Après la suspension par le conseil d’administration du partenariat de Sciences Po Strasbourg avec l’université israélienne Reichmann, Jean-Philippe Heurtin dénonce « un coup médiatique sans effet réel ».
Jean-Philippe Heurtin n’a qu’une hâte : repartir en vacances. Depuis l’annonce de la suspension du partenariat avec l’université Reichmann de Tel Aviv, le directeur de Sciences Po Strasbourg décrit « un maelstrom d’appels et de sollicitations, de journalistes, du CRIF… »Premier établissement d’enseignement supérieur à mettre en place un boycott à la suite d’un vote à son conseil d’administration, l’Institut d’études politiques (IEP) strasbourgeois fait l’objet de nombre d’articles et autres chroniques dénonçant cette décision. « Suivre au jour le jour la manière dont l’image de Sciences Po Strasbourg se dégrade, ça m’a empêché de dormir, oui », affirme Jean-Philippe Heurtin. Mais le directeur d’IEP ne s’avoue pas vaincu. Bien au contraire.
« La convention existe malgré la demande de suspension »
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Des enseignants du collège Lezay Marnésia à Strasbourg appellent à un rassemblement vendredi 8 novembre pour dénoncer le refus de la Collectivité d’Alsace d’héberger des familles d’enfants scolarisés dans des appartements de fonction vides.
Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, des enseignants du collège Lezay Marnésia, situé dans le quartier de la Meinau au sud de Strasbourg, appellent à un rassemblement devant l’établissement vendredi 8 novembre à 18h.
Elles et ils dénoncent l’inaction de la Collectivité d’Alsace, propriétaire des bâtiments, face à leurs demandes d’utiliser des appartements de fonction vides pour loger des familles dont les enfants sont scolarisés dans l’établissement. Parmi les enseignants mobilisés, Céline détaille :
« Cette demande auprès de la CeA date de presqu’un an. On a eu des signaux positifs durant l’été puis un refus en octobre, motivé par le choix de loger des jeunes majeurs dans ces appartements. Mais deux mois après la rentrée, il n’y a toujours personne. »
En revanche, les enseignants mobilisés ont compté treize familles qui dorment sous des tentes toutes les nuits, rien qu’au sein du réseau formé par le collège et ses quatre écoles de recrutement. « Ce n’est pas acceptable, pointe Céline, et c’est pourquoi nous invitons toutes les personnes qui ne se résignent pas à se rassembler vendredi ».
Le conseil municipal du lundi 4 novembre aura été marqué par un débat brûlant sur l’installation de « tiny houses » à la Robertsau, pour des familles sans abri. L’opposition de droite dénonce la qualité du projet, une position qualifiée d’hypocrite par la municipalité écologiste.
Panique à la Robertsau. Peuplé par près de 20 000 habitants, le quartier tremble pour l’installation de « cinq à sept » familles sans abri dans son secteur. Ces dernières devraient être installées sur un terrain à l’écart, à l’extrémité de la rue de la Carpe-Haute, où la municipalité souhaite placer des tiny houses, de petites maisons mobiles et faciles à installer, jusqu’à la fin de l’année 2026. Le coût total pour l’opération s’élève à 480 000 euros, dont 70 000 euros obtenus par mécénat auprès du groupe de construction KS.
Lorsque la nouvelle commence à se répandre à la Robertsau, une partie des habitants montrent une forte hostilité au projet. Un collectif citoyen « Carpe haute » se mobilise et fait monter la pression. Déjà en février, ces mêmes habitants s’étaient mobilisés lorsqu’un document de travail évoquant un accueil de gens du voyage rue de la Carpe-Haute avait fuité. Une pétition fut créée pour l’occasion.
L’ampleur limitée du projet pouvait laisser imaginer un débat calme au conseil municipal mais la pression des habitants de la Robertsau change la donne. L’opposition a concentré ses critiques sur deux points : la communication autour du projet et sa pertinence.
Rumeurs et discours rances
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La Confédération paysanne d’Alsace invite le public à une journée à la ferme, dimanche 10 novembre à Cosswiller. Une conférence traitera de l’avenir de l’élevage paysan dans l’après-midi.
La ferme du Diebach à Cosswiller s’ouvre au public dimanche 10 novembre de 10h à 19h. Au programme, des visites de l’établissement, une démonstration de fabrication de fromage, de la musique et un repas paysan autour de midi. Puis à 14h, la Confédération paysanne invite Stéphane Galais, son secrétaire national et éleveur lui-même.
Il viendra pour évoquer l’avenir de l’élevage paysan alors que la filière est menacée par des crises sanitaires successives (fièvre catarrhale ovine, peste porcine, grippe aviaire…). Le secrétaire national devrait également évoque les baisses des commandes de Lactalis auprès des éleveurs, ce qui « met en péril plus d’une centaine de fermes dans le Grand-Est » selon la Confédération paysanne, « sans aucune réaction des pouvoirs publics ».
Tensions sur le représentation des agriculteurs
Le syndicat, opposé au productivisme et au modèle industriel de l’agriculture, voit dans ces crises les conséquences d’une politique agricole qu’il combat. Le syndicat voit également la FNSEA et les Jeunes agriculteurs multiplier les opérations de blocage des routes en tracteurs. Des manifestations immédiatement suivies de déclarations de soutien « aux agriculteurs », alors qu’elles ne concernent que le modèle économique à l’œuvre depuis le Remembrement et qui agacent évidemment les adhérents de la Confédération paysanne.
Les syndicats FNSEA et JA ont invité de leur côté le préfet du Bas-Rhin, Michel Nitkowski, à visiter l’exploitation d’élevage Huchot à Preuschdorf mardi 5 novembre.
Le conseil municipal du 4 novembre a suivi un ordre du jour particulièrement bref. Parmi les points au centre du débat : l’attribution d’une subvention au Liban, la présentation d’un rapport sur le personnel administratif et l’achat de « tiny houses » visant à créer un espace d’hébergement de personnes sans abri.
Avec 45 points seulement à l’ordre du jour et peu de délibérations importantes, le conseil municipal du 4 novembre s’annonçait plus calme que de coutume. Mais plusieurs sujets – les coupes budgétaires, l’aide au Liban ou l’accueil de personnes à la rue à la Robertsau – ont ravivé l’intensité des débats. Au-delà des délibérations examinées, l’opposition a fait usage de tout l’arsenal disponible (résolutions, questions d’actualités, interpellations) face à l’exécutif en deuxième partie de séance.
Les tiny houses de la Robertsau
La délibération la plus âprement débattue fut celle des « tiny houses » de la Robertsau. Dans un terrain situé à l’écart au début de la rue de la Carpe-Haute, la Ville souhaite acquérir cinq à sept micromaisons pour héberger des familles sans-abri, pour un coût total estimé à 480 000€.
Si en principe, l’opposition assure qu’elle n’est pas hostile à l’installation de familles sans abri dans le quartier, plusieurs aspects du projet ne passent pas : son coût, les sanitaires collectifs installés en dehors des maisons ou le manque de clarté avec les riverains. Le point a été adopté avec 47 voix pour, 6 voix contre et 8 abstentions.
Aide d’urgence au Liban
L’exécutif a également mis à l’ordre du jour le versement d’une somme de 15 000€ pour venir en aide au Liban, via deux associations : 7 500€ pour le Fonds d’action extérieur des collectivités territoriales et 7 500€ pour Cités Unies France.
Mais un amendement commun de l’ensemble des groupes d’opposition a été déposé pour changer la formulation de la délibération, remplaçant les premiers paragraphes de la délibération et gommant la mention directe des « attaques israéliennes », préférant plutôt évoquer une « crise humanitaire d’ampleur ». En creux, l’opposition reproche à la délibération d’incriminer l’État hébreu et de manquer de nuance, Gabrielle Rosner-Bloch (LR) allant jusqu’à évoquer un « tract anti-israéliens ».
L’amendement sera balayé et la délibération est tout de même adoptée à l’unanimité.
Rapport social unique
Comme chaque année – c’est une obligation légale – un rapport social unique a également été présenté durant la séance. Ce document livre des données statistiques sur les employés de l’administration municipale et donne une image de son climat social. Entre 2022 et 2023, le premier adjoint Syamak Agha Babaei met en avant l’augmentation des rémunérations, la diminution de l’écart de rémunération entre femmes et hommes et la baisse de l’absentéisme pour maladie ordinaire.
Céline Geissmann (PS) relève en revanche des disparités de genre importantes suivant les secteurs : les femmes représentent 93% des salariés du médico-social, elles sont 79% dans la filière administratives, alors que les hommes représentent 74% des employés de filière technique, et 71% de ceux de la sécurité… Elle souligne que les hommes sont mieux payés de 4,29% que les femmes parmi les fonctionnaires, voire 13,61% mieux parmi les contractuels.
Pour Nicolas Matt (Ensemble pour la République), le rapport social est « quasiment un copier-coller » du précédent, assurant que les données incluses dans le document « continuent d’illustrer le malaise au travail des agents et des agentes ».
Sous les racines, les tombes
Le conseil a également adopté une délibération concernant les cimetières. Constatant l’essor des rites funéraires se voulant plus soucieux de la nature, l’exécutif propose d’autoriser les sépultures « naturelles », permettant l’inhumation des défunts avec des cercueils ou des urnes « éco-certifiées » et des sépultures « arborées », qui permettront elles l’inhumation des cendres au pied des arbres, dans un dispositif permettant « la préservation du système racinaire ». Une nouvelle charte fixera le cadre de ces nouvelles pratiques (voir notre article en archive).
La mesure sera d’abord mise en place au début de l’année 2025 au Cimetière Ouest, sur un terrain de 20 ares, puis sera étendue à d’autres cimetières. Le point est adopté à l’unanimité avec 59 voix pour.
Contrat territorial pour l’intégration des réfugiés
La Ville de Strasbourg a signé avec l’État et l’Eurométropole un Contrat territorial d’accueil et d’intégration des réfugiés. Dans la pratique, l’objectif du contrat est de permettre à des réfugiés primo arrivants d’accéder à un meilleur suivi socio-professionnel et à une formation. Surtout, les réfugiés inscrits au dispositif bénéficieront d’un logement temporaire, le temps du suivi. Pour financer le dispositif, la Ville recevra une subvention de 350 000€.
Lumières de Noël
Sujet autrement plus léger, le conseil municipal a adopté sans vote une délibération sur les décorations de Noël. Même si nous ne sommes qu’au début de l’automne, le spectre de Noël – et du surtourisme – est déjà dans l’air. Le conseil a voté pour l’attribution d’une subvention de 320 000€ pour financer les illuminations du centre-ville par les Vitrines de Strasbourg, l’association de commerçants qui s’occupe de ce marché depuis des dizaines d’années.
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Rien qu’à Strasbourg, plus d’un millier de personnes attendent de pouvoir apprendre le français. Des coupes budgétaires importantes atteignent le financement des cours de français pour les personnes de langues natales étrangères.
Début novembre en Alsace, entre 1 100 et 1 200 personnes ayant signé un Contrat d’intégration républicaine, qui permet de rester en France, ne peuvent accéder à un cours de français. Ces formations pour primo-arrivants, pourtant inscrites dans la loi, ne sont pas suffisamment financées par l’État et les crédits devraient encore baisser en 2025.
Ainsi en septembre, le centre socioculturel de la Montagne verte était le premier à dénoncer une baisse de 40% des subventions de l’État pour ses cours de français langue étrangère (FLE). La fédération des centres socioculturels du Bas-Rhin estime que les 21 structures proposant ces cours à plus de 1 900 personnes ont subi une baisse de 30% des crédits en moyenne. Une situation qui concerne également les associations d’aide à l’intégration, comme Contact et Promotion, Plurielles ou encore AGIRabcd.
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Une décision modificative du budget va être adoptée lors du conseil municipal du 4 novembre. L’occasion pour l’exécutif d’ouvrir un débat sur l’effort budgétaire réclamé aux collectivités par le gouvernement.
Dure vie que celle d’élu local de droite. En août, la plupart d’entre eux se félicitaient de la nomination de Michel Barnier (LR) à Matignon, louant sa stature d’homme d’État et son sens du dialogue. Lorsque ce même Premier ministre demande quelques semaines plus tard de récupérer 5 milliards d’euros auprès des collectivités au nom d’une réduction du déficit public, l’enthousiasme baisse d’un cran.
Localement, cet effort pourrait se chiffrer à 9 millions d’euros pour Strasbourg et 14,6 millions pour l’Eurométropole selon les premières estimations. Ces montants sont encore susceptibles d’évoluer puisque les débats à l’Assemblée nationale entourant l’adoption du projet de loi de finances 2025 sont encore en cours. Dans les travées de l’hémicycle strasbourgeois, les « barniéristes » ne se bousculeront pas pour défendre les pertes.
Heureux hasard du calendrier, une décision modificative sera à l’ordre du jour du conseil municipal, ce lundi 4 novembre. Par le truchement de cette délibération, qui porte sur des ajustements plutôt mineurs, l’exécutif veut saisir l’opportunité de dresser un réquisitoire contre la politique austéritaire du gouvernement Barnier et renvoyer l’opposition de droite à ses positions.
Budget 2025 en berne
Médiatiquement, on parle essentiellement du budget d’une collectivité à deux moments clefs : le débat d’orientation budgétaire en début d’année, puis le vote du budget dans les semaines qui suivent. Pourtant la préparation du budget 2025 commence bien en deçà, et les déclarations de Michel Barnier pèsent dans déjà les prévisions.
« Même si le montant précis de la somme que la Ville devra payer reste inconnu, on commence à travailler sur le sujet », confirme Syamak Agha Babaei, le premier adjoint en charge des Finances. Dès l’été, une lettre de cadrage budgétaire est envoyée aux chefs de service pour leur donner les grandes orientations budgétaires. Les chefs de service, en lien avec leur élu de référence, doivent ensuite présenter leurs prévisions budgétaires à la direction des finances. S’ensuit une période d’échange avec la direction des finances, jusqu’à la finalisation du budget et son vote.
« On peut se dire que les sommes évoquées ne sont pas énormes, mais il faut avoir en tête que les budgets des collectivités sont hyper contraints », reprend Syamak Agha Babaei. « La moitié des dépenses, c’est le personnel. Pour le reste, il y a une grande part de dépenses obligatoires, comme le périscolaire ou les cantines. On n’arrête pas ça du jour au lendemain. »
Charge contre l’austérité
Quels services risqueront d’être les plus touchés ? « Pour l’instant, on est encore loin de le savoir », rejette Ségolène Tavel, co-directrice du cabinet de la maire Jeanne Barseghian (Les Écologistes) :
« Ce sont des choix qui ne sont pas faciles, il faut que les montants soient certains pour qu’on en discute. Pour l’instant, on est dans la phase où l’on fait du lobbying, où l’on se bat, pour que la facture soit la moins salée possible. Les choix politiques viendront dans un second temps. »
La phase de « lobbying », Jeanne Barseghian l’a vite entamée : dans les colonnes de Médiapart, elle évoque des « sacrifices budgétaires énormes » et se refuse à « sabrer dans les services publics du quotidien ». Au micro de France Bleu Alsace, elle fustige une demande « inacceptable et profondément injuste ».
L’exécutif compte bien profiter du conseil municipal pour remettre le sujet au cœur des débats, confirme Syamak Agha Babaei, qui souhaite rendre l’opposition comptable :
« Il y a une responsabilité de la macronie et des Républicains dans la situation budgétaire du pays. Il y aussi une responsabilité de François Hollande, dont on se rappelle du CICE, un soutien aux entreprises qui avait coûté très cher […]. En parallèle, depuis plusieurs années, il y a une tendance à réduire l’autonomie des collectivités, à diminuer leurs moyens financiers et fiscaux. On arrive dans cette situation, où l’on ne peut plus rien faire tant nos budgets sont réduits. »
Critique en sérieux budgétaire
Dans les rangs de l’opposition, on ne se bouscule pas pour défendre les coupes budgétaires annoncées, ou même le gouvernement de Michel Barnier. « Moi je me sens libre, parce que je considère qu’on n’est liés que par les campagnes qu’on mène », se défend Pierre Jakubowicz (Horizons), avec philosophie. « Il n’est pas illogique de penser que lors d’une sortie de crise, chacun contribue. Ce que je n’accepte pas, c’est la manière brutale de demander ces contributions. Décréter qu’on attend des milliards, ce n’est pas la méthode ».
L’élu d’opposition n’exclut pas de soutenir la maire, à condition que cette dernière fasse acte de contrition ; il réclame notamment plus de « transparence » et moins de « dépenses gadgets, comme les brumisateurs ». « On est tous prêts à se mobiliser pour soutenir la maire, pour que Strasbourg soit épargnée, mais il faut qu’elle accepte des discussions avec l’ensemble des groupes sur une gestion responsable des deniers publics. »
Si le président du groupe LR à Strasbourg, Jean-Philippe Vetter, prend aussi ses distances avec les demandes du gouvernement, il renvoie la balle aux partis de gauche : « On ne peut pas croire une seconde que si le NFP avait été au pouvoir avec Lucie Castets, nous aurions été dans une situation moins grave. »
Après ce débat, qui sera le premier au programme du conseil, la suite de l’ordre du jour sera plutôt légère. La séance débutera à 10 heures.
À 13 ans, Aya est déjà multiple championne de boxe thaïlandaise dans sa catégorie d’âge. La jeune Neuhofoise doit jongler entre sa vie d’adolescente scolarisée et sa progression sportive.
Dans un gymnase de la Meinau, mercredi 30 octobre au soir, une trentaine d’adolescents et adolescentes courent en rond, seulement interrompus pas un bippeur au volume exacerbé. Toutes les minutes, ils passent de la corde à sauter à la course, au gainage ou aux pompes. Le tout, entraînés par la voix énergique du professeur du Meinau boxing club.
Parmi eux, Aya Bozarhoun, 13 ans. Floquée d’un maillot aux couleurs de la France, elle court avec les autres mais boxe seulement avec les adultes. Car pour Aya, la boxe est plus qu’une activité du mercredi soir. « Je m’entraîne cinq fois par semaine, en plus des joggings », détaille-t-elle. Sur le côté du terrain, son petit frère la regarde avec admiration et s’essaye lui aussi à taper dans un gros sac de tissu, visiblement peu épuisé par son entraînement de foot.
Athlète et adolescente
Onze fois championne de France, championne internationale, d’Europe et du monde, en muay-thaï (boxe thaïlandaise) et en K1 (une boxe similaire où les coudes ne sont pas autorisés), les titres s’accumulent sur le CV de la jeune sportive qui monte sur les rings depuis ses huit ans. Cette année 2024, Aya ne boxera cependant pas autant qu’elle aimerait. « J’ai pris cinq kilos en quelques jours cet été, c’est la puberté », relate-t-elle.
Une problématique conséquente étant donné qu’en boxe, le poids des sportives détermine leurs adversaires. « C’est compliqué mentalement de prendre du poids sans comprendre pourquoi, c’est humain et ce n’est pas ma faute, mais je vais moins combattre cette année à moins de perdre quelques kilos », soupire-t-elle au moment d’une pause de son entraînement.
De la catégorie moins de 42 kilos, Aya est passée à celle de moins de 50 kilos en quelques semaines, à l’été 2024. « J’ai parlé avec d’autres athlètes femmes sur Instagram, elles m’ont rassurée, ça devrait mettre entre six mois et un an pour que mon poids se stabilise », explique-t-elle. Dans le gymnase, les apprentis boxeurs se sont mis par paires et s’essayent à des mouvements de bras.
L’adolescente n’a pas tout de suite aimé la boxe et a aussi pratiqué le tennis pendant deux ans. « Mais finalement, se défouler dans un sac me plaît, j’aime bien taper », sourit-elle. Son modèle est son père, Omar, lui-même ancien boxeur qui l’accompagne dans tous ses déplacements et presque tous ses entraînements. Un peu en retrait, assis sur une chaise, ce dernier l’observe du coin de l’œil, un sourire de fierté vissé sur le visage :
« D’habitude, Aya boxe 25 fois par an en compétition. Prochainement, il y a un championnat en Belgique et les championnats du Grand Est fin novembre. Le but de cette année est qu’elle conserve ses titres. Moi, j’organise les déplacements et je lui présente toutes les possibilités de tournois mais c’est à elle de dire ce qu’elle veut faire ou non. Ce n’est pas à moi de décider pour elle. »
« Même pas peur »
Fin novembre, elle partira pour un mois en Thaïlande, s’entraîner intensément. « Vu que je ne peux pas faire sport études à Strasbourg (il n’y a pas de section sportive scolaire en boxe, NDLR) ou avoir d’horaires aménagées, on doit demander des dérogations pour que je puisse partir. J’espère que ça va marcher », confie-t-elle. Huit heures d’entraînement par jour, six jours sur sept, avec un réveil à 4h du matin… « Même pas peur », lance-t-elle.
Ce sentiment de peur a pourtant existé au début de sa carrière, lorsqu’elle avait huit ans : « Je saignais beaucoup du nez, au moindre coup, mais depuis deux ans ça va mieux. » Pour vaincre ses craintes, Aya choisit de s’y confronter et de multiplier les tournois. « De toutes façons il fallait bien que je commence la compétition un jour ou l’autre », estime-t-elle.
Même si parfois, malgré une détermination qui semble à toute épreuve, Aya doute. « Quand je perds un combat ou quand je prends du poids, je suis énervée et je me dis que tout ça ne sert à rien », admet-elle. Dans ces moments-là, elle va voir son père dont la carrière a été stoppée par une blessure : « Là je me rends compte que si j’arrête, je le regretterai toute ma vie. » La jeune boxeuse a une autre figure de soutien : sa meilleure amie qui fait elle aussi un sport intensément, du football. « C’est elle qui me comprend tout le temps le mieux », assure Aya. Elle se promet qu’elle ne cessera de boxer que si elle est « vieille ou blessée ».
Les déplacements pour des compétitions dans d’autres villes européennes sont réguliers. Une activité qui représente des coût importants pour la famille d’Aya. « On en a pour 300 euros par week-end et aller en Thaïlande représente 1 000 euros de déplacement, c’est conséquent », expose Omar. D’autant que les victoires ne rapportent aucun gain financier à la boxeuse ou à sa famille.
Un sport qui paye mal
« Pour certains gros galas en Italie ou en Belgique, ils paient le voyage », raconte Omar, qui évoque aussi un concours organisé par son bailleur social lui ayant permis de financer des équipements pour sa fille. « La Ville de Strasbourg nous a dit aussi qu’ils allaient mettre en place une bourse pour les jeunes talents, mais je ne sais pas où ça en est », ajoute-t-il.
La famille d’Aya accepte volontiers de la soutenir pour sa carrière, mais elle est obligée de refuser certaines propositions, faute de fonds. « On a dit non au Canada et à l’Angleterre déjà. Aya le sait, c’est sa notoriété qui lui paiera ce dont elle a envie », souligne le père de famille. D’où la nécessité aussi d’aller voir en dehors de l’Europe, par exemple en Thaïlande où il est plus courant de vivre de cette pratique.
Depuis octobre 2024, Aya a dû changer de club. « Ça m’a fait peur au début car j’adorais mon coach, mais pour évoluer et progresser il faut parfois faire des choix », analyse-t-elle, précisant qu’elle adore toujours Delf, qui l’a initiée à la compétition. Ce dernier était déjà le coach de son père, et le coach de son nouveau coach, Mike. Car la boxe chez les Bozarhoun, ça se pratique en famille ou avec des personnes de confiance. « Pour le côté boxe je vais voir mon père, pour le collège, ma mère », sourit Aya.
Ses copines viennent parfois la voir sur le ring. « Mais c’est surtout qu’elles ne m’en veulent pas si je ne peux pas sortir en même temps qu’elles à cause de l’entrainement », constate l’adolescente : « Elles s’arrangent pour qu’on puisse être ensembles à d’autres moments. » À 13 ans, elle est déjà capable de cloisonner les différentes parties de sa vie, laissant les rires au collège et la discipline sur le ring. « Je suis vraiment très différente d’un environnement à l’autre et je laisse toujours la boxe à la salle. »
Alors que l’entraînement touche à sa fin et que les élèves tiennent le plus longtemps possible en planche sur leurs avants bras, Aya explique qu’elle doit parfois boxer contre des garçons à Strasbourg. Mais pour son coach Mike, il n’y a aucune différence dans l’entraînement selon le genre de l’athlète, en muay-thaï :
« Aya est suivie comme une pro, par trois coach et des nutritionnistes. Elle est super disciplinée. Je ne sais pas si une autre enfant fait d’aussi beaux résultats en France. Elle a le potentiel d’une grande championne. »
En attendant le départ pour son stage intensif en Thaïlande, Aya continue de s’entrainer et d’enchainer les matchs. Elle se rendra notamment en Belgique pour une compétition le 9 novembre et combattra au Neuhof le 23 novembre. Le tout cumulé avec la préparation de son brevet qu’elle passera en fin d’année.
Près de dix ans après sa mise en circulation, le Stück, monnaie locale strasbourgeoise, prend un nouveau virage. Faute de voir le nombre de ses utilisateurs s’envoler, elle doit se diversifier et cherche des bénévoles pour la pérenniser.
Samedi 26 octobre 2024, une vingtaine de personnes se sont réunies lors d’une assemblée générale « décisive » pour Le Stück. Neuf ans et un mois après la mise en circulation de la monnaie locale, l’association du même nom a dû réfléchir à sa propre suite. « Depuis la loi de 2014, qui autorise les monnaies locales, le contexte a changé et certains membres fondateurs veulent passer la main », explique Tom Baumert, co-coordinateur du Stück. Pour résumer : soit la transition se passe bien, soit le Stück s’arrête.
Changer de prisme
Cette réorganisation de l’association implique une nouvelle équipe de bénévoles pour prendre la main, et passe par une redéfinition de son projet. Désormais, Le Stück ne se définit plus simplement comme une alternative à l’euro, mais comme un réseau d’acteurs et de consommateurs de l’économie sociale et solidaire (ESS).
Car sur le terrain, Tom Baumert constate qu’il est difficile de convaincre les professionnels qui pourraient utiliser le Stück uniquement sur l’argument d’un mode de paiement alternatif. « Les commerces de proximité prennent cher avec l’inflation et l’augmentation du coût de l’énergie. Quand on est occupé à survivre, c’est compliqué de s’investir dans un nouveau projet », estime le coordinateur, qui observe notamment les fermetures de commerces axés sur l’alimentation végétale :
« Dans la pratique, on va dire aux commerçants qu’en rejoignant le Stück, ils s’insèrent dans un réseau qui va prendre en compte leurs besoins, et créer une coopération économique entre eux et d’autres acteurs engagés pour la transition écologique. »
En plus de voir ces initiatives se heurter à des difficultés financières, Tom Baumert note que les professionnels ont surtout besoin de temps pour échanger entre eux sur leurs enjeux propres, par secteur. « On a créé quatre guildes, des groupes de spécialité pour créer un sentiment d’appartenance ».
Un groupe est dédié au vélo, un autre à l’alimentation végétale, un autre encore à l’agriculture et un dernier à la formation en entreprise. « En juin 2024 on a coordonné une journée appelée Festin du turfu, avec les membres de la guilde alimentation végétale. C’était un vrai succès, avec 600 participants et participantes, une association a été créée à l’issue de l’événement », raconte Tom.
Une monnaie qui peine à décoller
En tout, 150 000 Stücks sont en circulation (contre 75 000 en 2021). L’association emploie deux personnes, 24 heures par semaine. Elle a aussi besoin de bénévoles pour gérer l’aspect technique et comptable de la monnaie locale. Selon Tom, l’association compte une cinquantaine de commerces et de partenaires, collectivités inclues, et une centaine d’adhérents. Depuis décembre 2022, Le Stück existe aussi en version numérique et est presque autant utilisé que son homologue papier. « Mais nous avons décidé de garder les deux versions », précise Tom.
Alors qu’en 2025, le Stück aura dix ans, le co-coordinateur défend sa pertinence pour les années à venir :
« On veut continuer de fédérer autour des enjeux de l’économie locale, faire des liens, créer des questionnements politiques sur le système capitaliste. Le Stück est une réponse crédible à ces problématiques, il matérialise le soutien à l’ESS, payer en Stück est un acte qui fait sens. »
Membre du mouvement Sol, qui fédère les monnaies locales en France, Le Stück vieux de dix ans souffre finalement des mêmes maux que ses homologues. « La seule monnaie qui marche super bien est celle du Pays Basque, Eusko, qui a près de cinq millions d’unité en circulation », détaille Tom, qui attribue ce succès à la tendance indépendantiste du territoire et à la force de l’identité locale.
En attendant de changer les statuts de l’association lors d’une AG extraordinaire en février 2025, le co-coordinateur espère attirer de nouveaux bénévoles : « La poursuite du Stück, ça ne se fera pas tout seul ».
L’entreprise chimique Jungbunzlauer veut multiplier par 25 ses prélèvements d’eau pour produire un acidifiant alimentaire. Mais l’Autorité environnementale relève de nombreuses insuffisances dans les études d’impact du projet.
La multinationale Jungbunzlauer souhaite intensifier son activité en Alsace, au point de créer une pression considérable sur la nappe phréatique. Depuis 1992, cette usine chimique élabore de l’acide citrique et lactique, des gluconates, du glucose et de l’érythritol sur son site de Marckolsheim, à soixante kilomètres au sud de Strasbourg. Elle planifie désormais d’adapter ses chaines de production pour se consacrer quasi-exclusivement à l’acide citrique à destination de l’industrie. Cet élément entre dans la composition de divers produits alimentaires comme les sodas, les bonbons ou les arômes.
La fabrication de ce composé implique une forte consommation d’eau et des rejets aqueux pollués. Avant d’obtenir l’autorisation de lancer son projet, l’entreprise doit passer par des étapes administratives. Et Jungbunzlauer a reçu, ce 24 octobre, un avis de l’Autorité environnementale qui s’est montrée très critique. Cette dernière recommande au préfet de « mettre en sursis l’instruction du dossier actuel, voire le rejeter, tant que le pétitionnaire ne l’aura pas repris et complété ».
Bientôt le plus grand consommateur d’eau du Bas-Rhin ?
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Engagée contre les atteintes à l’environnement, la rédaction suit de près les enjeux écologiques et enquête sur les alertes qui lui sont transmises, les suspicions de pollutions, les artificialisations masquées, la qualité de l’air et de l’eau… Sans Rue89 Strasbourg, des projets comme un stade de biathlon dans les Vosges, ou une route sur la colline de Lorentzen seraient bien moins connus des Alsaciens.
Thibault Vetter suit les collectifs militants et associations qui se mobilisent partout dans la région face aux projets écocides comme les entrepôts d’Amazon par exemple. Un travail de l’ombre, qui nécessite beaucoup de contacts et le décorticage de nombreuses alertes.
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Contre la disparition de France 3 Alsace au profit de la marque « ICI », les journalistes de la chaîne locale seront en grève lundi 4 novembre.
Dès le mardi 5 novembre, le logo France 3 Alsace ne sera plus affiché. À la place, les programmes de la télévision régionale seront symbolisés par une nouvelle marque, « ICI ». Cette disparition annoncée du logo France 3 Alsace devait avoir lieu la veille mais cinq syndicats appellent à la grève lundi 4 novembre pour contester ce qui « entraîne pour les équipes à la fois une perte d’identité, un manque de visibilité sur le projet final (de la chaîne, NDLR) et une grande insécurité socio-économique. »
« France 3 Alsace disparaitra brutalement »
La CFDT France TV, la CGT, le SNJ, Force Ouvrière et Sud dénoncent ensemble ce qui « peut être lu comme un premier pas vers une fusion des réseaux de France 3 et France Bleu (…) avec des conséquences sociales très importantes pour les salariés et pour l’emploi, en particulier des jeunes. »
Journaliste à France 3 Alsace, Cécile Poure est aussi délégué syndicale centrale CFDT France Télé. Elle regrette sur cette réforme « un dialogue social niveau zéro » avec la direction du service public. L’opacité qui entoure ce nouveau nom ne peut que susciter l’inquiétude de la syndicaliste et de ses collèges :
« Pour l’instant, on ne sait pas vraiment ce qu’il y a derrière cette marque. S’appeler « ICI », on ne comprend pas. À part pour fusionner à n’importe quel prix, et revendre par pièce, on ne voit pas l’intérêt de la manœuvre. »
Les responsables syndicaux de France 3 Alsace soulignent que le changement d’horaire des journaux télévisés régionaux a déjà perturbé les téléspectateurs. La direction de France 3 a ainsi constaté une baisse de 41 000 téléspectateurs pour les journaux télévisés entre septembre 2023 et 2024, rien qu’en Alsace :
« Pour nos téléspectateurs alsaciens, dont nous avions gagné la confiance au fil de plusieurs décennies, France 3 Alsace disparaitra brusquement et sans préavis le 5 novembre, entrainant une perte de repère brutale pour eux et pour nous. »
La crainte de la fusion
Plus largement, ils craignent que la marque « ICI », commune à France 3 et France Bleu, se substitue à terme aux deux noms de chaîne pour constituer une marque unique :
« En parallèle, à l’instigation des pouvoirs publics, la direction a décidé d’engager des rapprochements entre les réseaux régionaux de France 3 et France Bleu. Ces projets n’ont fait l’objet d’aucune information/consultation des instances concernées. »
Selon Cécile Poure, au-delà du manque de communication sur ce nouveau nom, il y a un manque de préparation du lancement de la « marque » : « On ne sait même pas encore comment on va lancer le journal. Il y a dix jours, la direction réfléchissait au lancement des éditions du 12/13. On va finir par dire : “Bienvenue sur ICI 12/13, diffusé par la marque ICI, sur la chaîne France 3”. »
Au sortir d’une réunion avec la direction de France Télévision, Cécile Poure affirme que les revendications des organisations syndicales n’ont pas été satisfaites. Ces dernières exigent pour les salariés du réseau France 3 :
« l’abandon du projet de l’effacement de France 3 au profit de la « marque » ICI,
la diffusion de leurs programmes régionaux sur France 3, sous la « marque » France 3,
l’assurance du maintien de leur contrat de travail dans France-Télévisions,
le maintien de notre site internet au sein de FTV. Pas de transfert vers Radio-France,
L’arrêt de la publication sur le site francebleu.fr d’articles rédigés par des journalistes de France 3,
Une plus grande lisibilité, rapports et études d’impact à l’appui, des projets de la direction concernant France 3. »
En 2013, le service d’information canadien francophone Radio Canada a opéré exactement le même changement en ajoutant « ICI » devant toutes ses marques, qu’elles soient radiophoniques ou télévisuelles.
L’Alsace compte des dizaines de milliers d’employés d’associations. Des Strasbourgeois ont décidé de créer avec Solidaires une section syndicale pour ce secteur où la souffrance au travail et la précarité sont répandus.
Il n’y a pas que des bénévoles dans les associations. Bien souvent, ces dernières fonctionnent grâce à des salariés qui trouvent des fonds pour des projets, les coordonnent ou les mettent en œuvre. En 2022, les 33 000 associations alsaciennes comptaient 455 000 bénévoles et 54 000 employés. Derrière l’image d’une vie professionnelle épanouissante, en accord avec ses valeurs, cet important secteur professionnel peut créer des conditions de travail particulièrement difficiles.
C’est pourquoi cinq personnes ont fondé la section alsacienne du syndicat Solidaires ASSO (Action des salarié-e-s du secteur associatif) en juin 2024. Quelques mois plus tard, fin octobre, elle est composée d’une vingtaine de membres, quasiment tous basés à Strasbourg. Une initiative visant à apporter des solutions et une protection aux employés d’associations. Beaucoup sont isolés dans de petites structures qui ne respectent pas le droit du travail.
Des employeurs bénévoles et non formés
Léa Staraselski fait partie des cofondatrices de Solidaires ASSO Alsace. Après des contrats dans l’hôtellerie et la restauration, elle a été embauchée par une association en octobre 2021. Cette première expérience s’est mal finie. Son employeur l’a poussée à partir sans motif précis. Elle a dû recourir à un suivi psychologique après ces événements. Depuis novembre 2023, elle a trouvé un cadre plus apaisé au sein de l’association Pour une sécurité sociale de l’alimentation (SSA) – Alsace. Léa Staraselski décrit dans un entretien à Rue89 Strasbourg les dérives du monde associatif et comment l’engagement syndical peut améliorer les conditions de travail.
Rue89 Strasbourg : Pourquoi le secteur associatif fabrique t-il de la souffrance au travail ?
Léa Staraselski : Les associations sont des structures rendues précaires par des décennies de restrictions budgétaires qui induisent une baisse des subventions et imposent de répondre à des appels à projets. Nous sommes de plus en plus soumis aux lois du marché et de la concurrence entre nous. Les fonds ne suffisent pas en général pour les activités réalisées. Donc on se retrouve à avoir une logique de rentabilité, il faut être performant, avec peu d’argent et de moyens humains.
Ce qui est très pervers aussi, c’est le fait que n’importe qui, sans formation, peut faire partie du conseil d’administration d’une association. Cela donne des employeurs qui ne connaissent pas forcément la législation et n’ont pas d’expérience en management. Les directions accordent souvent peu d’importance au droit du travail. Elles peuvent partir du principe que le salarié doit être solidaire, en acceptant un salaire très bas ou en faisant des heures supplémentaires non payées par exemple. Et ce principe peut se retrouver du côté des salariés qui acceptent de se sacrifier pour la cause en estimant qu’ils ont un job passion.
Dans un tel contexte, quelles conditions de travail pouvez-vous observer dans les associations ?
Dans le monde associatif, la souffrance au travail est la règle. Autour de moi, la plupart des gens me disent qu’ils n’en peuvent plus. Concrètement, j’ai un bac +6 et j’ai commencé mon premier emploi dans l’associatif à 1 650 euros nets pour un 35 heures. Par rapport aux autres, j’étais au-dessus de la moyenne, même si mon salaire restait faible. Certains font 60 ou 70 heures par semaine payées 35 heures au SMIC. Fréquemment, les heures supplémentaires ne sont ni récupérées, ni payées.
« Nous sommes beaucoup de surdiplômés qui viennent trouver un sens à leur travail dans l’associatif. »
Léa Staraselski, cofondatrice de Solidaires ASSO Alsace.
Ce travail est réalisé dans l’urgence comme il y a peu de moyens. Et nous sommes souvent très polyvalents, nous passons d’une tâche à l’autre, ce qui implique une grande charge mentale. Moi je suis coordinatrice de projet et je fais tout : des demandes de subventions, de la recherche de partenaires, de la gestion… Nous sommes beaucoup de surdiplômés, entre Bac+5 et Bac+8, qui viennent trouver un sens à leur travail dans l’associatif, et qui peuvent rentrer dans une logique de performance au boulot, au service de la cause.
Selon les activités, on remarque des problématiques de sécurité liées à la négligence des employeurs, qui ne fournissent pas le matériel et les consignes adéquates. Nous n’avons pas de chiffres globaux mais nous constatons des accidents du travail et des burnouts.
Quels sont les domaines associatifs les plus concernés ?
Ce sont les associations qui produisent des biens ou des services et qui ont des salariés en insertion sociale et professionnelle (avec le même procédé que Emmaüs, NDLR). Elles œuvrent dans le BTP, la couture ou encore l’agriculture et doivent trouver un équilibre économique précaire entre les revenus tirés de leurs activités et les subventions. Donc il faut quand même que ça tourne, les employés en insertion sont sous pression et parfois maltraités.
Ils n’ont pas toujours la nationalité. Ce sont des personnes précaires et particulièrement vulnérables. Nous avons des cas de racisme, de harcèlement moral ou sexuel. Des personnes nous témoignent être dévalorisées, parce qu’elles ne parlent pas français, ou elles sont attaquées sur leurs compétences. On leur dit “toi tu ne sais rien faire”. Récemment, un médecin a placé une salariée d’une association strasbourgeoise en invalidité à cause du harcèlement qu’elle subissait.
Comment, dans les conditions d’isolement des salariés du secteur associatif, est-il possible de créer un rapport de force grâce à un syndicat ?
La présence de notre section syndicale permet déjà à des personnes d’avoir un appui et des conseils. Personnellement, je consacre deux heures par semaine à assurer une permanence en répondant à des mails. Je donne des conseils aux personnes qui nous sollicitent. Nous aurons bientôt une ligne téléphonique. Pour l’instant, nous ne sommes pas encore très connus. On a un nouveau salarié d’association par semaine qui fait appel à nous. Nous faisons également de l’accompagnement avant les procès aux Prud’hommes.
« Ne pas être payé ou ne pas récupérer des heures supplémentaires, c’est illégal. »
Léa Staraselski, cofondatrice de Solidaires ASSO Alsace.
On remarque que, très régulièrement, les élections professionnelles ne sont pas organisées alors qu’elles le devraient dans les associations d’au moins onze employés à temps plein. Donc on conseille aux salariés d’exiger la tenue de ces élections pour imposer un dialogue social. C’est leur droit. Les salariés d’une association sont indispensables à son fonctionnement. S’ils s’unissent, le rapport de force est en leur faveur. Et nous les encourageons à adhérer à Solidaires ASSO, parce que la protection syndicale peut leur permettre de faire grève et d’avoir des revendications plus facilement. De manière générale, plus on est nombreux, au sein de chaque association et dans la région, plus on peut se soutenir et plus on est puissants.
Conseil aux petites structures
Ce qui est nécessaire dans le contexte des associations, c’est aussi d’autonomiser les salariés. Notre but est de les former, de leur montrer quels sont leurs leviers d’action, pour qu’ils connaissent et revendiquent leurs droits. À titre d’illustration, ne pas être payé ou ne pas récupérer des heures supplémentaires, c’est illégal. Ces situations peuvent vite cesser si les personnes le demandent à leur employeur. Et si ce dernier refuse, elles peuvent appeler l’inspection du travail, ce qui contraint la direction de l’association à respecter le droit.
Les salariés d’associations de moins de onze employés ne peuvent pas avoir de CSE (comité social et économique, NDLR). Mais nous les appelons à voter, du 25 novembre au 9 décembre, pour les élections des représentants des TPE-TPA (très petites entreprises ou associations, NDLR) à la Commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR). Cette instance intervient dans les conflits entre employeurs et salariés. Cela peut vraiment aider d’y être bien représentés, surtout dans les cas où les salariés sont isolés face à leur direction.
Fin juin, Sciences Po Strasbourg a voté la fin du partenariat avec l’université israélienne Reichman. Une décision prise au terme d’un débat qui a divisé le conseil d’administration.
La décision a été votée lors du conseil d’administration du 24 juin. Mais les membres de la liste Solidarit’Étudiante ont attendu plus de quatre mois avant d’annoncer l’issue d’un vote extrêmement sensible : Sciences Po Strasbourg a mis fin à son partenariat avec l’université israélienne Reichman, une institution privée installée à Tel-Aviv. « On ne voulait prendre aucun risque », affirme un représentant de la liste Solidarit’Étudiante au conseil d’administration de l’Institut d’Études Politiques (IEP) : « C’est une motion qui a eu du mal à passer du côté de la direction. Donc on a voulu attendre que la délibération soit définitivement validée. »
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Après dix ans passés en Alsace, Albert, 24 ans, s’y sent chez lui. Mais le jeune apatride vient de recevoir une obligation de quitter le territoire français.
Albert Hasimi vient de rentrer du travail. Le jeune de 24 ans a passé la matinée à s’occuper du jardin de quelques propriétaires aisés du côté d’Illkirch-Graffenstaden ou de Bischwiller. En début d’après-midi ce lundi 28 octobre, le Strasbourgeois accueille dans un appartement mis à disposition par l’association Caritas Alsace. Il témoigne pour alerter celles et ceux qu’il a rencontrés à Strasbourg : mardi 29 octobre, Albert sera au tribunal administratif à partir de 13h30. Il espère y faire annuler une obligation de quitter le territoire français (OQTF) datée du 18 octobre 2024.
« Je suis bien intégré ici »
« Si j’étais un délinquant, je comprendrais qu’on cherche à me renvoyer. Mais je suis bien intégré ici. J’ai deux promesses d’embauche et une quinzaine de lettres de soutien », plaide Albert. Il témoigne volontiers de son passage par la maison des adolescents et son dispositif « James ». Le projet lui a permis d’accéder à des ateliers et à des stages dans des structures associatives strasbourgeoises. Ainsi le jeune homme souriant et volontaire a découvert la soudure à la Fabrique à Koenigshoffen. Il a aussi aidé à la construction de décors pour le festival Gibouloff au Molodoï.
Ophélie Aline-Meyer était la référente du jeune homme à la Maison des adolescents. Elle se souvient d’un jeune « toujours force de proposition, très doué sur le plan intellectuel, avec une grande imagination et une capacité à comprendre et s’adapter ». Après avoir appris qu’Albert se trouve sous OQTF, elle cherche à mobiliser celles et ceux qui ont croisé le jeune pour le soutenir lors de son audience devant le tribunal administratif.
« Où peuvent-ils m’envoyer si je suis apatride ? »
Albert Hasimi
Sur son téléphone, Albert Hasimi montre une attestation consulaire de la République du Kosovo comme son seul viatique. Le document, établi en avril 2023, affirme que le Strasbourgeois de 24 ans « ne figure pas dans les registres d’état civil de la République du Kosovo ». Et le jeune homme de se demander : « Où peuvent-ils m’envoyer si je suis apatride ? »
« Tout ce que je veux, c’est la liberté »
Dans la famille d’Albert, une première OQTF a été appliquée en 2023. Après deux demandes d’asile refusées, son père a été renvoyé au Kosovo. Albert raconte le choc lié à ce départ forcé :
« Pour mon père déjà, c’est dur. Il n’a plus de famille au Kosovo. Donc il doit dormir chez un ami. Il veut revenir mais il n’en a pas le droit. Pour ma mère, c’est très dur aussi. Cette OQTF et la mienne maintenant, ça la stresse énormément. Maintenant, c’est moi l’homme de la maison. J’arrive difficilement à ramener 700 euros chaque mois. Mais heureusement que Caritas et les Restos du coeur sont là. C’est grâce à eux qu’on vit. »
Albert espère obtenir l’annulation de son OQTF par le tribunal administratif de Strasbourg. Une telle décision serait un premier pas vers une régularisation de sa situation : « Mon avocat m’a dit qu’ensuite je pourrai faire une demande d’autorisation de travail. Tout ce que je veux, c’est avoir la liberté de me déplacer, de passer mon permis et de travailler. »