Alors que les combats se prolongent à Gaza, les mobilisations et les manifestations se multiplient à Strasbourg. Le point sur quatre rendez-vous organisés sous l’égide de deux collectifs.
Le collectif Palestine 67, dont quarante organisations sont membres, organise une manifestation de la campagne Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) mercredi 22 novembre. Les membres se retrouveront devant un endroit non révélé, avec comme objectif d’informer le public sur des liens existants entre une enseigne commerciale et l’État d’Israël. La campagne BDS cherche à exercer une pression économique sur Israël, afin de lutter contre la politique de colonisation qualifiée d’apartheid.
Veillée vendredi 24 novembre
Le même collectif organise une veillée (c’est la deuxième depuis le 7 octobre). Le but : « Nous allons présenter des Palestiniens qui ont été tués dans le conflit, pour qu’ils ne soient pas que des chiffres« , explique Hervé Gourvitch, membre du collectif Palestine 67. L’heure prévue pourrait être modifiée en fonction du début du Marché de Noël. Cet article sera mis à jour en fonction.
Manifestation samedi 25 novembre
Une nouvelle manifestation publique, la quatrième depuis l’attaque du Hamas visant des civils israéliens, est prévue samedi 25 novembre avec « toujours le même mot d’ordre » prévient Hervé Gourvitch : « Halte aux massacres avec un appel au cessez-le-feu« . En raison de la manifestation pour la lutte contre les violences faites aux femmes (le même jour à 14h), l’horaire du rassemblement pour la Palestine est avancé par rapport aux précédents appels. Et puisque le Marché de Noël aura débuté, la Grande-Île est inaccessible, le cortège empruntera les quais sud pour se rendre place de la Gare.
Rassemblement dimanche 26 novembre
Un autre rassemblement « en soutien aux Palestiniens » est prévu dimanche 26 novembre, à l’initiative d’un collectif différent, appelé Strasbourg Palestine. « L’idée, explique Leïla Sihabi, membre du collectif, c’est d’occuper un maximum la place publique et parler le plus possible de ce qu’il se passe à Gaza ». Le collectif Strasbourg Palestine prévoit d’organiser un rassemblement similaire tous les dimanches « jusqu’à ce que la situation évolue ».
Une intersyndicale appelle les policiers municipaux de Strasbourg à faire grève samedi 25 novembre, premier jour du Marché de Noël. Le mouvement devrait être très largement suivi.
Les syndicats Unsa, CFDT, CGT, FA-FPT, FO et CFTC de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, réunis en intersyndicale, appellent les policiers municipaux à faire grève samedi 25 novembre. Ils demandent des revalorisations salariales, des revendications qui existent au sein des policiers municipaux depuis des dizaines d’années.
Thiebault Parré, policier municipal et délégué syndical CFTC, résume :
« Depuis une loi cadre de 1999, de très nombreuses missions ont été ajoutées à la police municipale, sans qu’il n’y ait jamais eu de compensation salariale. Donc ça suffit. Les policiers municipaux des villes de France se sont unis au sein d’un collectif, pour demander que les salaires soient revalorisés, en lien avec les missions de la police municipale d’aujourd’hui. Et dans ce cadre, nous prévoyons une journée d’action le premier samedi du Marché de Noël à Strasbourg. »
Les syndicats des policiers municipaux demandent notamment que les catégories de la fonction publique qui leur sont appliquées soient modifiées vers la catégorie supérieure et que les primes soient inclues dans le calcul des cotisations retraite. Ils demandent également la « bonification spéciale des fonctionnaires de la police nationale ».
Une réforme des primes et indemnités relatives à leur fonction et prévue par le gouvernement leur fait craindre une moindre rémunération. À Strasbourg, ce mouvement est soutenu par la municipalité et l’exécutif métropolitain, selon Thiebault Parré :
« Le cadre réglementaire de notre statut ne dépend pas de la collectivité. C’est pourquoi nous n’appelons qu’à une seule journée de grève, pour ne pas trop gêner le Marché de Noël. Les agents seraient déterminés à en faire beaucoup plus si ces revendications n’étaient pas entendues par le gouvernement. »
Thiebault Parré assure que « 100% de la cinquantaine d’agents prévus aux deux rotations de samedi seront en grève. Il n’y aura que les agents maintenus au centre de commandement. »
Les salariés du Vaisseau, centre de vulgarisation scientifique pour enfants, seront en grève mercredi 22 novembre. Ils souhaitent alerter sur un « management brutal » et des conditions de travail éprouvantes, dont témoigne l’une des représentantes du personnel, Sarah Tordjman.
Derrière la façade chatoyante, pleine d’animaux colorés, un climat social tendu pèse sur les salariés du Vaisseau. Un préavis de grève a été déposé auprès de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA), dont le Vaisseau est une composante, par le syndicat Force ouvrière CeA pour le mercredi 22 novembre. Dans une lettre adressée au président du Département Frédéric Bierry, les grévistes dénoncent un « régime institutionnalisé de peur voire de terreur », impactant « considérablement la santé psychique » des salariés.
Pour Rue89 Strasbourg, la représentante syndicale de FO CeA, Sarah Tordjman, revient sur ces conditions de travail au Vaisseau et l’état du dialogue social avec la direction.
Rue89 Strasbourg : Qu’est-ce qui vous pousse à organiser cette journée de grève ?
Sarah Tordjman : Ça fait plusieurs années que nos conditions de travail se dégradent. Cela a commencé par une nouvelle organisation des services en 2020, qui a été imposée, sans écouter les agents. On nous a promis qu’il y aurait un suivi, de la concertation, ça n’a pas été le cas.
Trois ans plus tard, l’organisation n’est pas toujours définie. De nombreuses personnes n’ont pas de missions claires, des postes ont disparu et des tâches finissent par être gérées soit de manière spontanée par les agents surinvestis, soit par injonction de la direction, ce qui implique une surcharge de travail. Tout ça se cumule avec un management tyrannique et brutal de notre nouvelle direction, installée en 2017.
Comment se manifeste ce « management tyrannique et brutal » ?
C’est un management irrespectueux, infantilisant, autoritaire avec un mélange de cris et d’humiliations en présence du public. On nous fait du chantage sur nos primes, ou des menaces sur les RTT (jours de repos pris dans le cadre de la réduction du temps de travail, NDLR) ou encore sur la non reconduction des contrats pour les agents contractuels. Souvent, la direction change les plannings à la dernière minute, sans tenir compte de la vie personnelle des agents.
Pression sur les agents au contact du public
Cela conduit à un turn-over important : en six ans, près de 70 personnes ont quitté le Vaisseau pour un effectif de près de 45 salariés en temps plein (auquel il faut ajouter les vacataires, NDLR). Il y a eu de nombreux départ pour burnout et abandons de postes. Une alerte du médecin du travail auprès de la direction et de l’administration a été effectué début juillet. Une alerte collective « Risque psycho-sociaux » et deux signalements pour harcèlement ont été également transmis auprès de la DRH. L’ensemble est resté sans réponse et sans effet sur la situation des agents.
Est-ce que certains secteurs sont plus pénalisés par la réorganisation que d’autres ?
Oui, ce sont principalement les agents qui sont au contact du public, à l’accueil, à la billetterie, ou parmi les médiateurs, qui s’occupent des animations pour les enfants. En outre, de nouvelles missions n’ont pas attribuées à un poste fixe mais simplement absorbées par les postes existants. On demande par exemple aux médiateurs de concevoir plus d’animations, mais cela nécessite qu’ils les préparent dans les bureaux mais ils sont moins nombreux, et donc ne peuvent pas accueillir plus de public.
Qu’espérez-vous obtenir de cette journée de grève ?
Nous voudrions être entendus sur nos difficultés d’organisation interne par le président de la CeA, Frédéric Bierry. Il faut qu’un audit soit réalisé par une société externe, pour rééquilibrer les missions de chacun, que tout cela soit mieux défini. On espère également que la direction pérennise davantage la situation des contractuels, plutôt qu’un usage excessif des vacataires, et qu’un nouveau règlement du temps de travail équitable sera adopté ; aujourd’hui il n’est pas à jour et dépend de la bonne volonté de la direction.
Surtout, on veut retrouver une ambiance normale. Là, c’est complètement délétère, de nombreux agents ont peur d’aller travailler sur site. On veut retrouver un cap, que la direction priorise les actions culturelles plutôt que d’imposer les objectifs de rentabilité en premier lieu. Actuellement, la direction se préoccupe plus de la vente des sandwichs de la cafétéria que de la qualité d’accueil du public.
Réunis en assemblée générale lundi 20 novembre, les ouvriers licenciés veulent maintenir la pression sur les repreneurs de Clestra. Le syndicat CGT organise une procédure collective pour licenciement abusif.
La colère n’est pas retombée. Bien au contraire. Dans la matinée du lundi 20 novembre, une soixantaine d’anciens salariés de Clestra sont réunis en assemblée générale à la Maison des associations de Strasbourg. Licenciés le 23 octobre après avoir mené une grève pendant plus de trois mois, les ouvriers de la métallurgie sont tendus. « Ils n’ont pas été payés depuis juillet. Ils sont dans une extrême précarité », rappelle François Hennrich, futur ancien délégué syndical CGT de l’entreprise renommée Unterland Metal (ex-Clestra Metal). Dans la salle, les métallurgistes voudraient en découdre avec leur ancienne direction. À chaque évocation des actionnaires – les frères Jacot du groupe Jestia – ou de l’ancien directeur de Clestra – Rémi Taieb – un ouvrier explose. L’un maudit la direction de tous les noms. L’autre regrette d’avoir « été trop gentil pendant la grève… »
« Le groupe Jestia m’a dégouté »
Au fond de la salle, Olivier écoute avec attention. L’ouvrier plieur de 51 ans incarne à la fois le drame social en cours et l’opportunisme des repreneurs de Clestra. À découvert « de plus de 1 000 euros » depuis septembre, l’ancien salarié de la métallurgie a dû solliciter ses parents à plusieurs reprises « pour faire des courses ». Fin octobre, il reçoit un appel et une proposition de reclassement chez Mobidécor, une autre entreprise du groupe Jestia. Olivier raconte :
« L’appel n’a même pas duré une minute. J’ai trouvé que c’était scandaleux de m’appeler après m’avoir licencié. J’ai refusé la proposition de reclassement parce que le groupe Jestia m’a dégoûté. Avec cette grève, puis le licenciement, on a été mis à rude épreuve… »
Autre ancien ouvrier, Thierry, n’a pas été appelé pour reprendre son ancien poste de travail, transféré de Clestra à Illkirch-Graffenstaden chez Mobidécor dans la zone d’activité du Port autonome de Strasbourg. « J’ai 59 ans, je suis trop près de la retraite pour qu’ils m’appellent », explique-t-il, amer. L’ex chef d’équipe avait regardé les offres de reclassement, constatant que son poste était le même mais payé 500 euros nets de moins.
Une manifestation et des procédures prud’homales
« La reprise de Clestra, c’est l’histoire d’un hold-up, résume le secrétaire générale de l’union bas-rhinoise de la CGT Laurent Feistauer. Les frères Jacot ont piqué la marque, les brevets et les machines pour laisser ensuite les salariés sur le carreau. » Bientôt applaudi, le syndicaliste conclut en décrivant le recours juridique qui sera bientôt lancé contre la direction du groupe Jestia : « Il ne peut y avoir de licenciement économique si l’activité de production continue au sein du groupe. Ce sera donc à la justice des prud’hommes de trancher. » Selon le délégué syndical de l’entreprise et responsable régionale de la CGT Métallurgie, Amar Ladraa, « une soixantaine d’anciens ouvriers de Clestra ont signé pour initier une procédure pour licenciement abusif. »
La quasi-totalité des ouvriers présents souhaitent manifester devant l’entreprise Mobidécor au courant du mois de décembre. Pour Amar Ladraa, cette mobilisation reste utile pour les anciens grévistes :
« Le rassemblement devant Mobidécor doit nous permettre de maintenir la pression sur les dirigeants du groupe Jestia dans le cadre de la procédure aux prud’hommes. On a intérêt à poursuivre et à attaquer les frères Jacot jusqu’au bout parce que pour l’instant on a eu le strict minimum niveau indemnités de départ. Il faut faire payer les frères Jacot. »
Une manifestation à Bruxelles
La réunion se termine sur des considérations plus pratiques. Le représentant du personnel François Hennrich explique aux ouvriers la procédure à suivre pour éviter de se retrouver sans mutuelle. Puis il annonce à l’assemblée de licenciés qu’ils seront inscrits à Pôle Emploi à partir de début décembre. En attendant les prochains versements, notamment du solde de tout compte des salariés, le syndicaliste CGT préfère avertir ses camarades : « Il y aura encore une période où ça va être compliqué financièrement… »
Une manifestation des ouvriers de Clestra est prévue mardi 12 décembre à Bruxelles. La Confédération européenne des syndicats a appelé à se mobiliser pour refuser « un retour de l’austérité en Europe » et réclamer une politique plus ambitieuse en matière d’investissements publics. L’union départementale de la CGT a déjà prévu la location d’un bus qui partira de la place de l’Étoile à Strasbourg pour la capitale belge.
Ils ont entre 20 et 60 ans, habitent en France et ont des proches en Israël, à Gaza, au Liban ou en Jordanie. Pour ces Alsaciens et Alsaciennes, la guerre entre Israël et le Hamas est plus qu’un enjeu géopolitique et vient faire naître un sentiment d’impuissance et de solitude.
« Je n’ai pas eu de nouvelle de ma meilleure amie, Amira, pendant deux semaines. J’ai cru qu’elle était morte. » Dans un café de la Robertsau, Imad montre des photos d’immeubles en ruines envoyées depuis la ville de Gaza. Depuis l’attaque du Hamas contre des civils israéliens le 7 octobre, l’infirmier de 31 ans vit au rythme des vidéos, des photos et des messages partagés avec ses amis qui habitent l’enclave palestinienne.
Vissés à leurs téléphone
Mêmes images dans le téléphone de Laura (le prénom a été modifié), professeure de 58 ans. Son partenaire, originaire de Palestine, est retourné vivre en Jordanie après le début du conflit : « Il avait l’impression de se trahir en restant ici ». Leurs amis, rencontrés à Strasbourg ou en Jordanie lors de voyages, lui envoient ces mêmes images d’immeubles détruits. « Celle-là a été prise depuis le balcon de mon amie », soupire Laura en faisant défiler les clichés sur son écran de téléphone.
Tous deux tentent de rester en lien avec les personnes qui leur sont chères et avec lesquelles ils n’ont parfois plus de contact régulier, faute de réseau dans la bande de Gaza. « Quand je n’ai pas de message de ma meilleure amie pendant plusieurs jours, je regarde la liste des noms des personnes décédées pour voir si le sien apparaît », explique Imad – celle publiée par le ministère de la Santé du Hamas à Gaza. Elle ne fait pas partie des 10 000 palestiniens et palestiniennes tuées depuis le 7 octobre 2023 par les bombardements de l’armée israélienne. Des bombardements justifiés par l’État israélien comme une riposte à la tuerie de 1 400 personnes sur son sol et à la prise en otage de plus de 240 autres, le même jour, par le Hamas.
Son amie Amira est Palestinienne. Elle a 26 ans, est étudiante et « se passionne pour l’écriture », poursuit Imad. « Elle est bénévole à la Croix-Rouge et ça fait près de dix ans qu’on se connaît », complète-t-il. Selon les messages qu’il a reçus d’elle début novembre, « son oncle a été tué, ainsi que trois de ses amies et deux de ses cousins », écrit-il.
Amira envoie des photos à Imad dès que le réseau le lui permet, ainsi que des vidéos et des messages vocaux.Photo : document remis
Croiser les sources
« Je ne dors plus, je ne mange plus, je suis tout le temps anxieux », poursuit Imad, qui arbore fièrement un keffieh rouge sur ses épaules. « Et quand j’ai enfin des nouvelles de mes proches à Gaza, c’est un soulagement de courte durée ». Depuis ses 16 ans, il partage sur les réseaux sociaux des informations sur le conflit israëlo-palestinien. Né en Allemagne d’un père palestinien et d’une mère française, il est venu habiter en France en 2020 et rêve de pouvoir un jour visiter le territoire sur lequel ont vécu ses ancêtres :
« J’ai grandi en sachant qu’à Gaza, les habitants sont tout le temps sous les bombes. On en parle souvent avec mon père. J’ai une partie de ma famille qui habite au Liban, dans le sud du pays, où beaucoup de Palestiniens se sont réfugiés. Mais maintenant, je ne sais pas si je pourrai y aller un jour. J’ai peur. »
Imad, 31 ans
Grâce à son compte Instagram suivi par plus de 11 000 personnes, Imad est en contact avec plusieurs habitants de la bande de Gaza qui lui transmettent des informations et des images. Il est donc constamment vissé à son téléphone :
« Ça me permet de croiser les sources, entre les médias français, allemands, israéliens et ce que me disent les personnes sur place. La plupart du temps, les reportages des forces d’occupation israéliennes sont tout simplement repris. Je préfère suivre les journalistes à Gaza comme Motaz Azaiza par exemple. »
Imad, 31 ans
Imad, 31 ans. Photo : capture d’écran / Instagram
Un besoin d’action qui s’exprime par cet envoi permanent de messages, ce décompte des victimes, ces portraits des personnes tuées, pour ne pas se sentir totalement impuissant et partager les informations qu’il ne trouve pas dans les médias traditionnels. Laura a aussi besoin de se sentir utile, car les petits mots de ses proches qui habitent Gaza se font rares. « Un message pour dire que ça va, lorsqu’ils ont accès à internet, et ce n’est pas tout le temps », précise-t-elle en vérifiant son application de messagerie.
« Ne pas y penser, ce n’est pas possible »
Depuis que son partenaire est rentré habiter au Proche-Orient, elle se demande quoi faire : « Je suis extrêmement anxieuse, chaque matin je me dis que les bombardements vont cesser, et ils ne cessent pas. En même temps, je me sens illégitime de me sentir si mal car je suis en France, à l’abri », résume-t-elle.
Autour d’elle, son entourage est ouvert à en parler mais lui intime parfois tout de même de « ne pas trop y penser ».
« Sauf que ne pas y penser, ce n’est pas possible, quand vous avez peur pour des gens que vous connaissez. Comment prendre de la distance alors que mes amis risquent de mourir ? Forcément, je me demande quoi faire et je me sens coupable d’être sans solution, je me mets à leur place. »
Comme Imad, Laura partage les images qui lui sont envoyées avec ses proches en France, « que voulez-vous faire d’autre », souffle-t-elle. Elle tente de rassembler les artistes locaux pour monter une exposition et une vente dont les bénéfices iraient à son amie Nabila et à ses enfants, coincés dans la bande de Gaza sous les bombardements.
Des meurtres vécus « dans sa chair »
C’est sur une vidéo mise en ligne par la communication de l’armée israélienne en français que Jonas, étudiant mulhousien de 21 ans, a reconnu une de ses connaissances. De confession juive, plusieurs de ses amis, rencontrés lors de séjours scouts, sont désormais engagés dans l’armée israélienne :
« Je ne suis pas d’accord avec la politique de colonisation menée par Netanyahou et son gouvernement. Mais voir sur cette vidéo un visage connu dans un contexte de guerre et prendre conscience du fait qu’ils risquent de mourir, c’est comme si j’avais reçu un coup dans le ventre. »
Alors qu’il n’avait pas de lien particulier avec l’État d’Israël, Jonas a vécu les meurtres des 1 400 Israéliens « dans son cœur et dans sa chair ». Immédiatement après avoir été informé de l’attaque, il a envoyé des messages à ses amis qui habitent Israël, pour s’assurer qu’ils allaient bien.
« Depuis, les textos qu’on s’échange peuvent être lapidaires, juste quelques mots, l’essentiel. Je ne veux pas les encombrer avec mes inquiétudes alors que je ne peux pas imaginer l’horreur qu’ils vivent, eux. Moi je suis en France et je préfère qu’ils répondent à leur famille proche, j’ai juste envie de savoir s’ils vont bien. »
Les désaccords entre Jonas et ses amis sur la politique menée par l’État d’Israël demeurent, « mais on en parlera plus tard », explique-t-il, « là ce n’est pas le moment » :
« Ce n’est pas un conflit que je peux analyser froidement. Je ne peux pas prendre du recul et faire une analyse géopolitique, car j’ai des proches qui y sont. Ce n’est pas un jeu et ce ne sont pas des blagues, des gens sont morts et continuent de mourir. »
Lui aussi tente d’agir pour se sentir utile, en rédigeant ou relisant des tribunes, et en donnant des formations de lutte contre l’antisémitisme aux Jeunes écologistes, en tentant de les mettre à distance du conflit.
« Je ne sais pas où j’habite »
Imad et Jonas ne se sont jamais rencontrés mais semblent partager des sentiments similaires. Aujourd’hui, ils peinent à se sentir chez eux en France et à trouver dans leur pays une réponse adaptée à la solitude qu’ils ressentent. « J’ai l’impression que la France ne parle pas de la Palestine et que si j’exprime mon soutien pour le peuple de mon père, je vais être traité d’antisémite », explique Imad. « Je ne sais plus où j’habite. Avec la montée des actes antisémites en France, je vais moins en cours qu’avant car j’ai peur de la violence, physique ou symbolique et je suis tout le temps sur mes gardes », concède Jonas.
Pourtant tous deux citoyens français, les jeunes hommes se sentent isolés et parfois, en danger. « Je fais attention quand je marche dans la rue et je fais attention à qui je parle, j’ai peur qu’on déforme mes mots », explique Imad. Lui et Jonas trouvent un peu de soulagement en se rapprochant des membres de leurs communautés. « Ça aide de parler avec celles et ceux qui nous ressemblent », poursuit l’étudiant.
« Tout est horrible, les bombardements à Gaza et toutes les actions antisémites. Les justifier par la cause palestinienne est ignoble, car ça n’a rien à voir », estime Jonas. « On veut juste la paix », abonde Imad.
Stéphanie-Lucie Mathern, Wie Gott in Frankreich, 2023, acrylique sur toiles.Photo : Stéphanie-Lucie Mathern
Une rétrospective réunissant des anciens lauréats du prix Théophile Schuler organisée par la Société des amis des musées de Strasbourg permet de voir le célèbre tableau La Belle Strasbourgeoise, associé à ses interprétations contemporaines. Une exposition à retrouver du 24 au 26 novembre à la foire européenne d’art contemporain ST-ART.
Chaque année depuis 1968, la Société des amis des arts et des musées de Strasbourg (Saams) décerne le prix Théophile Schuler à un jeune artiste lié à l’Alsace. Ce prix tient son nom du peintre alsacien du XIXe siècle dont la fille Alsa Schuler fit un legs à la Société en 1838, dans le but d’aider de jeunes artistes dans leurs études d’art.
En encourageant la jeune création artistique, la Saams poursuit cette volonté tout en contribuant à l’insertion professionnelle de jeunes plasticiens. Les candidats sont départagés par un jury composé d’artistes, de galeristes ou de conservateurs de musées. Un tremplin bienvenu pour les lauréats, puisque ce prix est doté d’une bourse de 3 000€ et d’un espace d’exposition sur le stand de la Saams, lors de la foire d’art contemporain ST-ART.
« Nombreux sont ceux qui, du fait de ce “coup de pouce”, ont démarré ou développé leur carrière artistique, certains exposant depuis lors dans de prestigieuses galeries françaises et internationales, dans des musées ou dans des centres d’art publics réputés. Nous pensons qu’il est de notre mission de contribuer au rayonnement de notre région et de mettre en lumière ses talents. »
Bertrand Gillig, président de la Saams
De gauche à droite, Bertrand Gillig, Nahrae Lee (lauréate du prix Théophile Schuler 2021), Anna Guignard (lauréate du prix de la Saams 2021) et Geneviève Werlé.
24 lauréats présents de 1994 à 2022
2023 marque un triple anniversaire : les 190 ans de la Saams, les 60 ans de l’acquisition du tableau La Belle Strasbourgeoise et les 320 ans depuis la création de cette œuvre par Nicolas de Largillierre. À cette occasion, la société présentera une exposition autour du tableau lors de la foire.
Vue du stand de la Saams, Prix Théophile Schuler 2022, Hélène Thiennot. Photo : Saams
24 artistes parmi les lauréats des années 1994 à 2022 ont répondu présent, pour livrer leur vision de l’œuvre emblématique : Laure André, Guillaume Barth, Gilles Bordy, Ghizlène Chajaï, Laurent Exbalin, Marie-Amélie Germain, Maria Guilbert, Etienne Hubert, Asuka Kazama, Yeung-Kyung Kim, Pierre Laurent, Nahrae Lee, Stéphanie-Lucie Mathern, Saba Niknam, Samten Norbù, Lucas Pfeiffer, Virginie Pflumio, Catherine Pulvermuller, Joël Riff, Hélène Thiennot, Henri Wallisser, Maud Vuillemin, Félix Wisocki et Jérémie Zirnheld.
Stéphanie-Lucie Mathern, Wie Gott in Frankreich, 2023, acrylique sur toiles. Photo : Stéphanie-Lucie Mathern
Une profusion de belles strasbourgeoises…
Peinture, photographie, installation, broderie ou encore gravure, les artistes ont réalisé des œuvres d’une grande diversité aux significations toutes aussi particulières pour rendre hommage au tableau de Nicolas de Largillierre.
L’œuvre de Marie-Amélie Germain, lauréate du prix Théophile Schuler 1994, présente « une autre belle strasbourgeoise, une jeune fille d’aujourd’hui, un brin mélancolique, comme on peut l’être à cet âge ». Stéphanie-Lucie Mathern, lauréate du prix en 2016, considère, quant à elle, que « La Belle Strasbourgeoise est la Joconde du palais Rohan. Intrigante au sourire mystérieux. Au chien fidèle. À la robe trop lourde. Au paysage trop nuancé ».
Marie-Amélie Germain « La belle Strasbourgeoise », interprétation de l’œuvre de N. Largillierre, 2023, huile sur carton muséePhoto : Marie-Amélie Germain Jérémie Zirnheld, La Mystérieuse Strasbourgeoise, 2023, acrylique sur toile.Photo : Jérémie Zirnheld
Des tags antisémites sur un arrêt du tram A à Hautepierre.
Le tribunal correctionnel de Strasbourg a condamné un retraité de 62 ans pour incitation à la haine raciale et apologie de terrorisme. Il a été reconnu coupable d’avoir écrit des tags antisémites à Hautepierre et sur des éléments du réseau de la CTS.
Pour avoir écrit « mort aux juifs » ou « USA = croix gammée » sur des rames du tramway de la ligne A, du mobilier urbain de JC Decaux, dans l’enceinte du parking du supermarché Auchan de Hautepierre et dans ce quartier en général, Hussein Akasheh a été condamné à 18 mois de prison ferme vendredi 18 novembre par le tribunal correctionnel de Strasbourg, selon les Dernières nouvelles d’Alsace. L’auteur des inscriptions commises au feutre noir entre le 13 octobre et le 14 novembre a immédiatement été placé en détention et devra, en outre s’acquitter d’une amende de 1 500 euros pour les dégradations délictuelles, toujours selon le quotidien alsacien.
Mais pour Hussein Akasheh, 62 ans, cité par les DNA, « il n’y avait pas de message, simplement de la colère » face aux images des victimes des bombardements israéliens. Il n’a « rien contre les juifs » a-t-il dit au tribunal mais en garde à vue, il a qualifié le Hamas de « mouvement de résistance, comme le Général de Gaulle ». Le tribunal lui a en outre ordonné un suivi socio-judiciaire pendant cinq ans.
Manifestation de Support Transgenre en novembre 2022Photo : Deborah Liss
Le collectif Support Transgenre Strasbourg et sept autres organisations appellent à un rassemblement à l’occasion de la journée internationale de la mémoire transgenre dimanche 19 novembre. Il se tiendra place d’Austerlitz à 15 heures.
Depuis 25 ans, la journée internationale de la mémoire transgenre est célébrée le 20 novembre. Pour permettre aux Strasbourgeois et Strasbourgeoises de la célébrer, le collectif Support Transgenre Strasbourg et sept autres organisations appellent à un rassemblement dimanche 19 novembre à 15 heures, place d’Austerlitz à Strasbourg.
392 personnes trans assassinées en 2023
Selon le décompte des associations, « au moins 392 assassinats directs et indirects, par violence physique, ou exclusion sociale et suicide, de personnes transgenres, ou de personnes simplement considérées comme non-conformes à la soi-disant « norme » du genre » ont été recensés dans le monde. Un chiffre a minima étant donné l’absence de système de décompte précis des agressions et meurtres transphobes, en France par exemple.
« La haine transphobe tue, comme nous le constatons malheureusement chaque 20 novembre », écrit le collectif. Dans son rapport 2023, SOS Homophobie note une augmentation de 27% des témoignages de transphobie parmi les 1 506 reçus pour établir le document. Elle pointe que les agressions transphobes sont en hausse depuis 2021 et que « les sanctions prises pour les actes transphobes sont encore trop peu appliquées ».
En 2022, le rassemblement avait été suivi par une centaine de personnes et rejoint par une centaine d’autres au fil des prises de paroles, place Kléber.
Cette année, les organisatrices concluent par un appel déterminé : « Nous continuerons de nous battre, tous les jours. Car nos morts sont politiques, et nos vies le sont aussi ».
Plus de six semaines après la prise en otages d’enfants en Israël le 7 octobre 2023 par le Hamas, un collectif d’avocats strasbourgeois et le consistoire israélite du Bas-Rhin appellent à une marche pour demander leur libération. Celle-ci est prévue lundi 20 novembre à 8h30.
Le 20 novembre est la journée internationale des droits de l’enfant. Dans ce cadre, le collectif d’avocats « agissons contre l’antisémitisme » et le consistoire israélite du Bas-Rhin appellent à un rassemblement sur le parvis de la synagogue de la Paix dans le quartier des Contades à Strasbourg, lundi 20 novembre avant 8h30.
Une marche jusqu’au Conseil de l’Europe
Les manifestants prendront ensuite le chemin du Conseil de l’Europe, en empruntant l’avenue de la Paix. Le départ est prévu à 8h30.
« Au moins 38 enfants sont retenus en otages par les terroristes du Hamas », explique le tract d’invitation à manifester. « Ils sont privés de tous leurs droits et n’ont reçu aucune visite de la Croix-Rouge » poursuit-il. « Leurs familles sont sans nouvelles et vivent des heures insoutenables ».
Selon les autorités israéliennes, plus de 240 personnes ont été enlevées le 7 octobre 2023. La diplomatie française précise, le 6 novembre 2023, que 40 ressortissants français sont décédés depuis et que huit d’entre eux sont toujours portés disparus.
Pour l’édition 2023 du Marché de Noël, la préfète a annoncé une multiplication par trois des militaires Sentinelles mobilisés.Photo : Victor Maire / Rue89 Strasbourg / cc
Un mois après le meurtre d’un enseignant à Arras, la préfecture promet un Marché de Noël de Strasbourg « sous une sécurité maximale ». Le dispositif mis en place en 2022 est renforcé par l’utilisation de drones et la multiplication par trois des effectifs militaires.
« Pour cette édition 2023, j’ai souhaité reconduire le dispositif de sécurité qui sera, du fait du contexte actuel, encore renforcé. » En conférence de presse vendredi 17 novembre, la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, a présenté les deux nouveautés pour sécuriser le marché de Noël de Strasbourg.
L’événement phare de la vie touristique strasbourgeoise pourra être surveillé par deux drones aériens de la police nationale. À cela s’ajoute une multiplication par trois par rapport à l’année précédente des effectifs des militaires en patrouille de l’opération Sentinelle. Deux mesures justifiées par l’élévation de la posture Vigipirate au niveau « urgence attentat », suite à l’attentat islamiste qui a coûté la vie à un enseignant d’Arras.
Plus de 1 000 agents mobilisés
C’est le propre de la surenchère sécuritaire : les mesures de sécurité ne peuvent souffrir d’aucun recul. Pour le reste, le dispositif du Marché de Noël est similaire à celui des éditions 2021 et 2022 : pas de contrôle systématique des personnes entrant dans la Grande-Île mais des contrôles aléatoires dans tout le centre-ville et à ses accès. Au total, « plus de 1 000 agents de l’État sont mobilisés pour assurer la sécurisation du marché » annonce la préfecture. Le même chiffre avait été avancé l’année précédente.
La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, a aussi annoncé un changement important dans l’inauguration du Marché de Noël. Pour éviter une foule trop importante sur la place Kléber, elle a décrit une nouvelle forme de cérémonie introductive :
« Le vendredi 24 novembre, l’ensemble des places de la Grande-Île seront animées par des chorales à partir de 14 heures. Au niveau du sapin place Kléber, différentes animations lumineuses seront déployées toutes les heures jusqu’à 21 heures. »
Moins d’une minute pour intervenir
Dans la même perspective de gestion des foules, le Marché de Noël 2023 sera à nouveau déployé sur différentes places du centre-ville. Une disposition qui permet notamment d’obtenir des allées plus larges entre les chalets, pour une intervention plus efficace des forces de l’ordre et de secours en cas de problème.
Les équipes mobiles de police quadrilleront l’hypercentre pour « un temps d’intervention théorique de moins d’une minute en cas d’incident », estime Dominique Rodriguez, directeur adjoint en charge de la sécurité à la Direction départementale de la sécurité publique. Il ajoute que des policiers seront chargés de lutter spécifiquement contre les vols à la tire. Enfin, pour chaque intervention des secours, deux équipes des pompiers de deux casernes différentes s’élanceront simultanément pour garantir une intervention la plus rapide possible.
Autre nouveauté annoncée par la maire de Strasbourg : l’ouverture des stations de tram Broglie, Alt Winmärik et Langstross Grand’Rue en dehors des horaires d’ouverture du Marché de Noël. Une mesure qui doit permettre de réduire la gêne occasionné par l’événement touristique pour les habitants de la Grande-Île ou celles et ceux qui y travaillent.
Commémorations de l’attentat du 11 décembre
La 453e édition du marché de Noël de Strasbourg sera marquée par les commémorations de l’attentat du 11 décembre 2018. Une cérémonie officielle d’hommage aux huit victimes de l’attaque islamiste aura lieu le 11 décembre place de la République. S’ensuivra un hommage fait de concerts au Palais de la Musique et des Congrès à partir de 18h. La programmation complète de l’événement sera annoncée prochainement par la Ville de Strasbourg.
Après les drones de Noël, les drones de Halloween.Photo : Ajairapara / Creative Commons
Un arrêté préfectoral autorise la police à utiliser deux drones pour surveiller le Marché de Noël de Strasbourg du 24 novembre au 24 décembre.
À ne pas confondre avec le Père Noël sur son traineau. Du 24 novembre au 24 décembre, pendant les horaires d’ouverture du célèbre Marché de Noël strasbourgeois, deux drones pourront filmer la Grande-Île et toutes ses voies et ponts d’accès. La préfecture du Bas-Rhin accède ainsi à une demande de la police nationale. La Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) souhaitait « capter, enregistrer et transmettre des images au moyen de deux caméras installées sur deux drones aux fins d’assurer la protection du marché de Noël 2023 ».
« Une menace terroriste à un niveau élevé »
Pour justifier le recours à ces deux drones, la préfecture a produit un arrêté préfectoral très proche de celui signé en amont de la soirée d’Halloween 2023. Pour rappel, les quartiers de Hautepierre et Cronenbourg avaient fait l’objet d’une surveillance par deux drones et un hélicoptère le vendredi 31 octobre. Outre les considérations sur l’attaque terroriste du 11 décembre 2018 et « la menace terroriste qui reste toujours à un niveau élevé », le centre-ville de Strasbourg est décrit dans les mêmes termes que ceux employés pour Hautepierre et Cronenbourg en octobre dernier :
« Compte tenu de ce risque, de l’ampleur de la zone à sécuriser, de la configuration particulière des lieux avec de nombreuses rues qui permettent aux individus violents de se déplacer de manière très mobile et dispersée, de l’intérêt de disposer d’une vision en grand angle pour permettre le maintien et le rétablissement de l’ordre public tout en limitant l’engagement des forces au sol pour préserver leur intégrité physique, le recours aux dispositifs de captation installés sur des aéronefs est nécessaire et adapté ; il n’existe pas de dispositif moins intrusif permettant de parvenir aux mêmes fins. »
Le dispositif complet de sécurisation du Marché de Noël a été présenté lors d’une conférence de presse de la préfecture du Bas-Rhin le vendredi 17 novembre. Dominique Rodriguez, directeur départemental adjoint de la sécurité publique du Bas-Rhin, a présenté les trois utilisations qui seront faites des drones :
« Le drone nous permet de vérifier l’étanchéité des dispositifs de sécurité mis en place aux entrées de la Grande Île. Il doit aussi nous permettre de visualiser les mouvements de foule avec un point de vue aérien. Il sera enfin utile pour permettre aux effectifs au sol de mieux suivre des individus qui seraient pris en flagrant délit de vol à la tire. »
Vue d’ensemble modélisée du projet de Hanau Énergies, avec la commune d’Ingwiller en arrière plan.Photo : Document issu de l’enquête publique.
Un agriculteur projette l’installation d’un vaste dispositif de production d’énergie sur ses terres, entre Weinbourg et Ingwiller. Des opposants locaux y voient une atteinte inacceptable à l’environnement et à la préservation des terres agricoles.
Le regard figé, Sophie contemple le paysage des alentours de Weinbourg, où elle a emménagé il y a 15 ans pour se rapprocher des grands espaces. « Bientôt, ces près risquent d’être recouverts de panneaux solaires, c’est inimaginable », souffle t-elle. La petite commune de près de 500 habitants se trouve au nord-ouest de Haguenau, en bordure du parc naturel régional des Vosges du Nord. Ici, l’agriculteur Jean-Luc Westphal compte investir 20 millions d’euros pour installer 43 800 modules photovoltaïques de 2,80 mètres carrés sur une surface de 27 hectares, ce qui représente environ 37 terrains de football.
Un avis défavorable de la Direction de l’environnement
La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement, et du logement (Dreal), a émis un avis défavorable au projet, considérant qu’en l’état, il « ne permet pas une absence d’atteinte au caractère et à l’intérêt des paysages naturels ». Mais la préfecture et la chambre d’agriculture ont tout de même donné leur aval : une enquête publique est en cours depuis le 16 octobre et jusqu’au 22 novembre. Les deux administrations n’ont pas donné suite aux sollicitations de Rue89 Strasbourg.
Concrètement, ces panneaux seraient montés sur des pieds espacés de six mètres, qui donneraient une hauteur potentielle de 3,45 mètres de haut et permettraient des mouvements de la structure en fonction de la position du soleil. Une clôture métallique de 2 mètres serait érigée autour du site.
Modélisation des panneaux solaires mobiles portés par des pieds espacés d’environ 6 mètres.Photo : Document issu de l’enquête publique.
« Ces chemins sont très utilisés. Il y a des gens qui promènent leur chien, font du vélo, viennent avec leur poussette », raconte Sophie, mère de quatre enfants, en plein milieu du site concerné par le projet : « Ils viennent jouer par ici. J’ai du mal à les visualiser entre des grillages et toute une centrale de production d’énergie. »
Pour l’instant, les terres sur lesquelles doit s’implanter le parc solaire sont encore dédiées uniquement à l’agriculture.Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Une pétition contre le projet
Créé début novembre, le collectif Non au parc solaire entre Weinbourg et Ingwiller regroupe une vingtaine de membres actifs. Ces derniers ont initié une pétition qui avait déjà réuni plus de 470 signatures le 17 novembre. Après avoir découvert par hasard l’enquête publique, Hector en a parlé à des voisins :
« La commune et le porteur du projet ont fait le strict minimum : un encadré dans les DNA, un affichage en mairie et des panneaux dans les champs autour du futur site. Mais personne ne regarde ça. Ils n’en ont pas parlé dans la gazette de la commune et quasiment rien publié sur les réseaux sociaux. Quand j’en discute autour de moi, beaucoup de personnes sont en colère car elles ont l’impression que les choses se font dans leur dos, alors que le projet changera complètement les abords du village. »
Jean-Luc Westphal n’est pas un agriculteur classique. À la tête de 28 sociétés, il revendique la construction de 200 centrales photovoltaïques en France avec son entreprise Hanau Énergies. « On a aussi installé des parcs solaires en Iran et on projette d’en construire en Californie », ajoute-t-il. Tout a commencé à Weinbourg en 2008, où il affirme avoir aménagé la plus grande installation au monde de panneaux solaires sur une toiture : 36 000 mètres carrés sur cinq hangars agricoles. En s’approchant de sa commune d’origine, impossible de rater l’impressionnant dispositif.
Les panneaux solaires existants à Weinbourg sont déjà très visibles aux alentours.Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Les élus locaux favorables au parc solaire
L’homme d’affaires, qui se définit comme un « énergiculteur », compte faire de Weinbourg une vitrine de l’activité de Hanau Énergies. En additionnant le dispositif existant et le projet, l’équivalent de 50 terrains de football seraient recouverts de panneaux solaires autour du village.
Jean-Luc Westphal a une forte capacité d’investissement.Photo : Document remis
L’idée est soutenue par les maires des environs. L’État a fixé des objectifs de production d’énergie renouvelable. Pour le pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) Pays de Saverne, Plaine et Plateau, cette production doit passer de 693 gigawattheure par an (GWh/an) en 2018 à 1 250 GWh/an en 2050. Une motion de soutien des élus locaux indique que le projet de Hanau Énergies contribuerait à 15% de l’objectif, sans dépense d’argent public.
Comme le projet a été découvert tard par quelques habitants de la commune, ils doivent agir vite pour s’y opposer. « Quand les bulldozers seront là, tout le monde nous dira que c’est trop tard », s’alarme Jean-Jacques, membre du collectif Non au parc solaire. En fin d’après-midi le 8 novembre, sept personnes se répartissent des tracts exposant le projet pour les distribuer dans les boites aux lettres des habitants de Weinbourg. Leur première revendication est très consensuelle : ils proposent au maire de la commune et à Jean-Luc Westphal l’organisation d’une réunion d’information des riverains sur le parc solaire, ainsi que le report ou la prolongation de l’enquête publique. « On a aussi envoyé un courrier à la préfecture pour demander la même chose », précise Hector.
Jean-Jacques et Jeannine souhaitent informer leurs voisins sur le projet de parc solaire.Photo : TV / Rue89 Strasbourg
L’accaparement des terres agricoles
Vendredi 10 novembre, les habitants de Weinbourg ont découvert un autre document dans leurs boites aux lettres, cette fois-ci déposé par Hanau Énergies, contraint de répondre en présentant le projet à toute la commune. L’entreprise a organisé une réunion publique le 15 novembre. « Ça s’est passé dans les locaux de Hanau Énergies, avec une présentation entièrement organisée par les porteurs du projet en cinq jours. Les conditions n’étaient pas réunies pour un débat démocratique », relate Hector, qui était présent avec quelques opposants disponibles.
« Ce qui me dérange le plus, c’est l’accaparement des terres agricoles pour produire de l’énergie », dénonce Hector. Après plusieurs années à tenter de trouver un champ pour lancer une exploitation de maraichage, il devrait se lancer grâce à une surface de deux hectares appartenant à son grand-père dans un village voisin. Il sait combien obtenir des terres à cultiver est difficile :
« Il n’y a pas un seul panneau solaire sur les toits des usines ou des supermarchés dans les villages alentours et on utiliserait des surfaces végétales pour ça ? C’est absurde. Il faut privilégier les zones déjà artificialisées pour ces installations. »
Hector compte devenir maraicher.Photo : TV / Rue89 Strasbourg
La Confédération paysanne a pris position contre le concept de l’agrivoltaïsme en dénonçant une artificialisation de terres nourricières. Le syndicat, minoritaire parmi les agriculteurs, estime que ce phénomène risque d’amplifier la pression foncière, qui met déjà en danger les petites exploitations.
L’installation de tels dispositifs de production d’énergie est réglementée et soumise à une autorisation de la chambre d’agriculture et de la préfecture. La loi du 10 mars 2023 pour l’accélération des énergies renouvelables simplifie ces démarches administratives pour les exploitants qui veulent produire de l’énergie.
Une exploitation tournée vers la production d’énergie
L’investissement devient rentable après quelques années, étant donné un prix d’achat bonifié de l’électricité solaire. Des entreprises comme Unite proposent même à des agriculteurs d’installer et d’exploiter des panneaux photovoltaïques sur leurs terres en échange d’un loyer. De son côté, Hanau Énergies a fait un résultat net de 2,7 millions d’euros en 2021 en conseillant, installant et exploitant des centrales agrivoltaïques.
Par contre, la réglementation stipule que les terres doivent conserver un usage agricole. Les panneaux solaires peuvent s’ajouter sur les bâtiments ou au-dessus des cultures mais les exploitants doivent présenter un projet dans lequel les activités agricoles et énergétiques cohabitent sur la même surface. Afin d’avoir l’autorisation de construire sa première centrale photovoltaïque sur les hangars, Jean-Luc Westphal avait mis en avant l’utilité de la structure surmontée de panneaux solaires pour faire sécher de la paille ou du foin, ensuite transformés en granulés pour le chauffage. Mais ce processus présenté au départ n’existe plus depuis 2012.
« Un incendie a brûlé l’unité de granulation, ce qui a provoqué la fin de cette activité », se remémore Jean-Luc Westphal :
« Les hangars servent maintenant à stocker du bois et du matériel, et les agriculteurs du village peuvent aussi y mettre des véhicules agricoles en hiver. »
Les hangars servent à stocker du bois et du matériel agricole.Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Un projet alibi ?
Avec Daniel, son frère, il gère encore une exploitation de 180 hectares à Weinbourg. « On cultive du maïs, du blé et du tournesol », résume Jean-Luc Westphal. Mais une partie de l’exploitation ne sert plus qu’à la production d’énergie. Des panneaux solaires sont installés sur deux poulaillers abandonnés depuis 2015. Pour les 27 hectares du parc solaire, Jean-Luc Westphal assure qu’il s’agit « avant tout » d’un projet agricole :
« La chambre d’agriculture a refusé notre dossier deux fois. En 2016, on voulait mettre des plantes mellifères sur le prés avec les panneaux solaires, pour faire du miel en collaboration avec un apiculteur. Et en 2019 on a essayé avec de la luzerne destinée à l’alimentation des chevaux. Pour la chambre, il fallait des animaux : on a proposé qu’un jeune installe une production d’agneaux sous les panneaux solaires, avec 150 brebis. Elle a accepté ce projet. »
Un ancien poulailler des frères Westphal sur lequel sont installés des panneaux solaires.Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Les opposants craignent que cet élevage ne soit qu’un « projet alibi », pour justifier l’installation des panneaux solaires. « Qu’est ce qui nous certifie qu’il y aura encore les brebis après trois ans ? », interroge Jean-Jacques. « On craint aussi que le parc solaire soit une première étape et qu’il ajoute encore d’autres surfaces à l’avenir », abonde Hector. « On a un contrat de location sur 20 ans avec le jeune éleveur », rétorque Jean-Luc Westphal, qui estime que son « système est vertueux sur tous les points » :
« Les panneaux permettront aussi d’ombrager la prairie pour éviter son dessèchement et ils s’inclineront en suivant le soleil grâce à des capteurs. Je suis pour la préservation des terres agricoles et l’installation des jeunes, c’est ce en quoi consiste le projet. »
Le jeune éleveur n’a pas accepté d’être interviewé par Rue89 Strasbourg. Malgré son avis positif, la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers « s’interroge sur la présence effective d’ovins à moyen et long termes ». Pour le parc solaire, pas de doute en revanche. La durée minimale d’exploitation prévue est de 35 ans.
Depuis 2022, 900 bacs de collecte de biodéchets sont apparus dans les rues de l’Eurométropole de Strasbourg. Ils sont transformés en biogaz dans une usine de méthanisation à Oberschaeffolsheim pour être injecté dans le réseau strasbourgeois.
Au milieu des champs du Kochersberg, l’usine Lingenheld à Oberschaeffolsheim dresse ses tours d’acier aux côtés d’un tas de fumier fumant. Depuis 2022, c’est là que finissent les épluchures, reliefs d’assiettes et autres biodéchets récoltés dans les 900 bacs disposés dans l’Eurométropole de Strasbourg (EMS). Ils y sont transformés en biogaz, un mélange de méthane et de dioxyde de carbone qui peut servir de combustible, en digestat (en remplacement d’engrais de synthèse pour les agriculteurs) et en compost.
900 bacs de collecte installés
Au total, l’EMS a prévu 10,3 millions d’euros d’investissements pour ces bacs de collecte et 3,7 millions pour leur fonctionnement, dans le cadre du Programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés voté le 25 juin 2021. Une dépense financée à 55% par l’Agence de la transition écologique (Ademe) et qui devrait permettre à 250 000 personnes, d’ici 2025, de les utiliser. Pour le moment, 35 communes ou quartiers en sont dotés (voir la carte interactive).
Face aux journalistes, dans une salle surplombant les camions du groupe Lingenheld, Fabienne Baas, vice-présidente de l’EMS en charge notamment de la réduction, gestion et valorisation des déchets, se félicite de la réduction des déchets ménagers depuis que les bacs sont mis en place :
« Nous avons prévu de réduire les déchets dans les poubelles bleues de 50% d’ici 2030. En 2010, un Strasbourgeois produisait 277 kilogrammes (kg) de déchets par an. En 2023, c’est 222 kilos par an. C’est très encourageant ! Le but est qu’en 2030, ce soit 150 kg par an. »
Fabienne Baas, vice-présidente de l’Eurométropole en charge de la réduction, gestion et valorisation des déchets
En moyenne, les habitants de l’EMS qui ont accès aux bacs de collecte jettent l’équivalent de 15 kilogrammes de biodéchets par an, selon les chiffres de Fabienne Baas, « jusqu’à 18 kg dans certains quartiers », précise-t-elle.
900 bacs de récolte de biodéchets ont été installés dans l’Eurométropole de Strasbourg depuis 2022. Photo : Camille Balzinger / Rue89 Strasbourg
Ces bacs permettent, selon Claude Nicloux, ingénieur en économie circulaire et en déchets pour l’Ademe sur le site de Strasbourg, de réduire automatiquement les déchets ménagers :
« Dans les poubelles bleues, on trouve jusqu’à un tiers de déchets alimentaires qui sont incinérés comme le reste. Sur 30 kilogrammes par an en moyenne par personne, sept sont composés d’aliments qui ne sont même pas déballés. »
Claude Nicloux, ingénieur en économie circulaire et en déchets pour l’Ademe
La loi anti gaspillage de 2020 prévoit qu’au 1er janvier 2024, les communes seront toutes obligées de « trier à la source les biodéchets en vue de leur revalorisation ».
Revalorisation locale
L’entreprise Suez s’occupe de récolter les déchets dans les bacs, deux à trois fois par semaine en fonction de la météo – ils sont plus fréquents en été. « Nos camions les nettoient à l’eau claire pour éviter les odeurs », précise Nicolas Portron, directeur délégué aux collectivités chez Suez.
Ils sont ensuite vérifiés au Port du Rhin, dans le déconditionneur Valorest (de l’entreprise Suez environnement) afin de rectifier les erreurs de tri – éponges, couverts ou sacs plastique, par exemple. « On a un taux d’erreur de 3% sur l’ensemble de l’EMS, ce qui est très peu », se félicite Fabienne Baas.
Les biodéchets triés sont ensuite envoyés au centre de méthanisation d’Oberschaeffolsheim, nommé Méthamusau. « En 2022, nous avons revalorisé 500 000 tonnes de déchets », explique Georges Lingenheld, président-directeur général de l’entreprise du même nom. L’usine s’étend sur 30 hectares et permet de revaloriser 95% des déchets qui y sont envoyés, précise le P-DG.
Les déchets sont transformés par l’unité Methamusau, exploités par le groupe Methavos, filiale du groupe Lingenheld. Le projet initié en 2015 a été approuvé en 2018 et opérationnel depuis mai 2020.Photo : Camille Balzinger / Rue89 Strasbourg
Le directeur du site, Benoît Wernette, explique qu’ils sont amenés à méthaniser non seulement les déchets de l’EMS mais aussi ceux d’agriculteurs partenaires, comme de la paille, du fumier, de la canne de maïs ou des biodéchets issus de l’industrie.
Des filtres pour éviter les odeurs
Chaque jour, l’usine traite 40 tonnes de matière sèche, c’est à dire ce qu’il reste une fois que l’eau a été retirée. Après avoir pesé les déchets, ils sont mis dans le digesteur qui les agite à 55 degrés celsius. C’est là que le méthane s’échappe et qu’une partie des résidus se transforment en digestat, liquide ou solide.
Parmi les déchets traités par l’usine, le fumier.Photo : Camille Balzinger / Rue89 Strasbourg Georges Lingenheld, P-DG du groupe du même nom.Photo : Camille Balzinger / Rue89 Strasbourg
Le biogaz est ensuite épuré. « On élimine les particules d’eau en condensant le gaz, puis il passe par du charbon actif et enfin une membrane le sépare du CO2« , résume Benoît Wernette. Seuls trois personnes travaillent sur le site, l’ensemble du processus est automatisé.
Pour éviter les odeurs de compost dans les environs, deux grandes tours filtrent les émissions de l’usine. Une étape nécessaire selon Georges Lingenheld car « les gens ont peur que ce genre d’usine sente mauvais ».
Une fois le méthane séparé, il est vérifié par R-GDS qui se chargera de sa distribution. « Il faut que le biogaz ait les mêmes propriétés que le gaz naturel, pour que cela ne présente pas de risque pour le consommateur », précise Roger Bock, directeur adjoint du développement commercial du distributeur. Son entreprise est aussi chargée de rajouter une odeur au biogaz, qui est inodore.
Deux colonnes filtrent l’air sortant de l’usine afin d’éviter les odeurs de compost.Photo : Camille Balzinger / Rue89 Strasbourg Le digesteur, au coeur du processus de méthanisation.Photo : Camille Balzinger / Rue89 Strasbourg Le biogaz est mis sous pression en toute fin de parcours.Photo : Camille Balzinger / Rue89 Strasbourg
Une production encore insuffisante
L’usine d’Oberschaeffolsheim doit produire l’équivalent de 20 gigawattheure (GWh) par an, grâce à 20 000 tonnes de déchets traités. Ce qui représenterait les deux tiers du biogaz produit dans les alentours de Strasbourg, précise Marc Hoffsess, vice-président de l’Eurométropole, en charge de l’énergie :
« Entre l’usine d’Oberschaeffolsheim et la station d’épuration Nord, nous sommes capables de produire localement 30 GWh par an de biogaz. D’ici 2050, nous aimerions être en mesure d’en produire 180, soit six fois plus. »
Marc Hoffsess, adjoint municipal en charge de la transformation écologique du territoire
Un objectif ambitieux mais bien loin de couvrir les 3 400 GWh consommés annuellement par l’EMS, essentiellement en chauffage, selon des chiffres fournis par Marc Hoffsess. Mais pas de problème puisque Méthamuseau prévoit de construire un nouveau digesteur en février 2024.
Gérard Baumgart en 2019.Photo : Robin Dussenne / Rue89 Strasbourg
Gérard Baumgart, naturaliste strasbourgeois, militant engagé en soutien aux migrants, est décédé mardi 14 novembre à l’âge de 79 ans.
Gérard Baumgart est entré sur Rue89 Strasbourg en novembre 2018, à l’occasion d’une alerte sur un camp de migrants, près des Ducs d’Alsace à Cronenbourg. Cet ancien professeur de religion ne supportait pas de voir qu’en France, des familles avec de jeunes enfants, puissent encore dormir sous des tentes, et vivre dans des conditions indignes. Courriers, mails, appels téléphoniques… Il utilisait tous les moyens à sa disposition et son exceptionnel réseau pour alerter sur ces situations, et se rendait souvent sur place pour rencontrer les réfugiés et les aider du mieux qu’il pouvait, alors qu’il était déjà malade. Il s’est éteint chez lui à la Meinau au soir du mardi 14 novembre à l’âge de 79 ans.
Au camp des Ducs d’Alsace, de la Bergerie ou des Canonniers, son engagement était indéfectible. C’est sa perpétuelle démonstration d’humanité qui a inspiré le podcast « Strasbourgeois engagés », qu’il a inauguré.
Un naturaliste chevronné
Gérard Baumgart était aussi un naturaliste chevronné. Christophe Brua, président de la Société alsacienne d’entomologie, se souvient :
« Adolescent, je lisais avec intérêt dans l’édition du lundi des DNA, la page nature dont il était très souvent l’auteur du texte, agrémenté de ses photos : salamandres, grenouilles, chauves-souris, champignons et Grand hamster y étaient à l’honneur. »
Gérard Baumgart avait été lauréat de la Fondation Alsace en 1991 pour l’étude et la protection de la faune menacée en Alsace. Il avait notamment fait partie d’un comité d’experts auprès du Conseil de l’Europe pour la préservation du Grand hamster.
Des obsèques mardi 21 novembre
Christophe Brua salue un « travailleur acharné et méticuleux » :
« Dans le cadre de son œuvre sur les chiroptères, il a inspecté la quasi totalité des églises d’Alsace et souvent il y en a deux par village. Pour le Grand hamster, il a épluché les archives des communes où l’espèce était jadis présente pour en extraire le nombre de primes versées annuellement contre chaque preuve d’individu tué de cette espèce alors qualifiée de nuisible. »
La rédaction présente à Geneviève Baumgart et à toute sa famille ses plus sincères condoléances.
Selon la Ville de Strasbourg, 11 000 femmes manquent d’accès à des protections périodiques, faute de moyens. Une précarité qui touche à l’intime. Un tabou aussi, que la municipalité écologiste souhaite briser en développant des collectes et des distributions publiques.
« Il y a quelque chose de presque pathétique dans le fait de ne même pas avoir d’argent pour s’acheter des protections périodiques. » Myriam (le prénom a été modifié) fait partie de ces femmes atteintes de précarité menstruelle. À 33 ans, cette travailleuse indépendante dans la communication reconnaît avoir parfois des difficultés à s’acheter des protections périodiques :
« Depuis quinze ans que je vis seule, ça m’est arrivé une à deux fois par an. Particulièrement quand j’étais au chômage ou au RSA. Je me suis déjà retrouvée à la moitié du mois avec 20 balles pour boucler mon budget. Clairement, je réfléchis à deux fois avant d’acheter un paquet de tampons à cinq euros en sachant qu’il ne me fera même pas forcément la semaine. »
Myriam, travailleuse indépendante
Un achat « punitif »
Lorsqu’elle se retrouve en difficulté, Myriam demande parfois à des amies proches de la dépanner. Encore faut-il qu’elles n’utilisent pas de culottes de règles ou des coupes menstruelles, comme c’est de plus en plus souvent le cas. Sinon, Myriam utilise du papier toilette pour absorber le flux, faute de mieux : « C’est extrêmement désagréable et je peux quand même me tacher…«
Même si elle s’estime bien entourée, Myriam reconnaît avoir du mal à évoquer le sujet :
« J’ai la trentaine. Avoir une situation financière catastrophique, ça peut déjà être quelque chose de honteux en soi. Ça s’assume moins bien qu’à 18 ans, je trouve. Alors quand, en plus, ça ne permet pas de s’acheter un produit d’hygiène de base… Il y a quelque chose de rageant. »
Pour la jeune femme, l’achat de protections périodiques a quelque chose de « punitif » : « On ne parle pas de 10 balles pour aller se faire un ciné entre potes. Ce n’est pas un achat plaisir. C’est une nécessité liée au fait d’être une femme.«
Quatre millions de personnes concernées
Le cas de Myriam est loin d’être isolé. Selon une enquête de l’entreprise de sondages Opinion way, commandée par l’association Règles élémentaires, près de quatre millions de personnes ayant leurs règles – femmes cisgenres, hommes transgenres et personnes non binaires (voir lexique ci-dessous) – sont concernées par la précarité menstruelle en France en 2023. « On estime que cela toucherait une femme sur trois« , détaille Laury Gaube, directrice de la communication au sein de l’association.
Le nombre de personnes concernées par la précarité menstruelle est en augmentation : « En 2021, on était à deux millions« , poursuit Laury Gaube, qui explique cette évolution de plusieurs manières. D’une part, « l’inflation, qui fait que les protections périodiques coûtent de plus en plus cher« . D’autre part, des critères plus fins pour évaluer la précarité menstruelle :
« On définit aujourd’hui la précarité menstruelle comme un manque d’accès aux protections périodiques au sens large. Cela concerne toutes les personnes qui ont des difficultés financières à disposer de suffisamment de protection et cela peut inclure, par exemple, des personnes qui vont garder plus longtemps leurs tampons ou leurs serviettes pour en acheter moins. »
Laury Gaube, directrice de la communication de Règles élémentaires
« L’ensemble de la population est concernée, poursuit Laury Gaube :
« Et particulièrement les jeunes : 44% des personnes touchées par la précarité menstruelle ont entre 18 et 24 ans. On a peur que la situation s’aggrave. Le coût de la vie augmente. Les protections ne vont plus être une priorité pour les personnes qui ont des difficultés pour s’acheter à manger. On sait par exemple que les mères isolées sont très touchées par ces questions, car à leur budget menstruel s’ajoute celui de leurs filles. Dans notre étude de 2023, on s’est rendu compte qu’1,2 million de personnes avaient peur et qu’elles pensaient pouvoir se retrouver dans une situation de précarité menstruelle à l’avenir. »
Point de collecte de protections périodiques dans une médiathèque. Anne Mellier/ Rue89 Strasbourg.
Ce mois de novembre, la Ville et l’Eurométropole ont donc annoncé la mise en place de 18 distributeurs de protections périodiques « saines et biodégradables » dans 15 lieux publics, ainsi qu’une collecte en partenariat avec l’association Règles élémentaires en vue d’une redistribution à des associations. Parmi les lieux concernés : des centres d’hébergement d’urgence, des centres médico-sociaux et les douches publiques de La Bulle.
"La Bulle est ouverte à toutes et à tous, mais nous accueillons surtout des personnes en situation de précarité", détaille Marion Secco, responsable des structures d'hébergement d'urgence à la Ville. Ce public qui fréquente les douches publiques de la Bulle, ce sont des personnes sans domicile fixe, ou hébergées dans des chambres de bonne avec les toilettes sur le palier ou ayant simplement du mal à payer leurs factures. "Notre public est composé d'hommes à 90%, explique Marion Secco, mais nous sommes sensibles à la question de la précarité menstruelle et avons toujours eu des protections à destination des personnes dans le besoin."
Un risque d'infection
"Nous avons cependant changé notre façon de les mettre à disposition, poursuit la responsable. Au début, il fallait en faire la demande aux agents de l'accueil, qui sont tous des hommes. Ce n'est pas forcément facile. Il y a des personnes pour qui c'est tabou." La structure a donc finalement choisi de mettre des protections en libre-service, dans les toilettes :
"Cela s'inscrivait pour nous dans une réflexion sur notre façon de rendre le lieu plus accueillant pour les femmes, dont on ne comprend pas encore pourquoi elles sont si peu nombreuses à venir. On constate que cette distribution en libre service est utile. Parfois, les protections vont rester un moment. Parfois, une femme va en prendre beaucoup d'un coup parce qu'elle en a besoin."
À La Loupiote, structure similaire à La Bulle, mais destinée aux familles, ce sont les infirmières qui ont alerté les équipes sur le sujet de la précarité menstruelle. "Elles ont parfois constaté des problèmes d'infection (mycoses, syndrome du choc toxique, NDLR) liée à l'absence ou à la mauvaise utilisation de protections périodiques, détaille Pierre Imhof, adjoint au chef de service de la structure :
"Les personnes que nous accueillons sont pour beaucoup issues de parcours de migration. Avant, elle devait solliciter des travailleurs sociaux pour que nous leur donnions des protections et là encore, ce n'est pas forcément facile. Nos équipes ont insisté sur l'importance pour elles d'avoir à dispositions des protections jetables et propres."
Briser un tabou
L'installation de distributeurs dans les lieux publics vise à faciliter l'accès aux protections. "Cela va concerner des personnes précaires, mais pas seulement. C'est une façon de montrer au public strasbourgeois que la ville se soucie de la question, juge Christelle Wieder, adjointe à la maire de Strasbourg en charge des droits des femmes et de l'égalité de genre. Certaines personnes pourraient dire que c'est anodin : pour nous, ça ne l'est pas du tout. Ce que l'on avait aussi à l'esprit, c'est de contribuer à briser un tabou."
En plus de la collecte de protections et de l'installation de distributeurs, la collectivité a décidé de former des responsables associatifs du domaine de la santé ou des sports, des agents de la ville travaillant dans le médico-social ainsi que des infirmières scolaires à aborder la question avec les publics concernés à partir de 2024. Il s'agit à la fois de présenter les différents produits d'hygiène menstruelle existants et d'informer sur la présence des distributeurs.