georges était encore en CDI quand il a emménagé. Même s’il vit plutôt bien, il compte retrouver du travail pour aider sa petite sœur étudiante qui n’a plus de revenu. En attendant, il se consacre à ses engagements, notamment un groupe d’entraide du syndicat de la CNT destiné aux personnes en difficulté pour trouver ou conserver un appartement. George prend une gorgée de café et parcourt du regard un tract de son organisation intitulé « Galère de logement ? ».

L’Eurométropole rend gratuits les bus et les trams samedi 7 octobre

L’Eurométropole rend gratuits les bus et les trams samedi 7 octobre

Promise après les émeutes et les dégradations commises dans des commerces du centre-ville, la gratuité des transports sera appliquée pour la journée du samedi 7 octobre.

La présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, Pia Imbs, a annoncé dans un communiqué la gratuité des transports en commun pour la journée du samedi 7 octobre. Cette mesure avait été promise suite aux émeutes qui ont suivi la mort de Nahel, tué par un policier. À Strasbourg, plusieurs commerces du centre-ville avaient subi des vols et des dégradations le 30 juin.

Pour tenter d’apaiser les commerçants de la Grande Île, déjà remontés contre la hausse des tarifs du stationnement, Pia Imbs vient donc d’annoncer que les trams et les bus seront libres d’accès pendant toute la journée du samedi 7 octobre.

« Cette opération vise également à promouvoir auprès des habitantes et des habitants des 33 communes de l’Eurométropole de Strasbourg l’usage des transports en commun dans lesquels la collectivité investit une enveloppe inédite de 500 millions d’euros », indique l’Eurométropole de Strasbourg dans ce communiqué.

Un militant d’Extinction Rebellion passe 24 heures en garde à vue après avoir dénoncé deux projets de Total

Un militant d’Extinction Rebellion passe 24 heures en garde à vue après avoir dénoncé deux projets de Total

Une dizaine de militants d’Extinction Rebellion a réalisé une performance devant le tribunal judiciaire de Strasbourg mardi 3 octobre pour dénoncer des projets du groupe pétrolier Total. Un militant a été interpellé et placé en garde à vue.

Des militants d’Extinction Rebellion ont réalisé une mise en scène à Strasbourg mardi 3 octobre peu après 18h. Ils dénonçaient deux projets de l’entreprise Total, un pipeline en Ouganda et le forage de 400 puits de pétrole en Tanzanie. Dans un communiqué envoyé dans la foulée, ils décrivaient leur performance :

« Nous avons mis en scène les violations des droits humains par la multinationale, ses agissements écocidaires et sa collusion avec le gouvernement français. En outre, trois activistes portant des pancartes ”Biodiversité”, “Droits humains” et “Conditions de vie sur Terre” ont été enchaînés et aspergés de faux pétrole par un autre membre du mouvement, représentant l’État français, grimé en marionnette de Total Énergies. »

Les membres d’Extinction Rebellion ont utilisé du tapioca, du charbon végétal et de l’eau pour faire du faux pétrole. Au vu de la répression appliquée aux militants suite à cette action publique, leurs visages ont été floutés Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Selon les DNA, à l’issue de cette action qui aura duré une dizaine de minutes, deux personnes ont été interpellées. Un militant âgé de 43 ans a été placé en garde à vue. À midi mercredi 4 octobre, une dizaine de militants était devant le commissariat pour réclamer sa libération.

« Port illégal de décoration »

Interrogée sur le motif de ces interpellations et de la garde à vue, la police nationale a renvoyé vers le parquet de Strasbourg, qui n’a pas fait suite à notre demande au moment de publier cet article. D’après Extinction Rebellion, le militant est sorti du commissariat vers 18h30 mercredi 4 octobre, après avoir passé 24 heures en garde à vue.

Son avocate, Me Florence Dole, indique que les agents de la police nationale lui ont notifié les infractions de « dégradation de bien public » et de « port illégal de décoration », à cause du port d’une écharpe tricolore : « Aucun bien public n’a été touché et il n’y a pas eu de dégradation, même légère. La fameuse décoration était un grotesque déguisement, il n’y avait aucune confusion possible avec un élu. »

Pendant sa garde à vue, on lui a ajouté les infractions « organisation de manifestation non déclarée » et « refus de prise d’empreintes génétiques ». Selon Me Dole, le militant a finalement accepté la prise d’empreinte.

« Aux temps du Sida » au musée d’art moderne, résistance et pulsion de vie provoquent une explosion des sens

« Aux temps du Sida » au musée d’art moderne, résistance et pulsion de vie provoquent une explosion des sens

Une nouvelle exposition incontournable commence vendredi 6 octobre au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg. « Aux temps du sida » est un événement hors-norme, une traversée de quatre décennies de création dans une scénographie brillante, qui plonge le public dans une pulsion de vie et une colère résistante.

Le directeur des musées de Strasbourg peine à contenir son émotion. Ravi, Paul Lang décrit cette exposition « hors-norme » intitulée « Aux temps du Sida – Œuvres, récits et entrelacs ». Bientôt remplacé par Émilie Girard, le grand homme en costume tire sa révérence avec une exposition marquante pour l’histoire du Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (Mamcs). Il s’agit de « faire entrer l’établissement dans le XXIe siècle et d’amplifier son statut de marqueur dans la société ».

« Une expo qui scintille et qui pulse »

Une mission réussie avec brio par l’équipe de la commissaire générale Estelle Pietrzyk. La responsable du Mamcs ouvre ainsi un nouveau chapitre dans l’histoire de son établissement, après trois ans d’écriture, de recherche des œuvres et de montage. Elle prévient d’emblée, accompagnée par la voix de Prince : « C’est une exposition qui va vous solliciter, entre empathie et pulsion de vie. C’est une expo qui scintille et qui pulse. »

La promesse est tenue. À peine l’entrée de l’exposition franchie, une scénographie exceptionnelle se déploie, rappelant l’événement du Mamcs dédié à Alice au pays des merveilles et au surréalisme. Passé l’antichambre et le portrait juvénile de John Hamming intitulé « I survived Aids » (j’ai survécu au Sida en anglais), le public s’approche d’une pièce aménagée en discothèque. Sur les murs autour, des slogans en lettres capitales sur fond fluo installent une ambiance où la fête est existentielle : « Je danse donc je suis. » Une fois passée la porte surmontée d’un « Je sors ce soir », du nom d’un ouvrage de l’écrivain gay Guillaume Dustan, le public est immergé dans une pénombre bleutée et stroboscopique. Sur les murs, des vinyles rappellent les hits des années 80 et 90.

Une moquette rouge sang, une petite salle de cinéma

Par un agencement presque labyrinthique, l’exposition maintient le public en alerte. Ici, pas de promenade au milieu d’œuvres soigneusement accrochées dans des couloirs rectilignes et froids. Au Mamcs dès le 6 octobre, la moquette se teinte de rouge lorsque les tableaux et autres installations abordent le thème du Sida par le prisme du sang. Plus loin, une petite salle de cinéma projette des extraits du palpitant « 120 battements par minute » de Robin Campillo ou de « Mauvais sang » de Léos Carax. Juste à côté, le sol reprend une couleur de gris béton. Dans cette pièce sont exposés les témoignages sur le rapport au temps décrit par des personnes atteintes du VIH, accompagné d’une bande-son où David Bowie chante « Modern love ».

Bien plus qu’une exposition artistique, c’est la mise en scène d’une époque, aussi à travers la connaissance scientifique et la culture populaire. En témoigne une petite pièce aménagée comme un salon au milieu du parcours. On peut s’y installer devant la télé, pour voir l’association de lutte contre le Sida Act Up envahir la cathédrale de Strasbourg ou la journaliste Christine Ockrent se demander au journal télévisé si le VIH n’est pas un « cancer gay » transmis par la consommation de poppers. Pour la partie la plus sombre de l’exposition, pleine de photographies de Robbert Mapplethorpe, il vous suffira d’ouvrir la porte de l’armoire.

Donner au chaos du sens et de la joie

Le parcours proposé par le MAMCS donne de la force. Comme le résume Anna Millers, membre de l’équipe de recherche de l’exposition, « il y a eu un fort engagement de l’équipe de travail, en associant notamment le secteur associatif et médical, mais aussi en échangeant beaucoup avec celles et ceux qui ont vécu le SIDA, pour trouver les mots justes ». On sort de cet événement avec l’envie de résister, encouragé par l’un des derniers panneaux de l’exposition, aux couleurs de l’association Act Up, avec ce message clair : « Silence = mort ». Une fin de parcours qui rappelle l’entrée de l’exposition, et le subtil équilibre maintenu tout au long des œuvres exposées, entre vie et mort, entre colère et résistance, et cette citation de David Wojnarowicz, militant homosexuel et auteur du livre « Au bord du gouffre », qui s’adresse à « tous les gars et les filles passées et à venir qui donnent au chaos du sens et de la joie ».

Le tribunal de commerce acte la fin de Clestra metal

Le tribunal de commerce acte la fin de Clestra metal

Le tribunal de commerce de Paris a décidé la liquidation de Clestra metal, renommée Unterland metal. En conflit avec le groupe Jestia, repreneur de l’entreprise, 125 salariés étaient en grève depuis le 3 juillet 2023. Ils seront tous licenciés.

C’est l’épilogue dramatique d’une lutte historique. Après plus de trois mois de grève et de salaires sacrifiés, les travailleurs mobilisés de Clestra ont appris ce mardi 3 octobre la liquidation de leur branche, renommée Unterland Metal au courant de l’été 2023. Le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société à compter du 1er octobre 2023, rapporte la section CGT de l’entreprise. Un liquidateur sera chargé de négocier un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE, un programme de licenciements) sous 21 jours. Les 125 salariés d’Unterland Metal seront concernés par des licenciements économiques.

La fin d’une lutte historique pour les salariés de Clestra. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« C’est une catastrophe pour les salariés mais ce n’est pas une surprise », commente le délégué syndical CGT Amar Laadra. « La direction d’Unterland nous avait annoncé qu’elle avait une trésorerie de 36 000 euros, avec un passif de 500 000 euros pour les loyers non payés et 300 000 euros pour le paiement des salaires. » Malgré tout, le syndicaliste espérait que le tribunal de commerce de Paris laisse aux salariés le temps de chercher un autre repreneur.

« Nous sommes toujours combatifs »

La grève avait été initiée le 3 juillet 2023, suite au licenciement d’un collègue. Au-delà de ce cas individuel, les grévistes soupçonnaient la nouvelle direction, le groupe Jestia, de préparer le licenciement d’une large partie des salariés. Depuis la reprise de l’entreprise Clestra par la holding familiale Jestia, le dialogue était coupé entre les employés et les actionnaires, Romain et Alexandre Jacot.

Malgré cette décision, Amar Laadra assure que les salariés n’en resteront pas là :

« Nous sommes toujours combatifs. On a 21 jours pour négocier le PSE, on mettra le paquet là-dessus. Et pour la suite, on verra entre nous comment poursuivre. On créera peut-être une association, pour se porter partie civile contre Jestia. En l’espace de quelques mois, ils déménagent les locaux, changent le nom historique de Clestra et ont vidé l’entreprise de son contenu et de ses actifs. Ce qu’ils ont fait n’est pas acceptable. »

Contacté, le directeur d’Unterland Metal, Rémi Taïeb, n’a pas souhaité répondre à Rue89 Strasbourg.

Manifestation des AESH : une cinquantaine de personnes mobilisées pour une reconnaissance du métier

Manifestation des AESH : une cinquantaine de personnes mobilisées pour une reconnaissance du métier

Une manifestation était organisée ce mardi 3 octobre pour alerter sur l’absence de moyens et d’effectifs au sein des accompagnants d’élèves en situation de handicap. Plus largement, l’intersyndicale dénonce le manque de reconnaissance de la profession.

Ce mardi matin, Koenigshoffen se réveille par un concert de sonnettes et de sifflets. Traversant le quartier, un cortège réunissant pêle-mêle des AESH (Accompagnants des élèves en situation de handicap), des enseignants et des parents d’élèves, tente de faire le plus de bruit possible pour se faire entendre. Marchant de l’école Camille Clauss jusqu’au rectorat de l’Académie de Strasbourg, la manifestation alerte sur la faiblesse du salaire, les problèmes récurrents d’effectifs et l’absence d’un vrai statut pour les AESH.

La mobilisation répond à l’appel national lancé par plusieurs syndicats de l’éducation, comme la FSU, la CGT Éduc’action, ou la FCPE. À Strasbourg, une cinquantaine de personnes se sont mobilisées pour tenter de faire entendre leurs revendications. Les écoles élémentaires Camille Clauss à Koenigshoffen et Marcelle Cahn à Poteries étaient fermées ce matin.

Depuis l’école Camille Clauss, les manifestants se rendent à pied vers le rectorat. Photo : RG / Rue89Strasbourg / cc

Peu d’attractivité, peu d’effectif

Malgré la taille réduite du cortège, les AESH paraissent satisfaites. « L’année dernière, pour une manif similaire, on était qu’une quinzaine », glisse Kankou, AESH à l’école du Hohberg. Même satisfaction pour Dalenda, qui travaille dans l’école primaire Camille Clauss. « J’avais l’impression d’être incomprise. Mais le fait de voir tous les enseignants nous suivre, ça nous réconforte, on avait besoin de ça. »

Dalenda (à droite) marche avec deux de ses collègues AESH de l’école Camille Clauss. Photo : RG/ Rue89Strasbourg / cc

Au sein de son établissement, enseignants et AESH profitent de la journée pour alerter le rectorat sur une absence d’effectifs qu’ils jugent intenable : pour dix élèves notifiés en situation de handicap, ils ne disposent que de trois accompagnants et demi. En plus des enfants et des parents d’élèves, la situation affecte le reste du personnel, comme Justine qui enseigne à Camille Clauss :

« Nous, on se sent démunis, on n’est pas formés pour gérer ça. Alors, quand quelque chose arrive et qu’il n’y a pas d’AESH, on doit bricoler. Parfois, ça peut être des enfants qui se mettent en danger, ou mettent en danger les autres enfants. Ça représente du stress supplémentaire à gérer. »

Parmi les raisons qui expliquent cette pénurie de personnel, la faible rémunération revient fréquemment dans les discussions et sur les pancartes. « Le mois dernier, j’ai gagné 982 euros et 55 centimes, pour 24h de présence. J’ai onze ans d’ancienneté. » Fiche de paye à la main, Delphine montre du doigt les faibles sommes qu’elle touche tous les mois, pour nourrir ses trois enfants. Malgré cela, la quadragénaire affirme tenir à son métier :

« Jamais je ne regretterai ce choix. J’ai fait ce métier parce que je le voulais, parce qu’il y a beaucoup d’humanité dedans. On aide des enfants en souffrance, et on reste dans le métier pour eux. »

Delphine est AESH depuis 11 ans à Strasbourg. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc

Absence de statut

Alors que la mobilisation arrive au rectorat, aucun interlocuteur ne se présente pour échanger avec les manifestants. Des prises de paroles s’improvisent, on raconte ses expériences, ses galères. Le manque de formation des AESH face à la pluralité des handicaps revient très fréquemment dans la bouche des travailleurs concernés.

Les manifestants collent leurs doléances devant le rectorat. Photo : RG/ Rue89 Strasbourg / cc

Florence Fogelgesang, la co-secrétaire départementale de la FSU, espère comme beaucoup l’obtention d’un vrai statut pour les concernés :

« Pour le moment, ils sont dans un no man’s land. Il n’y a pas de feuille de mission, on leur demande tout et n’importe quoi. Cette journée de grève, c’est aussi pour ça : que les AESH deviennent un vrai métier, avec un statut défini, comme fonctionnaire de catégorie B. (…) Les travailleurs dont on parle, ce sont essentiellement des femmes avec des enfants, dans des situations précaires qui vivent avec la peur de se faire virer. Sécuriser les emplois, ça aiderait déjà à réduire le turn-over. »

Progressivement, d’autres petits cortèges se rejoignent à la rue de la Toussaint, devant le rectorat. Finalement, une délégation sera reçue vers 11h. Elle en sort avec peu de gains, relate Florence Fogelgesang : « On n’a pas obtenu grand chose, à part la promesse de formations plus concrètes, mais sans plus de détails. La secrétaire générale de l’Académie de Strasbourg s’est également engagée à vivre une journée dans la peau d’une AESH, à l’école Saint-Jean. Mais là encore, on ne sait pas quand. » Le collectif reste mobilisé en attendant des mesures plus concrètes, assure la syndicaliste.

Dettes et déficit au Cira : l’avenir du centre de danse suscite des inquiétudes

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Stocamine : la préfecture publie l’arrêté qui autorise les travaux de confinement des déchets

Stocamine : la préfecture publie l’arrêté qui autorise les travaux de confinement des déchets

Par un arrêté publié le 28 septembre, la préfecture du Haut-Rhin autorise le début des travaux du confinement des 42 000 tonnes de déchets toxiques de Stocamine.

L’autorisation de confiner les déchets dangereux de Stocamine a été publiée ce jeudi 28 septembre. Dans un arrêté volumineux, la préfecture du Haut-Rhin acte le « stockage confiné, pour une durée illimitée, en couches géologiques profondes » des déchets dangereux à Wittelsheim. La société des Mines de Potasse d’Alsace (MDPA) devra procéder aux travaux de confinement et à la « surveillance » des effets du stockage, notamment sur la nappe phréatique.

Le site de Stocamine se trouve sous la commune de Wittelsheim. Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg

L’arrêté était attendu depuis plusieurs semaines par les élus alsaciens, les industriels des MDPA et les opposants au confinement définitif. L’association Alsace Nature, qui demande l’extraction des 42 000 tonnes de déchets ultimes déposera « dans les jours qui viennent » un recours devant le tribunal administratif, pour tenter de bloquer ces travaux censés durer 42 mois.

Le 26 juillet, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu avait confirmé aux élus locaux que l’État était favorable à l’enfouissement définitif.

L’État veut réduire le nombre de patients géorgiens à l’hôpital

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Juka, 25 ans : « En Géorgie, je n’aurais pas pu être soigné »

Juka, 25 ans : « En Géorgie, je n’aurais pas pu être soigné »

Patients géorgiens : aux frontières de la santé (1/3). Malade depuis l’enfance, Juka, 25 ans, est venu en France avec sa famille en 2017. Pour survivre et parce que les soins dans son pays de naissance n’étaient pas accessibles, le jeune homme fait partie des dizaines de Géorgiens soignés par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg.

À la table d’un café du quartier gare, à Strasbourg, Juka peine encore à commander sa boisson en Français. « Je veux prendre des cours. Mais avec la dialyse trois fois par semaine, c’est compliqué », concède-t-il. Arrivé en France fin 2017 avec sa mère et sa sœur, le jeune homme originaire de Géorgie souffre depuis tout petit d’urétérohydronéphrose chronique. Une maladie qui affecte la vessie et les reins, parfois de façon irréversible et qui provoque des douleurs lombaires. « J’ai été diagnostiqué dès mes 10 mois », précise-t-il. Dans son pays d’origine, selon lui, impossible d’être soigné correctement.

Malade malgré deux opérations

« J’ai été opéré deux fois en Géorgie quand j’avais trois puis cinq ans, de la vessie et des reins, mais je suis toujours malade », explique-t-il. Depuis le 30 novembre 2022, Juka doit se rendre au centre de dialyse trois fois par semaine, car son état de santé s’aggrave. « Mes reins ne filtrent plus suffisamment si on ne les aide pas », explique-t-il avant de détailler ses analyses médicales.

Il est inscrit sur la liste des personnes en attente d’une greffe de rein. « S’ils en ont un, ils m’appellent et je me fais opérer », résume le jeune homme. Une perspective qui semble le soulager et pour laquelle il a obtenu un titre de séjour « vie privée et familiale » pour raison de santé en 2019. Visa qu’il renouvelle tous les ans auprès de la préfecture.

À son arrivée en France, Juka et sa famille ont d’abord demandé l’asile politique, sans préciser que son état de santé nécessitait une prise en charge spécifique. « C’est ma mère qui s’en est chargée, j’étais très jeune à l’époque et elle n’avait pas trop compris comment ça fonctionnait », explique le jeune homme.

Des interprètes géorgiens à l’hôpital

Juka n’a pas attendu d’avoir des papiers pour prendre rendez-vous à l’hôpital. Muni de son dossier médical en géorgien, il téléphone au Nouvel hôpital civil dès 2018 et obtient son premier rendez-vous le 15 mai, sans intermédiaire et en trouvant seul le contact du service compétent pour le prendre en charge :

« Le jour de mon rendez-vous, il y avait un interprète avec moi donc c’était très facile de se comprendre. Le médecin du service de néphrologie a dit que m’opérer serait facile, qu’il faudrait qu’on me greffe un rein, mais il ne savait pas quand ça serait possible. »

Pour les patients qui ne parlent pas français, l’hôpital fait régulièrement appel à des interprètes. En 2022, l’association Migration Santé Alsace a dispensé 5 040 heures d’interprétariat en Alsace en langue géorgienne, dans des établissements hospitaliers et médicaux-sociaux. « C’est la langue où la demande était la plus forte en 2022, et cette demande augmente encore », précise Marie Priqueler, directrice de l’association. Entre sept et huit personnes assurent cet interprétariat au sein de la structure.

Juka Géorgien
Juka, 25 ans, est arrivé en France depuis la Géorgie fin 2017 et bénéficie désormais d’un titre de séjour lui permettant de se faire soigner. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Autour de lui, beaucoup de Géorgiens malades

En attendant cette greffe, Juka doit subir des examens médicaux – scanner, IRM, prises de sang – une fois par mois en moyenne. Il va au centre de dialyse où il passe trois heures dans une salle entouré de trois autres malades, les lundis, mercredis et jeudis… « Il y a beaucoup de personnes d’autres nationalités, je pense que j’ai rencontré une soixantaine de Géorgiens là-bas, au centre de dialyse », assure-t-il.

Une affluence qui ne le surprend pas :

« En Géorgie, les médecins ce n’est pas comme en France. J’habitais à Chaschuri, et je devais toujours me rendre à la capitale pour voir mon médecin. C’est à une heure de route en voiture. Car dans ma ville, il n’y avait qu’un seul chirurgien et la rumeur courrait qu’il opérait après avoir bu de l’alcool. Et même à Tbilissi (la capitale de la Géorgie, NDLR), le médecin m’a dit que je ne pourrai jamais être greffé d’un rein alors que c’est la seule solution pour que je guérisse. »

Une impossibilité surtout financière selon Juka. « Nous n’avions pas d’assurance là-bas », poursuit-il. « Même avoir accès à la dialyse, ça coûte entre 800 et 900 lari (environ 300 euros, ndlr) par séance, c’est beaucoup trop cher et ce n’est pas remboursé », appuie-t-il.

Pas de confiance dans les médecins de son pays

Dans un rapport de la clinique de droit de Sciences Po sorti en 2022, Léa Meltz et Isabella Barjon font état des difficultés pour avoir accès à des soins médicaux en Géorgie, tels que la greffe ou le changement de sexe. Le rapport fait état d’un entretien avec une oncologue à Kutaisi en février 2022, qui explique que « la greffe de reins n’existe pas en Géorgie, même si l’on parvient à trouver son propre donneur ».

Les étudiantes précisent que les modalités de remboursement pour certains soins sont peu élevées et ajoutent que les Géorgiens semblent avoir du mal à faire confiance à leur système de soin. Au-delà des problèmes financiers d’accès au soin, Juka avoue effectivement ne pas avoir confiance en les médecins de son pays :

« Avant ma naissance, mes parents ont eu un autre enfant qui est mort très jeune après avoir été opéré dans l’hôpital de notre ville. Il y a des vidéos de chaînes télévisées qui font état de situations où les docteurs ont maltraité des patients. »

« Ici, je n’ai pas peur de mourir »

En France, Juka a accès à des soins médicaux gratuitement. « Ici je n’ai pas peur de mourir, car je sais que les médecins sont compétents et que l’on peut me soigner », explique-t-il. En triturant ses lunettes de soleil, le jeune homme répète sa reconnaissance et dit être venu en France « pour survivre ».

À la Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS) du nouvel hôpital civil, l’équipe menée par Sophie Darius accueille et oriente les patients quelle que soit leur pays d’origine et leur situation administrative. Parmi les Géorgiens qu’ils reçoivent, la soignante observe des pathologies plus diverses que celle liées à des insuffisances rénales.

Sophie Darius Jérôme Penot HUS PASS
Sophie Darius, cheffe de service de la PASS et Jérôme Penot, responsable du service social des HUS. Photo : CB / Rue89 Strasbourg

Mais les observations de Sophie Darius s’arrêtent là concernant les patients originaires de Géorgie. « On ne demande pas de carte avant de soigner les gens. Il ne nous appartient pas de déterminer si la personne a accès aux soins dans son pays d’origine », tranche Jérôme Penot, responsable du service social des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) et référent social de la PASS :

« Penser au patient uniquement selon sa nationalité va à l’encontre de notre mission. Nous sommes un service public dont l’essence est l’égalité et le soin pour tous. On observe qu’il y a beaucoup de patients, qu’ils arrivent avec des parcours de vie parfois chaotiques et qu’il faut les accompagner et les soigner le mieux possible. Nous n’avons le temps pour rien d’autre. »

Un accompagnement médical et social

Parfois, l’équipe de la PASS est amenée à remplir des formulaires que les patients joignent à leurs demandes de titre de séjour, ou de régularisation. Ces formulaires peuvent être des « informations médicales qui viennent éclairer l’administration pour l’étude de la demande d’asile », précise Jérôme Penot.

Les deux assistants du service social et les deux secrétaires médico-sociales collaborent également avec le SIAO67, en charge de l’hébergement d’urgence, pour établir les critères de vulnérabilité des patients qui les consultent – ce qui influence leur priorité dans l’attribution d’un hébergement.

Depuis qu’il est en France, Juka a toujours pu être hébergé par les dispositifs prévus par l’État et il a désormais un titre de séjour en règle. Selon la loi, la France a déterminé que son « état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité » et qu’il « ne pourrait pas bénéficier effectivement [dans son pays d’origine] d’un traitement approprié. »

« On ne quitte pas son pays par plaisir »

En septembre 2023, Juka a du mal à se projeter en France. Mais il sait qu’il ne pourra peut-être jamais retourner dans le pays de sa langue maternelle. « Même après la greffe, il y a des soins lourds et je sais que je ne pourrai pas y avoir accès, même à Tbilissi », soupire-t-il.

Avant de venir à Strasbourg, Juka n’avait jamais été en France et ses amis habitent encore en Géorgie. Ils restent en contact par les réseaux sociaux. Une distance qui rend le jeune homme triste et parfois isolé :

« Bien sûr que je serais resté en Géorgie s’il y avait eu les médecins pour me soigner. On ne demande pas l’asile par plaisir, on ne quitte pas son pays par plaisir. »

Avec sa dialyse trois fois par semaine, Juka ne peut pas suivre de formation pour exercer un métier. Pourtant, il sait déjà qu’il aimerait être chauffeur de tram s’il devait rester à Strasbourg. « Ici j’ai ma sœur avec moi et ma mère, c’est déjà ça », relativise-t-il.

« La plupart des gens ne savent pas à qui s’adresser »

L’organisation Médecins du monde (MDM) va à la rencontre de personnes en situation de grande précarité, pour certaines vivant en squat, originaires de Géorgie et malades. Irakli, travailleur social, remarque que beaucoup d’entre eux ne sont pas dans la demande de soin :

« Quelle que soit leur pathologie, la plupart des gens ne savent pas à qui s’adresser lorsqu’ils arrivent en France. Ces personnes sont souvent isolées et c’est lorsque nous les rencontrons que nous les orientons. Elles souffrent souvent de maladies du foie, de handicaps ou de problèmes oncologiques. Toutes nous expliquent les difficultés d’accès au traitement en Géorgie, alors que c’est une question de vie ou de mort. »

Au fil de leurs maraudes dans les différents squats de Strasbourg, MDM constate que des patients pourtant pris en charge par l’hôpital finissent par retourner vivre à la rue et ont des difficultés administratives pour obtenir leurs papiers. « Il y a de moins en moins de visas délivrés pour les étrangers malades », explique Irakli, « et parfois deux personnes dans des situations similaires vont avoir des réponses différentes ».