Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Piste cyclable avenue de Colmar, aide au Proche-Orient… Les principaux points votés au conseil municipal

Piste cyclable avenue de Colmar, aide au Proche-Orient… Les principaux points votés au conseil municipal

Le conseil municipal du 5 février a été particulièrement court, avec un faible nombre de points à l’ordre du jour et plusieurs débats sans vote. Les élus se sont tout de même prononcés à la quasi-unanimité en faveur d’une piste cyclable en site propre avenue de Colmar et pour 25 000 euros d’aide à des associations au Proche-Orient.

Nouvelle année de mandat, nouvelle série de bilans. Ce lundi 5 février, le premier conseil municipal de l’année 2024 s’ouvre donc par l’examen des rapports en matière de développement durable, d’égalité femmes-hommes et par le débat d’orientation budgétaire.

Après ces temps d’échanges sans vote, les élus strasbourgeois ont examiné un ordre du jour très restreint, avec seulement 32 points, dont l’adoption d’une délibération concernant de futures pistes cyclables en site propre sur l’avenue de Colmar et au Neudorf.

Piste cyclable en site propre sur l’avenue de Colmar

« N’ayons pas peur des mots… C’est le projet majeur du plan vélo au sud de Strasbourg », commence Sophie Dupressoir, conseillère déléguée en charge de la « ville cyclable », pour introduire la délibération n°6. Celle-ci porte sur deux pistes cyclables d’envergures, à la Meinau et au Neudorf. La conseillère déléguée en charge de « la ville cyclable » précise tout de suite qu’il ne s’agit que d’un avis sur le bilan de la concertation préalable au projet, « une première étape réglementaire à un stade très en amont du projet, où il s’agit de présenter les grands principes d’aménagement. »

La conseillère municipale déléguée Sophie Dupressoir, lors d’une conférence de presse.

Au sein du projet, une piste cyclable est particulièrement attendue : l’avenue de Colmar. Réputée accidentogène, la voie, dotée pour l’instant d’une bande cyclable, est l’un des axes de circulation majeurs dans le sud de Strasbourg, jusqu’à la commune limitrophe d’Illkirch-Graffenstaden. Avec sur le chemin plusieurs commerces, boîtes de nuit, un lycée et le stade de la Meinau, la rue est abondamment fréquentée par les cyclistes et les automobilistes. Sur le tronçon entre le carrefour Baggersee et le Stade de la Meinau, une piste cyclable bidirectionnelle en site propre devrait être construite sur le côté Est, sur la chaussée, en supprimant une voie de circulation. Selon les services, près de 6 700 vélos supplémentaires pourraient emprunter ces trajets, pour une estimation de 2 700 voitures en moins.

80% des participants seraient favorables au projet, selon les chiffres du bilan que rapporte Sophie Dupressoir. Les 20% restants seraient opposés au projet par crainte des suppressions de places de stationnement et de celle d’une voie de circulation. Concernant les conséquences de cette dernière mesure limitant la circulation automobile, l’élue se veut rassurante :

« L’impact sera très limité, selon les modèles de circulation, avec deux à trois minutes supplémentaires pour aller du Baggersee au Nouvel hôpital civil, aux heures de pointe. En dehors, il n’y aura pas d’impact. »

Sophie Dupressoir, conseillère municipale déléguée en charge de la « ville cyclable »

Liaison vélo entre l’avenue du Rhin et l’avenue de Colmar 

Toujours dans la même délibération, une meilleure liaison cyclable sera également en chantier au Neudorf, reliant l’avenue du Rhin à l’avenue de Colmar, s’étendant sur les rues de Landsberg, Rathsamhausen, Dacheux et Lazaret. 

Pour la piste cyclable de l’avenue de Colmar, le coût serait de 5,7 millions d’euros pour l’Eurométropole, et 520 000€ pour Strasbourg. Pour le second axe traversant le Neudorf, jusqu’à l’avenue du Rhin, cela pourrait coûter une somme de 2,8 millions d’euros pour l’EMS et 450 000€ pour la Ville.

Après ce premier débat à la Ville, la délibération sera examinée au conseil de l’Eurométropole.

Un avis favorable a été adopté à la quasi-unanimité, avec une « abstention bienveillante » des Républicains et un « vote positif avec réserve » pour les socialistes. Bien qu’ils soient plutôt en accord avec la nécessité d’une piste cyclable plus sûre sur l’avenue de Colmar, les trois groupes d’opposition considèrent que l’exécutif a transmis des documents « incomplets, ou volontairement flous », selon la conseillère Anne-Pernelle Richardot. L’élue socialiste évoque notamment un document d’étude des services, qui n’a pas été présenté initialement, évaluant à 236 le nombre de places supprimées.

L’avant-projet sera présenté au public « à la mi 2024 », pour un démarrage des travaux au printemps 2025.

Aides au Proche-Orient

Suite à l’adoption de deux motions de soutien aux victimes des attaques terroristes du 7 octobre et à celle de l’opération militaire en cours de l’armée israélienne, une délibération accorde des fonds pour différentes structures d’aide humanitaire.

10 000€ sont versés au Comité international de la Croix rouge, 7 500€ au fonds de solidarité pour les victimes de Gaza d’Unis Cité France, et 7 500€ pour le Fonds social juif unifié.

La délibération a été adoptée par tous les groupes, à l’exception des communistes ; ces derniers estiment que dans sa formulation, la délibération « laisse penser que Strasbourg met sur le même plan l’État d’Israël, puissance coloniale, avec la Palestine », précise Yasmina Chadli.

La mère d’Enzo, noyé dans l’Ill, dénonce des zones d’ombre après le classement de sa plainte

La mère d’Enzo, noyé dans l’Ill, dénonce des zones d’ombre après le classement de sa plainte

Enzo est décédé dans l’Ill en avril 2023, lors d’une course poursuite avec trois policiers. Le parquet de Strasbourg a classé sans suite la plainte de ses parents pour « omission de porter secours ». La mère du jeune homme dénonce des zones d’ombre dans le dossier.
« Moi, ça m’a fait du mal car c’est comme si, vu qu’on est des gitans, les policiers avaient tous les droits. » Natacha, la mère d’Enzo, a appris fin janvier que sa plainte contre X était classée sans suite par le parquet de Strasbourg. Cette procédure visait sans les nommer les policiers qui poursuivaient son fils, en avril 2023, le soir de sa noyade dans le quartier de la Cité de l’Ill, à Strasbourg.

« Je ne vais pas lâcher »

Tout commence le 2 avril 2023. Vers 23h30, trois policiers de la brigade anti-criminalité repèrent une voiture volée et décident de la poursuivre pour interpeller ses occupants. La course se termine sur le parking du stade de la Thur dans le quartier de la cité de l’Ill, au bout de la rue de la Doller, où le conducteur perd le contrôle du véhicule.

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Deux manifestations d’agriculteurs devant le Parlement européen mardi 6 février

Deux manifestations d’agriculteurs devant le Parlement européen mardi 6 février

Dans la continuité des blocages initiés mi-janvier, la Coordination rurale appelait à manifester devant le Parlement européen mardi 6 février. À quelques mètres, la Confédération paysanne et des organisations écologistes se rassemblaient pour dénoncer un projet de dérégulation des OGM.

Deux mobilisations d’agriculteurs ont lieu à quelques mètres l’une de l’autre devant le Parlement européen mardi 6 février. D’un côté, la Coordination rurale. De l’autre, la Confédération paysanne accompagnée d’organisations écologistes. Tous souhaitent interpeller les députés qui siègent en session plénière du 5 au 8 février à Strasbourg.

La Coordination rurale pour une uniformisation des normes

La Coordination rurale rassemble, sur la journée, 200 agriculteurs venus d’Alsace, de Moselle, des Vosges et des Allemands devant l’entrée du Parlement européen. « C’est juste une mobilisation fixe, sans procession, mais certains rejoignent la manifestation en tracteur », précise Mathilde Roussi, animatrice du syndicat pour la Région Grand Est. Paul Fritsch, président de la Coordination Rurale du Bas-Rhin, entend se concentrer sur « le volet européen » des revendications de son syndicat :

« Nous ne sommes pas contre les normes environnementales, au contraire. Mais on ne peut pas nous imposer des contraintes tout en acceptant des produits d’importation qui ne respectent pas ces normes. C’est une concurrence déloyale. Donc ce qu’on demande à l’Europe, c’est d’uniformiser les choses et d’interdire les produits qui ne respectent pas nos standards. C’est aussi une question de santé publique. Regardez tous les cancers qu’il y a aujourd’hui. Ils ne viennent pas de nulle part. »

La Coordination rurale a envoyé une invitation « à chaque eurodéputé » pour exposer ses doléances. Pour l’instant, seuls des rendez-vous avec les élus du Rassemblement national Virginie Joron et Gilles Lebreton sont prévus. « Après on va nous dire que nous sommes d’extrême droite », regrette Paul Fritsch : « Moi je suis plutôt du côté des verts en réalité. J’aimerais aussi discuter avec Anne Sander (eurodéputée LR), c’est une Alsacienne qui se dit à l’écoute des agriculteurs alors ça serait la moindre des choses. »

La Confédération paysanne contre l’autorisation d’OGM

À partir de 12h, la Confédération paysanne manifeste sur le parvis du Parlement européen avec 12 autres organisations dont les Amis de la Terre et Générations Futures. Le même jour, les députés doivent débattre d’une proposition de déréglementation des OGM initiée par la Commission européenne. Cette dernière souhaite supprimer la traçabilité et l’étiquetage des OGM issus des nouvelles techniques génomiques. Ces OGM seraient ainsi considérés comme des variétés conventionnelles.

La Confédération paysanne avait déjà organisé un rassemblement à Sélestat mardi 30 janvier, pour défendre sa vision de l’agriculture.Photo : TV / Rue89 Strasbourg

« L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) s’est prononcée contre cette déréglementation », souligne Pierre-Luc Laemmel, porte parole de la Confédération paysanne en Alsace. Dans un communiqué, le syndicat agricole estime que « la Commission européenne renie le principe de précaution et le droit de cultiver et de consommer sans OGM » :

« Cette suppression annonce la contamination et donc la disparition de l’agriculture biologique et sans OGM, ainsi que la confiscation de toutes les semences paysannes et traditionnelles par les brevets d’une poignée de société multinationale qui seront seules à décider de ce que nous aurons le droit de cultiver et de manger. »

La Confédération paysanne invite les eurodéputés à expliquer publiquement leur position et leur vote à partir de 14h.

Deux drones déployés

Dans un arrêté du vendredi 2 février, la préfecture du Bas-Rhin a décidé d’autoriser « la captation, l’enregistrement et la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs » au-dessus de ces manifestations. La police nationale peut donc utiliser deux drones de 8h à 19h « dans le périmètre géographique constitué par les voies et places suivantes : boulevard de Dresde, boulevard Pierre Pflimlin, rue René Cassin, avenue des droits de l’Homme, boulevard de Dordogne, boulevard Jacques Preiss, rue Ohmacht, place de Bordeaux et avenue Schutzenberger ».

Ce dispositif est notamment justifié, selon la préfecture, par « un risque sérieux de troubles à l’ordre public » et par « la configuration particulière des lieux avec de nombreuses rues qui permettent aux individus violents de se déplacer de manière très mobile et dispersée ». « On en a discuté avec la Confédération paysanne parce qu’on était étonné », souffle Paul Fritsch, de la Coordination rurale : « Je ne comprends pas à quoi ça leur sert. »

Disparition de Lina : ouverture d’une information judiciaire après la plainte pour viol en réunion

La procureure de la République de Strasbourg a annoncé ce lundi 5 février l’ouverture d’une information judiciaire au sujet de la plainte pour viol en réunion déposée par Lina en juin 2022. La plainte avait été classée par le parquet de Saverne au printemps 2023.

C’était l’un des sujets de la conférence de presse organisée le 2 février 2024 à Strasbourg par Fanny Groll, la mère de Lina, et son avocat, Matthieu Airoldi. Alors que la jeune fille a disparu depuis plus de quatre mois dans la vallée de la Bruche, l’avocat de sa mère est revenu sur son incompréhension vis-à-vis du traitement d’une plainte pour viol en réunion déposée par l’adolescente en juin 2022. Visiblement, sa colère a été entendue.

Le parquet de Saverne dessaisi

Matthieu Airoldi avait expliqué, ce jour-là, avoir découvert avec surprise (et par la presse) le classement de cette plainte déposée par Lina pour des faits qui se sont déroulés en mai 2022. L’adolescente était à l’époque âgée de 13 ans, et les deux mis en cause, majeurs. Si ces hommes ont reconnu les relations sexuelles selon nos confrères des DNA, l’écart d’âge entre eux et Lina aurait dû tomber sous le coup de la loi du 21 avril 2021, selon laquelle en-dessous de 15 ans, le consentement n’existe pas.

« Constitue également un viol tout acte de pénétration sexuelle (…) commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans (…), lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans ».

Art. 222-23-1 de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.

Le parquet de Saverne avait pourtant décidé au printemps 2023 de classer la plainte en raison « d’une infraction insuffisamment caractérisée ». Puis, en janvier 2024, la procureure de Saverne a décidé de « réexaminer la procédure » et finalement, s’est dessaisie au profit du parquet de Strasbourg le 30 janvier, selon un communiqué de la procureure de Strasbourg publié ce lundi 5 février.

Yolande Renzi a donc décidé d’ouvrir une information judiciaire sur ces faits de « viol commis sur une mineure de 15 ans par un majeur avec une différence d’âge d’au moins 5 ans », mais précise : « sans lien et distincte de celle actuellement ouverte des chefs d’enlèvement et de séquestration criminelle ».

Matthieu Airoldi et Fanny Groll ont réagi à cette nouvelle par le biais d’un communiqué, dans lequel ils se « félicitent que toute la lumière puisse enfin être faite sur ce dossier et que le préjudice et l’honneur de Lina soit réparé ».

Pour financer la transition écologique, la municipalité mise tout sur la dette

Pour financer la transition écologique, la municipalité mise tout sur la dette
Syamal Agha Babaei et Jeanne Barseghian lors d’une présentation du budget aux Strasbourgeois

Le conseil municipal de ce lundi 5 février sera marqué par le retour du « débat d’orientation budgétaire », qui précède l’adoption du budget 2024. Alors que la majorité écologiste continue de défendre l’emprunt comme moyen de financer la transition écologique, les oppositions dénoncent l’alourdissement excessif de la dette municipale.

À chaque « débat d’orientation budgétaire », son torrent de chiffres, de prévisions et de scénarios. Aride et complexe, mais obligatoire avant l’adoption d’un budget, le « DOB » revient hanter les élus ce lundi 5 février, à l’ouverture du conseil municipal. Temps d’échange sans vote, cette première étape formelle offre à la fois un panorama sur les finances de la Ville et une confrontation entre différentes approches économiques.

« Un débat d’orientation budgétaire, c’est d’abord un débat d’orientation politique », résume à sa façon le président de la commission des Finances, Jean-Philippe Maurer (LR). Pour son groupe Les Républicains, comme pour l’ensemble des groupes d’opposition, le DOB donnera l’occasion de juger l’endettement, qu’ils jugent excessif, de la Ville. En face, l’exécutif écologiste leur oppose l’importance de solder la « dette écologique », autrement plus dure à rembourser qu’une dette pécuniaire.

Chiffres clefs du budget 2024

Pour poser le cadre du débat, les services de la Ville préparent un document récapitulatif de la situation. Après un petit condensé de la situation économique nationale et des crises internationales, le texte rappelle quelques indicateurs locaux : Strasbourg affiche un taux de chômage de 7% au 2e semestre 2023 (contre 6,3% dans le Bas-Rhin), alors que l’emploi salarié est en hausse de 1,1% sur un an. On peut noter que le secteur agricole connaît une forte baisse de 6,7%.

25% de la population strasbourgeoise vit sous le seuil de pauvreté, faisant de Strasbourg la deuxième commune la plus pauvre parmi les dix plus grandes villes françaises, ex-aequo avec Lille et Marseille. Le rapport rappelle que dans ce classement, Strasbourg a connu la plus forte augmentation de la pauvreté, avec +2% entre 2014 et 2020.

Entre 2022 et 2023, l'augmentation prévue des recettes est due à une revalorisation forfaitaire des bases appliquées pour la taxe foncière de 3,9%.

Des investissements à la hausse

En plus des dépenses couvrant le fonctionnement de la Ville (comme les charges de personnel ou les charges de gestion courante), la commune gère également un budget d'investissement, se traduisant par exemple par l'aménagement et la construction de bâtiments, ou par la réalisation de travaux d'infrastructures.

Le président de la commission des Finances, Jean-Philippe Maurer. Photo : Roni Gocer / Rue89 Strasbourg

Le taux de réalisation des projets budgétés en 2022 a été de 77%, la Ville espère atteindre 80% en 2023.

À l'échelle du mandat, l'investissement se mesure surtout au plan pluriannuel d'investissement. Le "PPI", comme on le surnomme dans l'administration, a été réévalué à la hausse en passant de 135 à 140 millions d'euros par an d'investissement opérationnels. Sur l'ensemble du mandat, cela représente 810 millions d'euros, soit 160 millions d'euros de plus qu'au cours du précédent mandat.

Focus sur la transition écologique

Au milieu de cette marée de chiffres, comment se mesure l'engagement de la municipalité pour la transition écologique ? Dans le PPI, il se traduit par une série de dépenses : 38,7 millions d'euros alloués à la rénovation énergétique des écoles, 30,8 millions pour la végétalisation (dont 19 millions pour les cours d'écoles) ou 5 millions pour la rénovation énergétique du patrimoine municipal. "Pour les villes, en raison des transferts de compétences, ça reste les principaux objets d'investissements possibles", commente François Thomazeau, chercheur à l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE). "Les autres secteurs, comme les transports en commun ou le ferroviaire dépendent des intercommunalités". Au niveau de l'Eurométropole, cela se traduit également par l'extension nord du tram par exemple, ou le plan d'investissement vélo de 100 millions d'euros sur cinq ans.

"Une grande partie des actions liées à la transition écologique consisteront à gérer l'existant, la maintenance, le travail d'accompagnement pour faire diminuer nos consommations (d'énergie, de matière, d'eau, etc.), qui sont autant de dépenses de fonctionnement", précise Daniel Florentin, maitre-assistant à l'Institut supérieur d'ingénierie et de gestion de l'Environnement (ISIGE) de l'École des Mines. "Imaginer une politique de transition écologique forte passe aussi par une prise en compte de dépenses de fonctionnement plus élevées. Ce qui est très compliqué au vu des corsetages dont font l'objet les budgets des collectivités par l'État."

Pas de "fétichisme de la dette"

Le discours de l'État sur le sujet a pu dérouter plus d'un élu local. Alors que le gouvernement appelle de manière répétée à plus de rigueur budgétaire de la part des collectivités, il souhaite que ces dernières investissent sans complexe pour la transition écologique. Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu allait jusqu'à déclarer, main sur le cœur : "À partir du moment où l’on contracte des emprunts pour l’avenir, la légitimité de l’endettement est forte, surtout si les investissements permettent de réduire les coûts de fonctionnement".

Le premier adjoint en charge des finances, Syamak Agha Babaei.

À Strasbourg, cet investissement se répercute sur la dette de la Ville, qui passe de 274 à 304 millions entre 2021 et 2022, et pourrait atteindre 332 millions en 2023 selon les prévisions. La capacité de désendettement en années est estimée à 7,7 ans. "Moi ce qui m'inquiète, c'est qu'on assiste à une mise sous tension budgétaire", regrette Jean-Philippe Maurer, le président de la Commission des finances :

"C'est une manière d'emboliser toute capacité de faire face à des problématiques qui peuvent arriver. On a l'impression qu'on use jusqu'à la corde de la capacité de lever de la dette et de dégager des moyens pour la rembourser."

Même sentiment pour la conseillère d'opposition Céline Geissmann (PS) :

"Le prochain exécutif, quel qu'il soit, sera dans une situation très compliquée. Son mandat sera forcément un mandat de prudence et de priorisation. C'est regrettable, parce les finances publiques avaient été laissées en très bon état par l'équipe précédente (menée par le socialiste Roland Ries, NDLR)."

"Je suis contre le fétichisme de la dette, la dette fait partie intégrante de la vie des collectivités", rétorque le premier adjoint en charge des Finances, Syamak Agha Babaei. "La droite strasbourgeoise est contre la dette pour des raisons idéologiques. Ils sont contre les dépenses d'investissement et de fonctionnement et donc pour amoindrir les services publics." Concernant les socialistes, l'élu dénonce un revirement opportuniste : "Ce sont des gens qui, sous le mandat de Roland Ries, défendaient le recours à la dette. Moi je n'ai pas changé dans ce que je défendais, entre le mandat précédent et celui d'aujourd'hui."

Tempo de la transition

"Je dirais ok pour ces dépenses si au moins on en voyait les effets. Mais où est la révolution écologique aujourd'hui à Strasbourg ?", tance le conseiller d'opposition Pierre Jakubowicz (Horizons). "Pour des gens qui parlent du dernier mandat pour la planète, pour qui le gouvernement n'en fait jamais assez, et jamais assez vite, que font-ils ? Avec eux, on aura la dette financière et la dette écologique." L'élu pointe notamment le taux de réalisations, ou le faible nombre de cours d'écoles végétalisées.

Tous les groupes d'opposition s'entendent pour dénoncer l'endettement de la Ville.Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

"60% des cours d'écoles seront végétalisées d'ici la fin du mandat", répond Syamak Agha Babaei :

"Les projets de qualité prennent du temps et je pense qu'il faut l'accepter et sortir du diktat de l'immédiateté. Pour faire un projet de qualité, il faut prendre en compte le temps de la concertation, les intérêts divergents parfois contradictoires… Plusieurs choses peuvent prendre du temps, ce n'est pas qu'une question de moyens."

Pour illustrer son propos, Syamak Agha Babaei mentionne la nécessité d'acquérir parfois des parcelles privées, de composer avec l'architecte des Bâtiments de France, lorsque les travaux s'opèrent sur un secteur sauvegardé, ou l'interruption des pelleteuses en cas d'impératifs archéologiques…

Moins que le rythme de réalisation, Jean-Philippe Maurer fustige une cadence des investissements trop soutenue. S'il assure qu'au pouvoir, son groupe Les Républicains investirait également pour la transition écologique, cela se ferait avec moins d'argent. "Ça nous permettait de mettre de l'argent ailleurs, dans les équipements sportifs par exemple", rajoute l'élu.

La dette, seul levier pour la planète

Pour financer la transition écologique sur son territoire, la Ville de Strasbourg ne dispose pas de beaucoup d'options. En dehors d'un investissement conséquent de l'État - que ce dernier rechigne à assumer - et de l'emprunt, il lui reste deux outils : rediriger une partie de son budget vers la transition en prenant ailleurs (dans la culture, le sport, etc.), ou… augmenter les impôts.

"Cette option n'est pas envisagée", coupe court Christelle Wieder, adjointe en charge des droits des Femmes et membre de la commission des finances :

"On s'est engagé à ne plus les augmenter pour cette mandature. Et nous ne prendrons pas non plus dans d'autres budgets, nous tenons à maintenir également un bouclier social."

Christelle Wieder, adjointe en charge des droits des Femmes et de l'Égalité de genre.

"Plus de 80% des collectivités ne touchent pas à leurs impôts d'une année sur l'autre, il y a une grande réticence de tous les élus à augmenter les impôts", analyse le chercheur François Thomazeau :

"Pourtant plusieurs grandes villes le feront en 2024, comme Paris, Grenoble, Metz, mettant en avant le mur des financements. (...) Pour faire face à ce mur, il n'y a pas à choisir entre une hausse des impôts ou la dette, mais il faudra utiliser tous les leviers possibles."

Dernier point d'interrogation : l'attitude du groupe communiste. Toujours en dehors de la majorité, sans être installé dans l'opposition pour autant, son vote ne sera pas décisif mais il pourrait clarifier son alignement.

Sursaut allemand face à l’extrême-droite : près de 30 000 personnes manifestent à Fribourg

Sursaut allemand face à l’extrême-droite : près de 30 000 personnes manifestent à Fribourg
"Ils sont de retour" puis "Plus jamais ça" sur la pancarte de gauche. Sur celle de droite, un jeu de mots liant le terme "dégueulasse" et le nom du parti AfD.

Près de 30 000 personnes ont manifesté "contre le fascisme" samedi 3 février à Fribourg. Aux origines de ce sursaut citoyen, une réunion aux relents néonazis du parti Alternative für Deutschland et le sentiment d'une montée de l'extrême-droite dans ce bastion de gauche.
La place de la vieille synagogue est noire de monde ce samedi 3 février à Fribourg-en-Brisgau dans le Bade-Wurtemberg. Malgré les 28 500 personnes réunies - selon la police - une surface de quelques mètres carrés reste vide : c'est un monument en hommage aux victimes du génocide commis par le régime nazi. Peu après 11 heures, Greta Waltenberg prend le micro sur une scène montée pour cette manifestation. Face à la foule pleine de drapeaux arc-en-ciel ou antifascistes, l'activiste de 22 ans du mouvement Friday for future est applaudie à la fin de chaque phrase prononcée :

"Plus de 500 organisations ont appelé à manifester aujourd'hui, contre la haine et le racisme, pour l'égalité en droits et la justice. Aujourd'hui, nous défendons nos valeurs fondamentales. Et nous montrons clairement qu'il n'y a pas de place pour l'extrême-droite. Nous nous tenons aujourd'hui tous ensemble pour dire : "Plus jamais ça, c'est maintenant !" Cette manifestation est un appel à combattre quotidiennement le racisme et les discriminations."

La manifestation a commencé par un rassemblement sur la place de l'ancienne synagogue.

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Cinq mois plus tard, les factures des cantines scolaires envoyées aux familles

Cinq mois plus tard, les factures des cantines scolaires envoyées aux familles
Les factures de septembre sont arrivées en février !

Les factures des services de cantines et périscolaires de la Ville de Strasbourg n’ont pas été envoyées aux familles depuis la rentrée. La faute à une série de bugs informatiques que la Ville peine à expliquer. Elle promet cependant d’être souple sur les paiements.

La Ville de Strasbourg a cru bon de refaire la gestion clients de ses services périscolaires en 2022, en mettant en ligne une sous-section du site municipal, « Mon Strasbourg », le « Kiosque famille ». Dans ce « kiosque », les familles strasbourgeoises peuvent inscrire leurs enfants aux services de la petite enfance, de la restauration scolaire, de l’accueil du matin et du périscolaire.

Des factures incohérentes

Mais tout ne s’est pas déroulé comme prévu. Le nouveau système a été incapable d’éditer des factures en cohérence avec les prestations utilisées par les familles. Mais surtout, les services de la Ville de Strasbourg ne s’en seraient rendu compte qu’en novembre, date de la première facture programmée. Résultat : cinq mois de repas à la cantine et d’accueils périscolaires n’ont pas pu être facturés aux familles…

Hüliya Turan (PCF) est adjointe à la maire de Strasbourg en charge du secteur de l’éducation. Elle rappelle le contexte :

« Le Kiosque famille est un outil très utile pour les familles mais aussi pour l’administration, qui bénéficie de nombreuses améliorations de traitement. Il s’agit d’une application commandée par la municipalité précédente, à laquelle nous avons souscrit en raison de ses bénéfices pour les parents et les agents, et sur laquelle le prestataire travaille depuis quelques années. »

Les bénéfices pour les parents ne sont pas évidents (selon l’expérience de l’auteur de ces lignes). Quant aux agents qui se débattent avec ce bug depuis des mois, on espère qu’ils apprécient. Hüliya Turan est incapable de détailler le raté informatique qui a conduit à cette situation. « Je ne suis pas informaticienne », lance-t-elle, évoquant tout juste « des problèmes de saturation sur le serveur de l’application. »

Fin janvier, les problèmes informatiques ont finalement été résolus, tient à souligner Hüliya Turan. Tous les parents concernés ont reçu un nouvel échéancier pour leurs factures (voir ci-dessous).

En revanche, ceux qui disposaient d’un mandat de prélèvement doivent le refaire… dans le fameux Kiosque famille. Hüliya Turan promet que la Ville de Strasbourg sera souple quant aux modalités de paiements :

« Nous sommes conscients des difficultés que ces factures décalées peuvent poser aux familles. Aussi, celles qui ont besoin d’un autre échelonnement, ou de payer autrement, peuvent prendre attache avec les services de la Ville et nous serons à l’écoute. »

Si pour l’instant, aucune famille n’a pris attache avec la Ville pour faire valoir ses difficultés, la municipalité devra néanmoins souffrir d’entendre les critiques de son opposition, qui a inscrit ce sujet à l’ordre du jour du conseil municipal du lundi 5 février.

Avant l’affaire Nestlé Waters, un journaliste basé à Strasbourg avait enquêté sur le groupe

Avant l’affaire Nestlé Waters, un journaliste basé à Strasbourg avait enquêté sur le groupe
Robert Schmidt

Le 30 janvier, Radio France et Le Monde révélaient que Nestlé Waters utilisait des traitements illégaux pour purifier ses eaux en bouteille. Le journaliste basé à Strasbourg, Robert Schmidt, avait déjà enquêté sur le groupe et sa marque Vittel. Retour sur l’enquête de son collectif.

30% des marques d’eau auraient recours à des procédés interdits. C’est ce qu’a révélé une enquête menée par la cellule investigation de Radio France et Le Monde publiée le 30 janvier. Selon leurs révélations, le géant Nestlé Waters a caché la contamination de ses eaux en bouteille. Pour pouvoir continuer de les commercialiser, le groupe a eu recours à des procédés de traitement illégaux comme l’utilisation de rayons ultraviolets et de filtres de charbon actif.

Une enquête préliminaire ouverte

La veille, Nestlé Waters avait reconnu utiliser des procédés illégaux pour maintenir « la sécurité alimentaire » de ses eaux. La multinationale suisse, qui commercialise notamment Hépar et Contrex, a assuré ne plus utiliser de traitements interdits par la loi depuis 2021. Selon les médias à l’origine de l’enquête, Nestlé avait anticipé ses révélations et choisi de communiquer en amont cette nécessité de sécurité pour garder une bonne image auprès des consommateurs.

Le 31 janvier, le parquet d’Épinal a confirmé avoir ouvert une enquête préliminaire pour tromperie, en novembre. Cette procédure fait suite à un signalement de l’Agence régionale de santé. Le 31 janvier, l’ONG Foodwatch a également annoncé qu’elle allait porter plainte pour le même motif.

Water Stories, des enquêtes sur l’eau

Le collectif de journalistes We Report avait déjà enquêté sur les pratiques de Nestlé Waters, et produit des révélations dans son dossier appelé Water Stories. Composé de huit journalistes, ce projet a été financé par trois bourses différentes. Robert Schmidt, journaliste indépendant allemand basé à Strasbourg, a coordonné Water Stories et détaille ses révélations sur Vittel, propriété de Nestlé Waters.

Qu’avez-vous découvert en enquêtant sur l’eau en bouteille Vittel ?

Robert Schmidt : Avec sa marque Vittel, Nestlé ne respecte pas la législation française sur la préservation des ressources en eau. Tout le monde savait que la nappe phréatique baissait depuis 30 ans et que c’était à cause des prélèvements de Vittel. Mais Nestlé Waters avait encore des autorisations de la préfecture pour prélever. Malgré des arrêtés sécheresse particulièrement contraignants sur la commune, un projet de pipeline était prévu pour garantir les prélèvements de Nestlé sur la nappe.

En plus de cet épuisement de la nappe, Vittel est responsable d’une pollution au plastique ?

Vittel a été la première marque d’eau à faire des bouteilles en plastique à la demande d’Air France. Lors des essais, Vittel utilisait du PVC, plus polluant que le PET (qui compose les bouteilles actuellement, NDLR). Notre enquête a révélé sept ou huit sites de décharges illégales sur la commune de Vittel avec une très grande quantité de plastique. À l’époque, Vittel n’appartenait pas encore à Nestlé (le groupe était actionnaire minoritaire avec 31% des parts, NDLR).

Votre enquête a également révélé des collusions avec les collectivités locales ?

La responsable du projet de pipe-line, c’est la présidente de la commission locale de l’eau, Claudie Pruvost, qui est mariée à un cadre de Nestlé. Elle a été condamnée pour prise illégale d’intérêt. Une association, la Vigie de l’eau, financée par la multinationale suisse a également influencé les stratégies locales sur l’eau de Vittel. Elle publiait des études réalisées par un chercheur reconnu mais mis au service de Nestlé. La Vigie de l’eau avait tout de suite écarté l’arrêt du pompage de Nestlé Waters pour préserver la nappe. C’est surprenant comme position !

Quel a été l’impact de ces révélations ?

Suite à un reportage allemand relayant les critiques, une ONG a poussé pour le boycott de Vittel en Allemagne. La marque a perdu 40% de son chiffre d’affaires sur le marché allemand et 10% au niveau mondial. Lidl a retiré les bouteilles Vittel de ses rayons alors qu’il était le premier client de la marque. Maintenant, Vittel n’est plus exporté en Allemagne ni en Autriche. Nos recherches ont également été reprises par une commission parlementaire sur l’eau avec laquelle nous avons discuté de manière informelle. L’enquête a eu un vrai impact, on en est fiers.

ZFE : moins de pollution mais des vignettes crit’Air toujours nécessaires

ZFE : moins de pollution mais des vignettes crit’Air toujours nécessaires

Sur le territoire de l’Eurométropole de Strasbourg, la pollution au dioxyde d’azote est passée, en 2023, sous la limite réglementaire pour l’établissement des ZFE.

En roulant, les voitures à moteur thermique émettent du dioxyde d’azote, un gaz dangereux pour la santé humaine. L’Union européenne a établi qu’une agglomération devenait une Zone à faibles émissions (ZFE) lorsque le seuil de 40 microgrammes de dioxyde d’azote par mètre cube (μg/m3) d’air était dépassé. C’était le cas depuis longtemps à Strasbourg.

Selon un article paru dans les DNA, jeudi 1er février, les six stations de mesures d’Atmo Grand Est placées dans l’Eurométropole de Strasbourg ont enregistré des concentrations inférieures à ce seuil sur l’année 2023. Un capteur situé boulevard Clémenceau a mesuré une concentration moyenne de dioxyde d’azote de 28 μg/m3. Le dernier capteur dans le rouge en 2022 était situé à côté de l’autoroute M35, et il est passé à 36 μg/m3 en 2023.

Les aides au changement de véhicules maintenues

Un phénomène attribué notamment à la baisse du nombre de véhicules immatriculés (et donc probablement en circulation) à Strasbourg, et à l’augmentation de la proportion de véhicules crit’Air 0 et 1. Atmo Grand Est souligne aussi que les conditions météorologiques étaient favorables avec beaucoup de précipitations.

Interrogée par les DNA, la présidente de l’Eurométropole Pia Imbs (sans étiquette) a indiqué que le budget de 50 millions d’euros pour soutenir financièrement les aides au changement de véhicule est maintenu. Elle entend donc continuer à encourager les propriétaires de voitures polluantes à renouveler leur véhicule. L’Union Européenne envisage de baisser les valeurs limites des ZFE et passera probablement à 20 μg/m3 d’ici 2030.

Disparition de Lina : sa mère est frustrée d’être tenue à l’écart mais « garde espoir »

Disparition de Lina : sa mère est frustrée d’être tenue à l’écart mais « garde espoir »
Fanny Groll, la mère de Lina, et son avocat Matthieu Airoldi, ont organisé une conférence de presse vendredi 2 février à Strasbourg.

Plus de quatre mois après la disparition de sa fille de 15 ans dans la vallée de la Bruche, Fanny Groll s’est exprimée aux côtés de son avocat vendredi 2 février, lors d’une conférence de presse. Ils restent frustrés de ne pas avoir accès au dossier.

C’était le 23 septembre. Le temps de quelques minutes. À 11h20, Lina, 15 ans, envoie un message vidéo à son petit ami, Tao, alors qu’elle se rend à pied à la gare de Saint-Blaise-la-Roche, près de chez elle dans la vallée de la Bruche. Elle est habituée à emprunter cette route de 2,9 km. Elle est censée retrouver Tao à Strasbourg vers midi. À 11h22, son téléphone cesse d’émettre et ne borne plus. Depuis, Lina reste introuvable.

Une enquête préliminaire a immédiatement été ouverte par le parquet de Saverne, puis le 1er octobre deux juges d’instruction de Strasbourg ont été saisies du dossier et le parquet de Saverne dessaisi au profit du parquet de Strasbourg. La section de recherches de Strasbourg et le groupement de gendarmerie du Bas-Rhin sont en charge de l’enquête.

Plus de quatre mois après cette disparition, la mère de Lina, Fanny Groll, a décidé de communiquer, lors d’une conférence de presse dirigée par son avocat, Me Matthieu Airoldi. À leur demande, ils ont été reçus jeudi 1er février par les juges d’instruction en charge du dossier, Sophie Thomann et Valérie Iltis.

La plainte pour viol classée : « Je me suis sentie trahie »

Si Fanny Groll et son avocat espéraient avoir accès au dossier de l’enquête préliminaire après ce rendez-vous, c’est un échec. Les deux juges ont été « dans l’empathie » mais elles sont restées inflexibles. « Je ne suis pas naïf, je sais que derrière, il y a la volonté de protéger le secret de l’instruction dans un dossier important », analyse Matthieu Airoldi. Décision qu’il regrette. « Je réplique juste que les juges pourraient nous faire un peu plus confiance. » « C’est terrible au quotidien de ne pas savoir », a ajouté Fanny Groll. « Je cogite tout le temps, j’analyse, je fais des hypothèses. »

La mère de l’adolescente a par ailleurs voulu revenir sur la décision du parquet de Saverne de classer la plainte pour viol déposée par sa fille en juin 2022. Une information que Fanny Groll et son avocat ont appris par voie de presse, ces dernières semaines de janvier 2024. Et non par le parquet de Saverne lui-même, qui aurait classé la plainte au printemps 2022 selon nos confrères des DNA :

« Je me suis sentie trahie. Nous faisions confiance à la justice, on nous avait parlé d’une confrontation, pour moi c’était normal que les choses prennent du temps. Je parle au nom de Lina, en agissant ainsi, la justice ne l’a pas protégée. Alors qu’à 13 ans et demi, on a besoin d’être protégée. »

Matthieu Airoldi a glissé qu’il avait à plusieurs reprises tenté de contacter la procureure de Saverne depuis, sans succès. La mère de Lina n’a jamais été informée non plus. L’avocat va donc porter plainte dans cette affaire, en se constituant partie civile au nom de sa cliente. « Ainsi, un juge d’instruction sera saisi et pourra contrôler le travail du parquet. »

« Son consentement a été abusé »

L’avocat, qui a précisé qu’il ne rentrerait pas dans les détails de cette affaire, a tout de même voulu préciser certains points. Les faits se seraient déroulés en mai 2022, et « il ne s’agissait pas d’une soirée, mais d’une activité de fin d’après-midi, avec deux ou trois amis. Lina s’est faite abuser. Son consentement a été abusé ». Il a rappelé qu’il existe depuis le 21 avril 2021 une loi qui protège les mineurs et qui institue que tout acte sexuel commis avec un mineur de moins de 15 ans est considéré comme un viol.

« Je ne comprends pas la façon dont ce dossier a été traité. Ma cliente n’a pas été informée. Et j’apprends par des journalistes, que finalement le parquet de Saverne étudierait la possibilité de revoir ce classement sans suite, et qu’une nouvelle décision sera prise ? En 20 ans de métier, je n’ai jamais vu ça. Nous estimons que cette procédure a été mal menée. »

Depuis l’information sur cette plainte pour viol, les commentaires et les réseaux sociaux se sont enflammés, répandant des rumeurs et des fausses informations sur la vie que menait la jeune adolescente. « J’appelle à la réserve et à ne pas faire de conclusion hâtive », a martelé l’avocat. La mère de Lina, visage fermé, a rajouté :

« Je traverse déjà l’enfer. Et ce qu’on raconte est tellement énorme, tellement faux, tellement blessant. Ce n’est pas possible. Je ne peux pas rester silencieuse. »

Matthieu Airoldi a ainsi déclaré que sa cliente avait déposé plainte auprès du parquet de Saverne pour diffamation contre un youtubeur qui diffuse et divulgue de fausses informations sur Lina. L’enquête a été confiée à une section spécialisée de la gendarmerie de Metz.

Aucune piste n’est écartée

Si Fanny Groll et son avocat n’ont toujours pas accès au dossier, ils ont semblé satisfaits de certaines réponses qui leur ont été apportées lors de leur rendez-vous avec les juges d’instruction :

« Elles nous ont assuré que toutes les pistes étaient vérifiées, que ce soit les pistes farfelues, les médiums qui déclarent savoir où est le corps de Lina, ou encore des désignations anonymes. Elles nous ont également dit que tous les moyens de la justice étaient déployés pour que la vérité soit faite. »

Les juges ont également assuré que « dès qu’un élément important nouveau apparaîtra, c’est Fanny Groll qui sera prévenue la première ». Mais en attendant, il faudra s’armer de patience. Au moins jusqu’à mi-mars, date à laquelle les juges ont affirmé que le dossier serait accessible à la mère de l’adolescente.

Interrogée sur son état d’esprit, et si elle gardait l’espoir, Fanny Groll a déclaré : « Toujours. C’est ce qui fait que je me lève tous les matins. Je n’ai pas d’autre choix que de garder espoir ».

Trois étudiants juifs portent plainte après avoir été agressés sur le campus de l’université

Trois étudiants juifs portent plainte après avoir été agressés sur le campus de l’université

Trois étudiants juifs affirment avoir été victimes d’une agression aux abords de la faculté de droit de Strasbourg, dans la nuit du dimanche 28 janvier. Ils collaient des affiches appelant à la libération des otages du Hamas et contre l’antisémitisme.

Deux étudiantes et un étudiant juifs ont été victimes d’une agression près de la faculté de droit de Strasbourg, dans la nuit du dimanche au lundi 29 janvier, selon les éléments d’une plainte pour « violence aggravée suivi d’incapacité n’excédant pas 8 jours » et « injure publique envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine », que Rue89 Strasbourg a pu consulter.

Alors qu’ils collaient des affiches appelant à la libération des otages du Hamas à Gaza et dénonçant l’antisémitisme, les trois étudiants juifs ont d’abord été interpellés par deux femmes, dénonçant une « provocation » et leur intimant l’ordre d’arrêter, selon les déclarations d’un des étudiants juifs. Devant leur refus, les deux femmes ont appelé quatre personnes en renfort, qui se sont mises à intimider les étudiants juifs.

« Sur un campus, c’est le cas le plus grave qu’on ait vu depuis le 7 octobre »

Samuel Lejoyeux, président de l’UEJF

Toujours d’après les éléments fournis à la police, le groupe hostile aurait intimé l’ordre de « dégager » du campus aux trois étudiants juifs, les accusant à plusieurs reprises d’être des « fascistes sionistes » dans un discours teinté d’antisémitisme. Puis les quatre individus auraient frappé l’étudiant membre de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), de plusieurs coups de poings et de pieds. Tombé au sol, il déclare avoir reçu une autre salve de coups avant de réussir à s’enfuir. Le lendemain, un médecin constate plusieurs contusions sur son corps. Quant aux deux autres étudiantes juives, elles auraient été bousculées, sans subir de coups. Elles pourraient également porter plainte.

L’Union des étudiants juifs de France a condamné l’agression dans un communiqué publié jeudi 1er février sur le réseau social X. « Sur un campus, c’est le cas le plus grave qu’on ai vu depuis le 7 octobre (date de l’attaque du Hamas contre des civils israéliens, provoquant une réplique de l’armée isrélienne à Gaza depuis cette date, NDLR) », commente le président du syndicat, Samuel Lejoyeux. Il s’alarme d’une aggravation des attaques antisémites :

« C’est des méthodes de néo-nazis. On va appeler des copains, pour venir tabasser des cibles tout en étant en supériorité numérique. Avec derrière, une volonté d’intimidation extrêmement grave. C’est une preuve que les discours de diabolisation d’Israël, même quand ils ne sont pas antisémites, engendrent de la violence antisémite. »

Michel Deneken, président de l’Université de Strasbourg, a « condamné avec fermeté les violences antisémites » dans un communiqué publié vendredi :

« Depuis quelques jours, on constate chaque matin de nouveaux tags sur les murs de l’université. Si l’université est par nature le lieu de liberté d’expression, campus ouvert sur la ville et les échanges d’idées, cela implique que cette liberté s’exerce dans le respect des opinions et ne saurait en aucun cas conduire à des intimidations, agressions verbales ou physiques, ou à des dégradations. »

L’Université promet « se tenir à disposition » des services de police, indique encore le communiqué. De son côté, l’UEJF a annoncé qu’elle se joignait aux victimes en tant que partie civile.

RCSA – PSG : des centaines de supporters restreints par la violence de quelques hooligans

RCSA – PSG : des centaines de supporters restreints par la violence de quelques hooligans
Lors de l'affrontement provoqué par les hooligans néonazis de Strasbourg Offender, samedi 28 novembre 2020.

Pour restreindre la liberté de déplacement des supporters parisiens, la préfecture invoque, sans les nommer, les violences des hooligans néonazis de Strasbourg Offender. Selon nos informations, un affrontement en dehors de l'enceinte du stade de la Meinau est en préparation.
Interdits de porter les couleurs de leur club à Strasbourg, limités en nombre, contraints dans leurs déplacements… Une fois de plus, vendredi 2 février, les supporters d'un adversaire du Racing Club de Strasbourg (RCSA) subissent des restrictions de liberté décidées par la préfecture du Bas-Rhin. Cette dernière a décidé d'autoriser un maximum de 800 supporters visiteurs pour la rencontre Strasbourg - PSG. Les ultras parisiens sont interdits de "se prévaloir de la qualité de supporter du Paris Saint-Germain" dans le centre-ville de Strasbourg jusqu'aux abords du stade de la Meinau vendredi. Dans ses motivations, l'arrêté préfectoral publié le vendredi 19 janvier se fonde, sans les nommer, sur les violences des hooligans néonazis de Strasbourg Offender.

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Excédés par la hausse des charges, des « locataires en colère » s’organisent face à Alsace Habitat

Excédés par la hausse des charges, des « locataires en colère » s’organisent face à Alsace Habitat
Mercredi 31 janvier, une cinquantaine de locataires d'Alsace Habitat se sont réunis pour créer le collectif des locataires en colère.

Depuis le 31 janvier 2024, des locataires d’Alsace Habitat se sont regroupés en collectif pour faire entendre leurs revendications au bailleur social.

Environ 50 locataires d’Alsace Habitat, le bailleur social de la Collectivité d’Alsace, se sont réunis mercredi 31 janvier à la Maison des sociétés de Schiltigheim. Tous sont venus pour la même raison : contester la hausse de leurs charges locatives en 2022. Reçue presque un an plus tard, le 30 novembre 2023, elle varie entre « 200 et 3 000 euros » par an pour un logement, selon Miloud Bellahcene, président du collectif, élu lors de cette réunion.

Une pétition avec 150 signatures

Le groupe veut « faire entendre » ses revendications face à leur bailleur social, Alsace Habitat, qui ne leur apporte pas satisfaction. « On ne veut pas attaquer, juste se défendre », indique le président du collectif, locataire depuis douze ans à Schiltigheim :

« Le loyer augmente déjà de 3,5% cette année. Ce sont des logements sociaux, on n’a pas beaucoup de moyens. Parmi nous, il y a des personnes âgées, handicapées, c’est encore plus dur pour elles que pour nous, les actifs, qui avons un salaire. »

Miloud Bellahcene

Pour faire connaître le collectif, il multiplie les moments d’échanges avec les locataires, organise du porte-à-porte et fait circuler une pétition sur la hausse des charges :

« J’ai toqué à 150 logements et tout le monde a signé. J’ai envoyé cette pétition au bailleur. Par téléphone, il m’a dit qu’il fallait payer, qu’il allait envoyer les huissiers… Le bailleur est dépassé par la situation. »

70 personnes devant la mairie de Schiltigheim

Dès l’annonce de la hausse des charges, Miloud Bellahcene a contacté Raphaël Rodrigues, élu d’opposition à Schiltigheim. Selon ce dernier, « les élus n’en ont rien à faire des quartiers. Moi, je ne peux qu’aider ces habitants à se regrouper et à médiatiser leurs revendications ». Le conseiller municipal était également présent mercredi 17 janvier sur le parvis de la mairie de Schiltigheim, où 70 locataires s’y étaient réunis pour protester contre la hausse des charges.

Des cafards, des moisissures et des logements mal isolés

La mobilisation est partie d’un groupe Facebook intitulé « Collectif des locataires Alsace Habitat en colère ». Créé en décembre 2023, il comptait 213 personnes au moment de la rédaction de cet article. En plus de la hausse des charges, ces locataires échangent sur les problèmes dans leurs logements. Punaises de lit, cafards, fenêtre voilée, moisissures…

La liste est longue pour Olivia Puits-Marchal, animatrice du groupe et locataire à Bischheim depuis treize ans :

« Cette insalubrité nous met en danger. Des enfants sont asthmatiques et tombent malades à cause de l’humidité et des moisissures. Depuis plusieurs années, on avertit le bailleur par téléphone, par courrier recommandé en citant des textes de lois, mais rien. »

Selon certaines discussions en cours dans le groupe Facebook, ses membres espèrent éviter une « récupération politique » de leur mouvement et prennent leurs distances avec le collectif formalisé à Schiltigheim. Ce dernier demande que soit créé un fonds de solidarité d’urgence, alimenté par les communes et le bailleur, pour aider les locataires d’Alsace Habitat à payer ces augmentations de charges.

Les profs en grève évoquent des « enfants en danger » dans l’Éducation nationale

Les profs en grève évoquent des « enfants en danger » dans l’Éducation nationale
À Strasbourg ce jeudi, les enseignants se sont rassemblés à 14h sur la place Kléber, répondant à l'appel national à la grève dans l'Éducation nationale. Plus d'un millier ont rapidement rejoint la manifestation dans le centre-ville peu après 14h30.

Environ un millier d'enseignants et personnels de l'Éducation nationale ont défilé dans les rues de Strasbourg jeudi 1er février. Ils dénoncent des conditions de travail dégradées, des effectifs surchargés et une mission toujours plus difficile pour transmettre aux élèves les enseignements dont ils ont la charge.
"Les plus anciens sont devant, en train de chanter." Avec un sourire, Marie-Laure Friot, conseillère syndicale FSU 67, désigne du regard ses collègues enseignants. Armés de gilets blancs et de carnets de . . .

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Contre la loi sur l’immigration, une manifestation samedi 3 février

Contre la loi sur l’immigration, une manifestation samedi 3 février

Pour protester contre la loi sur l’immigration, une manifestation est organisée samedi 3 février à Strasbourg, démarrant place Kléber à 14h30.

Plus d’un mois après son adoption chaotique, l’opposition à la loi sur l’immigration continue de se mobiliser. Alors que le Conseil constitutionnel a censuré près d’un tiers des 86 articles du texte jeudi 25 janvier, une dizaine d’organisations appellent à ne pas relâcher l’opposition publique contre une loi revendiquée comme une victoire idéologique par l’extrême droite.

À la suite d’un appel national, ces organisations locales organisent une manifestation partant de la place Kléber à Strasbourg à 14h30. La précédente mobilisation, dimanche 21 janvier, avait réunit plus de 2 000 personnes.

Mobilisés jusqu’à l’abrogation

Malgré les censures effectués par le Conseil constitutionnel, qui confirment les atteintes de cette loi à plusieurs droits constitutionnels, les premiers signataires (Solidaires étudiant.e.s Strasbourg, NPA 67, Attac Strasbourg, LFI 67…) estiment dans un manifeste commun que « ce qui reste » du texte « demeure l’une des pires lois de la Ve République, une loi anti immigrés et anti ouvrière ».

Dans leur texte, ces organisations appellent à poursuivre la mobilisation jusqu’à l’abrogation de la loi, à multiplier les « actions de solidarité, de grèves, de refus » contre son application, et à soutenir toutes les luttes pour la défense des sans-papiers.

« Vivants » par Alix Delaporte : « J’ai voulu montrer le précieux de ce journalisme en disparition »

« Vivants » par Alix Delaporte : « J’ai voulu montrer le précieux de ce journalisme en disparition »
"Vivants" nous plonge dans la petite équipe d'une émission de grand reportage.

Dans son troisième long-métrage, la réalisatrice Alix Delaporte propose une immersion au sein d’une équipe de grand reportage qui subit des coupes budgétaires et une pression sur les chiffres d’audience. Un bel hommage à une profession en difficulté.

Un pied dans la porte et beaucoup de détermination. C’est ce qu’il faut à Gabrielle, jeune journaliste, pour intégrer une prestigieuse équipe de réalisation de reportages télévisés. Avec elle, le spectateur du film Vivants observe une rédaction bouillonnante, pleine de caractères forts mais en proie aux maux de l’époque – des coupes budgétaires et un patron qui s’intéresse moins au métier de ses salariés qu’aux chiffres d’audience des émissions produites. À travers ce long-métrage qui plonge les spectateurs au sein d’une équipe aux airs de petite famille, la réalisatrice Alix Delaporte nous ouvre les yeux sur la réalité d’un métier en pleine mutation.

Rue89 Strasbourg : On sent votre attachement au journalisme dans ce film. C’est une profession qui est plutôt malmenée en France. Est-ce que vous souhaitiez réparer le lien entre les Français et les journalistes ? 

Alix Delaporte : Pendant l’écriture du film, j’ai enquêté dans les rédactions, sur les chaînes d’infos ou en école de journalisme. J’ai alors constaté que l’ADN commun de tous ces journalistes, c’est la quête de la vérité. Ce ne sont pas les journalistes qui donnent une sensation de travail mal fait. Ce sont les conditions de travail qu’on leur impose. Tout le monde essaye de se démerder avec des budgets en baisse pour fournir aux Français la meilleure quête de la vérité. Ce ne sont pas les journalistes qui vont trop vite. C’est ce qu’on leur demande. Le problème, c’est la rentabilité exigée par les groupes propriétaires de médias. 

« De l’espoir dans un monde en désenchantement »

Alix Delaporte, réalisatrice

Est-ce que le personnage de Gabrielle est inspiré de votre propre expérience ?

J’ai démarré comme journaliste au sein de l’agence Capa. J’y ai pris la caméra et je suis devenu journaliste reporter d’images (JRI). Moi aussi, en arrivant chez Capa, j’ai eu l’impression de venir d’un autre univers. Le personnage de Gabrielle est guide de montagne et ne vient pas des écoles de journalisme. Elle a d’autres connaissances. Elle sait réparer les machines. Elle est capable d’observer et d’entrer dans un défilé de mode. Rien ne lui fait peur. Elle n’a pas les codes. De la même manière, j’avais l’impression de venir sans connaître les règles, mais avec d’autres capacités. J’avais 20 ans, je voulais faire du journalisme et il y avait chez moi une fraîcheur en regardant ces gens qui faisaient ce métier depuis très longtemps. C’est pareil pour Gabrielle. Elle est toute en fougue et en vitalité. Elle met de l’espoir dans ce monde en désenchantement. 

Gabrielle, jeune journaliste, observe d’un œil nouveau ce journalisme en pleine mutation. Photo : Document remis / Pyramide Films

Qu’avez-vous voulu dire de la profession dans ce film ?

En tant que metteure en scène, j’ai envie de montrer un moment où l’on peut perdre quelque chose. Ici, c’est le temps consacré au reportage. J’ai voulu filmer ce moment où les choses peuvent basculer, pour montrer que ce journalisme est précieux. Si on n’a plus de temps pour l’investigation, on perd quelque chose de fondamental dans la quête de la vérité. 

« Le patron de média veut du rêve, pas du terrain »

Alix Delaporte, réalisatrice

Au-delà du temps, ce que je raconte, c’est la difficulté des reporters à aller sur le terrain. Parce que les gens qui contrôlent les rédactions estiment que c’est un luxe inutile. Aujourd’hui le patron de média veut du rêve, pas du terrain. Mais en remettant en question le temps et l’accès au terrain, il crée un plus grand danger pour les gens qui y vont. Car les journalistes ont de moins en moins de temps pour appréhender les risques du terrain.

Contraint par des coupes budgétaires, l’équipe cherche à se réinventer. Photo : Document remis / Pyramide Films

Pourquoi avoir choisi ce nom de film, Vivants, c’est le sentiment qui vous semble le mieux décrire ce métier ? 

Le journalisme est une vocation. On ne peut pas empêcher celles et ceux qui ont une vocation. Quand on les empêche, ils trouveront toujours un autre moyen d’exprimer cette pulsion. De la même manière, une infirmière empêchée de faire son métier trouve toujours comment soigner, d’une manière ou d’une autre. De même, enlevez-moi mes moyens de faire un film conventionnel, j’en ferai avec un portable.

« Le métier de journaliste est en danger »

Alix Delaporte, réalisatrice

Pourquoi avoir choisi de raconter la fin d’un programme d’enquête et de grand reportage ?

Je me sens comme une lanceuse d’alerte. Le métier de journaliste est en danger. J’ai voulu pointer quelque chose du journalisme en disant : « Attention c’est précieux ». Pour ça, j’attache les spectateurs à des gens, ici une petite équipe de rédaction qui se débrouille assez bien. J’ai vraiment voulu qu’on voie leur quotidien, comment ils se battent, comment ils rient souvent, comment ils font famille. En les lâchant au moment où la direction décide de mettre fin au programme, sans savoir ce qui attend les personnages pour la suite de leurs carrières, les spectateurs ressentent bien mieux le précieux de ce journalisme en disparition. 

Y aura-t-il une suite ? 

Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est comment les jeunes réinventent le métier. J’aimerais raconter ce qu’ils inventeraient comme type d’émission. Il faudrait un format original, qui ne serait pas une émission de reportage ni un projet sur les réseaux sociaux.